jeudi, juin 13, 2013

Shambhala, centre occulte du futur gouvernement mondial ?



Message télépathique de Shambhala : Méditez... Ne luttez pas... Soumettez-vous...

par Leek Osov

Qu'est-ce que Shambhala d'un point de vue ésotérique ? Connaître les véritables légendes tibétaines et mongoles permet déjà de se sortir des fantasmagories du New Age qui voudrait en faire un paradis de coton, alors que les descriptions authentiques en font un point de force majeur de la planète qui serait plutôt lié à l’élément Feu. Toutefois, tant qu'on en reste a une compréhension "mythique", on ne va pas beaucoup plus loin que les innombrables "chercheurs de Shambhala" qui se sont lancés à pied ou à dos d’âne dans l’Himalaya avec l’espoir de tomber sur le "Royaume perdu" au détour d'une vallée. Non, il faut une approche ésotérique qui nous permettrait de comprendre précisément sa place et son rôle exacts dans l'organisme énergétique qu'est la planète Terre.

Dans cette perspective, la seule source valable sont les écrits d'Alice Bailey (1880-1949), dans lesquels se sont décrits non seulement les différentes hiérarchies invisibles de la planète mais aussi leur plan pour l'humanité dans les prochains siècles. Inconvénient majeur, ces informations viennent directement par channeling, de celui qu'on nomme... le Tibétain, alias Djwahl Khul qui, naturellement, a un certain parti pris pour les Mongols, étant lui-même (il l'admet) de cette race-là.

Tous les écrits d'Alice Bailey ne sont en fait qu'un gigantesque appel pour que des âmes viennent participer au Plan mis au point par ces forces-là — forces qui, comme nous l'avons compris en ce qui concerne le lamaïsme, agissent magiquement sur le monde, mais sont arrivées à un point où elles ont aussi besoin d'acteurs conscients. Ou plutôt semi-conscients, car en politique les enjeux réels restent cachés, surtout lorsqu'ils sont peu avouables... L'enjeu de l'époque est  la mise en place d'un gouvernement mondial garantissant une paix durable afin que les entités invisibles entourant la Terre puissent continuer à parasiter tranquillement l'humanité. Elles-mêmes ne se considèrent. bien sûr, pas comme des parasites mais comme des acteurs utiles de l'économie énergétique planétaire. Elles croient surtout avoir atteint un haut niveau spirituel alors qu'elles n'ont fait qu'hypertrophier, par des exercices occultes, certains aspects de leur être au détriment des autres. Pour dire les choses simplement : ceux qui se prennent pour des bodhisattvas alors qu'ils sont bloqués depuis des éons dans les royaumes des morts — sont les pires ennemis de la liberté sur Terre.

Quoique menant une vie antinaturelle, hors de l'harmonie universelle, ces entités sont organisées hiérarchiquement. Ce que nous apprenons en lisant l'ouvrage d'Alice Bailey Extériorisation de la Hiérarchie (duquel nous avons extrait les citations ci-dessous), c'est qu'il y a trois centres de force majeurs dans la hiérarchie planétaire.

Ces trois centres s'occupent actuellement de la mise en place du Nouvel Ordre Mondial à différents niveaux. En commençant par le plus bas, il y a le "troisième rayon" qui s'occupe de mettre au point la civilisation future d'un point de vue technique. Tout ce qui concerne l'industrie et la technologie prend forme, nous dit-on, grâce à ce centre. Son pouvoir est celui de l' intellect, c'est-à-dire de l'intelligence pratique. Le groupe qui s'occupe de cet aspect est simplement mentionné par Alice Bailey comme étant "l'Humanité".

Le deuxième rayon est celui dit de "l'amour-sagesse". C'est le centre qui s'occupe de mettre au point la future religion mondiale, notamment en développant l’œcuménisme et en atténuant tout ce qui pourrait constituer un obstacle à cette prochaine fusion. Djawhl khul est directement lié à ce centre, les Tibétains étant, bien entendu, des experts en ce qui concerne la manipulation des émotions. Le groupe qui s'occupe de ce rayon se nomme simplement "la Hiérarchie" - c'est la hiérarchie des "maîtres de sagesse" auxquels se réfère presque exclusivement le New Age. Ce sont les parasites les plus proches de notre sphère de conscience.

Finalement, nous arrivons au premier rayon, celui de la volonté. C'est là que se décide la politique mondiale future. Et ce qui va nous intéresser, c'est que ce centre occulte-là est constamment mentionné dans la littérature néo-théosophique sous le nom de Shambhala.

UN MYSTÉRIEUX CENTRE DE LA VOLONTÉ

Nous allons nous rendre compte que Shambhala est encore plus mystérieux qu'il n'y paraît au premier abord, car même Djwhal Khul - qui parle pourtant ouvertement de nombreux aspects du monde invisible - évoque ce centre comme quelque chose qu'il ne connaît pas vraiment - quelque chose qu'il doit toutefois suivre car lui-même est inféodé à cette hiérarchie occulte. Ainsi explique-t-il : « Le problème de l'obscurité apparemment impénétrable de l'intention de Shambhala (...) est une situation à laquelle la Hiérarchie doit s'adapter au moyen de l'alignement » (p. 535).

Dans le vocabulaire de Djwhal Khul, la Hiérarchie représente le deuxième rayon qui doit faire le lien entre l'humanité (troisième rayon) et Shambhala (premier rayon). Elle doit assurer l'équilibre, ce qui n'est pas toujours facile car les impulsions volontaires provenant de Shambhala sont parfois très violentes. Djwhal Khul poursuit :

« À votre modeste échelle, vous vous adaptez à la Hiérarchie en construisant le pont qui unit l'humanité à la Hiérarchie (...) De son côté, la Hiérarchie travaille à établir des fils entre elle-même et Shambhala (...) La tâche qui attend ceux qui travaillent dans l'alignement par l'adaptation est en quelque sorte d'électrifier ce pont, produisant une interconnection complète entre ces trois centres, de sorte que le poids de la Volonté de Sanat Kumara puisse progresser sans entrave de sphère en sphère et de gloire en gloire ».

Pour utiliser un vocabulaire plus explicite, le but ultime de tout ce travail dit "spirituel" serait donc que Sanat Kumara - chef de Shambhala dans le vocabulaire néo-théosophique - puisse imposer sa volonté sans entrave à l'humanité, que cette dernière lui soit totalement soumise. Et le but de la Hiérarchie dont Djwhal Khul fait partie est uniquement d'harmoniser par tous les moyens ces deux groupes de nature différente. Pour Djwhal Khul, la volonté de Shambhala est bien évidemment la volonté de Dieu, mais compte tenu de ce que nous savons des Tibétains, ne se pourrait-il pas que ce que l'on appelle "Dieu" soit un groupe de lamas, ou autres êtres, qui ont surdéveloppé leurs pouvoirs psychiques ?

Djwhal Khul nous explique qu'un changement est survenu depuis le milieu du l9 siècle :

« Shambhala peut maintenant atteindre l'humanité directement. Il y a donc deux points de contact, le premier via la Hiérarchie, comme c'est le cas depuis longtemps, et le second conduisant en ligne directe l'énergie de Shambhala vers l'humanité. (...) Quand cette ligne directe d'énergie spirituelle. Électrique, fit son premier impact sur Terre, elle éveilla la pensée des hommes de manière nouvelle, produisant de grandes idéologies : socialisme, communisme, hitlérisme. Elle éveilla leur désir de masse mais rencontra de l'obstruction sur le plan physique. » (p. 586)

Ce que Djwhal Khul affirme ici, c'est que l'émergence des grandes idéologies totalitaires est le résultat d'un « afflux direct de la force de Shambhala » (p.126), qui agit sur la volonté des masses (il dit le « libre-arbitre des masses ») sans passer comme auparavant par le centre régulateur de la Hiérarchie spirituelle. Alors, le désir des masses s'est exacerbé dans le sens d'un désir d'une « amélioration des conditions de vie ». Ce désir « s'est concentré, exprimé, est devenu créateur sous l'influence de la force de Shambhala ».

Mais comme ces "idéaux" — globalement socialistes — n'ont pas immédiatement pu se réaliser sur le plan physique. cette situation a dégénéré dans les deux guerres mondiales que nous connaissons. Le feu de cette volonté mal contrôlée — sans doute parce que dirigée essentiellement vers un désir égocentrique de mieux-être — s'est donc retourné sur lui-même.

« L'énergie de Shambhala étant un aspect du rayon destructeur se mit à consommer dans les feux de la destruction tous ses obstacles. Ceci fut la cause profonde de la guerre mondiale (1914-1945) - l'anéantissement bénéfique de ce qui gênait le libre écoulement de l'énergie spirituelle vers le troisième centre. » (p.586)

Ce qu'il y a de révoltant dans cette déclaration, c'est que toute cette boucherie n'est perçue que comme une étape — difficile mais nécessaire — vers un plus grand bien. Du point de vue de la Hiérarchie, il y a toujours une évolution positive. C'est « l'adaptation par l'alignement ».

CONSTITUTION DE L'ORDRE MONDIAL

Dès 1945, sans s’apitoyer sur ce qui s'est passé, les "maîtres de sagesse" se préparent à la suite du Plan :

« Une puissante activité du premier rayon entre actuellement en action. Le Christ a donné tout pouvoir à Shambhala pour éclairer, si possible, les divers corps législatifs nationaux (...) afin que le cycle de conférences dont les hommes d'État prennent actuellement l'initiative puisse être guidé directement par ceux qui. dans la Chambre du Conseil de Shambhala, connaissent la Volonté de Dieu. » (p.446)

Djwhal Khul évoque les conférences qui ont donné naissance aux Nations Unies, organisation au sein de laquelle la Hiérarchie sera tant impliquée.

Et ce dernier de préciser : « Au cours des âges, les hommes d'État ont répondu de temps en temps à l'influence de a Conseil spirituel suprême. Mais il s'agissait de la réceptivité individuelle du disciple. (...) Aujourd'hui, l'effort spirituel est de les faire passer, en tant que groupes actifs, sous l'impact direct de l'énergie de Shambhala. » (p.447)

Autrement dit, selon le point de vue de la Hiérarchie, l'énergie brûlante du premier rayon a eu pour effet de « détruire la civilisation ancienne et dépassée » pour ensuite permettre la mise en place d'un gouvernement directement sous l'influence de Shambhala : c'est le Nouvel Ordre Mondial, dont les organes n'ont cessé de se renforcer depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Nicolas Rœrich, ardent théosophe et mondialiste avant l'heure, dont les nombreux voyages au Tibet l'avaient familiarisé avec Shambhala, considérait la Cité comme « le siège du gouvernement planétaire ». De là est coordonné une armée d'agents qui opèrent sur Terre au nom du royaume caché. La planète entière est recouverte par un réseau de membres, assistants et contacts du « gouvernement international » qui n'attendent qu'un signe de Shambhala pour se révéler au grand jour.

Selon Rœrich, le gouvernement de Shambhala a le pouvoir de pénétrer télépathiquement dans la conscience de chaque citoyen de la Terre, sans que celui-ci ne réalise d'où viennent ses idées. « Comme des flèhes, les transmissions du gouvernement entrent dans les cerveaux de l'humanité ».

Toutes ces interventions magiques n'ont au final, pour Rœrich, comme pour Djwhal Khul, qu'un seul but : préparer la venue du futur Bouddha-Maitreya dont le nom est synonyme d'après Rœrich, de celui du Ruda Chakrin, le « furieux tourneur de la roue » du Kalachakra Tantra. Car, bien entendu, pour que Shambhala puisse être reconnu et accepté par les masses humaines comme un gouvernement légitime, il va falloir qu'il soit reconnu de « droit divin ». Un messie est donc indispensable pour permettre cette « extériorisation de la hiérarchie ».

Et « cette réapparition est une préoccupation majeure » (p.660) des maîtres du second rayon auquel Djwhal Khul appartient. Il explique dans d'innombrables détails les difficultés que rencontre son groupe pour mettre en place la supercherie planétaire que sera la « venue du sauveur » et s'assurer qu'elle sera acceptée par suffisamment de monde.

LE MAL A UN NOM...

Au final, sommes-nous plus éclairés sur ce que représente Shambhala d'un point de vue ésotérique ? Nous nous rendons compte qu'il est lié à une forme de mal très perverse, qui met tout en œuvre — tromperie, destruction, manipulation télépathique — pour s'imposer à la volonté les masses. Mais qui représente-t-il ? Où est-il ?

Pour nous aider à nous repérer, nous avons encore un indice de Djwhal Khul... « Shambhala est aussi le centre où la Volonté la plus élevée du Logos solaire est imposée à la Volonté de notre Logos planétaire qui n'est, comme vous le savez, qu'un centre de son grand corps de manifestation ».

Shambhala est donc sur une dimension bien plus élevée que les divers "maîtres de sagesse" de la Hiérarchie invisible qui, agissant généralement depuis le plan astral ou mental, ne sont que les bas fonctionnaires d'une hiérarchie aux dimensions solaires.

Et là, nous ne pouvons manquer de faire remarquer que, dans la littérature ésotérico-gnostique, le Soleil est considéré symboliquement comme le "trône de Satan". Des ésotéristes plus récents ont par ailleurs localisé Satan sur le plan bouddhique, c'est-à-dire un plan bien plus élevé que les plans astraux ou mentaux où flottent les "maîtres de sagesse".

Autre indice concordant : le Roi de Shambhala est aussi désigné sous le nom de "Roi du Monde". Or dans la tradition chrétienne, c'est souvent sous l’appellation "Prince de ce monde" que l'on évoque Satan alors que Jésus, lui s'identifie à un "royaume qui n'est pas de ce monde". N'y a-t-il pas d'ailleurs un parallèle troublant entre les noms "Satan" et "Sanat Kumara", le roi de Shambhala ?

Nous n'aimons pas les raccourcis trop faciles qu'emploient les chrétiens fondamentalistes pour dénoncer tout ce qui ne leur plaît pas. Mais les pistes semblent toutes indiquer que le "Dieu" auquel obéit la Hiérarchie de Djwhal Khul n'est autre que Satan, dont la nature de feu – solaire, volontaire - inquiète les entités de l'au-delà mais à laquelle ils doivent se soumettre car leur propre survie en dépend.

La "Grande Babylone". visible et invisible, est comme ça : chaque entité a peur de ce qui se trouve au-dessus d'elle, mais elle a plus peur encore de perdre sa sécurité et c'est pourquoi elle est prête à tous les compromis. Djwhal Khul le dit et le répète : la méthode principale de la Hiérarchie est "l'adaptation par l'aligne-ment-. Il ne faut donc pas réfléchir sur le bien fondé de ce qui est entrepris, mais seulement se soumettre à l'insondable volonté de Shambhala. C'est pourquoi Djwhal Khul émet un soutien inconditionnel à l'explosion de la bombe A sur Hiroshima, voulue - dit-il - par ses supérieurs de Shambhala.

Sa "spiritualité" est une spiritualité d'esclaves - et nous retrouvons cette mentalité chez ces peuplades mongoles qui ont toujours vécu sous la tyrannie de roi-dieux qu'ils finissaient, comme Gengis Khan, par "aimer". Si les Mongols et les Tibétains ont un lien si direct avec Shambhala, c'est parce qu'ils ont suivi cette voie depuis très longtemps (selon Max Heindel. les Mongols constitueraient l'une des sous-races de l'Atlantide).

Cependant ce serait une grave erreur de penser que le Roi de Shambhala ne les influence qu'eux seuls et qu'il faudrait désormais les diaboliser comme des ennemis externes.

Car, en cette fin des temps, et surtout depuis les deux guerres mondiales, le feu de Shambhala s'est répandu partout. De même que Gog et Magog — longtemps tenus à l'écart derrière des murs — vont nécessairement se répandre aux "quatre coins de la Terre" lorsque le temps sera venu, cette forme du mal contenue à l'écart du monde va envahir — a envahi — toutes les sphères de notre existence.

Nous vivons à une époque de jugement, une époque où toutes les forces antagonistes reviennent et s'affrontent impitoyablement. On ne peut les fuir car c'est notre conscience même qui est le champ de bataille... Choisirons-nous de nous "adapter" — comme le promeut Djwhal nul et ses enseignements New Age tellement à la mode — ou aurons-nous le courage de regarder le mal en face, de dire "non" autant aux forces noires qu'aux forces soi-disant blanches qui ne font, en fait, que blanchir le Mal pour le rendre plus présentable ?

Leek Osov, V.I.T.R.I.O.L.

Le C.R.O.M. diffuse un dossier complet intitulé « Tibet, la guerre occulte ».

Dambijantsan, le lama assoiffé de sang




Dambijantsan ou Ja-lama, le lama vengeur, était pour les Mongols l'incarnation du terrible Mahakala du panthéon lamaïste. La vidéo évoque le livre de d'Andrei Znamenski, Shambhala Rouge : Magie, prophétie et géopolitique dans le cœur de l'Asie.

Quelle cruauté le tantrisme bouddhique peut conduire en temps de guerre ? Cela est montré par l'histoire du " lama vengeur ", un moine du nom de Dambijantsan qui avait été emprisonné en Russie pour activités révolutionnaires.

« Après une fuite mouvementée, écrit Robert Bleichsteiner, il alla au Tibet ou il fut initié a la magie tantrique. Dans les années 1890, il commença ses activités politiques en Mongolie. Chevalier errant, démon des steppes et tantrika, il éveillait de vagues espoirs chez certains, de la peur chez d'autres, ne reculait devant aucun crime, sortait indemne de tous les dangers, de sorte qu'il était considérait comme invulnérable, bref, il tenait tout le désert de Gobi sous son emprise. »

Dambijantsan croyait être l'incarnation du héros guerrier de la Mongolie de l'Ouest, Amursana. Durant de longues années, il réussit a commander une armée nombreuse et a exécuter une quantité remarquable d' actions militaires victorieuses. Pour cela, il reçut de hauts titres religieux et nobles de la part du Khutuktu d'Ourga.

La forme de guerre de Dambijantsan était d'une cruauté calculée, qu'il considérait néanmoins comme un acte de vertu religieux. Le 6 août 1912, après la prise de Khobdo, il massacra les prisonniers chinois selon un rite tantrique. Comme un prêtre aztèque en pleine majesté, il leur ouvrit la poitrine avec un couteau et leur arracha le cœur avec sa main gauche. II le plaça avec des morceaux de cervelle et d'entrailles dans des crânes faisant office de coupes afin de les offrir en sacrifice aux dieux de terreur tibétains. Bien qu'étant officiellement un gouverneur du Khutuktu, il se conduisit comme un autocrate en Mongolie de l'Ouest et tyrannisa un immense territoire par un règne de violence « au-delà de toute raison et mesure ». Sur les parois de sa yourte, il aimait suspendre la peau écorchée de ses ennemis.

Sa fin fut tout aussi sanglante que le reste de sa vie. Les bolcheviques dépêchèrent un prince mongol qui prétendit être un envoyé du Khutuktu et put ainsi entrer sans mal dans le camp. Devant le « lama vengeur » sans méfiance, il tira six coups de revolver. II arracha ensuite le cœur de sa victime et le dévora devant les yeux de toutes les personnes présents, afin de terrifier - comme il le dit plus tard - ses partisans. II réussit ainsi à s'échapper. Mais le fait « d'arracher et de manger le cœur » n’était pas seulement un terrible moyen de répandre la terreur, cela faisait aussi partie du culte traditionnel de la caste guerrière mongole, qui était déjà pratiqué sous Gengis Khan.

Au vu des terribles tortures dont l'armée chinoise était accusée, et de l'impitoyable boucherie par laquelle répondaient les forces mongoles, une forme de guerre extrêmement cruelle fut ainsi la règle en Asie Centrale, dans les années 1920. Dans ce contexte, la vie et les actions du « lama vengeur » ont été glorifiées par le peuple mongol.

Source : V.T.R.I.O.L. N° 17

mercredi, juin 12, 2013

Les Böns sont-ils bons pour la santé ?



Shenten Dargye ling, Blou.

En France, les lamas Böns (on prononce « beun » ; chez les britanniques les buns sont des petits pains bourrés de gluten) mènent la vie de château à Blou (49) où ils ont acheté la belle demeure seigneuriale de la Modetais.

En cet an de grâce et de vaches maigres, les lamas Böns ont décidé de révéler les secrets de la médecine traditionnelle tibétaine aux Français appauvris ne possédant plus de mutuelle ou ne pouvant payer les dessous de table exigés par des médecins toujours plus avides.

Cet été au château de la Modetais, un Amchi (guérisseur) Bön du nom de Nyima Samphel enseignera les techniques de santé des Tibétains.
 
« La médecine tibétaine, précisent les lamas, se base sur l'équilibre des trois humeurs du corps : bile, vent et flegme. Selon ce système, la cause des maladies est à rechercher dans le déséquilibre de ces trois humeurs et la guérison s'obtient par le rétablissement de cet équilibre. Le traitement principal consiste en la prise de médicaments à base de minéraux et végétaux, mais d'autres soins peuvent également s'y ajouter tels que la moxibustion, l'acupuncture, la saignée ou le massage. »

Un siècle avant l'invasion chinoise à une époque où la vie du peuple tibétain était dirigée par le saint Dharma lamaïste, la doctrine sacrée du toit du monde, le prêtre chrétien Evariste Huc dépeint un tableau très différent de la propagande des lamas.

Dans son livre Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet, Evariste Huc écrit :

« La crainte que les Thibétains ont de la petite vérole est inimaginable. Ils n’en parlent jamais qu’avec stupeur, et comme du plus grand fléau qui puisse désoler l’espèce humaine. Il n’est presque pas d’année où cette maladie ne fasse à Lhassa des ravages épouvantables ; les seuls remèdes préservatifs que le gouvernement sache employer, pour soustraire les populations à cette affreuse épidémie, c’est de proscrire les malheureuses familles qui en sont atteintes. Aussitôt que la petite vérole s’est déclarée dans une maison, tous les habitants doivent déloger et se réfugier, bon gré mal gré, loin de la ville, sur le sommet des montagnes ou dans les déserts. Personne ne peut avoir de communication avec ces malheureux, qui meurent bientôt de faim et de misère, ou deviennent la proie des bêtes sauvages. Nous ne manquâmes pas de faire connaître au régent la méthode précieuse usitée parmi les nations européennes pour se préserver de la petite vérole. Un des motifs qui nous avaient valu la sympathie et la protection du régent, c’était l’espérance que nous pourrions un jour introduire la vaccine dans le Thibet. Le missionnaire qui aurait le bonheur de doter les Thibétains d’un bienfait si signalé, acquerrait certainement sur leur esprit une influence capable de lutter avec celle du talé lama lui-même. L’introduction de la vaccine dans le Thibet, par les missionnaires, serait peut-être le signal de la ruine du lamaïsme, et de l’établissement de la religion chrétienne parmi ces tribus infidèles.

Les galeux et les lépreux sont en assez grand nombre à Lhassa. Ces maladies cutanées sont engendrées par la malpropreté, qui règne surtout dans les basses classes de la population. Il n’est pas rare, non plus, de rencontrer parmi les Thibétains des cas d’hydrophobie. On est seulement étonné que cette maladie horrible n’exerce pas de plus grands ravages, quand on songe à l’effrayante multitude de chiens affamés qui rôde incessamment dans les rues de Lhassa ; ces animaux sont tellement nombreux dans cette ville, que les Chinois ont coutume de dire ironiquement que les trois grands produits de la capitale du Thibet sont les lamas, les femmes et les chiens, lama, ya-téou, kéou.

Télécharger gratuitement Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet :



mardi, juin 11, 2013

Lanza Del Vasto : la violence, la colère et le monde.




La violence

La violence des voleurs, des assassins, des violeurs de femmes, ce n'est pas du tout celle-là qui nous intéresse et que nous combattons. La violence, ce n'est pas des coups de poing ou des coups de pied, ni même des coups de mitraillette. C'est tout ce qui dérange l'ordre harmonieux des choses en commençant par le viol de la vérité, le viol de la justice, le viol de la confiance d'autrui. Je dirai que ce qui nous inquiète le plus, c'est la violence légitimée, celle qui est couverte par les lois, qui est préméditée et systématique.

L'agressivité

Je considère que l'agressivité est tout à fait nécessaire, mais qu'elle a besoin, comme l'amour, d'être convertie. Je dirai que la conversion de la colère, c'est la non-violence ; sans colère, il n'y a pas de non-violence. L'agressivité est indispensable à la conservation de la vie, c'est à partir d'une indignation que le non-violent commence à vivre.

Le monde moderne

Je le condamne parce que je ne le crois pas libérateur. C'est au contraire tout un monde d'esclavage, et puis c'est un monde qui épuise la planète entière. Il produit, sans doute, mais c'est surtout une pompe. La prospérité, vous l'admirez, mais les neuf dixièmes de la production mondiale passent dans quelques pays. Je ne crois pas que ce soit juste ni bon. Si nous essayons de mettre tout le monde à ce rythme, il croulera sous l'abondance de la camelote. L'ambition du tiers monde est de participer à cette aventure de la modernité, mais c'est justement l'un des maux contre lesquels Gandhi a lutté. Je crois que l'ambition légitime de tous les hommes, c'est de vivre d'une vie épanouie, et il n'y a pas besoin d'avoir une telle abondance de moyens pour le faire. Je crois que, par la surabondance des moyens et l'oubli des fins, on oublie les « pourquoi ». A quoi sert la richesse ? A quoi servent la vitesse, la puissance ? Est-ce que ça sert à vivre ? En a-t-on besoin ?

Propos tenus par Lanza Del Vasto le 8 février 1975 à « L'invité de l'autre monde », émission de la deuxième chaîne de télévision.


lundi, juin 10, 2013

John Todd & les nouveaux alchimistes


"Je suis optimiste parce que en théorie on peut réduire de 90% notre impact sur la planète." (John Todd)

Dans le documentaire Visionnaires planétaires, "le jeune éco-militant québécois Mikael Rioux, rencontre le vieux sage mythique Christian de Laet, le charismatique président de la plus grande ONG de développement alternatif au monde, l'Indien Ashok Khosla, le brillant oncologue devenu gourou du développement durable, le Suédois Karl-Henrik Robèrt. C'est aussi la chance de voir les projets du designer écologique John Todd, nommé par le MIT comme un des 35 plus grands inventeurs du 21ème siècle ; d'entendre sa compagne Nancy Jack Todd nous raconter les débuts de leur mouvement d'avant-garde, Les nouveaux alchimistes. C'est également un voyage au cœur de la capitale mondiale de la finance, Zurich, avec l'économiste-humaniste Peter Koenig; un dialogue avec Marilyn Melhman, force tranquille du mouvement Global Action Plan. Et un tête-à-tête avec la grande dame du Kenya, Wangari Maathai, Prix Nobel de la paix et fondatrice du Green Belt Movement".


Les nouveaux alchimistes 

« Il s'agit, dit John Todd, de trouver de nouvelles façons de vivre en remplaçant les machines dévoreuses d'énergie et les objets sophistiqués dont la société industrielle nous encombre par des processus d'inspiration naturelle. De telles technologies "douces" permettront le développement d'un type entièrement nouveau de société que j'appelle "implosive", en ce sens qu'elle vise un élargissement de l'être humain. Cela s'oppose diamétralement à la croissance purement matérielle de cette société explosive qui se contente de l'avoir. 


Je vois un monde qui ne ressemble pas à celui où nous vivons aujourd'hui, un monde où des systèmes de style biologique, conçus dans une harmonieuse globalité par l'intelligence humaine, contrôlés par des micro-calculateurs, alimentés par des sources d'énergie indéfiniment renouvelable, fourniront ce qu'il faut pour réussir une vie bien remplie parce que créative. Ce genre d'alternative implique une totale transformation de la société actuelle. De l'exploitation autoritaire des ressources et de la possession égoïste d'objets, il faudra se tourner vers la symbiose avec la Nature et les activités de l'intelligence et de la connaissance. Cela implique un nouveau paradigme, réalisant la synthèse des savoirs et de la philosophie. Il existe d'ailleurs, dans l'Histoire, des modèles de ce paradigme. Je citerai juste l'hermétisme et le taoïsme. »

Au cours d'un voyage aux États-Unis, Lucien Gérardin a visité l'« Arche alchimique » de John Todd.

« L'Institut pour une nouvelle alchimie, dit Lucien Gérardin, n'est pas une communauté fermée de contemplatifs assis en rond aux pieds d'un gourou. Quand on explore de nouveaux modes de vie, on se doit de partir d'une nécessité de base : produire la nourriture matérielle du groupe. Comme le dit John Todd, il faut alors garder présente à l'esprit l'exigence de pouvoir passer ultérieurement à une plus grande échelle. La plus petite échelle est cette taille critique qui s'avère nécessaire à un groupe humain pour fonctionner sous la forme d'une micro-société autogérée, d'une authentique communauté réellement vivante parce que autonome et non parasitaire.

Les grandes organisations actuelles se montrent de plus en plus fragiles. Elles sont presque toujours un peu en panne, car leur solidité n'est que celle de leurs maillons les plus faibles.

On a vu comment se détériore d'une double façon la balance fondamentale entre la production de nourriture et l'énergie consommée pour cela. La seule issue est à la fois de produire beaucoup plus que l'agriculture traditionnelle, tout en n'utilisant comme énergie de base que celle indéfiniment renouvelable du soleil, à l'exclusion de toute énergie fossile.

En quelques mots, il s'agit d'un système très intégré fonctionnant en totale autonomie, d'une « arche » véritable, et c'est effectivement le nom que lui donnent les « nouveaux alchimistes ». Le soleil fournit l'énergie pour la photosynthèse et le chauffage de serres et de dômes où circule lentement une sorte de rivière artificielle. Un moulin à vent pompe l'eau pour la remonter vers le sommet de l'Arche. L'énergie naturelle se trouve utilisée au mieux, car elle est démultipliée par l'intelligence de l'homme. On se trouve bien à l'opposé de la philosophie industrielle actuelle, qui exige que l'on remplace de façon toujours plus dévorante le travail et l'intelligence par du capital et des machines. »



Visionnaires planétaires




samedi, juin 08, 2013

Le tabac




Nous le savons, du détroit de Behring à la Terre de Feu, les Indiens considéraient le tabac comme l'une des plus importantes parmi les plantes médicinales et magiques, et certains d'entre eux s'en servaient comme d'un véhicule pour l'extase. Nous savons aussi que partout et toujours, à peu près sans exception, aux temps préhistoriques et dans les époques historiques plus récentes, son usage était uniquement rituel. La désacralisation qui affecte, de façon croissante, l'usage du tabac parmi les Indiens est un effet de l'influence européenne (l'Europe découvrait le tabac en découvrant l'Amérique avec Colomb). Néanmoins, certaines significations rituelles restent attachées au tabac du lieu : beaucoup de tribus réservent à un emploi rituel ou cérémonielle tabac qu'elles cultivent, ou collectent dans le milieu naturel, tandis que l'on fume librement le tabac de l'homme blanc, ou "tabac de Virginie ", un hybride local du Nicotiana tabacum.

On a de tout temps consommé le tabac de multiples façons; l'acte de le fumer (en cigarettes, en cigares, ou en pipes) est la plus répandue. Il faut y voir le reflet des nombreuses connotations ésotériques de la fumée du tabac dans les rites chamaniques, en particulier dans les rituels de guérison. Zerries souligne que "le pouvoir du chaman est souvent lié à son souffle ou à la fumée du tabac, l'un et l'autre possèdent les vertus purificatives et revigorantes qui jouent un rôle si important dans les rituels de guérison, et dans d'autres pratiques magiques"·

Outre celle de la fumée, la plus connue, les techniques consistent à priser le tabac, le boire, le chiquer, le manger, le sucer et le lécher. Il y a diverses façons de fumer; et donc, différentes significations attachées à l'acte. Le chaman peut expirer la fumée (pour guérir le malade ou nourrir les êtres surnaturels) ou l'avaler (la" manger») en énormes quantités en vue d'induire un état de transe. Par exemple, dans son rituel de guérison, le chaman des Indiens tenetehana, du Brésil, dansera et chantera en agitant ses maracas, s'arrêtant :

... de temps à autre, pour tirer de longues bouffées d'un gros cigare de tabac local roulé dans de l'écorce de tawari. Combinée au rythme du chant et au mouvement de la danse, la fumée l'intoxique bientôt. Cette opération est l'"appel" de l'esprit. L'esprit ne répond qu'à ses chants spécifiques et le chaman n'est prêt à le recevoir qu'après avoir ingurgité de grandes quantités de fumée de tabac ( …) Alors "l'esprit est fort" et le chaman perd conscience. (Wagley et Galvaô, 1949.)

Comme la fumée, la prise peut être inhalée, en vue d'agir sur le psychisme, ou bien exhalée, suivant les besoins et l'effet recherché. Ainsi les chamans tanaca dans les basses terres de Bolivie soufflent dans l'air de la poudre de tabac, en vue de repousser les êtres surnaturels maléfiques qui menacent un patient ou la communauté tout entière.

Parfois l'on se sert du tabac en le combinant à de véritables plantes hallucinogènes telles que le datura, le yagé (Banisteriopsis caapi), ou des cactus psychédéliques. Souvent le tabac joue un rôle essentiel et sacré comme agent de purification, comme épreuve et comme stimulant, au cours de la longue formation initiatique que reçoivent les apprentis chamans. C'est particulièrement le cas des Indiens caraïbes et d'autres groupes indigènes dans les basses terres du nord de l'Amérique latine. Des ethnographes aussi éminents que Theodor Koch-Griinberg nous ont laissé des relations de première main sur ces épreuves initiatiques. Les jeunes chamans indiens sont privés de nourriture normale pendant de longues périodes, au cours desquelles ils maigrissent jusqu'à ressembler à des squelettes (en bien des régions d'Asie et d'Amérique la mort rituelle et la squelettisation sont des éléments majeurs de l'initiation chamanique). En lieu et place de nourriture, on leur fait absorber de grosses quantités de tabac liquide, par voix nasale et buccale, pour induire une transe narcotique. C'est alors que l'apprenti fait sa première montée au ciel pour rencontrer face à face les esprits de l'Autre Monde. Ensuite il commence à utiliser aussi bien d'autres plantes psychédéliques, en particulier le yagé, dans lequel, dit un chaman à Koch-Griinberg, "réside le chaman, réside le jaguar"· Cette identification conceptuelle du chaman au jaguar est commune à toute l'Amérique du Sud et centrale, elle est souvent réalisée à travers l'usage d'hallucinogènes ou de substances psychédéliques. 

Johannes Wilbert, La Chair des dieux, l'usage rituel des plantes psychédéliques, ouvrage dirigé par Peter Furst.

jeudi, juin 06, 2013

Gurdjieff & l'amour-propre

Gurdjieff parle à ses élèves

Le Prieuré, 13 février 1923


La libération mène à la libération. Telles sont les premières paroles de Vérité, non de la vérité entre guillemets, mais de la vérité au vrai sens du terme - la vérité qui n'est pas seulement théorique, qui n'est pas un simple mot, mais qui peut être effectivement mise en pratique.

Le sens caché de ces mots peut être expliqué de la manière suivante.

Par libération, nous entendons cette libération qui est le but de toutes les écoles, de toutes les religions, à toutes les époques.

Cette libération peut être vraiment très grande. Tous les hommes la désirent, tous les hommes s'efforcent de l'obtenir. Mais elle ne peut être atteinte sans une première libération - une petite libération. La grande libération est une libération des influences extérieures. La petite libération est une libération des influences intérieures.

Dans les premiers temps, cette petite libération semble très grande, parce qu'un débutant dépend très peu des influences extérieures. Seul un homme déjà libéré des influences intérieures tombe sous l'emprise des influences extérieures.

Les influences intérieures empêchent l'homme de tomber sous les influences extérieures. Peut-être est ce mieux ainsi.

Les influences intérieures, l'esclavage intérieur, viennent de sources variées ainsi que de nombreux facteurs indépendants. Indépendants, en ce sens qu'il s'agit tantôt d'une chose, tantôt d'une autre, car nous avons beaucoup d'ennemis.

Ces ennemis sont en si grand nombre que la vie ne serait pas assez longue s'il fallait lutter séparément contre chacun d'eux afin de nous en libérer. Il nous faut donc trouver une méthode, une ligne de travail, qui nous permette de détruire simultanément le plus grand nombre possible de ces ennemis intérieurs qui sont à l'origine de ces influences.

J'ai dit que nous avions toutes sortes d'ennemis. Mais les principaux et les plus actifs sont la vanité et l'amour-propre. Il existe même un enseignement qui les qualifie de représentants et de messagers du Diable.

Pour certaines raisons, on les appelle aussi Madame Vanité et Monsieur Amour-propre. Comme je l'ai dit, ces ennemis sont nombreux. Je n'ai mentionné que ces deux-là en raison de leur caractère fondamental. Pour le moment, on aurait du mal à les énumérer tous. Il serait difficile de travailler sur chacun d'eux spécifiquement et de manière directe, et cela prendrait trop de temps puisqu'ils sont si nombreux. Aussi devons-nous agir sur eux indirectement de manière à nous libérer de plusieurs d'entre eux à la fois.

Ces représentants du Diable se tiennent constamment sur le seuil qui nous sépare de l'extérieur et empêchent aussi bien les bonnes que les mauvaises influences extérieures de pénétrer en nous. De sorte qu'ils ont à la fois un bon et un mauvais côté.

Pour un homme qui veut faire un choix entre les influences qu'il reçoit, c'est un avantage d'avoir ces gardiens. En revanche, celui qui veut accueillir toutes les influences, quelles qu'elles soient – car il est impossible de ne retenir que les bonnes – doit se libérer du plus grand nombre de ces gardiens, et pour finir les éliminer complètement.

Pour cela, il y a de nombreuses méthodes, et un grand nombre de moyens. Personnellement, je vous conseillerais de tenter de vous libérer, et cela sans échafauder de théories inutiles, mais à l'aide d'une simple réflexion, d'une réflexion active.

Par une réflexion active, la chose est possible. Mais pour celui qui n'y arrive pas, qui ne parvient pas à ses fins par cette méthode, il n'y aura pas d'autre moyen d'aller plus loin.

Prenons, par exemple, l'amour-propre qui occupe pratiquement la moitié du temps de notre vie. Si, du dehors, quelqu'un ou quelque chose a blessé notre amour-propre, la force du choc reçu ferme toutes les portes, nous coupant ainsi de la vie, non seulement au moment même, mais pour très longtemps.

Lorsque je suis en relation avec l'extérieur, je vis. Si je ne vis qu'à l'intérieur, ce n'est pas la vie. Mais tout le monde vit de cette manière. Quand je m'observe, je me relie à l'extérieur.

Par exemple, je suis assis ici. M ... est là, ainsi que K ... - nous vivons ensemble. M ... m'a traité d'idiot, je suis offensé. K ... m'a regardé de travers... Je suis offensé. Je « considère », je suis blessé, et je ne retrouverai pas mon calme ni mon équilibre avant longtemps.

Nous sommes tous aussi susceptibles, nous passons tous sans cesse par des expériences semblables. A peine une épreuve commence-t-elle à s'atténuer qu'une autre, de même nature, a déjà pris sa place.

Notre machine est ainsi faite qu'elle ne comporte pas d'aires distinctes pour des expériences simultanées.

Nous n'avons qu'une seule place pour nos expériences psychiques. De sorte que si cette place est occupée par des épreuves comme celles dont je viens de parler, il n'est pas question pour nous d'avoir les expériences que nous désirons. Car ces expériences, auxquelles devraient nous faire accéder certains comportements intérieurs, ne pourront pas avoir lieu, tant que les choses resteront ce qu'elles sont.

M... m'a traité d'idiot. Pourquoi serais-je offensé ? Je ne me sens pas offensé, de telles choses ne m'atteignent pas. Non que je n'aie pas d'amour-propre, j'en ai peut-être plus que n'importe qui. C'est peut-être cet amour-propre lui-même qui m'empêche d'être offensé.

Je réfléchis, je raisonne exactement à l'opposé de la manière habituelle. Il m'a traité d'idiot. Et lui, qui est-il donc ? Un sage ? Peut-être est-il un idiot ? ou un fou ? On ne peut pas attendre d'un gamin qu'il soit un sage. Je ne peux donc pas exiger de lui qu'il soit un sage. Son raisonnement était stupide. Quelqu'un lui aura parlé de moi, ou bien il s'est forgé lui-même l'idée que j'étais un idiot. Tant pis pour lui. Je sais bien que je ne suis pas un idiot, donc cela ne m'offense pas. Qu'un idiot m'ait traité d'idiot, cela ne m'affecte pas intérieurement.

Mais si, à un moment donné, je me suis comporté comme un idiot, et que quelqu'un me traite d'idiot, je ne suis pas blessé non plus puisque ma tâche est de ne pas en être un – je suppose que c'est là le but de chacun. Ce quelqu'un me rappelle donc mon but, il m'aide à voir que je suis un idiot et que j'ai agi comme un idiot. J'y réfléchirai, et peut-être que la prochaine fois je n'agirai pas
comme un idiot.

Ainsi, ni dans un cas ni dans l'autre, je ne suis blessé.

K ... m'a regardé de travers. Cela ne m'offense pas ; au contraire, j'ai pitié de K ... J'ai pitié de lui à cause du sale regard qu'il m'a lancé. Pour un sale regard il doit y avoir un motif. Quel motif peut-il bien avoir ?

Je me connais. Je peux juger d'après cette connaissance que j'ai de moi.

Quelqu'un a pu lui dire quelque chose qui lui a donné une fausse opinion de moi. Je le plains d'être esclave au point de ne me regarder qu'à travers les yeux d'autrui. Cela prouve qu'il n'est pas. C'est un esclave, donc il ne peut pas me blesser.

Tout cela comme un exemple d'une certaine manière de réfléchir.

En réalité, la cause secrète de toutes ces réactions réside dans le fait que nous ne nous possédons pas nous-mêmes et que nous ne possédons pas non plus de véritable amour-propre. L'amour-propre est une grande chose. Si l'amour-propre, tel que nous le considérons d'habitude, est une chose répréhensible, le vrai amour-propre, que par malheur nous ne possédons pas, est désirable et nécessaire.

L'amour-propre ordinaire est le signe d'une haute opinion de soi-même. Qu'un homme ait cet amour-propre, cela montre ce qu'il est.

Comme nous l'avons déjà dit, l'amour-propre est un représentant du Diable ; c'est notre pire ennemi, le frein principal à nos aspirations et à nos accomplissements. L'amour-propre est l'arme maîtresse du représentant de l'Enfer.

Mais l'amour-propre est un attribut de l'âme. A travers l'amour-propre on peut entrevoir l'esprit. L'amour-propre indique et prouve que l'homme est une parcelle du Paradis. L'amour-propre est Je, et Je est Dieu. Par conséquent, il est désirable d'avoir un amour-propre.

L'amour-propre est enfer, et l'amour-propre est paradis. Tous deux portent le même nom ; extérieurement ils sont semblables, et cependant totalement différents et opposés dans leur essence. Mais si nous regardons superficiellement, nous pourrons les regarder toute notre vie sans jamais les distinguer l'un de l'autre.

Selon une sentence très ancienne, « Celui qui a de l'amour-propre est à mi-chemin de la liberté». Pourtant, si nous prenons ceux qui sont ici, chacun d'eux est plein d'amour-propre à en éclater. Et en dépit du fait que nous regorgeons d'amour-propre, nous n'avons pas encore obtenu la moindre bribe de liberté. Notre but doit être d'avoir de l'amour-propre. Si nous avons de l'amour-propre, par cela seul nous serons libérés de quantité d'ennemis. Nous pourrons même nous rendre libres de ces deux ennemis majeurs – Monsieur Amour-propre et Madame Vanité.

Comment distinguer une sorte d'amour-propre de l'autre ? Nous avons dit qu'extérieurement c'était très difficile. La distinction est déjà très difficile à faire quand nous regardons les autres, et quand nous nous regardons nous-mêmes, c'est encore plus difficile.

Dieu merci, nous qui sommes ici, nous sommes à l'abri de toute confusion entre l'une et l'autre sorte d'amour-propre... Nous avons de la chance ! Le vrai amour-propre manque totalement, de sorte qu'aucune confusion n'est possible.

Au début de cet entretien, j'ai employé le terme de « réflexion active ».

La réflexion active s'apprend par la pratique. Il faut la pratiquer pendant longtemps et sous des formes très diverses.

George Gurdjieff



4ème de couverture :

Le nom de Gurdjieff est aujourd'hui reconnu comme celui d'un grand maître spirituel, tel qu'il en apparaît dans l'histoire de l'humanité, à des époques de transition. Voyant la direction que prenait la civilisation moderne, Gurdjieff s'était donné comme tâche d'éveiller ses contemporains à la nécessité d'un développement intérieur qui leur ferait prendre conscience du sens réel de leur présence sur terre. Les notes rassemblées dans cet ouvrage se rapportent à quelques-unes des réunions qui se tenaient chaque soir autour de Gurdjieff, quelles que soient les circonstances. Ces textes ne sont pas une transcription directe. En effet, Gurdjieff ne permettait pas à ses élèves de prendre des notes au cours des réunions. Quelques auditeurs prévoyants, doués d'une mémoire exceptionnelle, s'efforçaient ensuite de reconstituer ce qu'ils avaient entendu. Sans chercher à présenter une synthèse des idées développées par Gurdjieff - comme P. D. Ouspensky l'a tenté avec maîtrise dans Fragments d'un enseignement inconnu - ces notes, si incomplètes soient-elles, ont été reconnues par ceux qui avaient assisté aux réunions comme aussi fidèles que possible à la parole de leur maître. Ces comptes rendus sont précédés de trois autres textes de caractère différent. Lueurs de vérité, datant de 1914, est le récit que fait un élève russe de sa première rencontre avec Gurdjieff, près de Moscou, avant la Révolution. Les deux autres textes, datant respectivement de 1918 et de 1924, sont des conférences données par Gurdjieff.

mercredi, juin 05, 2013

Sexualité & anticléricalisme





Vices et vicissitudes cléricales

La corruption qui gagna à certaines époques le clergé bouddhique se traduisit par un anticléricalisme assez répandu dans le peuple. Cette attitude anticléricale trouva à s'exprimer dans des satires ou recueils pornographiques comme L'océan d'iniquité des moines et des nonnes (Sengni niehai), en exergue duquel apparaît le poème suivant, intitulé « Le bonheur des moines » :

Ils extravaguent sur l'enfer, ils disent qu'il est difficile de l'éviter,
« On a beau faire des contes sur la" félicité " des moines,
Franchement, ce sont des fripons lubriques, voilà tout.
Ils endossent la robe noire, ils se rasent la tète,
Ils se donnent un extérieur imposant, c'est certain.
Mais ils sont chauves, en haut et en bas, Le caillou du bas et le caillou du haut reluisent à l'envi. Tous deux chauves, tous deux luisants —
Ma parole, tout moine a deux têtes chauves.
Ils ont l’œil brillant, comme les rats qui lorgnent le suif.
Ils se tortillent comme les sangsues acharnées à sucer le sang.
Guettant l'occasion, ils appellent une tendre vierge
Et lui révèlent la véritable forme de la Dent du Bouddha.
La Terre de Pureté s'est changée en mer de luxure,
Le froc du moine s'empêtre dans les jupes de soie.
Ils extravaguent sur l'enfer, ils disent qu'il est difficile de l'éviter,
Mais ils ne redoutent pas le grand registre du Roi Yama. »

Dans des romans qui n'ont souvent de bouddhiques que le dénouement, comme le Jin ping mei, la veine anticléricale s'avère également riche :

« Dites-vous bien, chers lecteurs, qu'en ce bas-monde, rares sont les moines éminents dont la conduite est vertueuse et qui demeurent assis en méditation sans se laisser troubler. Les anciens disaient : En un mot, "bonze", en deux, "moine bouddhiste ", en trois, "Officier de plaisirs démoniaques", en quatre, "démon affamé d'assouvissements sexuels".

Et selon Su Dongpo : " Pas prêtre, pas pervers ; pas pervers, pas prêtre; perverti passe à prêtrise, prêtrise pervertit ! " Que cette argumentation serve d'avertissement à ceux qui en sentiraient la vocation !... A habiter ces vastes demeures, dans les cellules attenantes aux temples de Bouddha, à se gaver des dons et richesses qui leur viennent de toutes parts, à manger, de plus, trois repas quotidiens sans avoir à labourer ni semer, et cela sans avoir à se soucier de rien, l'esprit ne peut que s'attacher aux désirs de la chair ».

Les nonnes n'échappent pas à la critique, comme en témoigne le portrait peu flatteur que donne notre auteur de la nonne Xue. Celle-ci, nous dit-on, avait été autrefois mariée. « Toutefois, les affaires périclitant, la jeune femme s'était vue acculée à se spécialiser du côté des moines et novices voisins. Œillades et baisers ne tardèrent pas à lui assurer la cour assidue de ces religieux qui profitaient de l'absence du mari. » Cette même nonne est également versée dans les arts occultes et fournit aux femmes filtres magiques et drogues de fertilité. L'auteur du Jin ping mei met ses lecteurs en garde contre ce genre de femmes :

« Sachez, chers lecteurs, qu'en règle générale les grandes familles ne devraient pas honorer ce genre de nonnes et d'entremetteuses. Au fond des palais et dans les vastes cours elles tiennent compagnie aux dames et, sous prétexte de les édifier par des sermons sur les paradis et les enfers, par des exposés sur les sûtras et écritures saintes, font dans le dos des uns et des autres le compte des marmites et des additions, soufflent le chaud et le froid, ne reculent devant rien de sorte que nos malheurs et calamités, nous les leur devons neuf fois sur dix ».

« Ne dit-on pas qu'il faut se méfier par-dessus tout des trois sortes de nonnes et six espèces de bonnes femmes ? Leur gîte de passage est auprès des moines... Modestement habillées, elles récitent le nom d'Amitâbha, n'ouvrent la bouche que pour parler des routes vers l'Ouest sacré. Tête enveloppée de toile, corps drapé dans robe droite, sanglée d'une cordelette jaune, elles font le porte à porte pour soutirer or et argent. Elles s'insinuent dans les cœurs. Ne vous en laissez pas accroire, ce sont méchantes nonnes : combien de réputations, par elles, minées !

« Comme le dit excellemment encore cette chanson : "La nonne au crâne rasé s'affaire à se donner aux moines nuit après nuit. Trois têtes luisantes semblent réunir le maître à son collège et disciple : mais pourquoi frotter leurs cymbales au lit ?

« Chers lecteurs, sachez qu'il faut se garder comme de la peste des gens à vêtements de bure. A visage de nonne, cœur de garce, car leurs six sens ne sont point apaisés et confuse leur conscience de la nature originelle. Elles ont perdu tout scrupule et vergogne. Bienveillance et compassion ne leur sont qu'hypocrites prétextes à concupiscence et soif du profit. Peu leur chaut de s'enfoncer dans le péché et en alourdir le cycle de la rétribution. Elles ne cherchent que le plaisir de l'instant, bernent les pauvres filles d'humble origine, égarent les femmes émotives des grandes familles, reçoivent des dons à la porte de la façade, mais derrière les coulisses pratiquent l'avortement et ménagent rendez-vous galants. En témoigne le poème :

Moines et nonnes forment une famille
Tourne la roue de la Loi sans escarbille.
Quant à ce qui sert à la reproduction.
Pourquoi couper la fleur qui tombe sans raison ? »

La méfiance du Bouddha était donc justifiée : voilà que ses disciples, malgré tous les interdits qui pesaient sur elles, sont devenues des entremetteuses, des avorteuses et des sorcières ! Il est bien évident qu'on ne saurait accorder trop de crédit à la rumeur anticléricale. Au Japon, par exemple, les nonnes ont dû bon gré mal gré observer un idéal d'ascétisme et de célibat que leurs collègues masculins avaient tendance à jeter par-dessus les moulins. Toutefois ces histoires reflètent un certain état d'esprit et donnent une bonne idée de la façon dont le bouddhisme était perçu. Sans qu'il soit possible ici de faire la part du réel et de la fiction, il peut être utile de s'arrêter un instant sur quelques-unes des motivations de la propagande qui était à l'origine de cette rumeur antibouddhique. On trouve d'abord un courant confucianiste pour qui le bouddhisme, dans son rejet des liens familiaux, était une abomination. Nombre d'histoires anticléricales qui circulaient en Chine relèvent du genre des enquêtes policières — genre popularisé en Occident par van Gulik et son juge Di — qui mettent généralement aux prises un juge confucianiste intègre et des moines dissolus.

Du côté taoïste, après les quiproquos initiaux qui jusque vers le IVe siècle firent prendre le bouddhisme pour une forme de taoïsme, les différences apparurent clairement et la rivalité passa au premier plan. Pendant plusieurs siècles, jusque sous les Yuan, les deux camps se renvoient, pour la développer ou la critiquer, la théorie dite de la « conversion des barbares » — selon laquelle le Bouddha n'était autre que Laozi, le père fondateur du taoïsme, dont on sait qu'il partit au soir de sa vie vers l'Occident. C'est alors qu'il aurait, sous une nouvelle identité, converti les barbares de l'Inde à sa doctrine rebaptisée bouddhisme pour les besoins de la cause. Au fil des controverses, l'histoire rebondit : on apprend qu'un roi barbare qui refusait de croire en Laozi a été soumis par les pouvoirs divins de ce dernier. En signe de repentir, il doit ainsi que ses sujets se raser le crâne. Laozi décrète alors que tous les barbares devront pratiquer l'ascétisme, porter la robe ocre des criminels, mutiler leur corps, et s'abstenir de toutes relations sexuelles. Sous couvert d'ascétisme, il s'agirait selon les taoïstes d'une ruse de Laozi pour interrompre la descendance des barbares et ainsi les anéantir. En somme, Laozi aurait prêché sa doctrine aux Indiens non pour les délivrer, mais pour les humilier, les affaiblir, et finalement les exterminer de la manière la plus économique. Il faudrait donc être particulièrement stupide, arguent les adversaires chinois du bouddhisme, pour adopter une telle doctrine en Chine.

Mais c'est surtout dans la littérature populaire, telle qu'elle se développa après les Song, que le bouddhisme trouva ses plus sévères détracteurs. Le thème du « monastère de la débauche » était courant dans les contes chinois. Certaines de ces histoires tiennent peut-être en partie au fait que le temple bouddhique ou taoïste, souvent construit dans un lieu boisé et retiré, était perçu non seulement comme un lieu sacré, mais aussi comme un espace situé hors des conventions sociales. La liberté relative qui y régnait le rendait propice aux rencontres et en faisait un terrain fertile pour l'imaginaire. Dans l'une de ces histoires, une jeune femme qui s'était abritée d'un orage sous le porche d'un temple est violée et séquestrée par les moines, qui seront sévèrement châtiés lorsque l'affaire est découverte. Dans son commentaire, l'auteur tire des conclusions radicales de ce fait divers : « Ce sont les offrandes faites aux moines qui sont à l'origine de la fornication et des meurtres. Le don est la racine des malheurs. » L'avertissement vaut non seulement à l'encontre des bouddhistes, mais aussi bien à l'encontre des sectes « taoïstes et chrétiennes ». Selon une opinion répandue, les moines ne sont que des preta, esprits faméliques, avides de sexe : ils rejoignent ainsi les femmes non seulement dans des étreintes furtives, mais aussi, comme figures négatives, dans l'imaginaire populaire.

Dans les « recueils d'histoires » (huaben), on trouve nombre d'histoires qui mettent en scène des moines bouddhiques, et notamment des maîtres Chan. L'une des plus connues, intitulée « Le maître Chan Wujie a des rapports illicites avec Lotus Rouge », a pour protagonistes une jeune fille, Lotus Rouge, et deux moines Chan, Wujie (« Cinq Défenses ») et Mingwu (« Claire réalisation »). Wujie était l'abbé d'un monastère de Hangzhou, et Mingwu était son principal disciple. L'histoire rapporte qu'un nouveau-né fut un jour abandonné à la porte du monastère. L'enfant, une fille, fut baptisé Lotus Rouge et confié à un moine. Le temps passa, et Lotus Rouge devint une ravissante jeune fille de seize printemps. Wujie, qui avait oublié son existence, la vit un jour par hasard et fut pris de passion pour elle. Arguant de son droit de cuissage abbatial, il ordonna au vieux moine qui l'avait élevée de lui amener l'adolescente et, la nuit venue, la déflora. La scène suscite chez le narrateur le commentaire suivant :

« Quel dommage que la douce rosée de l'éveil
Ait été entièrement versée dans la corolle de Lotus Rouge ! »

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Mingwu, plongé dans la concentration, avait vu de son « œil de sapience » que Wujie, en souillant Lotus Rouge, avait transgressé l'une des cinq Défenses majeures auxquelles il devait son nom et ruiné en un moment toute une vie d'austérité. Le lendemain, il convia Wujie à un de ces concours poétiques dont les deux amis étaient coutumiers et choisit comme thème les lotus en fleurs. Son poème se terminait par ces vers :

« En été, admirer les lotus est vraiment délicieux,
Mais le parfum des lotus rouges peut-il surpasser celui des blancs ? »

Lorsqu'il lut ces lignes, Wujie réalisa que son acte n'était pas resté secret. Prenant congé, il se rendit dans sa cellule, y composa un poème d'adieu et, s'asseyant en lotus, rendit l'âme. Mingwu, sachant que la rétribution karmique vaudrait à Wujie de renaître comme ennemi du bouddhisme, décida de le suivre par-delà la mort. Et tandis qu'il renaissait pour devenir le maître Chan Foyin Liaoyuan (1032-1098), Wujie renaquit pour devenir Su Shi, le fameux poète des Song, « dont les seuls défauts étaient de ne pas croire au bouddhisme et de détester les moines ». Heureusement, après avoir rencontré Foyin, Su Shi finit par se convertir et obtenir l'éveil. Quant à Lotus Rouge, l'objet involontaire du scandale, l'histoire ne dit pas ce qu'il advint d'elle. Seul la version tardive du Jin ping mei nous apprend que le vieux moine qui l'avait élevée la maria à un homme du commun, auprès duquel elle vécut le reste de ses jours. Toutefois, lorsqu'ils évoquent les rapports de Su Shi et de Foyin comme un exemple d'initiation Chan, Dôgen et ses disciples se gardent bien de faire allusion à cette histoire — qu'ils devaient pourtant connaître.

La critique anticléricale sévit également au Japon. Une des figures de proue de la décadence bouddhique est sans doute celle du moine Dôkyô (mort en 772), dont la tentative d'usurpation du trône ne fut déjouée que de justesse grâce à un oracle du dieu Hachiman. La carrière de ce personnage haut en couleurs, qui avait su s'assurer les faveurs de l'impératrice Kôken, n'est pas sans rappeler celle de Xue Huaiyi, le favori de l'impératrice Wu Zetian. Tous les deux sont restés célèbres dans la tradition populaire, non seulement comme exemples de moines corrompus, mais aussi comme prodiges sexuels. La réputation de Dôkyô faisait encore à l'époque Edo, près de dix siècles après sa mort, l'objet de poèmes satiriques comme le suivant :

« Jusqu'à l'arrivée de Dôkyô, c'était comme si on lavait des racines de bardane » — racines minces et allongées qu'on lave dans une bassine beaucoup trop large.

On trouve dans les documents officiels des Tokugawa, comme dans les romans de l'époque Edo, de nombreuses descriptions de la corruption du bouddhisme. Dans un ouvrage intitulé Usa mondô, Kumazawa Banzan (1619-1691) note : « Ces dernières années, depuis l'ordonnance proscrivant le christianisme, un bouddhisme sans foi a prospéré. Comme chacun, dans tout le pays, possède son propre temple de paroisse, à la différence du passé, les moines peuvent librement s'adonner aux affaires mondaines sans se soucier de la discipline ou de l'érudition... La liberté avec laquelle ils mangent de la viande et s'embarquent dans des aventures amoureuses surpasse celle des hommes du siècle. » L'anticléralisme trouve son expression littéraire la plus achevée dans les romans de Saikaku. Dans La femme du moine dans un temple mondain en particulier, l'héroïne, une courtisane, se rappelle ainsi ses débuts :

« A la longue, je convertis à cette religion [le sexe] les temples des huit sectes, et je puis dire que je n'ai jamais rencontré un seul moine qui ne fût prêt à casser son rosaire » — autrement dit, à faire une entorse à la discipline monastique.

Le titre même du roman fait allusion à la pratique — répandue quoique interdite — qui consistait pour les moines à entretenir une concubine dans leur temple. C'est à cette situation que fait allusion le poème satirique suivant :

« De son Daikoku, l'Abbé a fait un Hotei, ah quel ennui ! »

Ici, le nom du dieu Daikoku (« grande obscurité ») désigne une maîtresse que l'on cache, tandis que Hotei, le Bodhisattva à l'énorme panse, désigne une femme enceinte. Comme le souligne, non sans ironie, l'érudit japonais Tominaga Nakamoto : « Shâkya[muni] désirait simplement que les moines ne se marient pas, et dit que les moines qui n'avaient pas de femme seraient capables de respecter son intention. Cependant dans les générations ultérieures, les moines en vinrent souvent à pendre femme, de sorte que cela ne signifiait rien moins que l'extinction de la Loi. En outre, le Shûramgama-soûtra et le Soûtra des dhâranî d'Avalokiteshara... offrent l'un et l'autre des incantations qui permettent de se délivrer des effets de la passion ou des cinq légumes aphrodisiaques [poireau, oignon, ail, échalote, gingembre]. Ces moines des générations ultérieures, avec leurs femmes, ont dû faire bon usage de ces incantations ! » [Tominaga 1990, p. 138].

Les préjugés antibouddhiques (dans le cas des missionnaires chrétiens) ou anticléricaux (dans le cas des confucianistes ou de Tominaga) de ces sources sont flagrants. Il faut donc chercher dans les sources bouddhiques elles-mêmes. Déjà dans le journal de son voyage en Chine, le moine japonais Ennin (794-864) dénonçait le comportement laxiste des moines Chan qu'il avait eu l'occasion de rencontrer. On trouve chez les moines Chan eux-mêmes une critique sévère à l'égard des « mangeurs de viande » et des fornicateurs. Voici ce que dit par exemple, à l'époque Song, le maître Chan Puan Yinsu (1115-1169) :

« Et aujourd'hui... il en est qui, sans avoir l'éveil approprié, expliquent que boire du vin ou manger de la viande, et commettre l'adultère, ne constituent pas un obstacle pour la nature éveillée. »

Cette attitude avait des lettres de noblesse dans la tradition des « fous » du Chan. Mais l'heure n'est plus aux associations littéraires sur l'ivresse et la folie, facteurs de l'éveil. Les moines actuels, qui imitent le comportement des anciens, le font « sans avoir l'éveil approprié » — ils ne sont que de vulgaires laxistes, non des tricksters. Cette critique est reprise mot pour mot à l'époque Edo par le maître Chôon Dôkai (1630- 1682), un des réformateurs du Zen japonais. Son contemporain Jiun, quant à lui, écrit :

« Être un novice bouddhique signifie simplement se raser le crâne et porter la robe monacale. Certains ne reçoivent mêmes pas les Défenses, d'autres ne les reçoivent que pour les enfreindre. Ils vendent le Dharma et aiment la bonne chère, la boisson et les beaux habits. Ils considèrent la richesse matérielle comme un signe de vertu, et l'habileté en paroles comme de l'érudition. Ils n'éprouvent ni culpabilité ni honte. »

Comme on le voit, les rapports sexuels ne constituaient qu'un des aspects de la transgression, qui incluait aussi les infractions relatives à la consommation de boissons alcooliques et au végétarisme. La consommation de viande et de poisson par les moines était condamnée par les autorités civiles comme un symptôme de la corruption du clergé bouddhique. On sait par exemple que plusieurs moines furent impliqués en 1409 dans un scandale à ce propos et envoyés en exil. La consommation d'alcool de riz, sous le nom d' « eau de prajña », était également courante. En 1419, elle fut strictement interdite au Shôkokuji, l'un des cinq grands monastères Zen de Kyôto. L'année suivante, la prohibition s'étendit à tous les monastères Zen. La même année, un émissaire coréen notait que dans un des monastères qu'il avait visités moines et nonnes dormaient dans la même salle. Enfin, l'homosexualité semble avoir été relativement répandue — à tel point qu'on peut se demander si l'abandon du célibat monastique ne s'est pas imposé en partie comme une mesure visant à réduire la pédérastie et les autres formes d'amour semi-clandestines que décrit Saikaku. Le précédent le plus prestigieux est bien sûr celui de Shinran (1173-1262), qui justifia son mariage par un rêve prémonitoire dans lequel le Bodhisattva Kannon lui apparut sous les traits de sa future femme. La tradition rapporte que son successeur Rennyo avait plus de trente enfants. Cependant, le mariage demeura légalement interdit pour les moines jusqu'à l'époque Meiji — encore que ces derniers aient souvent eu des servantes ou des concubines qu'ils cachaient ou faisaient passer pour des disciples — comme l'héroïne du roman de Saikaku mentionné plus haut. A l'époque Edo, le gouvernement édicta des règlements contre un type de prostituées surnommées bikuni (« nonnes ») — et qui étaient effectivement, dans certains cas, des religieuses déchues. Avec la paix des Tokugawa et l'essor d'une société urbaine portée aux plaisirs, les abords des temples bouddhiques et des sanctuaires Shintô s'ornèrent de maisons de thé dans lesquelles la prostitution mâle et femelle florissait — en dépit des tentatives gouvernementales pour maintenir un semblant d'ordre moral confucéen.

La décadence morale n'est pas un phénomène spécifiquement monastique, mais reflète plutôt le déclin qui affecte la société des Tokugawa dans son ensemble. En enrôlant le bouddhisme dans sa lutte contre le christianisme, le gouvernement des Tokugawa avait lié le destin du bouddhisme au sien et contribué à faire de cette religion ultra-mondaine une doctrine mondaine, voire « demi mondaine ». Il ne faut pas pour autant exagérer la responsabilité des Tokugawa : la déréliction monastique ne date pas de l'époque Edo. Sans remonter de nouveau jusqu'à l'Inde bouddhique, on peut noter qu'Ikkyû, déjà, s'emportait contre les faux pratiquants du Zen qui « convoquent leurs disciples pour un" éveil mystérieux ", et pratiquent un" Zen démoniaque ", faisant des monastères des lieux de luxure ». Il faut néanmoins garder à l'esprit le contexte polémique de telles critiques qui, dans ce cas précis, visaient tout particulièrement le condisciple et rival d'Ikkyû, un maitre Zen du nom de Yôso. L'orthodoxie des uns devient souvent l'hérésie des autres. L'opposition qu'établissait Ikkyû entre son « naturalisme » authentique et celui, dépravé, de ses adversaires passa inaperçue des censeurs, qui mirent son ouvrage à l'index.

Du côté tibétain, la situation n'est semble-t-il guère meilleure. Le cas du sixième Dalaï-lama n'est pas sans rappeler celui d'Ikkyû, mais son destin fut, on le sait, tragique. Par ailleurs, on trouve chez Dugpa Kunleg de nombreuses allusions aux pratiques sexuelles avec une « femme de gnose » ou « sceau » (mûdra). La Félicité suprême est atteinte par ce moyen... Mais l'utilisation de la « machine » qu'est le corps, et particulièrement le sexe, est dangereuse. Comme le souligne Rolf Stein, Atisha et les Kadampa, auxquels Dugpa Kunleg se rattache également, avaient réagi contre les excès des sectes qui pratiquaient au XIe siècle le meurtre (« libération ») et le coït (orgie sexuelle). Néanmoins, les techniques sexuelles en tout cas (et, sur le plan symbolique, la « libération ») ont continué à être pratiquées chez les Nyingmapa. Kunleg met clairement en garde contre l'hypocrisie qui consiste à prêcher à autrui des méthodes qu'on est incapable de pratiquer soi-même :

« Sans renoncer soi-même à l'amour vulgaire
(on choisit une femme) Attrayante, belle mais d'esprit mauvais,
On jouit de la Félicité du coït avec les machines (du corps),
Ces enseignements aussi sont tromperies du Démon ».

Il ne voit là que duplicité et mensonge :

« Prêcher à autrui, comme sainte religion, la méthode de faire remonter la " goutte " [le sperme], alors qu'on tombe soi-même dans la procréation d'enfants, cette voie ou " méthode sexuelle " n'est qu'un mot qu'on porte à la bouche, cela aussi est un exemple d'antinomie. ».

Bernard Faure

lundi, juin 03, 2013

La Grande Nature Sans Action



Le monastère de Menri dans l'Himachal Pradesh (Inde).

« Chez les Bönpos, il y a cinq clans ou familles : les Dru, les Zhu, les Pa, les Me, et les Shen. Même s'ils sont tous Bönpos, chaque clan possède sa propre lignée traditionnelle et ses règles strictes. Si Shardza Tashi Gyaltsen les respecta toutes, il suivit surtout celle des Dru, parce qu'elle est détentrice de la lignée de Menri »
Tenzin Namdak


Le lama Bönpo Shardza Tashi Gyaltsen (1859-1935) disait :

« Le pratiquant de capacité supérieure n'a pas besoin de méditer ou de contempler, il a simplement besoin de prendre une décision. Par cette ferme décision, il est libéré. [...]

L'activité ne peut apporter la Bouddhéité car toutes les activités sont matérielles et donc impermanentes. La Nature et la vérité ultime sont comme le ciel ; aucune activité ne peut apporter la vacuité. Ainsi, décidez simplement d'entrer dans la « Grande Nature Sans Action ».

Au pratiquant soucieux de s'affranchir des pensées adventices, il rappelait :

« Toute la pratique a pour but de voir directement avec pleine conscience (la conscience claire). Cela parce que, lorsque les pensées s'élèvent soudainement, à l'instant même, elles se libèrent d'elles-mêmes (si vous en êtes conscient). »


Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...