lundi, avril 23, 2012

Présidentielle 2012





Hollande, Sarkozy, Le Pen

Le vote du 22 avril est une expression régressive des électeurs de la grande et moyenne bourgeoisie (UMP, PS) et du nationalisme petit-bourgeois (FN). Les Français ont peur de l'avenir. Ils s'accrochent donc aux idéologies du passé (des XIXe et XXe siècles) et n'admettent pas les bouleversements entrevus par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune :

« Très probablement, nous sommes entrés dans l'hiver du cycle libéral, et pas seulement sur le plan économique. Un autre cycle va naître ; il est même déjà né, dans la société – comme toujours – , parce qu'une autre génération monte et qu'elle se détermine comme la précédente, en prenant le contre-pied de celle qui l'avait précédée, comme les baby-boomers l'avaient fait il y a près d'un demi-siècle. […]

Le monde qui s'ouvre serait alors très différent de celui que nous quittons. Il pourrait changer radicalement les règles de la société et les canons de l'économie. Ce qui était adulé naguère serait vilipendé demain, et inversement. On pourrait voir apparaître d'autres illusions, ni plus fécondes ni plus dommageables, mais véritablement différentes. »

TV & propagande

Presque toutes les chaînes de télévision programment de nombreuses œuvres cinématographiques et des émissions consacrées au cinéma. « Dans notre monde contemporain, écrit Edward Bernays, le cinéma est à son insu la courroie de transmission la plus efficace de la propagande. Il n'a pas son pareil pour propager idées et opinions. Le cinéma a le pouvoir d'uniformiser les pensées et les habitudes de vie de toute la nation. Les films étant conçus pour répondre aux demandes du marché, ils reflètent, soulignent, voire exagèrent les grandes tendances populaires, au lieu de stimuler l'apparition de nouvelles manières de voir et de penser. Le cinéma ne sert que les idées et les faits à la mode. Tandis que le journal a pour vocation d'informer, le cinéma a pour vocation de distraire. »

Edward Bernays est l'auteur de Propaganda, « le manuel complet de l'industrie des relations publiques, selon Noam Chomsky. Véritable guide pratique écrit en 1928 par le neveu américain de Sigmund Freud, ce livre expose cyniquement et sans détour les grands principes de la manipulation mentale de masse ou de ce que Bernays appelait la « fabrique du consentement ».

Comment imposer une nouvelle marque de lessive ? Comment faire élire un président ? Dans la logique des « démocraties de marché », ces questions se confondent.

Bernays assume pleinement ce constat : les choix des masses étant déterminants, ceux qui parviendront à les influencer détiendront réellement le pouvoir. La démocratie moderne implique une nouvelle forme de gouvernement invisible : la propagande. Loin d'en faire la critique, l'auteur se propose d'en perfectionner et d'en systématiser les techniques, à partir des acquis de la psychanalyse.

Le livre est disponible gratuitement sur le site des éditions Zones :









Propaganda
Comment manipuler l'opinion en démocratie

Un document édifiant où l'on apprend que la propagande politique au XXe siècle n'est pas née dans les régimes totalitaires, mais au cœur même de la démocratie libérale américaine. Texte présenté par Normand Baillargeon, philosophe, professeur à l'université du Québec à Montréal, et auteur d'un Petit cours d'autodéfense intellectuelle paru chez Lux.


Edward Bernays (1891-1995), neveu de Sigmund Freud émigré aux États-Unis, fut l'un des pères fondateurs des "relations publiques". Conseiller pour de grandes compagnies américaines, Bernays a mis au point les techniques publicitaires modernes. Au début des années 1950, il orchestra des campagnes de déstabilisation politique en Amérique latine, qui accompagnèrent notamment le renversement du gouvernement du Guatemala, main dans la main avec la CIA.



samedi, avril 21, 2012

La dictature des riches





Le coup d’État permanent des riches contre la démocratie a démarré avec la « loi Rothschild » ou « loi Pompidou-Giscard » de 1973 qui interdit à l’État d’emprunter directement auprès de la Banque de France (Banque centrale publique française).

Pour le journaliste indépendant Olivier Bonnet, « la dette publique est une escroquerie ». Il explique :

« En cause, la loi Pompidou-Giscard de 1973 sur la Banque de France, dite « loi Rothschild », du nom de la banque dont était issu le président français, étendue et confortée ensuite au niveau de l’Union européenne par les traités de Maastricht (article 104) et Lisbonne (article 123). D’une seule phrase découle l’absolue spoliation dont est victime 99% de la population : « Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la banque de France« . En clair, la Banque de France a désormais interdiction de faire crédit à l’État, le condamnant à se financer en empruntant, contre intérêts, aux banques privées, au lieu de continuer à emprunter sans intérêt auprès de la banque de France qui lui appartient. Depuis l’application de ce principe, la finance et son infime oligarchie donnent la pleine mesure de leur asservissement des peuples, en une spirale exponentielle d’accroissement des inégalités. Le pouvoir est désormais aux mains des créanciers privés, qui l’exercent au bénéfice exclusif d’intérêts particuliers, quand la puissance publique a renoncé à son devoir de protéger l’intérêt général. La démocratie, étymologiquement pouvoir du peuple, est morte. On le voit en Grèce, en Irlande, au Portugal, en Espagne, en Italie, en France… Qui gouverne ? « La troïka »Union européenne, Fond monétaire international et Banque centrale européenne, resserrant toujours davantage son emprise jusqu’à l’étranglement des peuples. Et l’on pérore sans fin sur les plateaux de télévisions, sur les ondes et dans les colonnes de la presse sur « l’insupportable fardeau de la dette »« la France en faillite »« les nécessaires sacrifices », que « nous ne pouvons pas continuer à vivre au-dessus de nos moyens » et que, d’ailleurs, « les Français l’ont compris ». Inlassable propagande des conservateurs-libéraux ? Bien sûr, mais relayée par le silence complice des médias. Et c’est ainsi que s’imposent dans l’opinion les apparentes évidences biaisées qui prétendent l’austérité inéluctable, contre la justice et l’intelligence... »



Le coup d’État des riches expliqué par Étienne Chouard :



Avec Sarkozy, la bande du Fouquet’s s’est régalée :





La dette publique, une affaire rentable 
A qui profite le système ?

« II faut réduire la dette! ». On crie à la faillite ! Tel un père qui demande instamment à ses enfants d'aller ranger leur chambre, notre gouvernement nous dit : " Assez de cette gabegie ! Il est temps de devenir sérieux, remettez vos prétentions sociales au tiroir, l'heure est au travail et aux économies ". Ce qu'on ne nous dit pas, c'est qu'il y a une quarantaine d'années, l'État français n'était pas endetté, à l'instar de la plupart des autres nations, d'ailleurs. En moins de quarante ans nous avons accumulé une dette colossale qui avoisine les 1200 milliards d'euros ! Pourquoi ? S'est-il produit quelque chose qui a fait que l'on ait soudain besoin de recourir à l'emprunt, alors qu'auparavant on se suffisait à nous-mêmes? Et si tel est le cas, qui en bénéficie vraiment ? Qui émet la monnaie ?


André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder nous disent les vraies raisons de la dette et dénoncent les mécanismes destructeurs scrupuleusement occultés. Vulgarisateurs de la "chose économique", leur but est de permettre aux citoyens de "savoir ", afin qu'ils ne se laissent pas impressionner par les épouvantails que l'on agite sous leur nez. Afin de comprendre surtout que nous avons tout pour relever l'immense défi humain et écologique de notre temps et que la dette et l'argent ne sont que " vrais-faux " problèmes.

André-Jacques Holbecq, " économiste citoyen ", est très impliqué dans le mouvement altermondialiste depuis plusieurs années.

Philippe Derudder, son expérience de chef d'entreprise l'a conduit à s'interroger sur les contradictions du système. Il démissionne alors et partage depuis lors le fruit de ses recherches et expériences dans ses livres, conférences et ateliers. 

Étienne Chouard a été un des principaux artisans, par son blog, de la prise de conscience ayant mené au NON au Traité Constitutionnel Européen en 2005.



Le riche


L'homme avisé, lorsqu'il agit, le fait toujours en accord avec les désirs du peuple, si bien qu'il ne contrevient jamais à la norme. Il n'y a jamais de conflit quand on estime avoir tout en suffisance ; n'ayant pas matière à le faire, on ne recherche pas les biens. On ne les convoite que lorsqu'on estime qu'ils font défaut. Alors, on peut entrer en conflit avec le monde entier sans penser que c'est cupidité. En revanche, qui est comblé cède volontiers ce qu'il a en trop. Ainsi peut-on refuser l'empire sans penser faire preuve d'abnégation. La cupidité et l'abnégation ne sont pas tributaires de la pression extérieure, elles se mesurent à l'aune d'une réalité intérieure qui ne peut être connue que par un retour sur soi.

Le sage, même investi de la dignité de Fils du Ciel et disposant des richesses d'un empire, se garde d'écraser le peuple de son mépris en raison de sa position éminente ni ne se joue de ses sujets en raison de ses immenses possessions. Il calcule le malheur possible, il suppute les retournements probables ; et s'il lui apparaît que la possession de toute la terre sous le ciel est préjudiciable à sa nature, il y renonce, sans penser s'attirer gloire ou renom par ce refus. Yao et Chouen abandonnèrent le trône, non pas pour se tailler auprès de leurs sujets une réputation d'hommes bons, mais parce qu'ils ne voulaient pas que ses munificences ruinent leur substance vitale. Le geste de Chan K'iuan et de Hsiu-yeou, qui tous deux refusèrent l'empire qu'on leur offrait, n'était pas commandé par une feinte humilité, mais par la volonté de ne pas laisser les affaires porter atteinte à l'intégrité du moi. En réalité, bien qu'ils se soient bornés à reconnaître leur avantage et à se détourner de ce qui leur était préjudiciable, le monde les encense comme des parangons de sagesse. Mais s'ils en firent preuve ce ne fut certes pas pour la renommée. [...]

La mesure procure le bonheur, l'excès est source de maux, cela est vrai de toutes choses mais particulièrement des richesses. Les oreilles assourdies par le son des cloches, des tambours et des flûtes, le palais rassasié de viandes croustillantes et de vins capiteux, la volonté s'amollit, on en oublie jusqu'aux tâches les plus essentielles. Quelle vie de désordres ! Plongé dans les vapeurs de la dissipation, le riche se sent oppressé comme quelqu'un qui gravit une pente raide lourdement chargé. Quelle vie de douleurs ! Il convoite les richesses et s'attire l'opprobre ; il a soif de pouvoir et s'exténue. Le repos le suffoque, le bien-être le liquéfie. Quelle vie de contrariétés ! Ne songeant qu'à l'argent et au profit, il vit emmuré dans une abondance à laquelle il ne peut se soustraire. En dépit de la mélancolie qui le ronge, il ne sait se résoudre à se défaire de ses biens. Quelle vie de honte ! Il amasse plus d'or qu'il ne pourra jamais en dépenser, mais qu'importe ! il le serre jalousement contre son sein et ne s'en séparerait pour rien au monde. Son cœur est empli d'angoisse et d'inquiétude, mais il continue à amasser et entasser. Quelle vie de tristesse ! Chez lui, il tremble d'être tué par des cambrioleurs, au-dehors il redoute d'être égorgé par des brigands. Aussi multiplie-t-il dans ses demeures les tours de guet et les portes blindées, et il n'ose jamais s'aventurer hors de chez lui sans escorte. Quelle vie de crainte !

Je ne sais rien de plus terrible que ces six maux. Et pourtant le riche les néglige et se refuse à les considérer. Mais quand le malheur aura fondu sur lui, il aura beau faire appel à toutes ses ressources vitales et épuiser son or, il ne pourra retrouver un seul jour d'insouciance. C'est donc en vain qu'il aura recherché la gloire et couru après la fortune. Dire qu'il accable son esprit et son corps pour la conquête de biens illusoires ! N'est-ce pas faire preuve du pire des égarements ?

Tchouang-tseu
Philosophe chinois du  IVe siècle av. J.-C.

vendredi, avril 20, 2012

La démocratie, une valeur chinoise





Les Chinois valent-ils le coup que l'on se donne du mal pour eux ? Les Occidentaux croient volontiers que les Chinois ont l'habitude de vivre sous des régimes autoritaires, et que la culture démocratique leur fait défaut. Ils sont perçus comme une masse indifférenciée, à peine consciente de ce que peuvent être la démocratie ou la liberté, un peuple soudé qui privilégie les valeurs familiales et collectives par rapport à l'individu.

Peu d'Occidentaux savent qu'une tradition démocratique existe en Chine. Il faut rappeler que, dans la Chine impériale, la création littéraire et artistique était libre. Et, si le confucianisme était l'idéologie dominante, on pouvait le refuser sans autre risque que celui de ne pas devenir un mandarin du pouvoir. Il y eut quelques exceptions (l'empereur de la dynastie des Qing emprisonna ou déporta les grands lettrés de la cour de Pékin), mais elles furent rares, et c'est bien pourquoi, depuis deux millénaires, les courants alternatifs au confucianisme ont pu se développer de façon aussi foisonnante : le taoïsme, la philosophie de Mo Tseu, le bouddhisme, pour n'en citer que quelques-uns.

La tradition chinoise en matière de démocratie proprement dite, cependant, ne commence qu'en 1911, avec la fondation de la première république. Au début du siècle, en effet, après avoir étudié la tradition confucianiste dans leur jeunesse, les intellectuels partaient se cultiver en Europe (surtout en Allemagne, en France et en Angleterre), ou aux États-Unis. De retour au pays, ces érudits ont introduit en Chine des auteurs comme Hegel, Kant, Freud. Certains d'entre eux (Jin Yuelin, He Lin, Mou Zongsan, Hu Shi ou Lu Xun) se sont attachés à mélanger les valeurs occidentales avec celles de la tradition chinoise pour créer leur propre système philosophique. Inconnus en Europe, ces philosophes préconisent la liberté et la démocratie à la chinoise. Le régime communiste a mis fin à cette liberté de penser et à l'émergence d'une réflexion démocratique. Pourtant, c'est sur elle que le Parti Communiste Chinois s'était appuyé pour parvenir au pouvoir. Dans les années 1940, en effet, le PCC faisait campagne non seulement sur le sentiment nationaliste, mais surtout sur la promesse de démocratie et de liberté. (En 2001, un livre intitulé La Voix de l'Histoire a voulu reprendre tous ces articles en faveur de la démocratie que le Parti publiait à l'époque. Mais il a été censuré.) Une fois au pouvoir, Mao a tenté de ranimer l'esprit critique qui existait avant le changement de régime. Lors de la « campagne des cent fleurs », en 1957, il a ainsi encouragé les intellectuels à exprimer librement les défauts du régime... avant de les qualifier de rebelles « contre-révolutionnaires » et de les réprimer. Après cette volte-face, puis la Révolution culturelle qui a constitué une véritable purge des intellectuels, les aspirations démocratiques ont été dissimulées.

Malgré tout, je ne pense pas qu'elles se soient jamais éteintes, comme l'a prouvé, dès que le contrôle du pouvoir s'est un peu relâché à l'arrivée de Deng Xiaoping, l'émergence du « mouvement du mur Xi Dan » déjà évoqué. Incarné par quelques figures emblématiques à l'Occident — comme Wei Jingsheng, emprisonné dix-huit ans —, ce mouvement n'en avait pas moins une envergure nationale. Il préconisait de remplacer le marxisme officiel, marqué par le stalinisme, par ce qu'il imaginait être le marxisme authentique, un marxisme humaniste, directement issu des écrits de jeunesse de Marx. Ces années 1980 sont aussi celle du retour — limité — des élections des membres des assemblées populaires (élections qui avaient été suspendues en 1957). Un retour mouvementé, on l'a vu, mais qui, par les frustrations mêmes que ces dysfonctionnements créaient, a permis d'entretenir la flamme démocratique.

Dans l'ignorance de ce passé chinois, les Européens ne peuvent pas estimer la politique actuelle du gouvernement à sa juste valeur. Ils se laissent abuser par les déclarations de bonne volonté de celui-ci. Et ils considèrent comme des progrès substantiels, des évolutions récentes qui sont, en réalité, des reculs par rapport au début des années 1980. Pour ne pas dire à celles ayant précédé l'instauration du régime.

La plupart des Occidentaux estiment aussi qu'il faut laisser le temps aux Chinois d'assimiler le principe d'un État de droit dans une société civile. Même s'il y a là une part de vérité, il faut savoir que les Chinois ont une longue tradition de société civile.

Avant 1949, la société chinoise vivait de façon autonome et indépendante de l'État. Pour la gestion des affaires courantes, les villageois désignaient le chef de village. Tout se réglait sur place, il fallait se débrouiller avec ses propres moyens, comme le résumait l'expression populaire « Tian Gao, Huang Di Yuan » : « Le ciel est haut et l'empereur est loin. » L'école était privée. De même, les universités, créées à la fin du XIXe siècle, étaient indépendantes et gérées par le corps professoral. Cai Yuanpei, responsable de l'Université Beida de Pékin dans les années 1920-1930, est considéré comme l'un des pères de la culture littéraire démocratique, connu pour son équipe enseignante qui comptait des personnalités de gauche comme de droite, dans le plus grand esprit de tolérance. L'État, lui, se concentrait sur la levée des impôts et sur les affaires criminelles. De toute façon, l'empereur n'aurait pu, depuis Pékin, contrôler efficacement les provinces. Tout au plus pouvait-il contrôler la nomination des professeurs par le biais des examens.

Depuis, le régime communiste a instauré la suprématie de l'État centralisateur. Mais cette réalité à peine cinquantenaire n'est pas enracinée dans la culture chinoise traditionnelle. D'une certaine façon, même, comme l'a souligné Hannah Arendt, la centralisation est une idée propre à l'Occident (et pas à l'Orient), un produit de l'industrialisation (l'État ne peut contrôler la société dans son ensemble que s'il dispose de moyens de communication : chemins de fer, voitures, téléphone, etc.), qui a été importé en Chine.

Comme le prouvent les débuts de la société de marché aujourd'hui, la société chinoise sait se débrouiller sans son État. Et les Chinois, je le crains, sont au moins aussi individualistes que les Européens. Que font les patrons chinois en l'absence de contrepouvoirs ? Ils tentent d'exploiter la main-d’œuvre avec la même âpreté que le patronat européen du XIXe siècle. Et les intellectuels et les professeurs, dans ce climat de relative liberté ? Ils se préoccupent, avant tout, de mener leurs recherches de façon professionnelle et rigoureuse, quitte à laisser de côté des réalités plus ternes qui ne profiteraient pas à leur carrière. On pourrait multiplier ces exemples à l'infini. Autant de banalités que les Européens ignorent. Ils justifient les insuffisances démocratiques du système politique chinois par le poids des traditions. Ils confondent la culture confucéenne, taoïste et libre qui a forgé durablement les mentalités chinoises, avec l'idéologie officielle totalitaire qui, depuis soixante ans, régit le système politique, économique et social. Ils prennent pour des valeurs millénaires ce qui n'est qu'une idéologie récemment promue. Or, même si celle-ci tente de façonner les esprits dès l'école primaire, puis de s'imposer aux corps via la répression, ce n'est pas la même chose. Quand on réalise que le totalitarisme communiste ne se fonde pas sur notre culture traditionnelle, on comprend instantanément l'ampleur du malaise dont souffre la société chinoise depuis plus d'un demi-siècle. Malaise accentué aujourd'hui alors que le déphasage entre le corps (contrôlé) et les esprits (marqués durablement) se conjugue avec un nouveau décalage, entre l'idéologie communiste et la pratique du marché. Or, les difficultés matérielles et les inégalités sociales croissantes qui en résultent ne peuvent qu'engendrer le cynisme ou la révolte.
C'est ce malaise général, cet ensemble de frustrations, mais plus encore, la conscience d'un passé démocratique encore récent, qui motivent les démocrates chinois, qui les portent dans leur lutte contre le recul des libertés politiques. Ce n'est pas quelque passion utopique, un rêve qui serait entretenu par l'exemple occidental !

Je me permets d'insister en illustrant ce propos par mon exemple personnel. Je voudrais en effet faire « toucher du doigt » cette réalité concrète aux Occidentaux. Comment en suis-je venu à réclamer la démocratie ? Rien ne m'y prédisposait dans mon environnement. Mais, comme tous les enfants de la Révolution culturelle, on m'a envoyé me former à la campagne. Dans mon village, comme partout, le chef avait été désigné par les autorités du canton. Il était stupide, incompétent et corrompu, mais il avait su nouer de bonnes relations avec les bonnes personnes. Celui qui aurait fait un chef idéal, capable de développer le village parce qu'il maîtrisait la valeur des sols, les exigences des cultures, les techniques à employer, tout le monde le connaissait. Mais il ne pouvait être nommé : il avait un caractère trop trempé et les supérieurs n'en voulaient pas. Les paysans n'y pouvaient rien. Pourquoi ne les laissait-on pas, eux qui savaient ce qu'il leur fallait, choisir leur propre chef à la place de supérieurs ignorants des réalités locales ? C'est cette absurdité qui m'a convaincu de la nécessité d'une démocratie locale. De retour en ville, je me suis plongé dans Marx, dans les ouvrages d'histoire. Mais, quand je voulais en discuter avec d'autres, on me conseillait de me taire. C'est alors que j'ai pris conscience de ce besoin vital qu'est la liberté d'expression. Tout simplement : on veut s'exprimer, on ne le peut pas et on trouve que ce silence forcé est insupportable.

Ainsi, dans ma démarche comme dans celle de mes compatriotes chinois, rien n'existe, au départ, qui soit le reflet des idées occidentales. Aujourd'hui, nos désirs de liberté ne sont pas conceptuels, hérités de savantes lectures. Ils nous viennent de nos frustrations quotidiennes. Nous voulons tout simplement décider par nous-mêmes de notre propre vie. Nous voulons en parler et il nous faut en avoir la liberté. Peut-être cette démarche est-elle trop simple et nous vaudra, de la part de certains Européens, d'être qualifiés « de naïfs, d'utopiques, d'archipolitisés » ou, tout simplement, « d'impatients ». Il faut laisser du temps, pensent ceux-là, pour que la démocratie chinoise puisse avancer. Ils ne voient pas que, pendant ce temps, elle recule.

Cai Chongguo


jeudi, avril 19, 2012

Au-delà du cerveau




Une lobotomie néo-spiritualiste



Le spiritualisme de Jill Bolte Taylor est-il liberticide ? Selon cette scientifique, rescapée d'un accident vasculaire cérébral, pour parvenir à la quiétude il faut « faire taire la voix de notre hémisphère gauche ». Or museler le cerveau gauche permet de supprimer l'indignation devant l'injustice et son corollaire la révolte ainsi que la capacité d'analyser et de réformer, car pourquoi réformer puisque les hommes seraient censés vivre dans le meilleur des mondes possibles ? Pourquoi vouloir contester ceux qui les dirigeraient puisque tout sens critique aurait disparu ? Leurs gouvernants ne seraient-ils pas alors perçus comme les plus beaux, les plus gentils, les plus compétents, les plus aimants ? dit Rastignac dans une pertinente critique des idées de Jill Bolte Taylor (conférence ci-dessous) sur le site du Figaro.



Voyage au-delà de mon cerveau


Le jour où Jill Bolte Taylor, chercheuse en neurosciences à Harvard, est victime à trente-sept ans d'un accident vasculaire cérébral, sa vie bascule : elle assiste à la dégradation de ses facultés au point qu'en l'espace de quelques heures elle ne peut plus marcher, parler, lire, écrire, ni même se rappeler à quoi sa vie ressemblait jusque-là. Il y a quelque chose de Christophe Colomb chez cette femme qui a découvert et exploré les territoires les plus reculés de son cerveau. A travers son récit, elle nous confie avec autant de précision que d'humanité ses observations, ses émotions et ses techniques pour se réapproprier le monde durant les huit années qu'il lui a fallu pour retrouver toutes ses facultés. Expérience scientifique unique, cette fascinante exploration des rouages du cerveau se double d'un guide précieux à l'usage des victimes d'un accident cérébral, mais aussi d'un témoignage profondément émouvant sur la paix intérieure à laquelle chacun de nous peut accéder.

Extraits :

Notre empathie, notre capacité à nous mettre à la place d'autrui, prend naissance dans notre cortex frontal droit.

Notre hémisphère gauche traite l'information d'une manière en tous points différente. Il rattache les uns aux autres, selon un ordre chronologique, les instants riches de sensations dont nous prenons conscience dans notre hémisphère droit. Il ne cesse de comparer les particularités de tel moment donné à celles du précédent. En retraçant l'évolution au fil du temps de ce qui a caractérisé un instant ou un autre, notre hémisphère gauche nous donne une idée du passé, du présent et du futur. Leur succession dans le cadre d'une structure établie nous permet de comprendre qu'il faut accomplir telle action au préalable à telle autre. […]
Tandis que notre hémisphère droit pense par images, en se formant une vue d'ensemble de l'instant présent, notre hémisphère gauche, lui, s'attache aux détails, à une infinité de détails.

Je dois avouer que la nécessité d'admettre que notre vision du monde extérieur et notre relation à lui découlent de notre « câblage » neurologique, m'a libérée tout en me posant un défi de taille. Jusque-là, je n'étais donc que le pur produit de mon imagination ! […]

La cérébralité de mon hémisphère gauche, pour l’heure en veilleuse, ne refoulait plus ma conviction innée d'incarner une force de vie à l'état pur. Je gardais conscience d'un changement en moi mais pas une seule fois mon hémisphère droit ne m'a laissé entendre que je valais moins qu'avant. Me voilà devenue un être de lumière dont l'énergie se diffusait dans le reste du monde !  […]

Depuis que mon hémisphère droit régnait en maître sur ma conscience, je débordais d'empathie. [...]

Imaginez-vous, si vous le voulez bien, privé petit à petit de l'ensemble de vos facultés mentales. […] Votre incapacité à vous rendre compte des variations de température ou de la position de vos membres, modifie votre perception de votre corps. Votre énergie se diffuse à tous ceux qui vous entourent. Voilà que vous atteignez les dimensions de l'univers ! La petite voix dans votre tête, qui vous rappelle qui vous est et où vous habitez, se tait. Vous oubliez les émotions qui vous ont façonné au fil des ans. La plénitude de l'instant présent vous absorbe tout entier. Tout, y compris la force vitale à l'œuvre en vous, rayonne d'énergie à l'état pur. Mû par une curiosité enfantine, votre esprit découvre la possibilité inédite de baigner dans une mer d'euphorie et votre cœur connaît enfin la paix. Demandez-vous alors : seriez-vous vraiment motivé pour renouer avec les contraintes d'une routine établie. […]

Au cours du long processus de ma guérison, je me suis efforcée de parvenir à un équilibre harmonieux entre les deux hémisphères et surtout de déterminer quelles tendances prendraient le pas à tel moment donné. Cela me tenait à cœur dans la mesure où une profonde inquiétude mêlée de compassion pour le reste de l'humanité habite mon hémisphère droit. Plus nous mobilisons les réseaux de neurones qui suscitent en nous sérénité et sympathie pour autrui, plus notre entourage le ressentira et plus la paix s'étendra par contagion, si je puis dire, sur notre planète.

D'un point de vue neuroanatomique, la paix intérieure a envahi mon hémisphère droit quand le centre du langage et l'aire associative pour l'orientation de mon hémisphère gauche ont cessé de fonctionner. […]

En tant que créature biologique, nous disposons d'une emprise extraordinaire sur nous-mêmes. Nos neurones communiquent entre eux en fonction de circuits établis, ce qui rend au final leur activation assez prévisible. Plus nous nous concentrons sur un réseau de cellules en particulier, c'est-à-dire plus nous passons de temps à entretenir telle ou telle pensée, plus notre influx nerveux aura tendance à suivre le même parcours à l'avenir.
En un sens, nos esprits ressemblent à des programmes de recherche sophistiqués qui se concentrent presque exclusivement sur l'objet de leur quête. Si je prends plaisir à voir du rouge autour de moi, je ne tarderai pas à en repérer un peu partout. Peut-être pas tant que ça au départ mais, plus je me focaliserai sur mon envie de rouge, plus j’en distinguerai dans mon environnement.

Chacun de mes deux hémisphères voit les choses sous un angle différent. Mon hémisphère droit ne se soucie que de l'ici et maintenant. Il sourit sans cesse et se montre très amical.  Mon hémisphère gauche s'attache quant à lui aux détails en organisant mon quotidien. C'est lui qui me pose des limites et juge de ce qui est bon ou pas, juste ou non.

Mon cerveau droit se concentre sur la plénitude de l'instant présent. Il jouit de ce qui fait la richesse de ma vie au quotidien. Éternellement satisfait, il ne renonce jamais à son optimisme. Il ne juge pas en termes de bien ni de mal ; tout existe de son point de vue dans un continuum ; tout est relatif.

C'est dans mon hémisphère droit que résident les tendances mystiques, ma sagesse, mes facultés d'observation, d'intuition, de clairvoyance. Mon cerveau droit en perpétuel éveil se laisse happer par l'écoulement du temps. Mon cerveau droit (d'autant plus libre qu'il ne s'attache à aucune limite) affirme que j'appartiens à un tout qui me dépasse. […]

Non content d'échafauder des contes à dormir debout qu'il prenait ensuite pour argent comptant, mon cerveau gauche manifestait une fâcheuse tendance à la redondance, c'est-à-dire à ressasser sans arrêt les mêmes idées. Beaucoup d'entre nous voient leurs pensées s'enchaîner sans répit et se surprennent plus souvent qu'à leur tour à imaginer les scénarios catastrophes. Hélas ! Notre société n'apprend pas aux enfants à cultiver le jardin de leur esprit.

J'ai décidé de tirer une croix sur la partie de mon hémisphère gauche qui m'incitait à la mesquinerie, aux tracasseries incessantes et au dénigrement de moi-même et des autres. Mieux valait renoncer aux circuits neuronaux qui ravivaient en moi des souvenirs douloureux. La vie me paraît trop courte pour que je me soucie encore des souffrances qui appartiennent au passé.

Certains programmes de notre système limbique (à l'origine de nos émotions) se déclenchent par automatisme en libérant des substances chimiques qui se diffusent dans l'ensemble de notre organisme, mais disparaissent en moins d'une minute et demie de notre circulation sanguine. Prenons l'exemple de la colère : il nous arrive de nous emporter comme par réflexe dans certaines circonstances. Des substances chimiques qui perturbent notre équilibre physiologique nous envahissent alors pendant une minute et demie. Elles se dissipent ensuite et notre réaction automatique n'a plus lieu d'être. En résumé : ma colère ne persiste plus d'une minute et demie que lorsque je laisse le circuit neuronal correspondant activé en boucle. Je n'en reste pas moins libre à tout moment d'attendre que ma réaction se dissipe en me concentrant sur l'instant présent plutôt que de me laisser happer par le fonctionnement répétitif de mes neurones. 

Le « câblage » de notre système limbique a tellement tendance à programmer nos réactions que nous avançons souvent dans la vie en pilotage automatique. J'ai découvert que, plus les cellules de mon cortex supérieur se montraient attentives à ce qui se passait au sein de mon système limbique,mieux je maîtrisais mes pensées et mes sentiments. La surveillance des cellules responsables de mes réactions automatiques m’aide à maintenir mon emprise sur moi-même en m’amenant à prendre conscience des décisions de mon organisme. À long terme, j'assume ainsi la responsabilité de ce à quoi ressemble ma vie au quotidien.

Rien ne m'a plus donné confiance en moi que de me découvrir enfin libre, de ne plus ressasser des pensées génératrices de souffrance.

Quelle délivrance que de me convaincre qu'il ne dépendait que de moi de me laisser envahir par l'amour et la quiétude « de mon hémisphère droit », peu importe ce qui m'arrivait ! Il me suffisait de « virer à droite » en me focalisant sur l'instant présent. […]

Si je veux échapper aux idées noires que mon hémisphère gauche prend un malin plaisir à ressasser, il est impératif que je les identifie au plus vite.

Dès que je repère un circuit cognitif en train de s'activer dans mon cerveau, je me concentre sur ce que je ressens au plus profond de moi-même. Comment qualifierais-je mon état ? Mes pupilles se dilatent ? Le souffle me manque ? Mon cœur se serre ? La tête me tourne ? Mon estomac se noue ? L'anxiété me gagne ? Toutes sortes de stimuli sont susceptibles de mettre en branle le circuit de nos neurones qui suscitent en nous la crainte ou la colère, en provoquant une réaction physiologique type qu'il nous est par ailleurs loisible d'étudier. […]

Quand j'éprouve une douleur quelconque, je me tais le temps de panser les plaies en cédant à ma souffrance, ce qui lui permet de se dissiper plus rapidement. La douleur avertit notre cerveau qu'une partie de notre organisme vient de subir un traumatisme et qu'il ferait bien d'en prendre note. Une fois parvenue à ma conscience, ma douleur a joué son rôle et si elle ne disparaît pas complètement, du moins elle s'estompe.

Si je me fie à mon expérience, la paix intérieure provient d'un circuit de neurones dans le cerveau droit qui, parce qu'ils ne se reposent jamais tout à fait, restent susceptibles de prendre le pas sur les autres à tout moment. Notre sentiment de quiétude s’ancre dans l'instant présent. Il ne nous vient pas d'un souvenir du passé ni d'une projection dans l'avenir. Pour atteindre la paix intérieure, il me semble impératif de se laisser absorber par l'ici et maintenant.

Il ne faut pas s'en étonner : nos sociétés occidentales attachent plus de valeur aux facultés actives de notre hémisphère gauche que celle du droit, plus contemplatif. S'il vous semble malaisé de laisser s'exprimer votre hémisphère droit, c'est sans doute parce que vous avez trop bien retenu ce que l'on vous a enseigné toute votre enfance.

Ce qui me met sur la voie de la paix intérieure, c'est d'abord de me rappeler que j'appartiens à un tout qui me dépasse, un flot d'énergie éternelle dont je ne saurais me dissocier. Cela me rassure de me dire que je me rattache au flux cosmique de l'univers tout entier. Il me semble alors que le paradis m'attend sur terre. Mon hémisphère gauche me considère comme un individu fragile qui risque fatalement, à un moment ou un autre, de perdre la vie. Mon hémisphère droit s'attache au contraire à l'essence éternelle de mon être. Peu importe si je meurs. Mon énergie se diluera dans le vaste monde qui m'environne. [...]

Un moyen d'échapper à la rumination de notre hémisphère gauche consiste à le prier tout bonnement de chasser les pensées nocives qui nous perturbent. On ne saurait sous-estimer l'efficacité des incantations répétitives telles que les mantras (un terme qui signifie littéralement « lieu de repos de l'esprit »). Il me suffit de respirer à pleins poumons en répétant « Je déborde d'allégresse » « Je ne désire rien de plus que ce que je possède » ou encore « Je suis l'un des merveilleux enfants de notre mère la terre » pour basculer aussitôt dans la conscience de mon hémisphère droit.
Le retour à la méditation (qui me conduit à un enchaînement d'idées riches en émotions) me fournit encore un autre moyen d'éloigner de ma conscience les pensées dont je ne veux pas. La prière, par laquelle nous substituons un ordre de réflexion à un autre, nous permet aussi d'échapper aux pièges du ressassement au bénéfice de notre tranquillité d'esprit.










Le Dr Jill Bolte Taylor, née en 1957, est neuro-anatomiste affiliée à l'université de l'Indiana et porte-parole de la Banque des cerveaux de Harvard.





mardi, avril 17, 2012

Des saints amoureux jusqu'à l'extase...





Par Claude Pasteur

Chez quelques grands mystiques, l'union avec Dieu provoque de véritables pâmoisons qui empruntent pour s'exprimer le langage de l'amour sensuel.

Ainsi, au XIIIe siècle, Mechtilde de Magdebour, bien que préconisant que le corps est l'ennemi de l'âme, se représente le Christ comme un jeune homme d'une beauté ineffable. Il la prend dans ses bras divins, et l'embrasse (...) Oh, alors, comme il m'a embrassée ! Il l'appelle sa colombe, lui dit qu'elle est sa reine, son désir, qu'elle est une fraîche présence sur son sein, une caresse pour sa bouche...

Elle nargue le Diable qu'elle imagine tourmentant dans un enfer peuplé de démons les pauvres pêcheurs condamnés à boire du soufre, pendant qu'elle, Mechtilde, vit sa divine idylle avec l'amant céleste. Les autorités ecclésiastiques de l'époque censurèrent certains de ses écrits et contestèrent ses visions, mais la religieuse se défendit en leur prédisant qu'elles seraient un jour punies pour leur injustice !

Plus tard, une autre sainte, Gertrude vit le Christ lui apparaître, et lui prendre la main en disant : Ne crains rien, je t'enivrerai du torrent de ma volupté divine...

Un dimanche de carême, elle eût l'impression que le visage de Jésus se pressait contre le sien : lors donc que vous approchâtes votre face adorable de la mienne, j'aperçus une douce lumière qui sortant de vos yeux divins, et passant par les miens, se répandait dans toutes les plus secrètes parties de moi-même...

À quoi Jésus répondit : Viens à moi, mon amour, entre-en moi, mon amour...

Le cas de Raymond Lulle, au XIVe siècle, est lui aussi bien singulier. Moine tertiaire franciscain, il avait eu, à l'âge de 30 ans, et après une jeunesse orageuse, cinq visions de Jésus en croix. Dès lors, il avait voué au Christ un amour éperdu qui s'exprime dans son ouvrage Le livre de l'Ami et de l'Aimé. Raymond Lulle se définit lui-même comme le fou d'amour, l'amant, et Jésus est le Bien-aimé. Il apparaît un jour à l'amant en vêtement neuf et rouge, l'entourant de ses bras pour l'embrasser. Il a incliné la tête pour lui donner un baiser...

La psychanalyse décèlerait sans doute dans ces élans des tendances refoulées d'homosexualité,- ce qui n'empêcha pas Raymond Lulle de manifester une grande activité apostolique, voyageant et prêchant infatigablement.

Il y eût aussi l'étrange Angèle de Foligni ; persuadée qu'elle ne pourrait répondre à l'appel divin aussi longtemps qu'elle serait mariée et mère de famille, elle pria ardemment pour demander la mort de son mari et de ses enfants... et fut exaucée : ils moururent tous, les uns après les autres !

Devenue tertiaire Franciscaine, elle eût des extases accompagnées de convulsions et de hurlements qui effrayaient ses compagnes. Voyait-elle vraiment Dieu ? Ou bien était-ce le Diable qui ricanait derrière un pilier, à l'église ?

Sainte Catherine de Sienne fut elle aussi une grande mystique qui s'évanouissait en recevant la communion, se flagellait, portait en guise de ceinture une chaîne hérissée de pointes, se nourrissait de pain sec, d'herbes et d'eau, entrait souvent en transe. Au moins, fut-elle récompensée de ses mortifications par son mariage solennel avec Jésus : elle vit la Vierge Marie prendre sa main droite, et demander à son fils Jésus s'il l'acceptait pour épouse. Jésus acquiesça en glissant un anneau à son doigt.

Par la suite, consciente de sa dignité d'épouse du Christ, elle s'intéressa à la politique, voyagea beaucoup, écrivit de nombreuses lettres, ainsi qu'un dialogue avec Dieu, où celui-ci l'exhorte à se cacher dans une caverne à côté du Christ, pour y goûter son amour divin...

Une autre Catherine, sainte Catherine de Gênes, disait avoir reçu une blessure d'amour au cœur. Elle portait constamment un cilice, dormait sur un lit garni d'épines, avalait des insectes, entrait en extase, ou se roulait dans des convulsions. C'est en lisant des ouvrages traitant des souffrances des pécheurs en enfer, que Thérèse d'Avila décida de se faire religieuse. Mais ce fut seulement à 40 ans, qu'elle commença à avoir des visions et à entendre des voix. Je ne veux plus que tu converses avec les hommes, mais seulement avec les anges, lui ordonna Dieu.

Plusieurs prêtres déclarèrent que ses visions étaient des illusions diaboliques, et lui ordonnèrent de restreindre ses communions. Mais les apparitions continuèrent, telle celle d'un ange pas grand, mais plutôt petit, et extrêmement beau, tenant à la main un long dard en or qu'il lui plongeait dans le cœur, la laissant toute embrasée... (L'image évoque Éros et sa flèche...)

Active quand elle n'était pas en contemplation, elle réforma l'Ordre du Carmel, et fit de nombreuses fondations. Elle avançait en âge, lorsqu'elle s'enthousiasma pour un jeune Carme, Jérôme Gracian, brillant et ambitieux, auquel elle fit vœu d'obéissance, et dont elle suivit les conseils, pas toujours avec succès. Son œuvre principale fut Le château de l'âme, ouvrage de doctrine mystique, où elle parle de la blessure d'amour causée par l'ardent désir de Dieu.

Sœur Marguerite-Marie Alacoque fut la plus névrotique des saintes mystiques. Le Christ, disait-elle, la faisait reposer sur sa poitrine. Elle avait des convulsions qui la faisaient croire possédée du démon, au point que les Sœurs effrayées lui lançaient de l'eau bénite quand elles la rencontraient.

Elle aimait souffrir, la vue du sang lui évoquait celui de Jésus-Christ elle aurait volontiers léché les blessures. Sa vénération pour le cœur de Jésus lui fit instituer la fête du Sacré-cœur, qui a perduré jusqu'à nos jours.

Il y eût au XVIIe siècle la célèbre Madame Guyon, qui se croyait destinée à mettre au monde un grand nombre d'enfants de la grâce, spirituellement parlant, avec l'aide de son confesseur le Père La Combe, (des bruits malveillants coururent sur leurs relations...). Madame Guyon n'en convertit pas moins Fénelon à la doctrine du quiétisme, (qui supprimait chez le fidèle toute volonté pour un abandon vidé de toutes notions, mêmes celle du péché.). Ce qui valut à Fénelon de se brouiller avec Bossuet, qui n'appréciait pas le quiétisme.

Sainte Thérèse de Lisieux avait manifesté elle aussi très jeune des signes de névrose : états de catalepsie, hallucinations, sensibilité anormale qui la faisait éclater en sanglots pour la moindre chose. Elle alla un jour se jeter aux pieds du pape Léon III pour lui demander l'autorisation d'entrer au Carmel à 15 ans. Mais elle ne fut pas une hallucinée : simplement une petite-fille qui se confie à son Père en toute humilité.

Que conclure raisonnablement de ces manifestations spectaculaires ; sinon que quelques grandes mystiques furent d'authentiques paranoïaques, atteintes de troubles nerveux voisins de l'hystérie ?

Saint Jean de La Croix, contemporain de Thérèse d'Avila, se montra très prudent en cette matière. Bien que grand mystique lui-même, il se méfiait des visions, parce qu'on ne pouvait réellement savoir si elles venaient de Dieu ou du Diable, ou simplement d'un dérèglement psychique de l'homme.

Car si les visions ne venaient pas de Dieu, elles pouvaient être dangereuses ; on pouvait en effet se demander si ces transports de l'âme laissaient le corps indifférent... Lui, Jean de la Croix, prêchait pour la nuit obscure des sens, qui consiste à laisser derrière soi tout ce qui attache au monde, et à se libérer ainsi du péché. Tenons-nous en à cette opinion d'un homme qui fut sage en même temps que saint. 



lundi, avril 16, 2012

Lettres du Familistère





Jean-Baptiste André Godin naît en 1817 dans une famille très modeste à Esquéhéries (Aisne). C'est en parcourant la France pour perfectionner son métier de serrurier qu'il se met en quête d'un idéal pratique de justice sociale. Cet ouvrier inventif crée en 1840 un petit atelier de fabrication de poêles en fonte de fer, matériau ductile, plus résistant et plus calorifique que la tôle de fer alors communément employée. Il adhère peu après à la doctrine du philosophe et réformateur socialiste Charles Fourier. Une vingtaine d'années plus tard, Godin est devenu un remarquable capitaine d'industrie, à la tête d'importantes fonderies et manufactures d'appareils de chauffage et de cuisson à Guise (Aisne) et à Bruxelles. L'industriel autodidacte se révèle aussi un ingénieur social de premier plan, plus déterminé que le polytechnicien Victor Considerant dont il a soutenu en 1853 l'essai de colonie fouriériste au Texas. De 1859 à 1884, Godin bâtit à proximité de son usine de Guise une cité de 2 000 habitants, le Familistère ou Palais Social, la plus ambitieuse expérimentation de l'association du travail, du capital et du talent qui ait été conduite. Le Familistère est une interprétation critique originale du Phalanstère de Fourier, une utopie réaliste.

Pendant trente ans, Godin se consacre entièrement à sa mission réformatrice. Il surmonte toutes les oppositions : du Second Empire puis de la République conservatrice, de ses concurrents en industrie, des fouriéristes, des habitants de la ville, de sa femme, de son fils, des employés et ouvriers de ses usines. Il a cependant des correspondants dans le monde entier et reçoit au Familistère des centaines de visiteurs curieux de l'expérience de Guise.

Godin meurt en 1888. Il laisse un patrimoine bâti d'une ampleur exceptionnelle, plusieurs ouvrages importants sur la question sociale et, surtout, l'exemple d'une organisation profondément réformatrice. Jusqu'en 1968, le Palais Social et l'usine ont été la propriété collective de ses travailleurs-habitants, réunis dans l'Association coopérative du Capital et du Travail du Familistère de Guise, fondée en 1888. Longtemps méconnu, Jean-Baptiste André Godin est considéré aujourd'hui comme un des pères de l'économie sociale.





Guise Familistère, 19 janvier 1886
À Monsieur le Directeur du Courrier de Londres

Monsieur,

Votre journal du 16 courant reproduit ma lettre au Times en réponse à l'imputation de matérialisme faite à mon sujet dans les articles publiés par le Times sur l'Association du Familistère fondée par moi à Guise, articles qui, du reste, étaient sérieusement étudiés et inspirés d'un excellent esprit.

The Spectator du 9 courant s'occupe, à son tour, de l'Association du Familistère dans un article qui n'a pas le même mérite. Tout en reconnaissant les avantages dont jouissent les 1800 personnes habitant les palais de l'Association et ceux assurés même aux ouvriers résidant au dehors, il en conclut que tout cela n'est rien et que je n'ai même pas abordé la question sociale.

Permettez-moi de profiter des colonnes de votre journal pour examiner comment The Spectator pose la question sociale, au cours de l'énumération qu'il fait des conséquences de l'Association du Familistère.

Mais, d'abord, un mot sur les considérations préliminaires auxquelles se livre l'auteur de l'article à propos de l'habitation en général et de ce qu'il prétend être l'état de l'opinion publique en Angleterre au sujet des palais donnant tout le confort que l'habitation isolée ne peut offrir.

Jetant quelque peu d'encens à la routine et surtout à la parcimonie des spéculateurs, il dit que beaucoup de personnes pensent toujours que les maisons du peuple doivent être renouvelées, mais que ces personnes « envisagent de meilleurs bâtiments, des dispositions plus scientifiques, des loyers plus légers plutôt qu'un plan de vie en commun ».

Je le demande au Spectator : Où sont les dispositions les plus scientifiques ? Est-ce dans le palais édifié pour 400 familles et réunissant tous les bienfaits de l'Association ? Ou bien dans l'habitation isolée où chacun ne peut compter sur l'aide de personne ?

D'après The Spectator, « les philanthropes disent que l'Anglais préfère une pauvre chambre dans un cottage à lui à la meilleure chambre dans un Palais dont il partageait la jouissance avec un millier d'autres ».

Singulière contradiction ! On voit tous les Anglais riches lorsqu'ils viennent à Paris, au lieu de rechercher de petits cottages descendre au Grand Hôtel boulevard des Capucines, à l'Hôtel du Louvre, à l'Hôtel Continental ; tous les grands hôtels de Paris ne sont pas assez grands pour eux et ils vivent là au milieu de centaines d'autres habitant les mêmes édifices ? Montrer ces inconséquences est la meilleure réponse à faire au prétendu amour de l'isolement.

Passant à l'Association du Familistère, The Spectator constate : « Que tous les ouvriers y sont admis à participer aux bénéfices, suivant leurs capacités et qu'ils accumulent ces profits pour rembourser le capital de fondation :

« Que j'ai construit pour le personnel des travailleurs des palais d'habitation offrant des conditions d'existence comparativement confortables ;

« Que 400 familles sont ainsi logées dans des appartements aussi indépendants que s'ils constituaient autant de maisons ;

« Que l'établissement possède, en outre, des nourriceries où, en l'absence de la mère, aucun soin ne fait défaut aux enfants ;

« Des écoles où les enfants reçoivent une instruction exceptionnellement bonne ;

« Des magasins coopératifs où toute la communauté peut facilement s'approvisionner ;

« Des salles de bains, lavoirs, buanderies, étendoirs, etc. ;

« Une bibliothèque avec une salle de lecture ;

« Un café, un théâtre, des jardins, le tout ouvert à toute la communauté ;

« Dans ce palais , dit-il, vivent les ouvriers et leurs familles et ce sont eux qui, sous la gérance de M. Godin, administrent les affaires de l'Association ;

« Ils élisent les membres de leur comité gouvernant. »

The Spectator rappelle que les enfants y sont dans de bonnes conditions ; il aurait pu affirmer qu'aucun bourgeois de Londres n'a les siens mieux soignés que ne le sont les enfants les plus pauvres de cette population de 1 800 personnes.

Il termine son énumération en disant : « Les ouvriers et leurs femmes sont évidemment contents puisqu'ils restent là jusqu'à la vieillesse ; en toute apparence, le paupérisme est vaincu. »

Il aurait pu dire, en outre, que des assurances de secours mutuels sont constituées de telle sorte qu'elles possèdent, aujourd'hui, un capital de sept cent mille francs avec lequel elles garantissent les subsides nécessaires à la famille pendant la maladie, les soins du médecin et les remèdes, des pensions de retraite à tous les travailleurs en cas de vieillesse ou d'incapacité de travail ; que ces caisses d'assurance sont administrées par les ouvriers eux-mêmes et que les comités de direction en sont élus par moitié tous les six mois.

Voyons maintenant la conclusion du Spectator. Voici comment il s'exprime : « La question sociale n'est-elle pas résolue ? Malheureusement non, elle est à peine touchée. M. Godin n'a pas véritablement abordé même la grande difficulté sociale... Le problème est de savoir si une société où la paresse est tolérée, où l'ivrognerie est possible, où l'impulsion humaine accumule graduellement ses effets et où il n'y a aucune discipline directe supérieure peut être aussi confortable; or, ce problème n'a pas encore été résolu. »

Cette manière de poser le problème de l'amélioration du sort des classes ouvrières sera trouvée au moins étrange par tous les hommes de bon vouloir qui s'occupent des moyens de cette amélioration.

Quoi ! Rien ne serait fait parce qu'il reste quelque chose à faire ! Le bien-être organisé pour 1 800 personnes, sous le régime absolu de la liberté du travail et de la liberté des familles, les bienfaits de la mutualité s'étendant à 4 000 personnes par le fait de l'Association, tout cela ne serait rien parce que cette association n'aurait pas commencé par se recruter de voleurs, d'assassins, d'ivrognes et de fainéants ! Certainement, c'est là une étrange manière de voir.

Donnons à chacun son rôle les chefs d'industrie ne peuvent agir que sur les groupes d'ouvriers qui les entourent ; ils n'ont pas les pouvoirs du gouvernement pour appliquer les lois ; la société a son rôle à remplir à l'égard des réfractaires ; les industriels et les détenteurs de la richesse n'ont de devoirs qu'à l'égard des classes laborieuses.

Je serais heureux si tous les capitalistes et chefs d'industrie d'Angleterre et d'ailleurs me tendaient la main pour associer les ouvriers aux bénéfices de l'industrie, comme je l'ai fait afin de réaliser au profit des travailleurs toute la somme de bien-être que les progrès de la production moderne permet de leur donner ! Alors l'industrie et la richesse feraient cause commune avec les gouvernants pour les mesures législatives à faire intervenir, afin de prendre la question d'aussi haut que l'entrevoit le rédacteur du Spectator.

Mais, en attendant que les Gouvernants et que les hommes chargés des destinées des nations s'élèvent à la hauteur de leur rôle, ne serait-il pas heureux que ceux qui possèdent la richesse comprissent qu'il y a des déshérités en ce monde et qu'il est de notre devoir de reconnaître leurs droits ? Que des industriels commencent par introduire dans leurs usines et manufactures le genre de despotisme que le Spectator m'attribue en associant leurs ouvriers à leur industrie, alors sera grande la surprise du Spectator de voir que, sous cette communauté d'efforts, la classe ouvrière s'élevant à l'aisance, au bien-être, à l'amour de la famille par un chez-soi confortable, à la moralité par l'instruction, les fainéants, les paresseux et les ivrognes se confondront dans la masse commune des ouvriers rangés. Ce qu'il en restera sera l'affaire de la société ; elle devra toujours avoir des hospices pour soigner les gens malades, voire même des maisons de réclusion pour les voleurs et les assassins. Ce n'est pas avec ceux-là que l'industrie doit commencer par aborder les améliorations sociales.

Le rédacteur du Spectator trouve que je n'ai pas abordé la question sociale ; je voudrais bien que cet écrivain me fit toucher cette question. Je croyais la connaître, je croyais l'avoir très sérieusement développée dans mes écrits et dans mes actes. Si je me suis trompé, je voudrais revenir de cette erreur. J'ai toujours cru que la question sociale consistait dans l'amélioration du sort des classes ouvrières, et je crois encore que lorsqu'un chef d'industrie a par l'association doté une population ouvrière d'environ 2 000 personnes de l'aisance, du bien-être et d'un confort relatif, quand par cette association, il a étendu les bienfaits de la mutualité, les soins et subsides pendant la maladie, la retraite pour la vieillesse à tous les autres ouvriers auxiliaires de l'établissement, quand il a supprimé la misère autour de lui, je crois qu'il a fait un grand pas vers la solution du problème social, puisqu'il a fourni un exemple qu'il suffit d'imiter et de généraliser.

Certainement, il reste beaucoup à faire. D'abord, il faut des imitateurs et il faut surtout que les gouvernants aident à la solution du problème en faisant des lois favorables à une plus juste répartition de la richesse. Mais quelle est donc l’œuvre qui arrive à sa perfection tout d'un coup ?

Godin
Fondateur du Familistère
Ancien député


Lettres du Familistère

Nombre d'ouvrages sont parus à propos du fondateur du Familistère et de son œuvre. Mais avec les Lettres du Familistère, le lecteur est en prise direct avec l'homme privé, dépouillé des analyses. Les visiteurs découvrant le site du Familistère nous demandent fréquemment : « Mais quand cet homme trouvait-il le temps de dormir ? » Et à la lecture de ses lettres, nous nous posons la même question ! On y trouve se juxtaposant les remontrances au papa du petit Jules qui se comporte mal à l'école, ses soucis de constructeur, le schéma d'une machine à vapeur griffonnée à la va-vite dans la marge d'une lettre adressée à son fils, ses préoccupations dans sa maîtrise d'une usine en plein essor et de son système économique innovant, ses déboires conjugaux, sa défense zélée de son projet social, ses contacts parfois critiques avec les fouriéristes. Ces documents dévoilent Jean-Baptiste-André Godin, sa dimension personnelle, sa dimension de capitaine d'industrie, d'architecte, mais aussi de novateur dans le domaine des idées et dans sa volonté acharnée de les diffuser. Parallèlement, au fil des pages, le lecteur découvre ou redécouvre le Familistère d'aujourd'hui au travers des photos d'Hugues Fontaine. Quand on croise celui-ci en plein travail, on imaginerait plutôt un reporter baroudeur couvrant les points chauds de la planète qu'un photographe cherchant à fixer des images du patrimoine national. Son objectif débusque des détails, des angles, des perspectives, des couleurs chaudes et veloutées qui surprennent même les gens habitués à arpenter le Familistère en tout sens. Chacun de ses clichés restitue l'âme des lieux en captant sa lumière et ses personnages.

Cette mise en perspective d'une vision artistique du Familistère au XXI siècle et des mots pensés et écrits par Godin rend l'ouvrage réellement original, authentique et passionnant.



Phtographie :
Palais social de Godin.



Sur le fouriérisme :

Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...