mardi, novembre 11, 2014

Le sens de l'essentiel et de l'accessoire



Parce qu’il veut trop « gagner » sa vie, l’homme moderne est en train de la perdre. En voulant trop construire il se détruit. En cherchant trop avidement sa sécurité il aboutit à l’insécurité. Tels sont les faits. Il ne pourrait en être autrement. Les constructions de l’homme moderne, ses recherches, ses acquisitions manquent de base réelle. Elles sont vides. Elles « sonnent creux ».

Une civilisation basée sur la réalité absolue du « moi » et par conséquent sur la violence — car le « moi » est à l’origine de toutes les violences — ne peut aboutir qu’à des déséquilibres, à des conflits. L’essor inouï de la technique ne parviendra pas à nous affranchir de l’ignorance de nous-mêmes. Cette méconnaissance de nous-mêmes et de la nature profonde des êtres et des choses tend à nous orienter vers des comportements anormaux et inadéquats. Il y a vingt-cinq siècles le Bouddha nous enseignait l’existence d’une loi d’harmonie naturelle s’exprimant dans le comportement humain : la loi du « Juste Milieu ». Nous en sommes de plus en plus éloignés.

Il y a trop ou trop peu. Quelque chose est toujours en excès dans le monde actuel : misère des peuples sous-développés ou surabondance parmi les sociétés économiquement privilégiées.

Nous foulons aux pieds les lois les plus élémentaires de la nature. L’homme « civilisé » du XXe siècle s’acharne à détruire les grands équilibres naturels. Physiquement d’abord par un rythme de vie antinaturel, un mépris des grands cycles d’activité et de repos, une alimentation empoisonnée par l’envahissement progressif de la chimie et des artifices innombrables de la technique, l’absence d’exercices dans la nature et les drogues.

Psychologiquement ensuite, par l’identification à une foule de valeurs artificielles et fausses. Nous sommes intoxiques sur les plans de la matière et de l’esprit.

Un vent de folie souffle dans le domaine de la pensée. L’homme est hypnotise par l’ampleur de ses découvertes techniques : conquêtes du temps, conquêtes de l’espace, cerveaux électroniques, satellites artificiels, fusées interplanétaires ou interstellaires, etc., etc.

On en vient à considérer le développement technique d’un peuple comme critère essentiel de son évolution culturelle et spirituelle.

Fasciné par la magie prestigieuse de ses conquêtes spectaculaires sur le monde extérieur l’homme détourne ses regards de la vie intérieure. Il est spirituellement « déraciné »...

La compétition existant entre les deux sphères d’influence qui partagent le monde aggrave encore le problème et fausse de plus en plus l’optique sereine que nous devrions avoir de ces choses. L’accessoire est devenu l’essentiel. Nous sommes en pleine foire, en plein pugilat. Et l’homme sans se connaître devient une caricature, un robot ou pire encore : un apprenti sorcier dont les pouvoirs deviennent chaque jour plus redoutables.

Une disparité énorme existe entre révolution intellectuelle et technique d’une part, et l’évolution morale, psychologique et spirituelle d’autre part. Et chaque jour le gouffre s’approfondit.

Nous perdons trop souvent de vue que nous faisons partie de ce monde.

Nous sommes tous responsables de son état actuel. Consciemment ou inconsciemment nous l’avons tous voulu. Nous l’avons tous construit et y collaborons tous les jours. Nous en avons été consciemment ou inconsciemment les complices. Et nous le resterons aussi longtemps que nous poursuivrons les rêves insensés de notre égoïsme, de nos avidités, c’est-adire aussi longtemps que nous ne nous connaîtrons pas profondément.

En utilisant les pouvoirs énormes de la pensée sans nous connaître nous-mêmes nous commettons une fatale imprudence.

La pratique de l’art de « voir dans la soi-nature » tel qu’il est défini dans le Ch’an, le Bouddhisme Zen ou dans l’œuvre de Krishnamurti nous permettrait de réaliser une métamorphose fondamentale des valeurs qui président à la civilisation du monde actuel. Nous nous transformerions instantanément en auxiliaire de la Nature profonde des choses. Une transfiguration considérable des aspects psychologiques et matériels de l’existence en résulterait.

Il nous est possible d’être les artisans d’une ère nouvelle où la toute-puissance de l’Amour véritable sera l’inspiratrice de la Loi et où l’Intelligence Pure conférera le discernement des valeurs essentielles.

Ainsi que l’exprimait Lao-Tzeu dans une pensée admirable qui fait figure d’étonnante prophétie :

« Avec la droiture on gouverne un royaume, avec du génie on fait la guerre... Mais l’Empire (du Réel) on le gagne grâce au Non-Agir... Comment sais-je qu’il en est ainsi ?... Par cela : plus il y a de règlements et de prohibitions... plus le peuple s’appauvrit... plus le peuple est habile et ingénieux plus ont voit surgir des inventions inutiles... ; plus le flot des règlements et des lois monte, plus il y a de malfaiteurs et de bandits... »

Nous avons à diverses reprises insisté sur le fait que ce « Non-Agir » du Taoïsme ne doit pas être interprété comme une passivité négative résultant de quelque morbidité psychologique.

Dans l’optique du Bouddhisme Zen et du Taoïsme, le « Non-Agir » désigne la cessation des agitations superficielles et désordonnées du « moi » égoïste. L’homme qui ne se connaît pas est prisonnier de ses avidités, de ses peurs conscientes ou inconscientes. Ses actes ne sont que des réactions incomplètes entièrement conditionnées par l’instinct de conservation du « moi ».

Tout homme qui se connaît profondément se libère de l’emprise des forces d’inerties impliquées dans l’instinct de conservation du « moi ». Dans ce cas, la passivité n’est pas négative. Elle est créatrice. Elle n’aboutit pas à l’inaction mais révèle au contraire le principe même de toute action, de tout travail véritable dans l’Univers.

Inutile de dire que nous en sommes bien éloignés. Mais cette distance est à nos yeux une raison de plus pour insister.

Nous ne croyons pas au hasard. Toute cause produit un effet. Nos actes, nos pensées, nos émotions sont autant de causes qui engendrent des effets.

Ceux-ci se traduisent à l’échelle individuelle et collective par des faits. Il existe un langage des faits. Quoiqu’il soit très éloquent à peu près personne ne l’écoute. Peut-être deviendra-t-il plus brutal. Et déjà l’humanité s’achemine à grands pas vers la voie fatale de son auto-destruction, de plus en plus menacée par les conséquences de ses « inventions inutiles ».

Nous voyons ici le mouvement de recul de l’intellectuel et du technicien devant ces mots insolents et prophétiques de Lao-Tzeu : « les inventions inutiles »...

Est-ce vraiment un sacrilège que de qualifier d’inutiles les fissions nucléaires dont les résidus accumulés empoisonnent l’atmosphère, la terre et l’eau des océans et sèment partout la maladie et la mort ?

Partout dans la Nature les résidus des êtres vivants sont utilisés et s’intègrent dans des cycles biologiques simples ou complexes.

Les déchets des piles atomiques, des explosions nucléaires par fission sont non seulement inutilisables mais ils constituent un danger permanent pour toute la vie sur la planète. Les tentatives récentes d’utilisation sont très fragmentaires et ne changent nullement la face du problème.

Par cette mise en évidence de « l’inutile » nous voulons surtout signaler ici la gravité d’une déformation généralisée de l’esprit de l’homme moderne. Il s’agit d’une dégradation du sens des valeurs. Nous avons perdu le sens de l’essentiel et de l’accessoire. Nous sommes remplis d’idées toutes faites sur ce qui serait utile et indispensable.

La civilisation technicienne nous plonge dans une abondance d’objets auxquels nous nous associons inconsciemment.

Nous n’ayons qu’à tourner le bouton de la radio pour entendre un peu de musique. Mais de moins en moins nous exécutons et nous composons. Un sentiment d’ennui se présente-t-il à nous ? Nous ouvrons la télévision. La pensée d’un examen attentif des causes de notre ennui ne nous effleurera même pas. Ainsi nous tendons à devenir passifs dans le mauvais sens. Les progrès techniques tendent à flatter la loi d’inertie de notre esprit. Nous sombrons dans la paresse des automatismes faciles.

Au surplus, nous ne faisons plus rien à fond. Nos perceptions sont de plus en plus superficielles. De plus en plus nous ne vivons qu’au niveau des mots et des images. Nous fuyons le silence et la solitude.

Nous nous évadons chaque jour davantage et chaque invention nouvelle nous apporte une possibilité plus grande de mieux nous mentir à nous-mêmes, de mieux nous fuir, en un mot : de mieux nous détruire.

Ainsi l’homme moderne s’est créé mille besoins artificiels qui loin de lui apporter le bonheur, se transforment en véritable malédiction.Nous sommes arrivés à l’ultime état d’aberration où des intellectuels osent prendre la complexité des besoins d’un homme comme critère de sa supériorité. Telle est la thèse de certains professeurs de psychologie enseignant dans les universités. S’appuyant sur les travaux de Murray et les classifications de Sheldon ils n’hésitent pas à discréditer le détachement bouddhique en le classant parmi les cas de morbidité relevant de la pathologie des tempéraments viscérotiniques (catexion du Nirvana, etc.).

Murray prend la notion de « tension psychologique » inhérente aux besoins, comme critère de la supériorité humaine. Il oppose à cette notion, celle de l’absence de besoin ou de détachement qu’il classe parmi les complexes morbides de l’ataraxie.

Ce fait est symptomatique. Il caractérise une époque et nous montre à quel point s’est développée la dégradation du sens des valeurs.

Celui-ci ne pourra se rétablir sans une métamorphose complète de nos modes de penser habituels.

Mais entre-temps le langage des faits devient de plus en plus brutal et menaçant. Les revues médicales d’Amérique et d’Allemagne lancent de grands cris d’alarme. L’homme « soi-disant supérieur » n’est plus qu’un pauvre esclave écrasé sous le poids de ses besoins innombrables.

Complètement déraciné dans l’immense tourbillon des agitations de la vie moderne il n’est plus qu’une triste épave. Les faits sont là : les hommes d’affaires actifs d’Amérique et d’Allemagne sont « finis » à quarante-cinq ans. Des statistiques récentes nous montrent l’effarante mortalité des chefs d’entreprise : épuisements nerveux, arrêts du cœur, vieillissement précoce, etc. Et pour le reste du monde un envahissement des cas de cancer. L’origine de ces troubles est surtout psychique (états anxieux, impatiences, refoulements, craintes, malveillances). Une vigilance d’esprit exceptionnelle est nécessaire pour ne pas tomber dans les pièges de l’identification tout en développant une activité intense.

Mettons nous quelques instants à la place d’un « homme d’affaires » actif, à l’esprit dit « réaliste ». Une journée d’activité se traduit par quelques dizaines de coups de téléphone, quelques dizaines de rendez-vous minutés, un grand nombre de lettres à écrire, l’énergie persuasive nécessaire à l’enrichissement des carnets de commande, les calculs en vue d’échapper aux manœuvres inévitables de la concurrence, et lorsque tout est terminé, l’inévitable souci des créances douteuses, les complexités inextricables de la fiscalité.

En un mot, une insécurité dont l’ampleur est à la mesure des responsabilités que de propos délibéré nous avons décidé d’assumer assez paradoxalement pour nous assurer la sécurité.

Car bien entendu, aux soucis d’affaires quotidiens que nous venons d’énumérer s’ajoutent vraisemblablement un nombre égal sinon supérieur de soucis d’un autre ordre : vie familiale, vie sentimentale, vie intérieure et de plus en plus, les soucis de santé.

Chacun comprendra immédiatement l’immense privilège d’un homme qui tout en vivant un rythme de vie intense pourrait être libre de l’identification et de l’attachement aux diverses circonstances.

Cette faculté d’être dans le monde pleinement éveillé, tout en étant libre de l’identification avec tous les éléments qui constituent la vie moderne nous est donnée par la pratique du Zen et de la pensée de Krishnamurti.

Ceux-ci nous permettent d’être intérieurement détendus au milieu de l’activité extérieure. Ils nous orientent également vers une simplification inévitable des besoins par le discernement de l’essentiel et de l’accessoire.

Faute de s’inspirer de ce discernement fondamental l’homme s’engage à grands pas dans la voie de son auto-destruction.

Le progrès technique s’étendra inévitablement à tous les peuples de la planète. Partout le rythme s’intensifiera en brisant les normes de la Nature, qu’il s’agisse de l’Amérique, de l’Allemagne, du Japon ou d’ici, quelques décades de la Chine et des Indes. Le problème de l’accélération des rythmes de l'existence sera très prochainement un problème véritablement mondial. D’autres races, plus jeunes, s’engagent à peine dans la voie prise depuis un demi-siècle par les civilisations techniciennes de l’Occident. La réalisation d’une détente intérieure dans l’activité extérieure constitue un des problèmes cruciaux de ce vingtième siècle.

Le monde est à la recherche de nouvelles valeurs. Le langage des faits nous montre l’urgente nécessité de repenser les valeurs ayant présidé à notre civilisation en pleine décadence.

Parmi les religions et les philosophies antiques nous n’en avons trouvé aucune qui nous fournissent les bases d’une civilisation nouvelle dégagée de l’illusion de l’égoïsme, de la violence, du dogmatisme des rites et de l’autorité spirituelle. Seuls, peut-être, le Bouddhisme Ch’an, le Zen et Krishnamurti, nous donnent ces bases. Mais il ne s’agit pas là, de religions ou de doctrines au sens où nous l’entendons généralement.

Il n’entre pas dans nos intentions de vouloir convertir les occidentaux au Bouddhisme. Mais nous avons la certitude qu’une étude attentive des différents éléments qu’il contient, complétée par les enseignements de Krishnamurti, nous révélera des valeurs capables d’engendrer la civilisation nouvelle dont les événements nous commandent la réalisation.




lundi, novembre 10, 2014

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,

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Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Les socialistes on les pendra...
A Nantes, la police aux ordres de la mafia socialiste qui a usurpé le pouvoir grâce aux mensonges de Hollande (dont l'élection a été une énorme escroquerie politique), n'hésite pas à fracasser la tête de ceux qui manifestent contre la violence policière.

Le gang qui dirige la France permet l'usage de grenades offensives contre des jeunes désarmés, comme Rémi Fraisse tué par une grenade de la gendarmerie qui lui a arraché une partie de la colonne vertébrale et de la moelle épinière.

Arme de guerre contre libertés publiques

Un homme est mort dans l'exercice d'une liberté publique, victime d'un tir d'arme de guerre dans un pays en paix ayant l'obligation positive d'assurer l'effectivité des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cécile Dufflot a donc parfaitement raison de se scandaliser d'une telle violence qui établit l'échec de l'Etat à permettre une contestation pacifique des procédures, au risque de conforter l'opinion sur l'existence d'un arbitraire politique et rompre la confiance des Français dans leurs institutions.

Le ministre de l'intérieur a l'obligation positive de garantir l'effectivité des libertés publiques et son action est encadrée, notamment, par le droit à la sûreté.

L'emploi de munitions de guerre contre des civils exerçant une liberté publique devrait donc soulever des critiques à propos de la mort du manifestant, alors que rien ne justifie l'emploi de munitions de guerre dans un pays en paix contre des personnes désarmées. Où sommes-nous donc ?

Il est très dangereux de laisser se banaliser l'usage d'armes de guerre contre les populations.

Le gouvernement fait-il la guerre aux Français ? Identifie-t-il les Français comme des "ennemis" ?

Une grenade offensive est en effet une munition de guerre employée au combat. Cela souligne la disproportion et le caractère tout à fait inopportun de son usage.

La grenade est dite offensive parce qu'elle ne projette pas d'éclat et permet au soldat son usage à découvert au moment de l'assaut. A la différence de la grenade défensive, qui projette des éclats métalliques et qui n'est utilisée qu'à couvert (tranchées, mur, ...) contre des assaillants à découvert.

La nuance n'enlève rien au fait qu'une grenade offensive est mortelle lorsqu'elle est employée dans un lieu clos ou à proximité d'une personne. Sa charge en explosif est d'ailleurs beaucoup plus importante que celle d'une grenade défensive.

Il est donc aberrant que la police et la gendarmerie utilisent une arme de guerre contre des manifestants, en connaissance de cause, avec l'autorisation du ministre, et en temps de paix, alors que ces munitions sont clairement répertoriées comme mortelles jusque sur  Wikipédia : " La première a pour objectif de saturer une zone en éclats métalliques, tandis que la seconde contient une charge explosive plus élevée, ce qui la rend plus destructrice dans les environnements confinés."

L'Etat ne peut donc pas invoquer la bonne foi dans la mort ou les blessures graves qu'occasionnent de telles munitions.

L'emploi d'une telle munition par l'Etat contre la population constitue une menace délibérée contre la sécurité des personnes et fait grief aux libertés publiques. Ce danger réel n'est pas sans incidence sur le fonctionnement démocratique et le débat public. Il s'agit d'une entrave très grave de nature à dissuader la population à s'impliquer et se prononcer ouvertement et librement. Il n'y a rien de pire que contraindre l'opinion, à moins de vouloir créer l'insurrection.

Enfin, l'Etat ne saurait invoquer la présence de "casseurs" pour se justifier de la mort d'une personne. La riposte devant être proportionnelle à l'attaque, elle ne peut que s'exercer contre la personne qui est l'auteur de la violence. Il est invoqué nulle part que le manifestant ait été armé de grenades...
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dimanche, novembre 09, 2014

Le visage du silence

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Le Visage du Silence, sous ce titre, Dhan-Gopal Mukerji nous donne une très intéressante « Vie de Rama Krishna », le déjà légendaire « saint » hindou.

La traduction de Madame G. Godet, souple et aisée, nous permet de goûter au mieux la saveur de l'original anglais.

Ce nouvel « appel de l'Orient » est un des livres les plus prenants qui soient. Son attrait est indéniable et un somptueux drapé poétique, un arc-en-ciel de fines remarques et d'anecdotes, savamment choisies, adoucissent certains angles où se blessent parfois notre sensibilité occidentale et notre foi chrétienne.

Ce livre n'est pas écrit par un hindou pour ses frères de race. Traduit en anglais et en français, il veut être le reflet du « message » de Rama Krishna à l'Occident. C'est donc de notre point de vue occidental qu'il convient de l'examiner, sans parti pris. [...]

Parcourons rapidement le livre.

Au premier chapitre, nous faisons connaissance avec le monastère de Rama Krishna et le mode d'existence des moines deux heures de méditation le matin, deux heures d'enseignement intellectuel et de discussion du Védanta dans l'après-midi, exercices de concentration et de contemplation dans la soirée. Leur existence n'est pas purement contemplative, si quelque fléau vient à frapper l'Inde, « prompts comme l'aigle fondant sur sa proie, ils apportent des secours aux sinistrés. » [...]

Au chapitre trois, signalons une magnifique description de la déesse Kali, personnification du Temps et symbole de la marche des choses créées.

Il faut évidemment un être de l'élévation de Rama Krishna pour pressentir, à travers elle, l'au-delà des choses, l'au-delà du Temps. La longue description que lui consacre l'auteur est digne de son sujet, tout commentaire serait ici superflu.

Dhan-Gopal Mukerji continue ensuite à nous faire connaître Rama Krishna, au moyen d'anecdotes charmantes, où se détache la bonhomie malicieuse et le profond bon sens du maître. Citons celle-ci, particulièrement caractéristique :

« Un de ses jeunes élèves était allé faire des achats. Il dédaigna de marchander, jugeant cela comme une chose fort matérielle et, par conséquent, au-dessous de sa dignité. Dès son retour au monastère de Dakshinesvar, le maître voulut savoir pourquoi il avait payé si cher pour si peu de choses. Le jeune apôtre répondit : « Je n'ai point marchandé, maître... Ce ne serait pas agir selon l'esprit. ». « Quoi répondit Rama Krishna, tu t'imagines que parce que tu négliges l'art de marchander, Dieu fera de toi un saint ? Allons donc ! l'homme vraiment saint est celui qui n'a de dédain pour rien. Tant que tu vas et viens dans le bazar de la vie, tu dois apprendre à en connaître à fond les lois. Garde-toi de confondre l'idiotie avec la sainteté ! »

Le quatrième chapitre nous narre comment, à l'âge de trente ans, Rama Krishna fit sa première expérience de l'illumination.

« Ayant accompli tous les rites matinaux du Temple, il s'assit devant la déesse Kali et lui dit « Ô Mère, si je n'ai pas reçu aujourd'hui même l'illumination, je m'enlèverai la vie demain. J'ai maintenant passé douze années en prières et en méditation. J'ai pratiqué toutes les austérités que chacun des Gourous rencontrés m'a prescrites. J'ai vécu selon les enseignements des saints livres que tu as révélés aux hommes. Malgré tout cela, Mère, tu ne m'as point accordé la vision de ta face... »

Subitement, le bras de pierre de la déesse remua... Ses lèvres se changèrent en deux brûlants pétales de lumière... Puis la lumière dansa et courut tout le long du corps de Kali... le flamboiement s'étendit, gagnant en un instant tout le sanctuaire... Partout où regardait Rama Krishna, il n'y avait plus que lumière ; lumière, encore lumière ! »

Cette injonction à Kali est très amusante. Comment ne pas la mettre en opposition avec l'attitude du chrétien (nous voulons dire du vrai chrétien)

« Que votre volonté soit faite ! » Toutes les macérations, tous les renoncements de Rama Krishna, quelle que soit leur sublimité, sont entachés, dans leur principe, par ce fait qu'ils ne constituent pas de vrais sacrifices, mais des marchandages : c'est le renoncement à ceci, à condition d'obtenir cela.

Pareil à ces moines naïfs de nos contrées qui passent leur vie à dompter leur chair dans le but d'éviter l'enfer ou de « gagner » le paradis, notre héros en arrive à penser que la « révélation » lui est bien due, et qu'il l'a payée assez cher pour être en droit. de l'exiger ou de se déclarer frustré.

Aussi, dans l'« illumination » sur laquelle s'étend complaisamment l'auteur, est-il difficile de voir autre chose qu'une exaltation, une exacerbation cérébrale. Notons à la base la volonté de voir, beaucoup plus que le désir d'aimer. Or, qui veut voir, à toute force, surtout s'il suit certains entraînements, arrive fatalement à « voir ». La valeur propre de cette vision n'est pas convaincante. Passer douze ans à concentrer sa pensée sur une image, donne à la substance mentale la force. nécessaire pour la former, à la volonté la force nécessaire pour l'extérioriser. Elle n'en reste pas moins subjective dans son essence, quelque objective que soit son apparence.

Former et dissoudre de telles images est l'a, b, c, de l'initiation lamaïque, pour ne citer que celle-là. Mais au moins le lama n'est pas dupe de sa création.

Cet intérêt personnel, que la psychologie primaire d'un occidental « moyen » peut aisément démêler à l'origine des macérations du « saint », nous en trouvons un reflet dans l'attitude de ceux qui viennent l'admirer, comme dans celle de ses protecteurs : « Vous êtes les bienvenus - disaient ces derniers aux pèlerins - ne nous remerciez pas ; nous ne désirons QUE NOUS ACQUÉRIR DES MÉRITES en servant NOTRE saint ». (page 46).

En somme, la différence fondamentale entre les mobiles de Rama Krishna et ceux de ses admirateurs, est celle qui sépare les convoitises grossières des convoitises spirituelles - qui ne sont peut-être pas les moins dangereuses.

Nous assistons ensuite à la rencontre de notre « saint » avec un mystérieux étranger, auquel il devra de connaître le Samadhi (l'extase de l'Unité Parfaite, de l'identification suprême avec la Divinité).

À la proposition de l'étranger, Rama Krishna répond d'un bel élan : « Mais, que gagnerais-je à atteindre l'Unité Parfaite ? ». Ainsi, nous ne sortons pas des calculs intéressés, si hautement spirituel que semble le domaine où s'échafaudent ces calculs

Après l'avoir convaincu, le très singulier Gourou lui propose de l'initier à l'Advaita Vêdanta - la science de l'identité. Il lui explique que, lorsqu'il a passé par le Samadhi, l'homme ne se sent plus seulement une part de la Divinité, « il se sent tout entier Dieu. Il est devenu l'épine dorsale de l'Univers. »

Le Tentateur ne parlerait pas autrement...
Tatapuri (c'était le nom donné par Rama Krishna au Gourou inconnu), vit avec une certaine stupeur notre « saint » lui objecter qu'il lui fallait d'abord le consentement de la Divine Mère. Celle-ci le lui permit. Notons que cela coïncidait avec son propre désir, et qu'a notre sens la Divine Mère ne pouvait guère vouloir autre chose que ce qu'il désirait... On est rarement en désaccord avec les dieux qu'on a « objectivés »

Quoi qu'il en soit, dit l'auteur, le Gourou, grand védantiste « ne croyait pas à un Dieu personnel, pas plus qu'il n'admettait l'efficacité de la prière, ni le culte rendu à un Créateur. Mais il ne fit aucune observation sur ce point à Rama Krishna, pensant que, sous sa direction, le disciple apprendrait à discerner la vérité et rejetterait spontanément de telles superstitions. »

Nous voyons, par ceci, que le Gourou, logique avec lui-même, ne prend pas au sérieux les rapports que croit entretenir Rama Krishna avec la Grande Déesse : « Tu n'es qu'un visionnaire, la déesse de pierre n'est pas une Mère. - Il n'y a d'autre Dieu que toi... discerne la vérité des superstitions ! » De ces propositions les unes justes, les autres fausses, on peut conclure que Rama Krishna avait un bien inquiétant initiateur, et que l'ordre d'idées vers lequel celui-ci l'orienta ne fut pas sans influence sur sa conception future du Divin, ni sur ses expériences.

Les voici donc, tous deux, assis, méditant sur cette parole « Je suis Dieu. Je suis le Bonheur infini. Je suis la Connaissance infinie. Je suis sans nom et sans forme. Je suis Un ! Je suis Lui ! » Cela dura des heures, pendant lesquelles la récitation du mantra de l'unité alterna avec la concentration de l'esprit sur le suprême Brahma. De telles incantations, répétées sans cesse, ne peuvent se résoudre que dans l'autosuggestion. C'est en somme la méthode de Coué transposée. Si elle semble donner souvent des résultats à ceux qui se l'appliquent, elle ne saurait en rien influer sur les autres et, placé devant le problème : « Suis-je ou non identique à Dieu ? », prétendre en trouver la solution en se répétant : « je le suis », c'est simplement en fausser les termes et y introduire un arbitraire qu'aucune considération métaphysique ne pourrait justifier !

Après deux tentatives infructueuses, Rama Krishna réussit enfin à atteindre le Samadhi, tant désiré et, selon son sentiment, à ne faire plus qu'Un avec l'Absolu, la notion affaiblie du « moi » s'affirmant par intermittences, avec une grise monotonie.

Notons ici que cet état, étant donné les circonstances qui l'amenèrent, nous apparaît comme absolument artificiel et qu'il n'a, dans tous les cas, rien à voir avec l'extase d'un saint chrétien, un vrai : l'un a tendu son esprit vers un but qu'il s'est fixé, a développé sa sphère mentale à un degré extraordinaire, au moyen de procédés artificiels ; l'autre n'a rien cherché, sinon à servir son Dieu, n'a pas suivi d'entraînements, pas prononcé d'incantations, pas fait de concentration mentale, le résultat est d'autant plus probant chez lui, qu'il n'a pas nécessité d'efforts anormaux et qu'il n'a pas été « voulu » - d'autant plus douteux chez le premier.

C'est alors, continue Dhan-Gopal Mukerji, que le Gourou donna à son élève son nom d'initiation : Raina Krishna Paramhamsa. Ceci pourrait signifier à peu près le Seigneur ayant maîtrisé la dualité (Raina et Krishna sont deux incarnations classiques de Vishnou, dont l'un exprime la blancheur de la lumière (Raina) et l'autre (Krishna) la profondeur des Ténèbres). Le symbolisme est transparent. Quant à Paramhamsa, ce nom signifie : le cygne planant. Chacun sait que le cygne, le fabuleux oiseau hamsa , monture de Brahma, représente l'énergie intellectuelle. Le nom du lac où il est censé se réfugier, Manasa, se rapporte d'ailleurs à l'intellect supérieur de l'être humain, manas. Ainsi, ce nom révélateur, (car aucun nom d'initiation n'est choisi au hasard), nous décrit la plus haute réalisation intellectuelle, mais n'a rien à faire avec la sphère spirituelle où le Christianisme situe ses saints authentiques. Cette différence est de toute importance.

Rama Krishna, après cette initiation, fonde donc un monastère. Une nouvelle anecdote va nous permettre de montrer la fragilité de ces cultures artificielles et combien peu elles affectent le centre profond de l'être.

Un après-midi, le premier disciple du maître, Brahmananda ne lui parut pas communier avec le Seigneur aussi aisément que d'habitude... Il en découvrit vite la cause sans mauvaise intention, on avait donné au disciple un morceau de beurre un peu plus gros qu'à l'ordinaire. Cela avait suffi à obscurcir l'âme du disciple.

Cette histoire est assez amusante. Qu'un morceau de beurre plus gros que d'habitude ait suffi à empêcher la communion mystique nous laisse rêveur. Le Christ, Lui, disait : « Ne vous occupez pas de ce que vous mangez !... Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille ! » Force nous est donc de croire que la communion avec le « Seigneur » est fort différente d'essence dans les deux cas. Nous verrons plus tard qu'il n'est pas inutile d'insister sur ce point, Rama Krishna considérant la voie du Christ comme identique, dans ses ultimes résultats, avec la sienne. Il est d'ores et déjà permis d'en douter...

Écoutons Rama Krishna nous parler des religions en général et du Christianisme en particulier :
« Si les religions ne sont que des moyens divers de trouver Dieu, pourquoi quereller sur leurs mérites ou leurs défauts respectifs ? Tout cela est entièrement vain ! »

Après avoir médité pendant deux années sur la personne du Christ et sur le Nouveau Testament, il sortit de sa retraite et déclara « J'ai trouvé Dieu à l'extrémité de la route que suit le christianisme. Ainsi, si quelqu'un sert le Christ, il arrivera à Dieu. J'en ai acquis la preuve. » Àun missionnaire anglais, il déclara « Il y a d'autres incarnations de Dieu que le Christ, qui veillent constamment sur leurs fidèles. Elles sont toutes aussi réelles que votre Seigneur. »

Certes, les religions sont un acheminement vers Dieu, comme l'école primaire peut être un acheminement vers l'université. Si l'âme vit réellement sa religion, elle peut lentement s'élever à une autre plus haute et plus pure. La religion du Christ est, pour nous, le couronnement de toutes les autres, car nul ne peut être définitivement régénéré que par le Christ.

Ce n'est d'ailleurs pas le rite qui fait le chrétien. Sont chrétiens les vrais serviteurs du Christ. Ils sont certainement peu nombreux, même au sein de sa propre Église. Si le Christ est bien, comme nous en avons la certitude, le Seigneur Suprême, le Fils Unique du Père, s'il peut, seul, comme il l'a promis, nous faire connaître son Père, on comprend aisément que, pour être totalement autre que celle de l'initiation indoue, la voie que suivent ses serviteurs en Esprit et en Vérité n'en est pas moins difficultueuse. Si les sentiers de l'initiation orientale sont peu fréquentés, les chemins les plus directs de l'initiation christique ne sont non plus encombrés. Or, ce sont ceux-là seuls qui se sont engagés sur ce que Jésus appelle « la Voie étroite », qui peuvent se dire chrétiens, au sens que nous donnons à ce terme. C'est, sous ce seul aspect que nous estimons le Christianisme supérieur, aux autres « religions », car ainsi entendu, il est la Religion, toutes querelles théologiques, dogmatiques ou rituéliques mises bien entendu de côté.

Devant le Christianisme, la méthode de Rama Krishna reste la même : concentration mentale, méditation, volonté d'aboutir. Cette méditation qui lui faisait voir et entendre Kali, parce qu'il le voulait, lui fait voir Dieu au bout des religions diverses, parce qu'il le veut. D'ailleurs, il ne faut pas oublier qu'il s'est « identifié » à Dieu et considère Christ, Bouddha, Mahomet, comme identifiés d'une manière analogue. Même le missionnaire qui lui rend visite peut lui sembler (page 66) « une incarnation de Jésus-Christ », ce qui n'est pas étonnant si l'on suit le même raisonnement que lui. Il est d'ailleurs curieux qu'il faille deux ans de méditation à celui qui s'est identifié à Dieu et à la Connaissance infinie, pour se mettre au clair avec lui-même sur le Christ et le christianisme.

Notons d'autre part que Rama Krishna, avec son étonnant bon sens, se gardait bien, personnellement, de détourner de sa voie, un chrétien séduit par lui. Un hindou converti au christianisme, trop faible pour résister à l'attrait personnel du « saint » se déclare prêt à le suivre. Il s'écrie « j'aimerais tout abandonner pour VOUS suivre ! »

Mais Rama Krishna le lui défendit : « Non, non, suivez votre sentier propre, le seul qui vous convienne ! »

Page 71, l'auteur résume le sens d'une parabole de Rama Krishna, par la sentence suivante « À chaque âme convient l'image personnelle qu'elle se fait de son Dieu ». « Pour le « saint », peu importe le nom donné à ce Dieu, Vishnou, Jéhova, Christ, Raina, Nirvana, sont des identités».

Ceci n'est pas juste et n'a rien, à voir avec la spiritualité. Ces lieux communs métaphysiques, d'ordre assez rudimentaire, étonnent, sortant de la bouche d'un être aussi remarquable. Il lui échappe d'ailleurs - de temps en temps - des observations vraiment superficielles. Que signifie, par exemple, cette phrase creuse : « L'avenir est une matrice féconde... pourquoi n'enfanterait-elle pas un Dieu ? »

Mais ces faiblesses sont rachetées par des pages magnifiques. Nous recommandons au lecteur la méditation des pages 78, 79, 80, 81, dont nous extrayons ce trop court passage:
« S'ils ne font pas chanter de joie notre cœur, les rites et les routines du culte ne sont d'aucune utilité. La fleur tombe de l'arbre au moment où le fruit apparaît. Ainsi les rites et les prières doivent se détacher comme des écailles d'une âme qui est libérée. Le salut est à l'âme ce que la liberté est au prisonnier. »

Celui-ci est également magnifique : « La façon dont agissent la plupart des gens désireux d'aimer et de connaître Dieu est un scandale. Sans doute le croient-ils plus affamé que le premier mendiant venu, qui tend la main, et que l'on contente aisément en lui jetant une poignée de ceci ou de cela... »

Dures et fortes vérités, qui valent autant sur les bords de la Seine que sur les rives du Gange !

Page 95, la comparaison des aspects de Dieu avec ceux du caméléon éclaire bien la pensée de Rama Krishna. Seulement, peut-on assimiler la conception que chacun se fait de Dieu, à Dieu lui-même ? Relevons ici l'aveu implicite qu'il n'a qu'une certaine conception de Dieu, dissemblable de celle d'un autre, mais non, au sens littéral, la vision même de Dieu, l'union avec Lui.

Remarquons en passant (page 112) que le récit d'un incident arrivé à l'un de ses disciples nous montre clairement qu'il se servait de la yoga et l'enseignait.
Or, nous pouvons lire (page 240) que Rama Krishna n'était pas yogi et désapprouvait la yoga, de même que « toutes les formes de prostitution spirituelle ». Il y a là une évidente contradiction.

L'auteur nous décrit ensuite la vie des principaux disciples du maître.
Le « mariage spirituel » du swami Brahmananda est une page très belle et très touchante, dont plus d'un Occidental pourrait faire son profit.

Un peu plus loin (page 126), nous voyons que le fameux Vivekananda, disciple du maître, n'avait pas une mince opinion de ses talents : une humilité de surface trahit un orgueil spirituel qui éclate à chacune de ses phrases. Et comme il parle haut de son « droit » à l'initiation ! Cette page est à méditer profondément, si l'on veut saisir un des points faibles de cette méthode et surtout, si l'on veut comprendre que les pouvoirs incroyables (pour des Occidentaux), que possèdent de tels surhommes, ne sont pas une preuve suffisante de spiritualité. Mais combien plus haute se dresse la stature spirituelle de la mère de Vivekananda. Celui-ci hésitait à se détacher du monde, parce qu'il craignait la pauvreté pour elle. Et voici la belle réponse :« Depuis quand a-t-on vu un membre de notre famille renoncer à Dieu par crainte de la pauvreté ? Ton propre grand-père a quitté son épouse, ses enfants, sa fortune et sa position, dès l'instant qu'il a entendu le Secret des secrets frapper à la porte de son cœur. N'ai-je pas promis à Dieu, longtemps avant ta naissance, que tu serais un homme voué à la religion ? Et maintenant que l'Infini se tient aux portes de ta vie, tu voudrais l'en éconduire ? Aucun de tes ancêtres n'aurait fait pareille chose ! De quel droit redoutes-tu la pauvreté pour moi ? »

Nous devons abréger cette étude, déjà trop longue. Glanons encore en passant cette phrase, qui pourrait être d'un vrai mystique chrétien : « Divine Mère, reprends tous ces livres et toutes ces sciences. La seule chose dont j'ai besoin, c'est de t'aimer. »

Et celle-ci : « Aucun Maître ne descend sur la terre sans y amener avec lui sa troupe de fidèles. Ce sont eux qui, les premiers, lui donnent leur adhésion, qui l'expliquent au reste du monde. »

Cette vérité n'est pas neuve et, même dans cet Occident obscurantiste, nous l'avons entendu énoncer bien souvent. C'est avec plaisir que nous la voyons dans la bouche de Rama Krishna, sur son lit d'agonie où, dans un abandon complet à la volonté de Dieu, il nous semble, à nous, profane, bien grand, bien près des plus hauts sommets de la spiritualité proprement chrétienne.

Nous terminerons cette maladroite critique (et qui ne se sentirait maladroit devant un tel géant ?), par ces paroles de Dhan-Gopal Mukerji : « Peu importe, en vérité, l'opinion de qui que ce soit ; ce qui importe, c'est la vie vécue par Rama Krishna. Si l'exemple de cette vie ne réveille pas en nous la spiritualité, toutes les paroles que nous pourrions entendre ou prononcer à son sujet n'y changeront rien. »

Souhaitons, en terminant, que beaucoup lisent ce livre, non dans un esprit d'admiration aveugle ( «l'Orient, mon cher ! ») ou de stupide dénigrement, mais avec le pieux espoir d'y recueillir les parcelles de vérité et de lumière qui scintillent, ça et là, à travers les pauvres mots humains.

A. SAVORET.

« André Savoret (1898-1977) druide puis alchimiste est un mystique chrétien Connu pour ses livres régulièrement réédités tels que « Visages du Druidisme » ou plus récemment « Du Menhir à la Croix », il est avant tout considéré comme un exégète de la gnose. »


Vie de Rama Krishna.
DHAN GOPAL MUKERJI 


   Traduit de l'anglais par Mme Gabrielle Godet



lundi, novembre 03, 2014

La révolution libérale


Interprète du Dalaï-lama, Matthieu Ricard a été ordonné moine dans l'ordre Nyingma du bouddhisme tantrique, dont la lignée de Mindröling a renié le véritable bouddhisme pour se vouer au culte de l'argent. Selon l'ex-moine Christian Pose, la hiérarchie de Mindröling est « l'un des lobbys les plus "côtés" des milieux d'affaires bouddhistes de Taïwan, de Singapour, de Hong Kong, de Tokyo, des Rotary's et des Lion's Club indiens, américains, européens, canadiens. Mindröling était en fait un club tantrique fortuné très sélect et très fermé comme la plupart des monastères tantriques tibétains de "l'ancien régime" liés à l'Occident fortuné, réactionnaire et militariste ». Le soutien de Matthieu Ricard au capitalisme des "business-lama" ou "golden card lama", au néo-bouddhisme utilitaire et magique, au « sans-frontiérisme » (Matthieu Ricard est pour un gouvernement mondial) se comprend mieux quand on connaît les idée de son père, le philosophe Jean-François Revel.

« Jean-François Revel, explique Eric Zemmour, bien que porté par un antimarxisme militant qui l’aveuglait souvent, fut un des rares intellectuels français à deviner ce qui se passait. Peut-être une affaire de génération : il était né vingt ans après les Sartre et Aron. Il n’avait pas leur vision traditionnelle de la révolution. Dans son livre qui le rendit célèbre dans le monde entier, « Ni Marx ni Jésus », Revel eut la formidable intuition que la révolution ne viendrait pas de Moscou, de La Havane, de Pékin, ou même de Paris, mais qu’elle était partie de San Francisco. La révolution serait libérale ou ne serait pas. La révolution serait encore une fois américaine, même si, comme au XVIIIe siècle, la révolution française parvint à aimanter tous les regards. Revel vit dans Woodstock la révolution des individus ; et dans les mouvements noirs, féministes et gays, la révolution des minorités. Il comprit que la conjonction des deux forgeait, dans les universités américaines des années 1960, ce « politically correct » qui balaierait la société traditionnelle et patriarcale. Ni Marx : en France, les révolutionnaires de Mai 68 utilisaient la langue marxiste, pour accoucher d’une révolution capitaliste. Ni Jésus : la quasi-extinction de la pratique du culte catholique accoucha d’un postchristianisme, une sorte de millénarisme chrétien sans le dogme (« les fameuses idées chrétiennes devenues folles » de Chesterton) mariant un universalisme qui vira au « sans-frontiérisme » et un amour de l’autre poussé jusqu’à la haine de soi. Un pacifisme absolu, tiré encore des Évangiles, se dénatura en un refus absolu de toute guerre, de tout conflit, de toute violence, associés à la virilité, par ailleurs dénoncée par les féministes comme coupable de tous les maux. »

Pour Eric Zemmour, « nous vivons dans une ère carnavalesque. Nicolas Sarkozy fut un Bonaparte de carnaval ; François Hollande est un Mitterrand de carnaval et Manuel Valls, un Clemenceau de carnaval. La Ve République est devenue la République radicale en pire. En ce temps-là, les Clemenceau, Jaurès, Waldeck-Rousseau, Poincaré, Briand etc. avaient encore de la tenue, de l’allure, du caractère, mais les institutions les entravaient et les étouffaient. Aujourd’hui, seules les institutions, comme le corset des femmes d’antan, maintiennent droit nos molles éminences. Chirac dissimulait sous un physique de hussard une prudence matoise de notable rad-soc. Sarkozy masquait par une agitation tourbillonnante et un autoritarisme nombriliste une crainte irraisonnée de la rue et une sensibilité d’adolescent. Hollande cache derrière un humour potache un cynisme d’airain et une main de velours qui tremble dans son gant de fer.

La plupart de nos élites ont renoncé. Nos élites politiques ont abandonné la souveraineté et l’indépendance nationale au nom de leur grand projet européen. Nos élites économiques trahissent les intérêts de la France au nom de la mondialisation et de la nécessaire internationalisation. Plus de la moitié des entreprises du CAC 40 appartient à des fonds étrangers. La France industrielle n’appartient plus à la France. Le CAC 40 n’a plus accueilli de nouvelles entreprises depuis vingt ans. Les patrons quittent l’Hexagone, suivent ou précèdent leurs enfants qui font leurs études à Londres, New York, Montréal, Los Angeles, installent les sièges sociaux de leurs sociétés en Angleterre, aux Pays-Bas, en Amérique, à Singapour ou à Shanghai, comme si leur croissance future ne dépendait que des pays émergents, comme si leur croissance passée ne devait rien au cher et vieux pays.

Nos élites médiatiques justifient et exaltent ce grand renoncement, admonestent et traquent les rares rebelles, et déversent un flot continu de « moraline » culpabilisante sur l’esprit public.

Leur objectif commun est d’arrimer la France à un ensemble occidental qui se liguera face à la nouvelle menace venue de l’Est, en particulier de la Chine. Le traité de libre-échange transatlantique a pour but, aux dires mêmes des négociateurs américains, d’édifier « une OTAN commerciale ». Cet accord soumettrait l’économie européenne aux normes sanitaires, techniques, environnementales, juridiques, culturelles des États-Unis ; il sonnerait le glas définitif d’une Europe cohérente et indépendante. »

Eric Zemmour, « Le suicide français ».




Les Français ont perdu confiance. Ils ont le sentiment que le pays fait fausse route. Mais ils hésitent encore sur les raisons qui ont pu les conduire dans cette impasse. A quel moment se sont-ils égarés ? Ont-ils été trompés ?

Pour les éclairer, Eric Zemmour se livre à une analyse sans tabou de ces quarante dernières années qui, depuis la mort du général de Gaulle, ont « défait la France ». En historien et en journaliste qui a connu bien des protagonistes de cette triste épopée, il mobilise aussi bien la politique que l'économie ou la littérature, le cinéma et même la chanson. Revenant sur des faits oubliés ou négligés, mais décisifs, comme la loi de 1973 nous obligeant à nous endetter auprès des marchés financiers, il nous réserve quelques surprises.

L'auteur relit chronologiquement le passé pour démasquer une succession d'aveuglements technocratiques, de « politique spectacle » délétère, de faux débats et de mensonges, notamment sur la famille, l'immigration, l'Europe ou la mondialisation... Il souligne notamment la responsabilité des élites dans ce fiasco.

Quarante ans d'indifférence au sort des vrais « invisibles » de la République (ouvriers, paysans, employés et cadres « rurbains » chassés en grande banlieue) ont, avec la crise économique, engendré un peuple blessé et perdu, livré aux nouveaux despotes de Bruxelles. Il est temps de faire les comptes ! C'est le premier pas nécessaire pour espérer pouvoir un jour guérir de nos maux.



samedi, novembre 01, 2014

Pourquoi la Chine consolide les marches de son empire


Le Tibet et le Xinjiang sont deux régions de la Chine hautement stratégiques. C’est pourquoi la main de l’étranger n’est pas innocente dans les revendications séparatistes dont elles sont le théâtre. C’est aussi pourquoi Pékin y conduit une politique de colonisation systématique.

Cet empire-milieu du monde, à la fois ethnie et civilisation, est une dynamique de peuplement, celle des Han, sur des territoires sans cesse extensibles, au moins jusqu’aux frontières d’autres civilisations sédentaires. Dans son Histoire de la Chine, René Grousset comparait la construction territoriale de la Chine à celle du Canada et des États-Unis en ce qu’elle était aussi l’histoire de la conquête d’immenses territoires vierges « par un peuple de laboureurs qui ne trouvèrent devant eux que de pauvres populations semi-nomades ». Commencé aux confins du loess et de la Grande Plaine aux alentours du IIe millénaire avant J.-C., le processus colonial se poursuit encore aujourd’hui dans les marches de la Chine : au Tibet, dans les déserts du Turkestan chinois (Xinjiang), dans l’Extrême-Orient russe (la sinisation venant ici pallier l’effondrement de la dynamique coloniale russe) et jusque dans les terres « barbares » par l’établissement de colonies de peuplement en Europe, en Amérique, en Afrique subsaharienne. Telle la colonisation romaine, l’avancée chinoise procède, au Xinjiang comme au Tibet, par l’établissement de paysans soldats, cultivant les terres conquises et prenant femme sur place. Les coûts d’occupation sont ainsi réduits, la zone conquise assurée par un maillage redoutable de soldats pionniers, les autochtones remplacés par captation de leurs reproductrices. Ailleurs, ce sont des colonies marchandes qui s’établissent et s’accroissent à une vitesse vertigineuse.

Entouré des plus hautes montagnes du monde, le plateau tibétain (situé entre 4000 et 5 000m d’altitude et sur plus d’un million de km2 pour la seule région autonome du Tibet) est le château d’eau de la Chine ; il est la source de deux grands fleuves nourriciers, le fleuve Jaune et le Yangzi. Poste d’observation idéal de la Chine et de l’Inde, il offre un avantage stratégique à ceux qui le contrôlent.

Le Tibet a rarement été souverain dans son histoire. Ce n’est qu’entre les VIIe et IXe siècles qu’il pose problème à l’Empire chinois, lorsque ses guerriers fondent sur l’ouest (Pamir), sur l’est (Yunnan), sur le nord (Tarim). S’il n’a été qu’épisodiquement souverain, c’est parce que les Tibétains (dont la langue, l’écriture et le modèle théocratique sont hérités de l’Inde) ont toujours été divisés et que la théocratie des moines les a affaiblis. Installé à Lhassa, le dalaï-lama, souverain politico-religieux, ne contrôlait ni les franges musulmanes de l’ouest du Tibet, ni le sud dominé par des rajahs indiens. Cette faiblesse du système politique intérieur explique que les Tibétains aient régulièrement cherché protection auprès des Chinois et que l’aristocratie tibétaine ait tissé des liens avec les dynasties impériales chinoises.

À la fin du XVIIIe siècle, la Chine des Qing avait atteint une influence maximale, en protégeant notamment le Tibet du Népal. Jusqu’à ce que les Britanniques fassent irruption dans la région, les Chinois se sont contentés de leur suzeraineté sur le Tibet, laquelle découlait naturellement de la demande de protection de leurs vassaux. Après leur contrôle du Sikkim, les Britanniques reconnurent cependant cette suzeraineté (convention tibéto-birmane de 1886). Mais, intéressés par le commerce tibétain, les Britanniques contribuèrent (en sous-main et depuis l’Inde) à renforcer le nationalisme tibétain. En 1947, à la fin de l’Empire britannique des Indes et au début de la guerre froide, les Américains prirent le relais des Britanniques. Le Tibet devint alors un enjeu stratégique majeur dans la compétition entre la République populaire de Chine (créée en 1949), l’Inde et les États-Unis. Dès 1951 (au moment de la guerre de Corée), la CIA mène des opérations au Tibet et entraîne les séparatistes tibétains à la lutte armée contre les autorités chinoises. C’est l’ingérence américaine qui devait alors conduire Pékin à passer d’une logique d’administration indirecte (suzeraineté traditionnelle) à une logique plus directe et répressive. Le soutien américain ne cessera jamais : arracher le Tibet à la Chine constitue l’un des objectifs de la politique asiatique des États-Unis. Mais, pour Pékin, un Tibet indépendant, allié des États-Unis, et où seraient déployés missiles et radars américains, est évidemment inacceptable. (…)



La mondialisation-occidentalisation

Caressé par le président Franklin D. Roosevelt en 1941, le rêve d’un gouvernement mondial sous l’égide des valeurs américaines est apparu réalisable depuis l’effondrement de l’URSS. D’où la volonté de Washington de globaliser l’Otan, le bras armé de sa politique. En commençant par y intégrer la totalité des États européens…

À l’époque de la guerre froide, deux mondialisations s’opposaient, celle du capitalisme, dominée par les États-Unis, et celle du communisme, dans laquelle Chine populaire et URSS se faisaient concurrence. Pour les États-Unis, l’effondrement de l’URSS a ouvert la perspective d’un élargissement rapide de la « mondialisation-occidentalisation ». Le communisme soviétique abattu, il devenait possible d’œuvrer à la transformation globale du monde, d’y absorber notamment les civilisations chinoise et islamique. Il devenait possible de revenir au rêve de Terre-Neuve où, en 1941, Roosevelt et Churchill avaient signé la charte de l’Atlantique : un rêve de gouvernement mondial qui organiserait la mondialisation libérale et démocratique. Rêve, enfin, qui justifia au moins jusqu’en 1947 une politique américaine dite « convergenciste » (selon le terme proposé par l’historien Georges-Henri Soutou) à l’égard de l’URSS.

C’est seulement en 1947, lorsque les Américains commencèrent à comprendre qu’ils ne parviendraient pas à entraîner les Soviétiques dans leur projet, qu’ils se résignèrent à le rétrécir géographiquement : l’atlantisme remplaça le mondialisme, les accords du GATT de 1948 ne s’étendant qu’à une partie seulement de l’économie mondiale. On entra alors dans la guerre froide, et une quarantaine d’années passèrent, jusqu’à ce que, en 1989, le « nouvel ordre mondial » du président George Bush vienne donner une nouvelle jeunesse aux idées de la Charte atlantique de 1941. En disparaissant, le mondialisme soviétique laissait au mondialisme américain de vastes perspectives… Le « convergencisme » fut alors restauré autour du thème mobilisateur de la lutte contre le terrorisme global, thème qui connut certes une accélération en 2001, mais qui fut mis en avant dès la sortie de la guerre froide.
Buts géopolitiques des USA

• Empêcher la Chine de devenir la première puissance mondiale par une stratégie d’encerclement régional, de contrôle de la dépendance énergétique, de dépassement de l’équilibre nucléaire (bouclier antimissile).

• Détruire l’influence russe dans sa périphérie et la ramener à l’intérieur des frontières de la Fédération de Russie.

• Soutenir la géopolitique israélienne par la transformation politique d’un Grand Moyen-Orient musulman démocratisé sous forme de régimes proaméricains ayant établi des relations avec Israël.

• Consolider la construction d’un grand bloc transatlantique, qui s’étendrait jusqu’aux frontières de la Russie et de la Chine, et qui engloberait la périphérie méditerranéenne.

Ce qui n’est pas compatible avec ces objectifs, c’est que les Européens, les Russes ou les Chinois puissent entretenir un quelconque projet de puissance. Un monde multipolaire, c'est-à-dire un monde où des pôles de puissance régionaux s’équilibrent, n’est pas compatible avec l’horizon d’une « mondialisation-occidentalisation » dirigée par les États-Unis. C’est donc bien dans ce cadre géopolitique et idéologique que le rôle de l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) doit être envisagé. L’Otan est en effet l’un des moyens (mais ce n’est pas le seul) que les États-Unis s’efforcent de mettre au service des buts géopolitiques énoncés précédemment. (« S’efforcent », car l’Otan réunit des pays souverains, et l’unanimité est requise dans la décision.)

De fait, depuis 1990, l’Otan est devenue, dans son action comme dans sa composition, de moins en moins euratlantique et de plus en plus globale.
Aymeric Chauprade


Dans « Chronique du choc des civilisations », Aymeric Chauprade démontre que la géopolitique n'est pas une science réservée à un aréopage restreint de spécialistes, mais une clé dont chacun peut se servir pour décrypter l'histoire du début de ce troisième millénaire et pour répondre aux questions souvent angoissantes que pose l'actualité.



Chronique du choc des civilisations


mardi, octobre 28, 2014

La vie de l'initié shivaïte


Les règles de conduite du « participant » (bacchant ou bhakta), du « compagnon » (kaula) qui veut se consacrer à la recherche de la sagesse, sont, d'après le Linga Purâna (I chap. 89, 24-29), au nombre de cinq : ne pas voler (astéya); errance et non-mariage (brahma-chârya) ; absence d'ambition (ahbha); renoncement aux biens matériels (tyâga) et non-violence(ahimsâ). A celles-ci, s'ajoutent pour les apprentis : absence de colère (akrodba) ; service du maître (gurusushruta) ; propreté (shaucha) ; modération dans la nourriture (ahâralâghava) et études (adhyaya).

Dans le monde chrétien, les membres des ordres religieux prononcent trois vœux, de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, c'est-à-dire qu'ils renoncent, en faveur du supérieur de l'ordre considéré comme représentant de « Dieu», aux trois biens essentiels de l'homme, le plaisir, la richesse et la liberté. La différence entre la conception chrétienne et shivaïte est profonde. Le non-mariage n'implique pas nécessairement la chasteté, mais le fait de rester en dehors des responsabilités sociales que le mariage implique. Il ne s'agit pas d'absence d'actes sexuels, ce qui est d'ailleurs une impossibilité pratique. Nous retrouvons quelque chose de similaire dans l'agéla grecque. La pauvreté, absence de convoitise et de possession exclut chez les bhaktas la propriété collective, le monastère. Le bhakta errant est un solitaire et un vagabond. Il mendie sa nourriture et ne fait pas de provisions.

L'obéissance n'est une vertu que pour l'étudiant, et encore se limite-t-elle au service du maître. Jamais le disciple n'abdique son libre arbitre, son indépendance. Jamais le maître ne doit prendre la responsabilité d'imposer un mode de vie ou de penser. Il ne répond qu'aux questions qu'on lui pose et son avis n'est que consultatif. La propreté, le soin du corps, est un devoir essentiel. Le corps est une image du dieu et doit être considéré comme tel. Il est l'instrument de toutes les réalisations. Il faut le maintenir par l'exercice, les bains, les massages dans le meilleur état d'harmonie physique. [...]

La société shivaïte est originellement matriarcale. La propriété, la maison, les terres, les serviteurs appartiennent aux femmes. L'homme n'est qu'un fécondateur, un errant qui s'intéresse aux arts, à la guerre, au jeu, ou bien se consacre à la vie intellectuelle ou spirituelle. Dans les sociétés sédentaires qui s'adonnent à l'agriculture, la propriété normalement appartient à la femme, l'héritage se fait de mère à fille. Le système de la dot en est une survivance. Par contre, dans les sociétés nomades fondées sur l'élevage, c'est l'homme qui prédomine. La femme s'achète. Le principal problème des sociétés issues des invasions aryennes réside dans le fait qu'elles sont devenues des sociétés sédentaires tout en maintenant un système patriarcal de société nomade. La femme représente la propriété, le monde matériel, l'esclavage de l'homme. […]
 

La réalisation de soi-même sur le plan érotique est un aspect essentiel du développement de l'être humain. La prostitution qui permet à l'errant, au moine, au pauvre, mais aussi à l'homme marié, dont les rapports à but procréatif n'ont pas la même valeur, de pratiquer l'extase érotique devient une profession bénéfique et sacrée. Elle correspond, sur un autre plan, à l'aumône, abri et nourriture, due aux errants. Dans l'Inde, de nombreuses jeunes filles étaient dédiées au temple pour y accomplir ce devoir social et religieux qu'est le don de l'amour. Elles recevaient une éducation raffinée comprenant la musique, la danse et les techniques érotiques. Nous voyons de même dans le monde grec, en particulier à Corinthe, la prostitution considérée comme une sorte de service divin. Les Hébreux ont connu eux aussi la prostitution sacrée féminine et masculine.

En dehors de son rôle religieux qui est de permettre à tout homme d'expérimenter l'extase érotique, la prostitution joue également un rôle social essentiel pour la stabilité de la famille. Les traités de politique tels que l'Artha Shastra lui attribuent une grande importance et en définissent les règles. Lorsque le gouvernement Nehru voulut interdire la prostitution dans l'Inde, une délégation de sévères brahmanes se rendit à Delhi pour protester et rappeler que, selon la parole des textes sacrés : « Dans les pays sans prostituées, toutes les maisons deviennent des bordels. » Comme les membres des autres professions artisanales, les prostitués des deux sexes forment des associations très organisées. La corporation des prostitués masculins avait, au moment de l'indépendance de l'Inde, offert son support au gouvernement du Congrès national.

L'institution des danseuses-prostituées des temples, qui en comptaient parfois des milliers, fut interdite par le législateur anglais et provoqua, entre autres, un déclin des arts de la musique et de la danse très liés à cette institution.

La prostitution masculine, principalement sous la forme de travestis, existe toujours dans beaucoup de petites villes et villages indiens, comme elle existait à Athènes. Elle a joué également un rôle rituel lié au culte de l'Androgyne, comme c'est le cas aussi dans le Shamanisme, mais semble aujourd'hui décadente. Toutefois, les prostitués travestis ont une place dans la société. Ce sont eux qui jouent le rôle des bergères amantes de Krishna dans les représentations populaires du Krishna-lîlâ. Les prostitués travestis sont installés généralement à la périphérie des villes, comme autrefois les sanctuaires de Shiva-Dionysos. Par contre, les prostituées femmes sont établies dans l'enceinte même du temple.

Le Shivaïsme est une religion de la nature. Il préconise, pour les initiés, la vie dans la forêt, l'errance, l'éloignement de la cité. Cela implique une obligation d'assistance de la part de ceux qui restent dans la vie active. Les hommes qui se consacrent à l'acquisition des biens matériels ont pour fonction et pour devoir de financer les temples, les prêtres, les moines, les artisans et les artistes, et d'avoir toujours table ouverte pour les errants. L'hospitalité est un devoir absolu. L'errant, le voyageur égaré ne doit jamais trouver une porte fermée. Avant de prendre sa nourriture, chacun doit regarder s'il n'y a pas près de la porte un moine mendiant ou quelque voyageur qui a besoin de nourriture et qui doit être servi en premier.

Théoriquement, les devoirs envers les hôtes sont sans limites. « Vénérer un hôte est la meilleure façon d'acquérir des mérites. Le sage Sudarshana (Bel-àvoir), qui voulait par ses vertus vaincre le dieu de la Mort, dit un jour à sa chaste épouse : Jamais vous ne devez refuser d'honorer un hôte. Un voyageur est toujours l'image de Shiva et tout lui appartient. Dharma (la loi morale) prit alors l'apparence d'un moine errant et s'approcha de la maison du sage en son absence. L'épouse de Bel-à-voir lui offrit l'hospitalité d'usage. Une fois rassasié, il dit : J'ai assez de riz cuit et d'autres nourritures, vous devez maintenant vous donner à moi. Elle s'offrit donc à lui. C'est alors que Bel-à-voir revint et appela son épouse. Ce fut l'hôte qui répondit : Je suis en train de faire l'amour avec ta femme. Dis-moi simplement ce qu'il y a à faire maintenant, car j'ai terminé et suis satisfait. Bel-à-voir lui dit : Excellent homme ! Prenez en paix votre plaisir, je vais m'éloigner un moment. Dharma alors se révéla à lui et lui dit : Par cet acte de piété, tu as vaincu la mort. Tout hôte doit être honoré de la même manière. » (Linga Purâna)
 

Alain Daniélou, Shiva et Dionysos.





dimanche, octobre 26, 2014

Le retour de Shiva-Dionysos


Le Shivaïsme représente l'héritage d'expériences religieuses et humaines accumulées depuis les origines de l'humanité. Sa codification, telle que nous la connaissons, n'est apparue nécessaire que lorsque se développèrent des civilisations urbaines importantes qui pouvaient menacer l'équilibre de l'ordre naturel.

Selon la doctrine des Tantras, le culte de Shiva-Dionysos et les pratiques du Tantrisme sont les seules voies ouvertes pour l'humanité dans l'Âge des Conflits où elle se trouve à présent. Sans un retour au respect de la nature et à la pratique des rites érotico-magiques, qui permettent l'épanouissement de l'être humain et son harmonisation avec les autres formes d'êtres, la destruction de l'ensemble de l'espèce humaine ne saurait tarder. Seuls les fidèles du dieu pourront survivre et donner naissance à une humanité nouvelle.

Toutes les religions qui se sont opposées au Shivaïsme, au Dionysisme, aux sectes mystiques, ont accentué les tendances qui mènent à la destruction de l'harmonie du monde. Chaque retour à des conceptions shivaïtes - même lorsqu'il ne s'agit que d'une tendance – équivaut à une ère nouvelle d'équilibre et de créativité. Les grandes périodes de l'art, de la culture, sont toujours liées à un renouveau érotico-mystique. Tout au long de l'histoire, le Shivaïsme est resté dans l'Inde la religion du peuple. Il reprit graduellement une place très importante dans la vie religieuse des hautes castes grâce au Tantrisme. Il s'infiltra également dans le monde bouddhiste sous la forme du Mahâyâna. Il apparaît revivifié, vers la même époque, dans le monde égyptien, dans le Moyen-Orient, en Grèce et en Italie. Le culte de Dionysos, comme le dieu, renaît toujours de ses cendres.

Maintes fois au cours des âges, la tradition éternelle, liée au culte de Shiva-Dionysos, a été vaincue par les religions nouvelles, issues des ambitions et des illusions des hommes. Pourtant, elle est toujours réapparue, est née à nouveau de ses cendres, comme elle doit renaître dans l'âge moderne.

De nos jours, les conditions semblent favorables pour un retour vers les conceptions traditionnelles du Shivaïsme. Même dans le monde occidental dans lequel les survivances dionysiaques ont été sauvagement persécutées, un retour instinctif vers les valeurs shivaïtes est apparent. Un instinct de survie dans un monde menacé se manifeste sous des formes velléitaires telles que l'écologie, la réhabilitation de la sexualité, certaines pratiques de Yoga, la recherche d'états extatiques par les drogues. Ces velléités, généralement dévoyées et perverties, sont toutefois les indices d'un besoin profond pour retrouver une approche du monde, de l'homme, de la vie, qui soit fondée sur des valeurs réelles, soit conforme à la nature véritable de l'homme et à son rôle dans la création. Ces formes d'expérience ne trouveront leur logique et leur épanouissement que dans un retour au Dionysisme. Ce retour exige la reconnaissance de certains principes fondamentaux, car c'est avec leur aide qu'il peut être possible de retrouver les bases d'une civilisation véritable et de contribuer à limiter les désastres d'un anthropocentrisme aberrant. Ces principes tels que l'on peut les résumer sur les bases des données shivaïtes apparaissent comme les suivants :

1) La création est une. Les divers aspects du monde, de l'être, de la vie, de la pensée, de la sensation, sont inextricablement liés et interdépendants. Les sciences, les arts, les systèmes sociaux et religieux ne sont valables que comme les applications diverses de principes communs.

2) L'être humain est un. Il ne saurait être divisé en un corps, un esprit et une âme. On ne peut séparer les fonctions vitales des éléments émotifs et intellectuels, les activités du corps physique de celles du mental. Nos croyances, qui ont souvent le caractère de passions irraisonnées, et les tendances de notre pensée sont dirigées par des forces cachées qui nous habitent et dont nous devons prendre conscience pour pouvoir les contrôler.

3) La vie est une. Il n'existe pas de séparation entre le monde végétal, animal et humain. Ils sont interdépendants et leur survie commune dépend du respect de leur harmonie où nul n'assume le rôle de prédateur, nul ne s'arroge le droit d'altérer l'équilibre de la nature.

4) Les dieux, les esprits subtils et les êtres vivants sont issus des mêmes principes, sont indissolublement liés. Les dieux et les énergies subtiles sont partout présents dans le monde et en nous-mêmes. Il n'est pas possible pour l'être vivant d'atteindre ou de concevoir le principe causal au-delà de ses manifestations multiples. Il n'existe pas pour l'homme de Dieu unique, mais des dieux multiples.

5) La vérité est une. Il n'existe pas une sagesse orientale et une autre occidentale, une science qui s'oppose à la religion. Il ne peut s'agir que de formes diverses d'une même recherche. Les religions ne sont valables que dans la mesure où elles représentent les efforts de l'homme pour appréhender le divin, pour comprendre la nature du monde, pour mieux jouer le rôle qui lui est dévolu dans l'ensemble de la création. C'est une recherche qui doit rester toujours ouverte, qui ne saurait s'exprimer par des dogmes intangibles.

D'après les textes orphiques et pythagoriciens, c'est durant la deuxième partie de l'Âge de Fer, du Kali Yuga, que doit reparaître la suprématie de Dionysos et que seule la forme de religion que représente son culte reste valable. Cela est également l'affirmation du Shivaïsme. Seules les méthodes du Yoga tantrique sont efficaces dans cet âge où les valeurs se confondent et les rites, l'ascétisme et les vertus des autres âges sont sans effet. Nous pouvons observer que les découvertes récentes des sciences humaines, de la psychologie des sciences naturelles, de l'écologie, suggèrent des approches à des problèmes humains et universels que le Shivaïsme a toujours préconisé. « Il n'est pas exclu que notre époque passe à la postérité comme la première qui ait redécouvert les « expériences religieuses diffuses », abolies par le triomphe du Christianisme... On pressent que tout ces éléments préparent l'essor du nouvel humanisme qui ne sera pas la réplique de l'ancien, car ce sont surtout les recherches des orientalistes, des ethnologues, des psychologues des profondeurs, des historiens des religions, qu'il s'agit maintenant d'intégrer pour arriver à une connaissance totale de l'homme. » (M. Éliade, Méphistophélès et l'Androgyne.) Cette connaissance de l'homme implique celle de la place qu'il occupe dans la création, la reconnaissance de ses limites, du rôle qu'il peut jouer dans la hiérarchie des êtres. Le retour à la sagesse shivaïte apparaît comme la seule voie qui puisse assurer un répit à une humanité qui court vers sa perte à un rythme sans cesse accéléré.

Selon René Guénon : « Il ne s'agirait donc, en somme, que d'une reconstitution de ce qui a existé avant la déviation moderne, avec les adaptations nécessaires aux conditions d'une autre époque... L'Orient peut très bien venir au secours de l'Occident, si toutefois celui-ci le veut bien, non pour lui imposer des conceptions qui lui sont étrangères, comme certains semblent le craindre, mais bien pour l'aider à retrouver sa propre tradition dont il a perdu le sens. » (René Guénon, La Crise du monde moderne.) 


Alain Daniélou

dimanche, septembre 28, 2014

La joie intérieure


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"L'homme est Dieu si la joie coule à flots de lui jusqu'au ciel" Râmatîrtha


Les principales Upanisads enseignent que la Joie Suprême - la Félicité, le bonheur, l'ananda universel - est partout et imprègne tout cet univers visible, est l'essence de cet univers et de chaque être vivant : "Et il est heureux partout ! Autrement, où y aurait-t-il vraiment joie si cette joie suprême n'était pas l'âme véritable de tous les êtres" (Kathrudva Upanisad.)

Car l'on est heureux que lorsqu'on a reçu (perçu ?) l'essence - qui respirerait, qui vivrait, si la Félicité qui est dans l'espace n'était pas ? C'est cette essence seule qui donne la Félicité." (Taittiriya Upanisad)

Dans "Sâdhanâ", Tagore ne fait que répéter que l'Upanisad (sans dire que c'est la Taittiriya Upanisad) exprime : "C'est de la Joie que sont nées toutes les créatures, par la Joie qu'elles sont soutenues, vers la Joie qu'elles progressent et dans la Joie qu'elles pénètrent".

Oui, la Joie est l'essence de l'univers mais comme le souligne Michel Hulin quand en se détourne de son âme, de son essence, on cherche à se réunifier "(...) chaque fois qu'un sujet humain - ou même un quelconque être pensant fini - se détourne de son âtman et selon la pente de son désir extraverti cherche vainement à travers la jouissance des choses extérieures et la domination de ses semblables à se réconcilier avec lui-même, en quelque sorte à se ressouder."

Mais toute cette société détourne les individus de leur âme, de leur essence et de l'essentiel - de leur essence qui est celle de tout dans l'univers, qui est pourtant la seule source de bonheur - et, cela dès l'enfance, avec le "dressage scolaire" qui consiste à éradiquer, à mutiler l'âme de l'enfant, à l'empêcher de la trouver (pour E. Fromm, l'école est un processus d'asservissement qui assassine la créativité de l'enfant). Et pas de meilleur moyen pour "assassiner l'âme" (l'expression est de l'Isha Upanisad) que la futilité, le divertissement et le spectacle, encore plus intensif avec l'audio-visuel qui agresse la vie humaine dès l'enfance, futilité sur laquelle Râmatîrtha avait prophétisé dès 1903 : "Que le monde européen et yankee soit en train de réussir dans sa dévotion complète à la futilité, personne ne peut le nier."

Michel Fromaget a osé dire que dans tout ce système d'éducation "l'esprit, à peine levé, se rétracte et s'atrophie. Et c'est l'enfant lui-même qui finira par étouffer son propre esprit. Car tout enfant aime être aimé, aime être valorisé, il a naturellement peur d être rejeté, ridiculisé. Or, un tel pilonnage s'exerce avec force dès l'enfance la plus tendre, au moins dès l'entrée en cours préparatoire, pour ensuite ne plus guère cesser."

C'est encore Michel Hulin, dans le même petit ouvrage excellent, qui insiste sur le fait que : "l'ignorance métaphysique ne se contente pas de voiler nos pouvoirs naturels de connaissance, elle nous cache également la béatitude incréée, innée, en laquelle nous baignons à chaque instant puisque nous sommes ce "brahman". Et elle n'y parvient cependant pas totalement puisqu'il existe des joies et des plaisirs de caractère "mondain" en lesquels cette béatitude transparaît, quoique émiettée, déformée et souillée par l'avidité du désir et la crispation de la crainte."

Trouver son âme, son essence, sa véritable identité pour cesser de faire du mal à autrui, de l'exploiter ou d'exploiter son pays, de s'enrichir en l'appauvrissant ["La voie du ciel enlève à l'excédent pour compenser le manque, mais la voie des humains enlève à l'indigent pour engraisser le riche." (Lao Tseu)] de détruire la nature par cupidité et désir d'un haut niveau de vie, d'arrêter la violence et l'injustice sur Terre, issues de l'insatisfaction et des frustrations de l'ignorance de l'âme, de la dichotomie entre le corps-mental et l'âme (Atman) qui est la véritable identité de chacun et que l'ignorance métaphysique ambiante occulte dès l'enfance - Et pourtant, on oublie que dans l'Inde antique (si différente de la violence de l'Inde moderne,que je regrette) pour les Dharma-Sûtra, la société devait "mettre en place toutes les conditions possibles pour favoriser un développement moral et spirituel de l'être humain et pour le conduire à travers les différentes étapes de l'existence et quelque soit son niveau social et psychologique, vers un bien suprême, le plus haut but de la vie humaine qui est appelé l'obtention du soi (âtma-lâbha), c'est-à-dire la réalisation de la nature essentiellement divine et immortelle de son être intérieur" (Tara Michaël). La société devait donc favoriser les moyens pour chacun de trouver son âme, son Atman (l'esprit pour Michel Fomaget) et non en être la répression sous des prétextes économiques ou idéologiques...

Avec l'âme, la vie ne peut être que poétique et la vie poétique c'est de percevoir l'essence (la "vérité") à chaque instant, ce que l'Ishâ Upanisad exprime si bien : "Voir que tout ce qui existe demeure en vérité en Soi, et que l'on est soi-même en tout ce qui existe, cela met un terme au désir de pensée."

La poésie commence (ou l'Intuition) quand s'arrête la pensée discursive qui fragmente et découpe la réalité, qui refoule ou néglige ce besoin d'unité. Comme l'écrit Yves Bonnefoy qui précise "La poésie est la mémoire de l'Un (...), la poésie est aussi la théologie de la terre"...

Et ce très bon choix des "Œuvres complètes" de Râmatîrtra, de mon ami Jacques Vigne, ce florilège, nous montre que Râmatîrtra était un "poète à l'air libre", que réalisation du Soi et poésie se rejoignent, que trouver son âme mène à la vie poétique, à la Joie sans objet de trouver son essence, son âme, en toute chose...

Il pouvait dire : "J'aime la terre et je sens sa vie comme une partie de moi. Ma seule prière, c'est le bonheur que j'aime."

"La Joie de se mêler avec soleil et brise ! Oh ! la Joie d'errer dans les profondeurs de la forêt céleste(...)"

"La brise qui nous embrasse et les rivières qui murmurent etc.. ne doivent pas être mises de côté comme des aides extérieures ; tout est en nous (...)"
Michel Jourdan, poète.

Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...