mardi, août 11, 2015

La méditation des ascètes du Shugendo


Le 10 août 2015, le thème de l'émission de France inter « ça va pas la tête » est : « La méditation, ça m'énerve ».

Les participants sont : Fabrice Midal, directeur de l’école occidentale de méditation, auteur d’un Que sais-je ? consacré à cette pratique, le psychiatre Christophe André, auteur de « Méditer jour après jour, 25 leçons pour vivre en pleine conscience », l’écrivain Bernard Werber et Aline Perraudin, directrice de Santé magazine.

Pour Aline Perraudin, « La méditation ne convient pas à tous. » Elle rapporte une étude réalisée par son magazine. « La méditation n’est pas une pratique facile, parce qu’on ne sait pas forcément à qui s’adresser, mais surtout les personnes qui se lancent en attendent parfois trop ».

Dans son livre, « Budo ésotérique ou la voie des arts martiaux », Michel Coquet expose les bases de la méditation des ascètes du Shugendo, sans omettre de rappeler que méditer est sans danger pourvu que soient respectées les règles simples qui régissent cette pratique. En réalité, selon Michel Coquet, « la méditation est dangereuse et sans profit s'il n'y a pas les bases de bonnes qualités ; les fondations d'une vie pure. La méditation est dangereuse si, par nos tendances, elle devient le moyen servant à amener les énergies dans le but de stimuler les éléments indésirables de la vie de l'homme. Elle est dangereuse si elle est la nourriture du désir de puissance et de croissance personnelles et que les vrais motifs sont faux. Elle est dangereuse si elle devient un moyen de développer l'égoïsme et de nourrir l'orgueil. »

"
C'est à l'université de Koya-san (près de Kyoto), écrit Michel Coquet, qu'il me fut donné de rencontrer un groupe d'étudiants se préparant à devenir des moines de l’école Shingon. Certains membres de ce groupe s'entraînaient au karatédo et recevaient un enseignement privé sur cet art, par l'intermédiaire d'un maître de temple, du nom de Heiya. C'est du moins de cette manière qu'il voulait être appelé par ce groupe.

Je n'eus que peu de contacts avec le groupe lui-même, car je ne restais jamais très longtemps à Koya-san. Mes relations avec Heiya Sensei furent cependant très riches. Lorsque je revins en France, Heiya Sensei, qui connaissait mon désir d'enseigner le budo traditionnel en Europe, me dévoila une méthode de méditation.

Cette méditation est appelée Seishin. Selon Heiya Sensei, cette technique n'avait jamais été enseignée autre part que dans des groupes très clos, appartenant plus ou moins aux ascètes du Shugendo. Il me dit aussi que cette méditation était comparable au Zen, et peut être pratiquée par tous, sans danger, pourvu que soient respectées les règles simples qui la régissent.

Seishin est un mot composé de deux idéogrammes Sei : l'esprit, et Shin : le cœur. Il est difficile de connaître l'exacte signification du mot en lui-même, mais il semble que Heiya Sensei entendait par Sei : l'énergie du principe vital et par Shin : ce qui se rapporte au sentiment élevé de la conscience.

Seishin, indique à la fois un principe de vie et de conscience. Quoi qu'il en soit, Seishin renferme un pouvoir réel lorsqu’il est pratiqué régulièrement. Les effets sont divers et toujours propres aux individus qui la pratiquent.

Lorsqu'il est raisonnablement appliqué et que le méditant parvient à une certaine maîtrise, on peut être à même de réduire son temps de sommeil. 


D'autres effets arrivent rapidement: l'oubli total du corps, l'arrêt presque total de la respiration. Et lorsque la notion de temps, d'espace, de lieu ont disparu, il ne reste que le Soi. « Il ne sait qui il est, mais cependant, il est ». La réalisation du Soi émerge alors, progressivement pour certains, dans une expérience soudaine pour d'autres.

Cette méditation est fort simple. Elle est unique et sa forme extérieure peut lasser celui qui n'est pas motivé. Seul l'ego se lasse, « Le Soi est un puits sans fond qu'il faut pénétrer sans cesse ».

« Celui qui se lasse, est comme un homme qui joue près d'un portail, il finit par se lasser de l'endroit, mais il ne fait pas l'effort de passer le portail pour découvrir les trésors illimités du château. ». Enfin, un dernier mot : la méditation Seishin résume en elle-même les cinq étapes qui mènent l'aspirant aux portes de la libération, puisqu'en effet, au fur et à mesure de sa pratique, lui sont donnés intérieurement et extérieurement les éléments essentiels nécessaires à l'aboutissement de ses projets spirituels.

Ces cinq étapes peuvent être ainsi énumérées :

1. La concentration : l'acte par lequel nous concentrons notre intellect et ainsi apprenons à en faire usage.

2. La méditation : la concentration prolongée de l'attention, dans toute direction donnée, la fixation persistante du mental sur une idée déterminée.

3. La contemplation : une activité de l'âme, détachée du mental, qui est maintenue au repos.

4. L'illumination: le résultat des trois étapes précédentes, impliquant l'apport à la conscience cérébrale du savoir acquis.

5. L'inspiration: le résultat de l'illumination, tel qu'il se manifeste dans une vie de service.
La pratique du Seishin

1. La méditation est une concentration soutenue.

La première étape consiste à s'asseoir sans aucune tension, en demi-lotus ou sur une chaise, l'important étant d'avoir une colonne vertébrale bien droite. Les mains reposent à plat sur le haut des cuisses. La tête est droite, le menton légèrement rentré. Sur une chaise, utilisez un coussin, afin que les genoux soient plus bas que les hanches (ce qui permet au ventre–hara de s’épanouir).

Commencez par respirer calmement avec le ventre, ne forcez pas votre respiration, observez-la tout simplement. Le calme apaisera tout naturellement votre respiration. La meilleure posture pour méditer est celle qui facilite l'oubli du corps.

2. La méditation se fait le matin à jeun et le soir avant de se coucher.

Choisissez toujours le même endroit, si possible un endroit tranquille, aéré, ni trop chaud, ni trop froid. Dix minutes sont suffisantes au début. Plus tard, vous pourrez sans peine y consacrer une petite heure. Faites toujours la méditation bien relaxé, cela vous évitera de pénibles migraines. Les yeux sont fermés et le mental est entièrement dirigé vers le point au centre des sourcils (ajna chakra).

3. Lorsque le corps est oublié, que le plexus solaire est calmé, sans émotion ou angoisse et que la conscience s'est élevée vers le point au centre des sourcils alors vous pouvez commencer votre méditation.

4. L'action requise consiste à suivre l'inspir et l'expir en chantant mentalement (sans remuer la langue ou les lèvres)

• SEI : au moment de l'inspiration.
• SHIN: au moment de l'expiration.

Il est fondamental de maintenir ferme sa concentration et de ne pas permettre aux pensées vagabondes de s'interposer entre vous, le penseur, et Sei-Shin, le Japa-Mantra. Avec l'habitude, le corps tout entier se relaxe et la respiration devient lente et silencieuse.

Heiya Sensei me conseillait de me visualiser au bord de la mer et de respirer au rythme du ressac :

• inspirer : Sei avec la venue de la vague, en s'identifiant à elle;
• puis expirer : Shin lorsque l'eau repart.

« Plus tard, disait-il en souriant, il faudra oublier la marée et plonger dans les profondeurs de l'océan, là où disparaissent le bruit et Ici lumière, là où se troupe le Soi. »

L'essentiel de cette méditation est de rester, face à la respiration, un observateur froid et attentif au fur et à mesure que celle-ci devient longue et imperceptible, jusqu'à disparaître totalement. Alors, sans perdre conscience, comme dans le sommeil, votre Soi réel commencera à devenir pour vous une réalité. Il aura conscience d'être, sans plus. La moindre envie de vouloir analyser l'expérience brisera le charme et il faudra recommencer. Ainsi, progressivement, le Soi se dissociera du non-soi (la personnalité terrestre et le sens du « je »).

Le SEI et le SHIN doivent être chantés à l'intérieur du front: comme si l'océan s'y trouvait. C'est là une tâche ardue. Aussi, ne vous énervez pas, ne vous irritez pas, n'abandonnez pas, le mental serait trop heureux de vous avoir vaincu et, avec le sourire, tranquillement mais fermement, ramenez votre pensée sur le Sei-Shin, quoi qu'il arrive, car après tout il vous faudra un jour devenir ce maître recherché et on ne peut espérer y parvenir avant d'avoir atteint la maîtrise du mental.

5. Si vous continuez avec persévérance et opiniâtreté, des résultats apparaîtront après trois ou six mois de pratique, ou peut-être avant.

De jour en jour, la méditation deviendra profonde et, sans perdre conscience de votre réalité, vous perdrez la notion de temps et d'espace. Vos sens seront déconnectés de votre mental et ne filtreront plus les informations de l'extérieur. C'est là un stade important car les intervalles entre l'inspir et l'expir augmenteront au point que la respiration deviendra si faible que l'invocation du Sei-Shin sera entrecoupée d'un long silence, ce silence s'appelle Munen-Mushin.

6. Que faire pendant ces instants bénis de vrai silence ?

Surtout ne faire aucun effort, et continuer ce silence par le silence. Sei-Shin lui-même tend à disparaître pour laisser place à la félicité du mental pur. C'est cela la conquête du Soi. Au fur et à mesure que ces étapes se prolongent, la connaissance du Soi imprègne le mental qui n'est plus et le cerveau peut faire l'expérience consciente et objective de la soi-conscience, dont aucun mot ne peut décrire la force, la beauté et la profondeur.

Il importe seulement que le silence soit naturellement consacré à la divinité, quelle que soit la manière dont chacun puisse se la représenter (le Tout, l’Univers, la nature pour le panthéiste, Ishvara pour le yogi, Bouddha pour le bouddhiste, etc.) et de ne pas adorer le moyen, la méditation Sei-Shin, en oubliant le but, le silence du Soi.

7. Lorsque vous parvenez au silence, sans pour cela perdre conscience un seul instant de votre vraie nature, alors vous avez atteint le stade dit de « contemplation ».
L'illumination et l'inspiration viendront alors en leur temps, et selon les voies mystérieuses de la divinité.

Quelques effets du Sei-Shin

Au premier degré.

Comme cela a été dit, la méditation permet le contrôle des instincts du corps, telle que la possibilité de rester plusieurs jours sans manger (sans ressentir ni faim ni faiblesse excessive). Colère et irritation disparaissent. La peur est supprimée ainsi que la timidité, l'énergie sexuelle est mieux contrôlée.

Au second degré.

Le Sei-Shin permet le développement de la vacuité, de sentir l'autre, d'unir le yang et le yin, c'est-à-dire l'âme et la personnalité alignée, celle-ci devenant un instrument parfait au service des plus hautes aspirations spirituelles pour le bien du monde.

Au troisième degré, la méditation produit :

1. Un rapport entre l'âme, le mental et le cerveau.
2. Une puissante vitalisation
3. Une nouvelle orientation de la vie intérieure.
4. Un mental concentré.
5. La capacité de construire des formes-pensées par l'art de la visualisation.
6. Le transfert de l'énergie des centres inférieurs vers les centres supérieurs.
7. La manifestation d'événements objectifs.
8. Par la méditation, l'âme impose ses conceptions au mental limpide et réceptif.

Mais la méditation Sei-Shin est dangereuse et sans profit s'il n'y a pas

• les bases de bonnes qualités ;
• les fondations d'une vie pure.

La méditation est dangereuse si, par nos tendances, elle devient le moyen servant à amener les énergies dans le but de stimuler les éléments indésirables de la vie de l'homme.

Elle est dangereuse si elle est la nourriture du désir de puissance et de croissance personnelles et que les vrais motifs sont faux.

Elle est dangereuse si elle devient un moyen de développer l'égoïsme et de nourrir l'orgueil.

Bien entendu, le thème de la méditation ne s'arrête pas à la technique mais inclut le domaine de l'expérience personnelle, un domaine où chacun sera responsable de sa propre progression."





Budo ésotérique ou la voie des arts martiaux





mercredi, juillet 29, 2015

Pour l'Eveil


« Dans la vie, il n y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent.»

Saint-Exupéry

L'Eveil est l'orientation première. Selon tous les témoignages passés et présents, il se traduit toujours par une transfiguration de la totalité de l'être : corps, âme et esprit.

Les témoins sont unanimes pour affirmer qu'aucune technique ne peut produire l'Eveil (avec une majuscule). Les techniques produisent parfois des éveils (avec une minuscule) fragmentaires et temporaires. La seule possibilité réside dans la préparation du terrain où la transfiguration pourra s'opérer. S'il est impossible de « faire silence », on peut toutefois supprimer les bruits. Ce travail préparatoire s'effectue simultanément sur le plan de l'Intelligence, de la compréhension subtile et sur le plan de l'âme, de la psychologie bien comprise. Pas d'Eveil sans Intelligence. Celle-ci (avec majuscule) n'a pas grand' chose à voir avec l'intelligence « intellectuelle ». L'intellectualisme est en effet un handicap sérieux sur le Chemin. Il disparaîtra lors de l'avance. L'Intelligence est inséparable de la subtilité. Tout ce qui favorise la subtilité est à accueillir. Tout ce qui élargit le champ de vision est bienvenu. Pas d'Eveil sans ouverture d'esprit, sans sens de l'humour.

Pour développer cette Intelligence subtile, on peut étudier les grandes spiritualités et traditions (le Paganisme antique, la théologie apophatique orthodoxe, le Védanta, le Tantra, le Bouddhisme, le Soufisme), les grands philosophes (Heidegger par exemple), de grandes œuvres littéraires (Pessoa ou le subtilissime Jünger), les Poètes (Char), l'ésotérisme (Gurdjieff, Crowley, etc.) et des inclassables comme Abellio, Carteret, Stephen Jourdain. « Il y a plus d'une sagesse et toutes sont nécessaires au monde » a écrit Yourcenar.

Nul besoin de tout lire, de tout étudier : il s'agit de bien lire. De la compréhension subtile naît le sens du discernement. La Spiritualité n'est pas le spiritualisme et la Tradition n'est pas le traditionalisme. Tous les systèmes religieux et philosophiques peuvent être étudiés en sachant qu'ils sont tous sans intérêt au regard de l'essentiel. Le chemin est jonché de paradoxes. Outre l'étude théorique, il est possible hic et nunc de rencontrer certains témoins de l'Eveil. Là on change de dimension : la motivation peut devenir très forte. Un authentique Eveillé attise le feu intérieur de celui qui vient le trouver... pour peu que cette flamme existe en lui. Pas d'Eveil sans

travail psychologique. L'Eveil ne peut survenir chez des individus psychologiquement délabrés ou névrosés tels que le monde moderne en engendre toujours davantage. La névrose se traduit par une structure caractérielle rigide qui sert à contenir un certain nombre d'émotions que l'on n'a guère envie de ressentir. Ses modalités sont multiples – le style écorché ou renfermé – , mais l'aspect figé est toujours là. Le névrosé joue toujours la même musique. On en trouve à gauche comme à droite et surtout aux extrêmes. « Même merde, parfums différents », disait Gurdjieff.

Avant tout, il faut retrouver une santé psychologique et corporelle certaine. Illusoire est à cet égard la croyance, forme subtile de superstition, que la pratique de techniques souvent issues de l'Orient (Yoga, Zen...) dispensera du travail psychologique bien compris. Ces techniques sont apparues dans un contexte traditionnel où l'homme moyen pouvait être considéré comme « normal ». Elles donnaient alors des résultats. Il en va autrement aujourd'hui : celles-ci sont généralement inopérantes et un grand nombre de centres spirituels conseillent de commencer par un travail sur soi avant de fantasmer sur des réalités « plus élevées ».

Il existe beaucoup de livres sur ce travail qui autorise une véritable connaissance de soi et qui permet de développer une vertu première sur le chemin : l'Attention. Le monde moderne a fourni le poison et le contrepoison. On peut faire feu de tout bois (Jung, Reich, Groddeck) mais il est impossible de se contenter de lire. Pour avancer, il faut s'exposer. Inévitablement, les peurs se réveillent. Le choix est là : tourner en rond ou poursuivre le chemin ?

L'efficacité du travail psychologique, liée à l'énergétique, fait que certains ne jurent plus que par ce travail. Ils tombent dans un réductionnisme qui finira par les lasser. Toujours garder à l'arrière-plan la perspective spirituelle. Les enseignements de Graf Dürckheim et d'Arnaud Desjardins sont très précieux à ce sujet. La capacité de passer de la mesure à la démesure et son contraire, la souplesse alliée à la fermeté sont des signes d' une bonne santé intérieure. Si ce Travail est accompli, tout deviendra possible et nous verrons que « le miracle est la substance dont la vie se nourrit », pour reprendre une belle parole de Jünger.

En 1994, le groupe de prospective Hélios envoya ce texte à la revue Antaios qui le fit paraître la même année.

mardi, juillet 28, 2015

Le chef du pouvoir occulte





E
n 1907, une brochure anonyme, intitulée LE DIABLE ET SES SUPPOTS AU CONGRÈS DE L'OCCULTISME, dénonçait le complot des initiés :

« Le chef actuel du pouvoir mystérieux, caché, secret, en un mot occulte, qui exerce sur les hommes un pouvoir funeste, si terrifiant, se nomme B..., rédacteur en chef du Voile d'Isis. Il est de plus homme du meilleur monde, socialiste, athée, graphologue, chiromancien, magnétiseur.

Il n'a point créé lui-même cette secte méchante, subtile, qui exploite adroitement et impunément les hommes de bien ; il a seulement reçu par succession élective la science et les secrets de ses prédécesseurs, sans lesquels secrets il ne pourrait point conserver ses pouvoirs.

Il organise actuellement un Congrès de l'Occultisme, où, profitant de ses nombreuses relations dans le monde, il espère créer un mouvement dont il deviendrait le chef le plus puissant et le plus écouté. Il est associé dans cette œuvre néfaste au Docteur P..., directeur de l'Initiation et auteur de la Magie pratique, monsieur dont la réputation surfaite et la moralité professionnelle font la joie de tous ceux qui le connaissent.

Ces deux messieurs sont aidés dans leur œuvre ténébreuse par un tout jeune homme, nommé M..., auteur d'un miroir magique, véritable œuvre de Belzébuth dénommé prétentieusement le Visionomos, il est également l'auteur d'un procédé de divination dit la Visionomonie.

Ces trois suppôts de Satan s'entendent à merveille pour faire le mal, mais si le dernier nommé est encore peu méchant, tout en étant le digne élève de ses maîtres, le second l'est terriblement, tandis que B... est le crime en personne.

Cette secte existe depuis les premiers âges du monde, se basant sur la tradition Hébraïque. Les dieux Païens, Saturniens et Jupitériens, furent les dieux mystérieux des criminels. Le Léviathan, précurseur de Job, fut également l'un de ses chefs. Satan, prince des ténèbres, contre lequel Jésus-Christ s'élève si souvent, dirigeait, de son temps, la société secrète des criminels. Enfin, lorsque le peuple parle du Diable, il fait allusion, sans s'en douter, à cet être mystérieux, à ce chef honteux des méchants.

Ainsi B... est le chef réel de la secte secrète des méchants. Il est le serviteur du Diable de notre époque. Il est aussi Adepte, c'est-à-dire grand Initié, ce dont il ne se vante guère.

Le diable est un homme qui boit et mange comme tous les humains. Il vit au milieu de nous, mais il cache avec soin son titre de chef du pouvoir honteux, Il exerce le pouvoir avec tant de mystère, que le peuple ignore que certains des maux dont il souffre et qui l'accablent sont préparés par lui. Mais ce diable rejette ses crimes tantôt sur les Jésuites, tantôt sur les politiciens selon les événements et les circonstances, afin que le peuple ne songe jamais à remonter jusqu'à lui. Le peuple sait cependant que l'influence des Jésuites et des politiciens disparaît tout à tour, et que les grands crimes se renouvellent sans cesse. [...]

Ces suppôts de Satan, [...] tels des magiciens, commandent à l'invisible, au moyen de certains pentacles et de formules chimiques ; ils arrivent à bouleverser le monde ; chevaliers de la mort, ils sèment la ruine et la tristesse partout où ils passent, tels des vampires, ils ne peuvent se passer de victimes ; point n'est besoin pour eux dans leurs évocations de cercles, de costumes, de lieux spéciaux, quelques parfums, baguettes, couteaux, employés sur un rite spécial, sont tout leur arsenal. Savoir, vouloir, oser et se taire, telle est leur maxime. »

A.-V., occultiste désabusé, LE DIABLE ET SES SUPPOTS AU CONGRÈS DE L'OCCULTISME, PARIS, 1907.




mardi, juillet 14, 2015

Tourner le regard en soi et réaliser l'unité primordiale

Selon des commentaires de Thomas Cleary du manuel de méthodes de clarification de l'esprit intitulé Le secret de la Fleur d'or.

L'art du retournement de la lumière

Cet "art" était enseigné par le taoïsme de la branche nord, influencé par le bouddhisme chan. Il exclut les systèmes de manipulation physiologique de l'énergie tels que les enseigne le taoïsme de la branche sud, influencé par le bouddhisme tantrique.

Le « retournement de la lumière » consiste à mentalement « tourner le regard » en soi, vers la source de la conscience.

Quand la lumière, qui représente la fonction de la conscience inconditionnée, est « retournée » et dirigée vers sa propre source, l'esprit se dégage de l'influence de l'environnement et des facteurs psychologiques. Avec entre autres pour conséquence que l'énergie physique est conservée et purifiée, du fait même qu'elle n'intervient plus de manière conflictuelle dans les états intérieurs ou extérieurs.

Ce retournement permet d'accéder à un état mental libre de l'influence du conditionnement temporel. Le retournement correctement effectué permet d'être au-delà de tous les états méditatifs provoqués.

En dehors du retournement de la lumière, il n'y a pas d'exercice spécial qui permette de restaurer l'intégrité primordiale.

L'esprit originel et l'esprit conscient

La distinction entre l'esprit originel et l'esprit conscient est la suivante. Tandis que l'esprit conscient est historiquement conditionné, l'esprit originel est l'essence même de l'intelligence. (Intelligence au sens étymologique d'entendement, faculté cognitive)

L'esprit conscient correspond à un ensemble de modifications de l'intelligence primordiale, l'esprit originel représentant l'essence de cette intelligence première. Une essence qui transcende l'organisation primordiale, à savoir qu'elle est par nature encore plus fondamentale que les grands types de modifications pouvant affecter la conscience.

« Voir l'essence » et le « visage originel » sont deux termes du bouddhisme chan qui correspondent à l'expérience de l'esprit primordial. Cette expérience ne peut-être comprise que lorsqu'on la fait soi-même.

Donner la primauté à l'esprit originel fait que l'esprit conscient reprend sa place de subordonné. En effet, l'esprit conscient (celui qui pense) est en principe le serviteur de l'esprit originel, mais il a tendance à centrer toute son activité sur lui-même, au point qu'il finit par apparaître comme une entité indépendante.

Retourner la lumière de la conscience pour qu'elle devienne consciente de sa propre source permet à l'esprit de se libérer de l'intérêt obsessionnel qu'il porte à ses propres fabrications. Cela permet de maîtriser et d'ordonner l'esprit conscient sans forcer, simplement en maintenant la position centrale de l'esprit originel.

Il n'est nullement question d'oblitérer l'esprit conscient (l'esprit qui pense, qui imagine, qui rêve et qui éprouve des émotions).

Chez le « libéré vivant », la pensée, l'imagination, le rêve et l'émotion ne sont pas supprimés, mais ces facultés sont placées sous le contrôle de la source qui les nourrit et elles deviennent des moyens d'expression de cette énergie.

« L'énergie de la véritable unité primordiale » représente le flux vivant des cycles perpétuels de l'évolution naturelle dans laquelle tout être et toute chose participent de la vie du reste. Le Tao exprime l'idée de l'unité primordiale en ces termes : « Tous les êtres sont fondamentalement forme et énergie. La forme et l'énergie sont fondamentalement esprit. L'esprit est fondamentalement ouverture totale. Le Tao est fondamentalement le non-être ultime. Là se trouve le changement. »

Le corps

L'énergie s'affranchit de l'âme inférieure, c'est-à-dire qu'elle se détache du sentiment d'être un corps « solide » (doué d'une réalité matérielle), physiquement présent dans un monde « solide » (ayant une réalité matérielle). Lorsque l'énergie se libère de l'attachement obsessionnel au corps et aux émotions grossières, elle peut servir à restaurer l'intégrité de l'esprit originel.

La maturation

Grâce à l'exercice régulier du retournement de la lumière, une sensation d'ouverture et d'espace apparaît, ainsi que la présence de l'énergie dans l'infinitude de l'esprit qui a fusionné avec le ciel.

Le retournement de la lumière coupe court à l'imagination vagabonde et élimine les habitudes compulsives en les arrêtant à la source même.

Le processus de maturation qui suit l'éveil initial produira le corps spirituel naturel.

Durée

« La lumière est facile à mettre en mouvement mais difficile à stabiliser. Une fois retournée pendant un certain temps, elle se cristallise. C'est cela, le corps spirituel naturel, celui qui stabilise l'esprit au-dessus des neufs cieux. » (Le secret de la Fleur d'or). L'expression « au-dessus des neuf cieux » décrit un état mental libre de l'influence du conditionnement temporel.

Une période de cent jours est nécessaire pour ériger les fondations en stabilisant l'« ouverture » à l'esprit originel. Il se peut bien entendu que le temps réel soit différent, auquel cas le critère déterminant la durée sera la production de l'effet recherché.

L'accomplissement spirituel surgit de lui-même et on ne peut l'attendre, car il n'est pas le produit d'une imagination subjective. L'espoir et les attentes du disciple ne font que gêner l'action spontanée du potentiel qui se réalise pour devenir accomplissement.

Le fait de déterminer à l'avance la durée de la session de retournement de la lumière peut avoir des effets négatifs en transformant en rituel automatisé ce qui devrait être une technique libératrice. Les adeptes japonais du zen et leurs émules occidentaux donnent souvent l'impression d'avoir une conception quantitative de la méditation, alors que l'aspect qualitatif est la préoccupation essentielle de l'art du « retour » à la nature de l'esprit.

Les méditants ont tendance à mettre surtout l'accent sur la méditation assise, bien que les enseignants qualifiés aient souligné que l'attachement au calme peut avoir de graves inconvénients, tant au plan mental que physique. Si l'on ne s'adonne à la pratique du « retournement de la lumière » que dans certaines conditions ou au moyen de posture spécifique, on risque de ne pas savoir l'intégrer complètement au quotidien, ce qui peut entraîner une sorte de scission de la personnalité.

L'esprit & le souffle

« Les débutants souffrent généralement de deux sortes de maux : la torpeur (engourdissement de l'esprit qui fait oublier l'objet de l'attention) et la distraction. Il existe un moyen de s'en débarrasser qui consiste simplement à laisser l'esprit se poser sur le souffle. »

Quand l'esprit s'excite, la respiration s'accélère ; quand l'esprit est calme, il en va de même pour le souffle.

Les débutants apaisent l'esprit grâce à la respiration.

"Mais, les plus avancés, parviennent à rester dans la nature de l'esprit dans toutes les circonstances de la vie et laissent se dérouler en pleine liberté toutes sortes d'activités, qu'il s'agisse de mouvement de colère, de course effrénées en tout sens, d'actions parfaitement neutres, d'activités ordinaires consistant à se nourrir, marcher, s'asseoir, danser, fabriquer quelque chose, etc. (Les Instructions du Vainqueur Éternel, manuel de « méditation » des dzogchenpa bönpo.)" *

A ce stade, « Le secret de la fleur d'or » parle de maîtrise : « Trouvez la maîtrise de jour, et vous l'utiliserez de nuit. Trouvez la maîtrise de nuit, et vous l'utiliserez de jour. »

La « maîtrise » signifie une stabilisation de la conscience supérieure telle qu'on soit capable d'effectuer le retournement de la lumière à volonté et en toutes circonstances. Nous retrouvons ici l'un des préceptes du dzogchen bönpo exposé dans « Les Instructions du Vainqueur Éternel » (voir plus haut) **.

Erreurs dans le retournement de la lumière

S'égarer dans le quiétisme et le nihilisme.

Un état de tranquillité sans pensée peut conduire dans des impasses sans même s'en rendre compte.

Rester immergé dans le néant ou l'indifférence.

Le lâcher prise qui va jusqu'à la torpeur.

Se laisser distraire par les expériences qui surviennent durant la contemplation.

Croire que le but a atteindre est l'arrêt complet de la pensée.

Expériences qui authentifient le retournement de la lumière

L'esprit est lucide et calme.
Un sentiment de bien-être apparaît.
Les passions disparaissent.
L'altruisme supplante l'égoïsme...


Méthode vivante du retournement de la lumière

Une « méthode vivante » est une méthode bien adaptée aux besoins de chacun et bien intégrée au quotidien, à la différence d'une « méthode morte » qui consiste à se livrer mécaniquement à une routine.

Le texte souligne à plusieurs reprises que l'ouverture de la conscience élargie connue sous le nom de « fleur d'or » n'est pas le simple résultat de la pratique régulière d'exercices yogiques répétitifs.


Il est inutile d'abandonner ses occupations ordinaires.

* et **, notes de Félicie.

samedi, juillet 11, 2015

Le 17e karmapa accusé de blanchiment

Ogyen Trinley Dorje, 17e karmapa et dauphin du dalaï-lama, est accusé de blanchiment d'argent en Inde.


Un million de dollars en devises étrangères


Un juge de la Haute Cour de l'État de l'Himachal Pradesh (nord de l'Inde) a ordonné mercredi de rouvrir une enquête criminelle contre Ogyen Trinley Dorje, consécutive à la découverte d'environ un million de dollars en devises étrangères lors d'une descente de police dans un monastère bouddhiste il y a quatre ans. Des poursuites pour complot criminel avaient été ouvertes contre lui à la suite de cette perquisition, mais un tribunal avait ordonné l'abandon de ces poursuites en 2012, une décision qui a été renversée mercredi en appel. "La décision contestée du 21 mai 2012, prise par le magistrat d'Una, est annulée", a dit le juge Sureshwar Thakur dans un jugement consulté par l'AFP.

Le chef de la police locale Anupam Sharma a confirmé avoir entamé la réouverture de l'enquête. "Nous avons déjà déposé un procès-verbal d'accusation contre lui auprès du tribunal", a dit Sharma à l'AFP, ce qui signifie que la police a déposé un résumé des indices visant le suspect auprès du tribunal. La police avait perquisitionné en janvier 2011 le monastère, situé dans la ville de Dharamshala dans l'Himalaya, retrouvant des billets de 26 devises différentes, et en particulier des yuans chinois pour un montant de plus de 100 000 dollars.

Le 17e karmapa de l'école Karma Kagyu

Cette descente avait été décidée après l'interception de deux personnes transportant d'importantes sommes d'argent liquide dans une voiture. Les deux hommes avaient assuré que l'argent était destiné à une transaction foncière impliquant un trust dirigé par Trinley. Trinley a démenti toute malversation et a expliqué que l'argent liquide provenait de dons de fidèles accumulés sur plusieurs années et a dit n'avoir aucun rôle dans la transaction foncière.

Le moine, qui porte le titre de karmapa, est considéré comme le 17e karmapa de l'école Karma Kagyu, l'une des quatre principales écoles du bouddhisme tibétain. Il a fui le Tibet à 14 ans à la fin des années 1990, atteignant l'Inde après un parcours de huit jours à pied et à cheval dans l'Himalaya. Il a principalement vécu au monastère de Gyuto à Dharamshala, ville qui abrite le siège du gouvernement tibétain en exil. Trinley est reconnu à la fois par la Chine et le dalaï-lama comme la réincarnation du Karmapa Lama, le chef de la lignée Karma Kagyu. Il est considéré comme l'un des favoris parmi les jeunes lamas à pouvoir succéder au dalaï-lama, qui vient de fêter ses 80 ans. Son porte-parole, Kunzang Chungyalpa, a déclaré que Trinley faisait confiance au système judiciaire indien. "Il est persuadé que la vérité prévaudra in fine", a-t-il dit à l'AFP.



(Info relayée par Yak Breton.)

jeudi, juin 25, 2015

Témoignage


Nous, les Sceptiques, frères des Kâlâmâ, qui pouvons n’avoir aucune croyance, aucune “foi”, aucune opinion, aucune certitude, il n’est qu’une VOIE pour nous satisfaire, nous réjouir, la Voie du Dharma … qui supprime l’insatisfaction, la peine, la frustration, le malheur, le mal de vivre qui accablent le “moi” illusoire construit par les cerveaux obscurcis, par la psyché aveuglée, par le cœur obnubilé ”, nous dira notre Instructeur. Dans le Kâlâmâ Sutta de l’Anguttata-Nikâya le Bouddha félicite et encourage les Kâlâmâ, les Sceptiques de son temps, qui peuvent demeurer sans aucune croyance, sans aucune “foi”, sans aucune opinion, sans aucune certitude, qui n’affirment rien sans l’avoir vérifié par eux-mêmes : “Kâlâmâ, il vous est propre de douter, d’être incertains. L’incertitude s’est élevée en vous à propos de ce qui est douteux …… Kâlâmâ, quand vous connaissez par vous-mêmes…
Le disciple Arya dont le cœur est sans haine, sans oppression, sans souillure et pur dans cette vie même, il atteint les quatre soulagements ”.

Après la mort du Bouddha, le Dharma, dans son infinie tolérance, par sa grande capacité d’adaptation aux divers environnements, est absorbé par les cultures des peuples avec lesquels il entre en contact et qui l’adoptent sous la forme de ce qu’il est convenu de nommer les écoles ou modalités bouddhiques, si différentes que nous connaissons. Les salmigondis pseudo-Dharmiques sont parfois très éloignés du Dharma du Bouddha. Normalement, toute modalité bouddhique connaît et enseigne le “Noyau de la Doctrine”. Si ce Noyau, toujours cohérent et rationnel, pour le “transrationnel” n’est plus enseigné, ce n’est plus le Dharma qui est proclamé. C’est ainsi que bien des amuïssements, des déformations, des affadissements de la Doctrine se retrouvent ici et là. Aucun pays n’est épargné. Les remémorations du Dharma, les Dharmânusmrti, disent pourtant : “Le Dharma du Bhagavat est bien proclamé, compréhensible, atemporel, vérifiable par l’expérience, conduisant au but, à connaître par les éveillés en eux-mêmes”.

Ecoutons les propos d’un Instructeur authentique du Dharma : “A l’origine, le bouddhisme est vigoureux, porte-greffe, mais les greffons sont de plus en plus éloignés de la nature du porte-greffe : dégradations métaphysiques par extériorisation, conditions extérieures, visible par occultation des résultats subtils, difficulté d’atteindre des états de Sagesse élevés …”.

La connaissance du Dharma en vérification de la Voie du Bouddha résulte de la pratique du Noble Sentier Octuple. “Le don du Dharma surpasse tous les dons” mais reste concomitant à l’expérience personnelle dans la vérification des hypothèses dharmiques. Le dharma du Buddha procède par “déblaiement”, démontant méthodiquement les mécanismes des illusions qui maintiennent encore les existences humaines dans l’ignorance, avidyâ, “l’absence de vue” des choses telles qu’elles sont. Ce don du Dharma n’est possible que par et pour le receveur du don, et le chemin perdu retrouvé : la connaissance de la connaissance métaphysique, la Prajñâ, conduit le Bodhisattva, “l’être d’éveil”, vers l’Absolu au-delà des relatifs. Le dharma se tient “au-milieu”, antérieur à l’affirmation et à la négation. Le bodhisattva, “non-différent”, équanime, Vigilant au détachement pour l’abandon, connaissant profondément que “nul” n’est libre, expose les hypothèses de ce dharma. La pratique de l’Octuple Sentier développe Samatha, la tranquillisation du cœur et Vipasyanâ, la Vue des choses telles qu’elles sont, pour l’extinction des âsrâva, les purulences.

L’Amour Dharmique, seul, est “pur” par Pâragate et Pârasamgate, libéré du désir, par Prajñâ, la Connaissance transcendante, l’Intuition métaphysique dans ses quatre aspects qui culminent par upekshâ : la Vue sereine, l’équanimité.
Dans la mesure où l’irrationnel, les divagations et le non-essentiel sont reconnus, vus, les Canons bouddhiques offrent ce qui est suffisant à la compréhension, même si un amuïssement du “sens” du Dharma existe dans ses différentes modalités, étant donné qu’elles sont des “expressions” du Dharma, touchées par anitya, l’impermanence. Le dharma est atemporel et les dharmacârins, hors écoles, hors systèmes, adoptent le principe “d’unicité des véhicules” : ekayâna, proposé par le Buddha. D’autre part et plus profondément, le dharma ne peut être compris qu’en pro-gnose, Prajñâ noétique certes, mais à l’acmé, Prajñâ anoétique donc sans explications, sans mots, mode complètement étranger à ceux qui ne considèrent que le physiologique et le psychologique. Traduire Prajñâ par sagesse ou wisdom est une erreur.

A 29 ans le Bouddha rencontre et découvre la maladie, la vieillesse, la mort … et un ascète errant. La Prajñâ, qui est en chacun de nous, vient de s’éveiller en Lui et le pousse à comprendre. Il quitte son environnement familial et son clan des Sakyas pour se consacrer à une recherche qui le mènera bientôt à la compréhension de la souffrance et à son extinction.

Il rencontre deux Brâhmanes instructeurs du Yoga Traditionnel Hindou. Pendant 6 années il apprend et pratique sous leur direction. Au terme de ces 6 années, ces deux maîtres souhaitent qu’il leur succède. Il refuse. Insatisfait, il n’a pas trouvé ce qu’il cherche. Il les quitte. Ses cinq condisciples sont mécontents. Il a compris que les excès ascétiques n’apportent rien de valable et dans un état d’affaiblissement physiologique extrême, seul, il continue son cheminement et trouve enfin cette “Voie du Milieu”, au-delà des extrêmes. Il retrouve alors la Chaîne des origines interdépendantes, Pratityasamutpâda, sous ses deux aspects, dans l’ordre de construction de l’errance puis dans l’ordre d’extinction de l’errance, et quelques semaines plus tard : “les 4 Nobles Vérités ou 4 Nobles Propositions Essentielles, Catvâryâryasatyâni”, qu’accompagne la notion du “sans-moi : Anâtman”, qui caractérise spécifiquement le Buddha-Dharma, la “Via Negativa” par excellence.

Ces trois enseignements seront rejoints ensuite par l’exposition des deux hypothèses principales suivantes :

1. Celle d’un Transphénoménal, d’un Absolu, d’un Inconditionné :
Asti ajâta-abhuta-akrta-asamskrtam : “Il est un sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-conditions”.

2. Celle du “moi” illusoire :
N’etam mama, N’eso’hamasmi, na me so attâ : “(Quoi que ce soit) Ceci n’est pas mien, je ne suis pas cela, cet ego n’est pas à moi”. Autrement dit : “je ne suis ni le corps ni le mental”.

Le Bouddha n’écrira rien. Dès le premier Sangha constitué des 8 Nobles Personnalités, Ashtâryapudgalâh, nous sommes dans la continuité de la tradition orale. Environ 2 siècles avant notre ère, les moines décident de fixer par écrit le Buddha-Dharma mémorisé par le Sangha, pour le conserver, le protéger, afin qu’il ne disparaisse pas car beaucoup de moines viennent de mourir au cours d’une famine sans précédent. A partir de ce moment, les Docteurs de la Doctrine ne cesseront de se déployer et de construire autour des notions d’origine nommées ci-dessus, une psychologie très profonde, l’Abhidharma, éclairée par l’Intuition Métaphysique ou Connaissance transcendante. Ces notions qui constituent le corpus de ce Noyau du Dharma donneront par exemple les 37 auxiliaires de l’éveil. Nous ne pouvons pas donner ici la liste complète de ce corpus qui devrait être connu pour servir la Vigilance de chaque instant et imprégner le subconscient et le conscient. Le disciple cherchera par lui-même dans les Ecritures Dharmiques et auprès de son Instructeur.

L’Enseignement bouddhique n’est pas un système de pensée mais il permet de réfléchir, ni dogmatique, ni athée, ni théiste, ni sectaire, ni religieux au sens monothéiste, pas philosophique au sens moderne, ni pessimiste, ni optimiste, ni idéaliste, ni réaliste, ni psychologique au sens lui aussi moderne, mais bien plutôt psychologique au sens de l’Abhidharma, ni syncrétiste, ni sentimentaliste, ni panthéiste, ni prosélyte, ni propagandiste, ni moraliste mais éthique vers la délivrance, gnostique et prognostique, thérapeutique par ses 4 Nobles Vérités à comprendre en Prajñâ.

A quoi sert-il de prendre les Refuges ?
A quoi sert la connaissance du Dharma et la pratique de ses psychotechniques, dont le 118ième Sutta du majjhima-Nikâya expose la technique “ânâpânasmrti : Vigilance remémoratrice appliquée à l’inspiration et à l’expiration”, technique pratiquée et recommandée par le Bouddha lui-même ?
Un instructeur éveillé vous propose des hypothèses à vérifier. Vous seul pouvez comprendre ou pas, car cela dépend maintenant de vous. Les hypothèses clairement exposées ainsi que les “moyens” d’éveil vous sont proposés pour leur vérification. Il vous est possible d’essayer de les vérifier mais sans jamais affirmer quoi que ce soit avant qu’elles ne soient justement vérifiées. Il n’est jamais question dans cette démarche de recherche de sacrifier à la raison ni jamais de se laisser aller à des divagations irrationnelles. Ce Dharma, que l’on soit moine ou laïc, apporte une aide incomparable aux difficultés de la vie quotidienne par les soulagements, l’apaisement et la joie qu’il donne.

-------------

Notre instructeur du Dharma fut sollicité par le Député Alain Vivien pour l’aider à rédiger son rapport sur les sectes présenté à l’Assemblée Nationale en 1983.

Voici un court extrait du second Rapport fait plus tard au nom de la Commission d’enquête sur les sectes, Assemblée nationale, n°2468, 1996 :
Déstabilisation mentale, caractère exorbitant des exigences financières, rupture induite avec l’environnement d’origine, atteinte à l’intégrité physique… et mentale …”.

-----------

Notre Instructeur nous dira : “Le “moi”, c’est la plus grande stupidité qui soit ! Ce qui est amusant, c’est que ce n’est pas difficile… mais c’est ardu. Ce n’est pas compliqué, mais c’est trop simple ! Il faut aller au-delà de la compréhension dialectique : vijñâna, ce cinquième agrégat qui compose l’individualité physio-psychologique.


(NB : Le lecteur nous excusera de l’absence des signes diacritiques conformes pour certains mots en Sanskrit et en Pâli)


Anonyme

° °

°

lundi, juin 22, 2015

60 milliards d'animaux tués chaque année !


Le 13 Juin dernier a eu lieu à Paris une marche pour la fermeture des abattoirs (pour la quatrième fois). 

Près de 2000 manifestants ont défilé dans les rues de Paris pour protester contre la cruauté de l'exploitation animale mondialisée. Chaque année, dans le monde, 60 milliards d'animaux terrestres sont tués sans nécessité (l'alimentation carnée n'est pas indispensable). 

La marche a été organisée par l'association L.214. D'autres associations de défense des animaux étaient présentes ainsi que des stands de restauration végétalienne (place de la république). 



Cet événement n'a été relayé par aucun "merdia" en France ! 

La marche contre le massacre de milliards d'êtres sensibles a trouvé écho dans plus de 10 pays du monde.

Charlotte

dimanche, juin 14, 2015

René Guénon et Alain Daniélou


« Dans le monde moderne où les voies de la transmission normale de la connaissance ésotérique sont fermées pour la plupart, les livres jouent un rôle très différent de celui qu'ils jouaient dans des circonstances normales, de sorte que certains enseignements jusque là préservés sous forme orale se mirent à circuler sous forme écrite, constituant ainsi véhicules d'enseignement et de guidance pour ceux qui se trouvent privés de tous les autres moyens. Cette manifestation compense la disparition des voies traditionnelles de transmission de la connaissance, au moins dans son aspect théorique, sans que cela implique que cette situation elle-même puisse entraîner la manifestation de l'intégralité de la connaissance traditionnelle dans les livres sous une forme facilement accessible à tous. » 
Seyyed Hossein Nasr


A. Daniélou a témoigné plusieurs fois de l'importance qu'avait représentée pour lui la lecture de l'Introduction générale aux doctrines hindoues de Guénon. Il en traduisit des passages en hindi dans les années 40, car les milieux traditionnels dans lesquels il avait été accueilli à Bénarès étaient intéressés par la façon dont Guénon présentait le Sanâtana Dharma et la « crise du monde moderne ».


Dans le Dossier H consacré à Guénon, Daniélou aborde la question de l'accès à l'intégralité du Sanâtana Dharma, à propos du Védisme. Le Védisme, précise Daniélou, est « censé représenter la tradition primordiale d'un point de vue, disons, officiel. Mais, du point de vue ésotérique, il apparaît comme une religion qui en est devenue, à un certain moment, le véhicule ». Daniélou s'étonne que Guénon n'ait pas eu accès au Shivaïsme, car les plus hauts degrés de l'initiation ésotérique, transmis « presque exclusivement par les Sannyasis, sont shivaïtes. Ils sont en dehors du Brahmanisme, comme d'ailleurs de toute religion, et représentent en fait ce que Guénon appelle la Tradition primordiale ». Mais Daniélou considère que l'Introduction aux doctrines hindoues est le premier ouvrage à avoir tracé un tableau authentique du Sanâtana Dharma, « cette conception d'une révélation première transmise à travers les âges par des initiés, telle qu'elle apparaît dans l'hindouisme mais dont les traces doivent inévitablement se retrouver, sous une forme plus ou moins cachée, dans toutes les civilisations puisqu'elles sont la raison d'être de l'homme ». Comme souvent avec Daniélou, tout est dit en très peu de lignes ; notamment le fait que cette révélation première affleure dans toute société humaine, mais que sa signification intégrale n'est transmise que par des voies initiatiques, lesquelles ne sont pas faciles d'accès, ne sont pas destinées à tout le monde et, pour commencer, ne sont pas présentes partout. Afin d'éviter autant que se peut toute méprise, Daniélou reprend, dans le même texte, la question de l'origine transcendante, supra-humaine dirait Guénon, du Sanâtana Dharma :
« La première révélation de ce que l'homme doit connaître des lois qui régissent l'Univers et des destinées des êtres vivants a été donnée à des Rishis (Voyants), des sages des premiers âges. Leur enseignement a été ensuite transmis par des initiés, des hommes jugés dignes d'assurer la continuité de cette fonction essentielle, à travers toutes les mutations, les alternances de décadence et de progrès, les changements de religion, de langue, de société. Ceci n'exclut pas que des révélations ultérieures viennent parfois rafraîchir la mémoire des représentants de la Tradition ».
Sur ces questions, alors que, sur d'autres points, Daniélou émet des réserves sur telle ou telle attitude, ou sur tel écrit de Guénon, l'accord entre les 2 auteurs est total, comme en témoigne cet extrait d'une lettre de R. Guénon à A. Daniélou, en date du 27 août 1947 :
« Je ne puis laisser dire que je suis “converti à l'Islam” car cette façon de présenter les choses est complètement fausse ; quiconque a conscience de l'unité essentielle des traditions est par là même inconvertissable à quoi que ce soit, et il est même le seul qui le soit ; mais on peut “s'installer”, s'il est permis de s’exprimer ainsi, dans telle ou telle tradition suivant les circonstances, et surtout pour des raisons d'ordre initiatique. J'ajoute à ce propos que mes liens avec les organisations ésotériques islamiques ne sont pas quelque chose de plus ou moins récent comme certains semblent le croire ; en fait ils datent de bien près de 40 ans... ».
Accord total, aussi, sur ce que Guénon nomme, dans Le Règne de la Quantité, la pseudo-initiation et la contre-initiation. Daniélou écrit, toujours dans ce témoignage du Dossier H : « Guénon, qui avait pris contact avec les diverses organisations initiatiques, les Rose-Croix, les Francs-maçons, les Théosophes, etc., en avait aussitôt avec justesse décelé les artifices. Certains de ces ouvrages, tels que Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion, et L'Erreur spirite en sont une condamnation très bien documentée ». Daniélou ne cite pas Le Règne de la Quantité qui me semble, personnellement, un ouvrage de tout premier plan pour la quête du Sanâtana Dharma, du moins pour nous aujourd'hui, en Europe, qui cherchons à travers les livres et n'avons pas bénéficié d'un enseignement régulier dans une instance traditionnelle, comme ce fut le cas pour les 2 auteurs dont nous parlons. Le Règne de la Quantité consacre plusieurs chapitres aux organisations syncrétiques et aux sectes, permettant de mieux identifier les culs-de-sac et les pièges de l'entreprise anti-traditionnelle multiforme qui marque la dernière période du Kali Yuga.

Un vrai trousseau de clefs pour aujourd'hui que Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, d'autant plus stupéfiant qu'il fut publié pur la première fois en 1946. Je me contenterai d'une brève citation, en rapport avec ce que disait Coomaraswamy tout à l'heure des chemins où se sont perdus tant d'artistes et de “poètes maudits”, ces martyrs météoriques de la modernité :
« Certains recherchent avant tout de prétendus “pouvoirs”, c'est à dire, en somme, sous une forme ou une autre, la production de phénomènes plus ou moins extraordinaires (..). Bien entendu, il ne s'agit aucunement ici de nier la réalité des “phénomènes” (..) ils ne sont même que trop réels, pourrions-nous dire, et ils n'en sont que plus dangereux (..). En général, l’être qui s'attache à ces choses devient ensuite incapable de s'en affranchir et d'aller au-delà, et il est irrémédiablement dévié (...). Il peut y avoir là une sorte de développement “à rebours” qui (...) éloigne toujours davantage de la réalisation spirituelle jusqu'à ce que l'être soit définitivement égaré dans ces prolongements inférieurs (…) par lesquels il ne peut qu'entrer en contact avec “l'infra-humain” ».
Il y a ainsi dans Le Règne de la Quantité des mises en garde nombreuses et détaillées contre l'action des organisations pseudo-traditionnelles, qui d'ailleurs se haïssent entre elles avec une virulence que Guénon compare aux haines qu'on observe entre des chapelles politiques rivales. J'emploie d'ailleurs à dessein l'expression “chapelle politique”, parce qu'à mes yeux, j'y reviendrai dans un instant, la politique et “l'actualité”, si importantes dans la vie de nos contemporains, me semblent fonctionner comme de véritables substituts du religieux. Daniélou, lui aussi, met en garde expressément contre toutes les formes d'enrôlement, particulièrement contre les pièges dans lesquels tombent en Inde les Occidentaux trop crédules, « parfois attirés par des sectes prétendues initiatiques ou enrôlés par des aventuriers pseudo-mystiques, en particulier certains Indiens qui diffusent un Védanta très simplifié et exploitent leur crédulité ». Il faut remarquer qu'A. Daniélou a cru nécessaire de revenir sur ces questions à la fin de sa vie, lors de la réédition du Chemin du labyrinthe, comme si les illustrations terrifiantes contenues dans « Le Maître des Loups » et « Le bétail des dieux » ne suffisaient pas à dessiller nos yeux occidentaux, imbus de positivisme et du sentiment de supériorité que décerne si prodigalement l'enseignement massifié de nos Universités. On pourra se reporter en particulier à ce que Daniélou écrit à propos de « Wolfgang », qui « confondit, comme beaucoup, la fumée du haschich et la spiritualité indienne » et se laissa entraîner par un de ces « ascètes hirsutes qui, par des pratiques liées au yoga, acquièrent d'étranges pouvoirs qui vont de la lévitation à l'hypnotisme, en passant par la vision à distance, l'insensibilité à la chaleur et au froid, l'envoûtement, l'asservissement de leurs victimes, etc. J'ai toujours eu très peur de ces êtres étranges dont le regard fulgurant fait aussitôt vaciller votre raison et votre volonté, et dont il vaut mieux s'éloigner sans délai ». On peut aussi faire son profit, dans ces ultimes pages d'A. Daniélou, des précisions qu'il apporte au sujet de prétendues activités politiques qu'il aurait eues en Inde, ou de sympathies politiques qui auraient été les siennes en Occident. On ne voit pas très bien pour quelle raison A. Daniélou, qui n'a jamais été effrayé d'assumer son anticonformisme, aurait dissimulé au soir de sa vie des appartenances ou des sympathies, dans une biographie qui est à mille lieues du nombrilisme mais dont la sincérité ne fait aucun doute. Contrairement à Julius Evola, mais proche encore sur ce terrain de Guénon, Daniélou s'est toujours tenu volontairement à l'écart de la politique. Le dernier texte du Chemin du labyrinthe s'intitule symboliquement « le choix du libre arbitre » :
« Dans la société orthodoxe où je vivais (pendant la seconde guerre mondiale, à Bénarès) s'affrontaient subtilement et se mêlaient une orthodoxie védique sympathisant avec les théories aryennes du nazisme et une tradition shivaï'te profondément opposée aux aryens. Swamy Karpâtrî, dont je suivais fidèlement les enseignements, avait créé un mouvement culturel, le Dharma Sangh (association pour la défense des valeurs morales et religieuses) afin d'opérer un retour aux valeurs de la culture et de la société traditionnelle. Il critiquait les idées socialistes représentées par le Congrès national de Gandhi et Nehru mais aussi les réformateurs pseudo-traditionnels comme Aurobindo ou Tagore, qui prétendaient revenir à une tradition idéalisée, mais étaient très imbus d'idées occidentales. Par ailleurs, Karpâtrî était très hostile aux idées du Rashtrya Svayam Sevak Sangh (association pour la défense des valeurs nationales) qui préconisait des méthodes inspirées du fascisme dans la lutte contre le Congrès et les idées modernistes (...). De par mon opposition à la domination anglaise et mon attachement à l'Inde, j'avais des rapports très proches avec les dirigeants du mouvement indépendantiste, avec Nehru et sa famille et aussi avec la célèbre poétesse Sarojini Naïdu, tous membres influents du Congrès (…). À aucun moment et en aucune façon je n'ai voulu me mêler des mouvements politiques, ni d'un côté ni de l'autre ».
On ne saurait être plus net, surtout en 1992, à l'ultime page de son autobiographie. Et je voudrais à présent citer presque intégralement la fin de ce « choix du libre arbitre », non par une sorte de culte, que Daniélou eût été le premier à tourner vertement en ridicule, mais parce qu'il serait vain de vouloir rivaliser avec lui dans la concision, la précision du détail, et l'adéquation avec ce thème de la recherche du Sanâtana Dharma que j'ai essayé d'aborder aujourd'hui :
« Je n'ai jamais voulu m'affilier à aucune secte religieuse ou croyance, jamais voulu perdre mon libre arbitre. Mais, frondeur de nature, j'ai toujours tendance à m'opposer à l'idéologie dominante, à contrecarrer ce que les gens prennent pour des vérités établies, à toujours remarquer que l'enfer est pavé de bonnes intentions, à penser que la remise en question de toute affirmation est le seul moyen de faire évoluer la connaissance. La discussion est un élément de recherche et non point d'assertion ».
C'est bien dans le domaine des prétendus “débats” politiques que la discussion est vraiment stérile, la règle du jeu consistant à ne pas écouter l'adversaire, à l'empêcher de parler, les moyens les plus malhonnêtes n’étant pas les moins indiqués. Dans notre société, où il semble que la parole soit avant tout un pouvoir qui se nourrit de lui-même, les marionnettes-héros de la télévision rivalisent avec celles de la politique dans une sorte de clôture narcissique sur le vide. Penser la discussion comme un élément de recherche légitime à l'époque où le dogme du politiquement correct la considère comme un indice d'éducation inconvenante, ne peut qu'attirer des représailles de la part des tenants de la langue de bois. Cela n'a pas manqué pour A. Daniélou, à propos de qui on affirme dur comme fer dans les officines indianistes et les parkings de méditation des ashrams qu'il fut au minimum, sinon le fondateur, du moins l'idéologue du RSS qu'il citait tout à l'heure. Mais continuons à lui laisser la parole :
« Le paradoxe, la remise en question des évidences qui semblent les mieux établies est un exercice salutaire, le seul capable défaire avancer les choses et de ne point rester figé sur des dogmes. Ce qui m'a fait souvent attribuer une appartenance à des théories auxquelles je ne souscris en aucune façon. La liberté d'esprit a difficilement sa place dans une société infectée par des conflits et des appartenances idéologiques également arbitraires ».
Il me semble que le propos ne peut pas être plus clair au sujet des prétendus engagements politiques d'A. Daniélou. À propos du rôle de gourou qu'il s'est toujours refusé à tenir, il n'est pas indifférent que plus de la moitié du dernier paragraphe du Chemin du labyrinthe, dans un passage qui suit immédiatement celui que nous venons de lire, lui soit consacré : 
« Je ne suis pas prophète, d'ailleurs ma barbe se refuse à pousser. Mon âge fait que les gens attendent de moi des directives ou des oracles, ce à quoi je me refuse ; je ne suis pas un guru. Je continue toujours à chercher à comprendre le mystère du monde et, pour cela, je suis prêt, chaque jour, à tout recommencer, à réexaminer mes convictions, à rejeter toute croyance, à m'avancer seulement dans la direction du savoir qui est le contraire de la foi. Ma méfiance reste entière vis-à-vis de tout rite ou cérémonie qui m'apparaît comme du théâtre dès qu'il y a des témoins. Je me refuse à faire une puja pour des dévots toujours fanatiques (nous dirions aujourd'hui des “fans”) ».
On a trop peu souvent l'occasion de saluer la probité intellectuelle pour ne pas être heureux que, dans des temps comme les nôtres, il reste de ces esprits présentant ce curieux mélange de goût du paradoxe, de liberté, de souveraineté, en même temps que d'une forme d'humilité devant la connaissance, et de distance un peu moqueuse vis-à-vis de ce qui occupe tant d'occidentaux depuis Descartes : leur propre ego. Mais il ne faut pas croire que cette légèreté de bonne compagnie ait été synonyme de superficialité ou de scepticisme. Daniélou nous le rappelle dans la péroraison de son texte que je vais à présent citer jusqu'à la fin, lui laissant d'une certaine façon le dernier mot avant de conclure :
« La seule valeur que je ne remets jamais en question est celle des enseignements que j’ai reçus de l'hindouisme shivaïte qui refuse tout dogmatisme, car je n'ai trouvé aucune forme de pensée qui soit allée aussi loin, aussi clairement, avec une telle profondeur et une telle intelligence, dans la compréhension du divin et des structures du monde. Aucune forme de pensée n'approche de près ou de loin cette merveilleuse recherche qui nous vient du fond des âges. Aucune des idéologies, aucune des théories qui divisent le monde moderne ne me semble mériter que je m'y associe, que j'en prenne la défense. Elles me paraissent puériles, quand elles ne sont pas simplement aberrantes ».
Conclusion

Le chemin pour retrouver une sagesse oubliée n'est pas toujours facile à suivre, mais il est à présent bien tracé.
« Dans le monde moderne où les voies de la transmission normale de la connaissance ésotérique sont fermées pour la plupart, les livres jouent un rôle très différent de celui qu'ils jouaient dans des circonstances normales, de sorte que certains enseignements jusque là préservés sous forme orale se mirent à circuler sous forme écrite, constituant ainsi véhicules d'enseignement et de guidance pour ceux qui se trouvent privés de tous les autres moyens. Cette manifestation compense la disparition des voies traditionnelles de transmission de la connaissance, au moins dans son aspect théorique, sans que cela implique que cette situation elle-même puisse entraîner la manifestation de l'intégralité de la connaissance traditionnelle dans les livres sous une forme facilement accessible à tous ».
Pour l'approche intellectuelle de cette sagesse, les langues occidentales, requalifiées métaphysiquement, en quelque sorte, par tous ces auteurs extrêmement attentifs à la précision du vocabulaire, disposent à présent d'un grand nombre de textes fondamentaux, aisément accessibles. S'agissant du désir de “pratiques”, en revanche, on peut noter les mises en garde répétées de tous ces auteurs. On a oublié dans notre monde profane combien toutes les sociétés traditionnelles étaient attentives aux questions de purification, de qualification, aux instants favorables et défavorables, aux précautions pour neutraliser les forces dangereuses, grâce à des “techniques de pointe”, si l'on ose dire, dont l'origine et l'inspiration, analysées comme “primitives” par les ethnologues positivistes, sont toujours présentées comme “non-humaines”.

La recherche du savoir est toujours légitime, mais l'utilisation de ce savoir pour jouir d'un pouvoir est un obstacle, une disqualification dans cette sorte de jeu de l'oie qui consiste à retrouver patiemment le chemin du divin. Et quant à l'incorporation effective dans une tradition régulière, ce qui peut être également une aspiration légitime, les auteurs traditionnels sont encore unanimes : la première règle consiste à accepter de devenir ce que l'on est, accepter sa naissance hic et nunc, car si l'esprit souffle où il veut, on sait qu'invariablement, du point de vue initiatique, « c'est en réalité la voie qui choisit l'homme et non l'homme qui choisit la voie ».

Il semble qu'au fur et à mesure que le monde moderne descend plus bas dans l'inharmonie et l'empoisonnement de la planète, des lumières apparaissent, différentes comme sont différentes les voies. Les auteurs traditionnels du XXe siècle ont en commun des connaissances immenses et des clés pour l'interprétation des grands symboles qui soudain se répondent et correspondent dans une unité éclatante — et non plus ténébreuse comme chez Baudelaire. Ils ont en même temps des styles très différents et même des formulations qui pourraient sembler contradictoires : Nasr se réfère au Dieu de l'Islam et du Christianisme, alors que le mot “Dieu” est beaucoup moins prononcé dans l'œuvre de Guénon ; Coomaraswamy traduit “Deva” par “Anges”, alors que Daniélou, qui a consacré un ouvrage entier à la réhabilitation intellectuelle du polythéisme, parle évidemment de Vishnou et de Shiva comme d'autant de Dieux ou d'aspects du divin.

Nous avons donc de quoi lire, relire, débrouiller l'écheveau. La floraison d'ouvrages traditionnels, dont l'authenticité ne fait aucun doute et qui s'épanouissent depuis le début du XXe siècle en Occident, compense jusqu'à un certain point l'absence à peu près certaine de voie initiatique dans le Catholicisme, l'absence de cultes maintenus vivants autour des Déesses et des Dieux gréco-romains. Rien ne nous empêche de vénérer les Principes organisateurs de l'harmonie du monde, de bâtir des enclaves d'harmonie, modestes mais incommensurables, d'attendre la lumière au fond de notre cœur.
Jean-Louis Gabin, Pondichéry, Shivaratri 2001. 

Source : Antaios, revue d'études polythéistes fondée en 1959 par Mircea Eliade et Ernst Jünger.



Le plan dirigé contre l’Esprit

La lutte pour la supériorité et les spéculations continuelles dans le monde des affaires créera une société démoralisée, égoïste et sans cœu...