mercredi, octobre 19, 2011

La réincarnation



Vu de l'extérieur, tout système de croyances religieuses est absurde. 

Vous buvez le sang de votre Dieu. Vous pourriez être un moucheron dans votre prochaine vie. Vous ne pouvez manger que des aliments considérés comme « purs ». Les victimes de handicaps et de maladies congénitales sont des pécheurs expiant les fautes commises durant une existence antérieure...

Dans Letting Go of God, un monologue autobiographique sur la religion, Julia Sweeney n'épargne pas le bouddhisme et son dogme de la réincarnation.

Julia Sweeney :

« Je suis allée voir en Thaïlande une femme qui s'occupait d'un petit garçon affreusement difforme. Je lui ai dit « C'est gentil à vous de vous occuper de ce pauvre enfant ». Elle m'a répondu : Ne dites pas pauvre enfant. Il a dû faire quelque chose de très mal dans une vie antérieure pour être né ainsi. »




Letting Go of God sur You Tube 


mardi, octobre 18, 2011

Les Arabes





Les Arabes aiment se concevoir comme un seul et unique « peuple », voire une « race » pure remontant à une seule souche : celle des tribus ayant soumis tout le bassin méditerranéen après avoir reçu la révélation de Mahomet. Les Européens raisonnent souvent de la même façon à leur égard ; mieux, ils ont une propension à considérer comme arabe tout ce qui est musulman, y englobant facilement les Iraniens, les Afghans et de nombreux autres peuples orientaux, sans même parler des Berbères (à l'inverse, ils sont toujours étonnés d’apprendre qu’il existe de fortes minorités d’Arabes non musulmans dans plusieurs pays du Proche et du Moyen-Orient, tant est forte la tentation intellectuelle de dresser une équivalence entre peuple, ethnie, langue et religion).

Pour les uns comme pour les autres, l'arabité serait « de sang ». Tous ceux qui se disent « Arabes » descendraient des mêmes ancêtres venus d’Arabie à l’époque glorieuse de l'expansion. La langue arabe (si importante comme fondement de l’identité) leur aurait été transmise en même temps que le sang des pères et le lait des mères.

Pour l’esprit candide, un mystère se fait jour : comment quelques tribus - si assidus que soient leurs hommes et leurs femmes à leurs devoirs matrimoniaux - ont-elles pu, en un siècle, peupler de leur descendance innombrable un vaste territoire allant de la Syrie à l’Espagne ? Les membres de ces tribus se seraient-ils multipliés par clonage ? À ce mystère s’en ajoute un autre : dans quelle trappe de l'histoire sont passées les populations qui habitaient auparavant ces territoires : laissés-pour-compte de l’Empire romain après sa chute, « barbares » de tout poil, Phéniciens, etc. ? Qu’est-il advenu de la population égyptienne, réputée être une fourmilière humaine ? On connaît, certes, la survivance de minorités rebelles à l'islamisation (juifs, coptes, chrétiens de toutes obédiences). On sait que certains ont fui, comme les zoroastriens de Perse. On sait que certains, comme les Berbères, ont accepté l'islamisation sans l'assimilation. Mais les autres ?

Laissons aux savants compétents le soin de répondre à cette double énigme. Cependant n’est-il pas logique de supposer que les tribus arabes de la conquête se sont considérablement étoffées en « arabisant » une partie des populations conquises ? Dans cette hypothèse, les Arabes le seraient à peu près dans la même mesure où les Français sont des Francs ou les Britanniques des Normands.

Loin d’être une communauté de sang pur, les Arabes pourraient bien être une des variétés humaines les plus métissées du monde méditerranéen. Une telle vue des choses, naturellement, coupe l’herbe sous le pied à un point de vue raciste sur « les Arabes ». Mais elle heurte aussi de plein fouet une des convictions les plus ancrées chez nombre d’entre eux de tenir leur identité ethnique et civilisationnelle de la pureté du sang originel. Conviction fort répandue, et cultivée par de nombreux peuples même quand elle est sans fondements !

Maurice Pergnier, La Désinformation par les mots.


La Désinformation par les mots

La Désinformation par les mots est un réquisitoire aussi cruel que pertinent sur l'usage admis de certains vocables, une fois ces derniers passés à la moulinette du politiquement correct. Aussi Maurice Pergnier s'en prend-il particulièrement à tous les thèmes qui " font problème ", et sur lesquels une position même légèrement dissidente effarouche les tenants de la " pensée unique " : les jeunes, les banlieues, la démocratie, l'islamisme, l'Europe, ou encore le multiethnisme.

Présenté sous la forme d'un dictionnaire alphabétique, La Désinformation par les mots bénéficie en outre d'une entrée en matière qui est un véritable morceau d'anthologie. Livre drôle, percutant et qui s'éloigne résolument des sentiers battus, l'ouvrage est vivement recommandé à tous ceux qui ont su conserver une authentique liberté d'esprit.

lundi, octobre 17, 2011

17 Octobre 1961





Le mardi 17 octobre 1961, à l'appel du FLN, les Algériens de la région parisienne tentent de manifester contre le couvre-feu décrété douze jours plus tôt par le préfet de police, Maurice Papon.

La répression sera atroce : plusieurs dizaines de morts cette nuit-là et les jours suivants... Le communiqué officiel de la préfecture de police ne fera état que de deux morts.

L'une des pages les plus sombres de l'Histoire de France enfin révélée. Inconsciemment occultée de la mémoire collective, volontairement étouffée par les autorités politico-administratives, la sanglante manifestation du 17 octobre 1961 refait surface grâce à cette minutieuse reconstitution des faits.
Par le biais de témoignages des acteurs du drame, d'extraits de presse et de quelques photos, on découvre ainsi avec horreur comment une manifestation d'Algériens venus protester contre l'instauration du couvre-feu a été violemment réprimée par les forces de l'ordre parisiennes dirigées alors par un certain Maurice Papon. Si la version officielle fait toujours état de deux morts côté manifestants et de deux blessés parmi les policiers, les recherches effectuées par Jean-Luc Einaudi montrent qu'au moins deux cents Algériens ont péri après avoir été fusillés, massacrés à coups de crosse ou jetés dans la Seine.

Bien documenté, ce récit chronologique provoque une intense émotion. Il s'apparente à un véritable devoir de mémoire à l'égard des victimes et prouve combien la guerre d'Algérie demeure une plaie à vif dans l'histoire de France. 
Sylvain Lefort

La bataille de Paris
17 octobre 1961


Ce livre raconte l'histoire de ce massacre perpétré en plein de cœur de Paris. Un massacre oublié pendant des décennies, refoulé par la conscience collective, étouffé par le gouvernement...

Le dossier complet de l'une des pages les plus sombres de l'histoire de la Ve République.





Photo :

dimanche, octobre 16, 2011

Georges Brassens & le programme Apollo





J'adore faire enrager Brassens. C'est mon vice. Le sien aussi à mon encontre, et il ne s'en prive pas. Certains sujets, autant par sincérité que par jeu, le font littéralement bouillir : l'architecture moderne (les architectes n'y connaissent rien) ; la révolution de la pop-music (Quelle révolution ? Est-ce qu’ils emploient des notes autres que les miennes ? Est-ce qu'ils jouent mieux de la guitare que Django Reinhardt ou Henri Crolla ?) et, sujet suprême, délice des oreilles, damnation d’Albert Ducrocq, la conquête de l'espace...

Un soir, sachant le résultat, j'ai abordé les mérites de la conquête spatiale avec Brassens, au cours d'un autre Campus Spécial (sur Europe 1, la radio périphérique la plus écoutée des années 1970).

- « Je ne suis pas d'accord avec toi, me répondit-il, d'abord calmement. Je considère ce voyage dans la lune comme une vaste foutaise et une rigolade. On nous prend pour des cons car nous avons d'autres problèmes à résoudre. Je ne connais même pas mes voisins et on veut que je délire sur la lune...

Je regrette infiniment de te le dire, mais ça ne m'intéresse pas, poursuivit-il en s’échauffant un peu. Ce qui m'intéresse, c'est ce qui se passe à l'intérieur de ta personne, et je ne le sais même pas. Le voyage sur la lune est une duperie...

Puis, enchaîna-t-il, rien ne te prouve que tout cela arrive vraiment. C'est peut-être du cinéma, tourné en studio. Cela me fait de la peine que tu attaches autant d'importance à ce voyage dans la lune qui n'en a aucune.

D'ailleurs, les Soviets, qui ne sont pas si cons qu'ils en ont l'air, y ont renoncé. Ils savent que ça ne sert à rien. Non, écoute, tant qu'on ne connaîtra pas l'homme, tant qu'on ne connaîtra pas son voisin, tout cela ne servira strictement à rien. »

- Mais cela correspond peut-être, répliquai-je hypocritement, à une sorte d'élévation mystique, à une inspiration quasi métaphysique ?...

Ce fut l'explosion, tant attendue, tant souhaitée :

- « Une élévation, aller dans la lune ? Ce petit satellite de rien du tout ? Peut-être même n'est-ce qu'un ancien morceau de la terre ? Non, mais tu te fous de moi ?

Si, à la rigueur, il s'agissait de Venus! La conquête de la lune, c'est étonnant avec Jules Verne. C'est poétique. Tu peux rêver... Non, laissez ma lune tranquille, messieurs les cosmonautes ! »

Puis il acheva :

- « Le voyage dans la lune, c'est un truc pour duper les gens, pour leur faire oublier le reste et pour leur voler l'argent qu'ils ont dans leurs poches... On leur fait lever la tête, et pendant ce temps-là, on leur vide le portefeuille... »

Nous partîmes tous les deux d’un éclat de rire. Ce fut la fin de cette émission.

Mais plusieurs mois après, je reparlais avec un ami de cette envolée-boutade de Georges. Et lui me répondit, simplement, sans rire :

- « Brassens a raison, Ou sans le savoir, il a eu raison. N'as-tu pas remarqué que le gouvernement américain avait attendu le voyage d'Apollo 14 de février 1971 pour envahir le Laos ? »

Michel Lancelot


Brassens, Ferré, Brel et l'anarchisme




Dessin :

samedi, octobre 15, 2011

Amaroli, le culte du Pipi






« Il existe dans l’univers une force supérieure au monde matériel, une force solaire qui amène l'ordre et l'organisation de la vie à tous les niveaux. Cette force ne connaît pas l’échec. Elle est une sorte d’église sans prêtre, l’église de l’ordre cosmique. La pratique d’Amaroli est un rituel pour se laver soi-même. On met les mains en bas pour recueillir l'urine comme pour un baptême. Dans le désert il n’y avait pas de flacon, on urinait dans le creux de sa main et on offrait Amaroli au soleil avant de le boire. Amaroli est une véritable eucharistie avec soi-même. En le pratiquant on se libère non seulement des maladies physiques mais aussi des formes-pensées négatives qui les ont engendrées.

La mort, très souvent, est un acte suicidaire par lequel on accepte les limites de la tradition sociale. Mais il est possible à chacun d’aller dans son laboratoire secret, au plus profond de lui-même, et de changer ses formules génétiques. A ce moment-là, la mort peut devenir une décision que l’on prend et non plus une fatalité, un aveu d'impuissance. Le stress, à un niveau cellulaire et à un niveau psychique, est dû à l'habitude de se mettre constamment à l'écart de l'onde vibratoire du divin. Amaroli est l'une des clés les plus puissantes pour se remettre en phase avec ce flux de vie et découvrir les forces d'auto-régénération du corps. Les Esséniens avaient constaté que la pratique d’Amaroli ouvrait l’individu à une capacité de pouvoir vibrer et pulser avec l'univers tout entier. Dans la tradition hindoue, le dieu qui correspond à l’urine est Ganesh, qui est relié à l'énergie de la nativité, de l'innocence et de l'enfance. Amaroli est le chariot doré qui permet de repartir vers son enfance originelle. C’est un acte de resacralisation de soi-même, un geste de confiance en la vie et en son immense pouvoir de transformation. » Amaroli, Éditions Vivez Soleil.


Milarepa, le grand yogi du Tibet, a dit :

« Lorsque j'ai soif, je bois de l'eau pure des sources. A d'autres moments, je bois ma propre urine. C'est le flot de la fontaine de la compassion et, en la buvant, je bois le nectar des dieux. »

Selon la revue bouddhiste Samsara (numéro 5, mai/juillet 98), l'urine des femmes enceintes serait une arme contre le sida.

Les pilules de « nectar » des lamas tibétains, le régime alimentaire des aghoris indiens, la coprophagie et le cannibalisme rituels évoquent des formes de schizophrénie. En revanche, l'ingestion de l'urine, préconisée par de nombreux thérapeutes du Nouvel Age, n'est pas l'indice d'un grave déséquilibre psychique. En effet, la croyance dans les vertus thérapeutiques de l'urine est très répandue. Mais la thérapie par l'urine n'est-elle qu'une vieille superstition réhabilitée par des médecins dissidents qui se qualifient de Naturopathes ? Le docteur Christian Tal Schaller est l'un de ses médecins, il écrit :

« Malgré mes "réticences scientifiques" et mon dégoût psychologique pour une thérapie aussi saugrenue, je décidai d’essayer l'urinothérapie sur moi-même. Je fus émerveillé de l'amélioration de ma vitalité et de ma santé globale et ne pus alors que conseiller cette méthode à ceux de mes patients qui semblaient capables d’accepter psychiquement une thérapie aussi peu conforme aux idées reçues.

En effet, en Occident, au XXe siècle, la plupart des gens ont été éduqués à croire aux "prodiges" de la médecine moderne et à attendre de l’industrie pharmaceutique la solution à tous les maux ! Or l'urinothérapie élimine tous les intermédiaires : médecin et pharmacien sont remplacés par "le médecin et le pharmacien biologiques intérieurs" qui vont, avec la sagesse qu’ils ont acquise en quelques millions d’années d’évolution, préparer le remède adéquat," sous forme d’urine fraîche. »

Le docteur Schaller a écrit ces lignes il y a environ vingt ans. Amaroli ou l'urinothérapie, qui était la technique de guérison secrète des yogis et des adeptes du Tantra, est depuis largement connue et pratiquée. « Mais, rétorque Michel Lafosse, si cette thérapie (paraît-il ex-secret d’État) a autant d'adeptes (des millions) à travers le monde, on ne devrait pas tarder en récolter les bienfaits... Ce sera la plus grande révolution des temps modernes : malades et maladies auront fondu comme neige au soleil. Ainsi, chaque ex-malade redevenu enfin souverain de son corps (la souveraineté fait partie de la propagande de ces médecins dissidents en recherche de popularité), des légions de médecins se retrouveront au chômage... Dans le cas contraire, ça voudra peut-être dire que la thérapie par l'urine est une illusion de plus qui repartira aussi vite qu'elle est revenue... »

vendredi, octobre 14, 2011

Human meat





Le végétarien Albert Mosséri (87 ans) a consacré sa vie à l'hygiène alimentaire. Cet auteur de nombreux livres sur l'hygiénisme de Shelton affirme que les êtres humains doivent retrouver les règles alimentaires naturelles pour que les animaux mangeurs d'hommes disposent d'une nourriture saine.

Dans sa revue, « Le bon guide de l'hygiénisme », Albert Mosséri écrit :

Quand nous condamnons la viande, on nous pose la question enfantine suivante :

- Pourquoi les animaux existent-ils ?

On sous-entend par là que si les animaux ne sont pas là pour être mangés, alors pourquoi existent-ils ?

Notre attitude envers tous ce qu’il y a dans la Nature est de penser que tout ce qui existe existe pour l’homme.

J’ai réfléchi à cela longtemps et je suis arrivé au point de vue exactement opposé !

On pensait que les éléphants existent pour que l’homme puisse fabriquer des boules de billard de leurs défenses en ivoire.

On pensait que les loups argentés existent pour que les femmes puissent avoir des fourrures, que les oiseaux existent pour que les dames puissent décorer leurs chapeaux avec des plumages colorés et que plusieurs autres animaux existent pour que l’homme puisse manger leur chair.

Au siècle passé, un médecin enseignait que l'on pouvait manger les vers dans les fruits sans problème. Il pensait sans doute qu’un beau vers nourri d’une pomme était une bonne source de protéine de haute qualité.

Or, la conclusion à laquelle je suis arrivé, après bien de réflexions, est que les animaux existent pour manger l’homme ! ! !

En discutant cela avec un tigre mangeur d’hommes, j'ai été surpris de l'entendre dire :

- Si l’homme n’existait pas pour me fournir des protéines de bonne qualité, pourquoi existerait-il ?

Le tigre et le requin mangeurs d’hommes ne font qu’accomplir leur rôle normal dans la Nature en dévorant l’homme.

Les parasites qui s’attaquent à l’homme ne font que leur devoir normal. L'homme existe ainsi pour être mangé.

Il s’ensuit que si l’homme doit fournir aux animaux dont il est la proie une bonne nourriture, comment doit-il manger ?

Quels sont les aliments qui bâtissent la meilleure chair et la plus savoureuse pour que le tigre, le requin et les moustiques soient bien nourris ?

Certes, notre devoir devrait être de fournir les meilleurs aliments que nous pouvons pour ces animaux. Nous ne devrions jamais nous résoudre à leur fournir des aliments inférieurs.

Nous devrions pouvoir établir un régime presque parfait pour l’homme et par conséquent pour les animaux dont il est la proie, en suivant les règles suivantes :

1) Déterminer la vraie position de l’homme dans la Nature,

2) Examiner soigneusement son passé historique,

3) Étudier les besoins nutritifs de l’homme,

4) Étudier les qualités et la composition des différents aliments...

Les réflexions de Mosséri pourraient donner à J. Martin, le maire UMP de Nogent-sur-Marne, ainsi qu'à tous ceux qui interdisent aux pauvres de chercher de la nourriture dans les poubelles, l'idée d'alimenter sainement les miséreux pour améliorer l'ordinaire des tigres et des requins. L'auteur satirique Jonathan Swift n'avait-il pas suggéré aux indigents de vendre leurs enfants comme nourriture ? ("A Modest Proposal", 1729)


Aghoris, cannibales & coprophages





Les sadhus Aghoris sont le plus souvent nomades et ne restent pas plus de six mois dans le même lieu de crémation. Ils tiennent dans la main gauche leur crâne humain comme le bol du mendiant, et dans la main droite une clochette qu'ils agitent lorsqu'ils chantent « Om Shambhu Bhairo » (Shambhu et Bhairo sont deux des deux mille noms de Shiva). Le sadhu aghori consomme même des corps décomposés, et lorsqu'il mange des matières fécales et boit de l'urine, il mélange souvent les excréments à de l'eau qu'il filtre a l'aide d'un tissu, pour ensuite la boire ; il croit qu'une telle libération des asservissements humains l'aidera à atteindre la grandeur spirituelle. [...]

Diplômé et fils de journaliste, Ram Nath est devenu sadhu aghori après avoir rempli de nombreux emplois. Titulaire d'une licence en sciences économiques, il a débuté sa vie d'adulte comme enseignant dans une école religieuse (où les salaires ne sont jamais payés en temps voulu) dans le Bihar, son État d'origine ; puis il a travaillé comme employé de bureau dans une sucrerie, comme coursier dans un commissariat de police et plus tard dans un tribunal. Las de cette situation professionnelle instable, il a émigré au Jammu où il a trouvé, avec l'aide d'un ami, un emploi de représentant de commerce. Ce travail l'a souvent conduit dans la pittoresque vallée du Cachemire et au Ladakh, berceau des bouddhistes de l'lnde et du culte tantrique, mais comme le climat politique du Cachemire se détériorait, il a ensuite décidé de partir a Ludhiana, la capitale industrielle du Punjab. ll y était employé à des tâches serviles dans un dhaba, une gargote de passage, ou il était payé pour toute sa journée de travail sous forme de trois repas copieux ; mais il pouvait s'acheter sa ration d'herbe (hachisch) grâce aux pourboires de la clientèle. De Ludhiana, il s'est rendu à Haridwar, siège de nombreuses sous-sectes religieuses, et un des hauts lieux de pèlerinage pour les hindous. C'est dans le temple Chandi (dédié à la déesse Chandika), situé sur une petite colline, à l'opposé du Gange, qu'il a rencontré l'homme qui, il l'a su au premier coup d’œil, allait devenir son guru, et qui l'a initié en août 1984 à l'ascétisme éprouvant de l'Aghori

Ram Nath admet que les austérités et sacrifices (tapasya) de l'ascète aghori sont très éprouvants, mais que c'est grâce à cette discipline sévère et grâce aussi à la bénédiction de Dieu qu'il arrive à maîtriser toutes ses facultés sensorielles. Il nous a expliqué que depuis sa longue période de méditation de quatre-vingt-seize jours qui a pris fin le 13 février 1991, il ressentait une grande paix intérieure (shanti), et qu'il avait l'impression d'avoir reçu un grand amour spirituel. Depuis six ans qu'il se soumet à la discipline aghori, il sent de plus en plus qu'une force éclaire son esprit. Il est toujours en quête de l'Absolu, mais son caractère semble avoir beaucoup changé : « J'étais grossier et me mettais facilement en colère. Maintenant je suis calme et posé. » Amusé, il a ajouté : « Je suis devenu un sâdhu gentleman. » Il nous a révélé ce jour-là, en présence de son guru, quelques phénomènes bizarres auxquels il avait été confronté sous l'effet d'une profonde agitation intérieure. Une fois, il lui est arrivé de ne trouver le calme qu'après avoir uriné dans son crâne-bol et en avoir bu le contenu. Un autre jour, alors qu'il était dans un état dépressif, pris par un accès de folie et tenaillé par la faim, il a arraché le pied grillé d'un corps humain qui brûlait sur un bûcher funéraire, et en a mordu trois bouchées avant de retrouver la raison. Une autre fois encore, il s'est révélé encore plus diabolique : il a arraché d'un corps humain une cuisse à demi-cuite dont il a mangé quelques morceaux et dont il a caché les restes dans sa hutte.

Ramesh Bedi




Photo Rajesh Bedi, le sadhu Ram Nath.


jeudi, octobre 13, 2011

Ni Dieu ni maître, le clash entre Léo Ferré et Claude Nougaro





En 1968, Michel Lancelot crée l'émission vedette d'Europe n° 1, Campus, où il a l'occasion d'aborder tous les grands problèmes de notre civilisation.

Au cours d'un Campus spécial intitulé « 30-40-50 » qui réunissait trois générations de chanteurs-auteurs (Bontempelli, Nougaro, Ferré), nous avons abordé le concept de la violence. Nombre de jeunes révolutionnaires ont dû trouver, ce soir-là, l'écho de leurs méditations dans les propos de Léo Ferré :

« Je pense que la violence pour un écrivain est une chose qui va de soi, dit-il en substance. Surtout à l'époque où nous vivons. A partir du moment où l'on n'est pas d'accord sur quelque chose, et qu'on le dit, on est forcément violent.

La violence est une façon de vivre. Elle n'est pas seulement coups de poing, matraques et rafales de mitraillette, bien évidemment. Elle est surtout l'idée qui fait des petits dans la tête des gens qui n'ont pas le temps d'y penser. »

Mais, curieusement, tout comme Brassens, Léo Ferré pense qu'il vaut bien mieux balayer devant sa porte que de passer l'aspirateur dans le monde. « Quand on parle de la guerre des autres, dit-il, il faut partir et aller la faire. Pour cette raison, je n'ai jamais employé le mot Vietnam ou le mot Biafra. Et puis, nous qui chantons, ne sommes-nous pas installés dans notre petite vie bourgeoise, avec nos cigarettes, nos petites femmes, notre réfrigérateur et notre chauffage central ? »

« En fait, ajoutait-il, je n'aime pas les gens qui agitent des idées dans des bureaux, sans être des opérants de ces idées. Un jour, on est venu pour me faire signer le tract des 121. J'aurais été le 122ème mais j'ai refusé. Les idées généreuses autour d'une table ne sont pas aussi généreuses que cela. »

Mais revenons a cette émission « 30-40-50 ». Trois générations d'hommes. Trois générations d'artistes. On peut entendre Léo Ferré y raconter mai 1968 :

« Il y a eu une explosion de romantisme extraordinaire dans les nuits de mai, commença-t-il. On a coupé les ailes à ces jeunes au cours de ces nuits qui n'étaient pas celles de Musset. Mais à présent, regrettait-il, ces jeunes gens s'en vont doucement dans la brume du vieillissement, ils vont entrer dans un bureau, dans un garage. Ils vont faire un métier, se marier, avoir des mômes, avoir besoin d'argent. Alors, je suis tenté de leur tendre la main, au nom du souvenir du romantisme de mai...

Mais il faudrait en sortir de ce romantisme-là. »

Ce romantisme de mal 1968, Nougaro l'ayant lui, au contraire, exalté en ces termes :

« C'était une bouffée vers le ciel, un Besoin d'absolu, une sorte de romantisme métaphysique, disait Claude. Je croyais qu'on allait fabriquer une violence, mais une violence mentale, compte tenu qu'on ne cesse de s'entre-massacrer depuis des siècles. Je croyais que nous allions sortir de cette baignoire de sang... » Et finalement, dans Paris Mai, il n'y a qu'une solitude terrible. Cette chanson ne fait que souligner la pénurie spirituelle qui règne actuellement... « J'espérais que l'on allait se battre enfin avec des mots, de vrais mots, et non pas faire des omelettes à l'intérieur du casque des C.R.S., ce qui, à mon avis, ne marque aucun progrès. Ce fut la pagaille. La cour des miracles qui hélas, n'en furent pas. »

Nougaro avait à peine terminé que débuta la plus belle engueulade radiophonique de ma carrière. Léo commença par affirmer :

- « L'important n'est pas ce que nous pensons de mai 1968. L'important est de savoir que l'on ne peut pas se battre avec un pavé contre une mitrailleuse. Il faut lutter avec une mitrailleuse contre une mitrailleuse. C'est tout.

Les jeunes veulent casser la gueule aux vieux, et ils ont raison. On me dira que je suis vieux. Eh bien, s'ils me cassent la gueule, tant pis !

Et que l'on ne me dise pas que je fais de la politique. C'est un mot, faux. Les politiciens sont des gens malhonnêtes qui essaient, du premier jusqu'au dernier, d'avoir leur « cacheton » à l’Assemblée nationale.

Quant à la gauche, poursuivit Léo Ferré, apostrophant quelque invisible adversaire, la gauche est une bâtarde. Une salle d'attente en attendant d'être à droite.

L'anarchie, voilà ce vers quoi il faut tendre. L'anarchie, ce n’est pas détruire, C'est d'abord la solitude. C'est endosser ses responsabilités. Tout seul. C'est décider une fois pour toutes : quel-que-soit-le-gouvernement-en-place-je-ne-veux- pas-prendre-des-coups-de-pied-dans-le-cul ! C'est ça l'anarchisme. »

« Et pour mettre quoi à la place de l'homme qu'on va détruire ? s'interposa Nougaro, qui, lui aussi, commençait à pâlir. L'homme encore, le même, sous une étiquette différente, avec d'autres idées... Les mêmes finalement. Tout régime fabrique ses C.R.S. et ses FLICS. »

- « Mais ce sont les régimes qu'il faut foutre en l'air ! s'exclama Léo Ferré. Il faut tuer, chaque jour, un chef d’État. Pendant six semaines. Pendant six mois. »

- « Mais, objecta de nouveau Nougaro, dis-moi pourquoi ? Ils vont être remplacés par la même graine. Ce qu'il faut analyser, c'est justement la graine de l'homme. Il faut se pencher sur lui comme un géologue se penche sur une coupe de terrain, avec des épaisseurs de schiste, de calcaire, d'argile, etc. ; comme sur un insecte... »

- « C'est sans doute pour cela que tu as une tête d'entomologiste, répliqua Ferré sèchement. »

Il y a, ce soir-là, « deux têtes de lard » dans le studio. Et, naturellement, la conversation s’envenime :

- « Je suis allé t'entendre chanter à Bobino, reprend alors Nougaro. D'abord Ni Dieu ni Maître, je déteste cette formule. Le grand pari, c'est de prouver que Dieu existe au lieu de lui arracher des poils de barbe ! De plus, eh bien, à mesure que tu chantais, l'atmosphère de la salle devenait rouge. Tu fabriquais du sanglant. Tu fabriques une violence physique qu'un jour tu vas recevoir en boomerang sur la gueule ! Il y a dans ton message un fanatisme, un aveuglement qui pour moi portent les couleurs du sang, et par conséquent de l'horreur ! Et je suis parti furieux, à la fin du spectacle... »

- « Tu exagères, dit Ferré qui a retrouvé son calme. Dans ce tour de chant, je dis des anarchistes qu'ils ont des couteaux pour trancher le pain de l'amitié et des armes rouillées...

Ce que les membres de la Fédération anarchiste m'ont reproché d'ailleurs, parce qu'ils estiment qu'ils n'ont pas que des armes rouillées. Je les crois. Mais qu'ils les sortent !

Ailleurs, je dis Ni Dieu ni Maître, c'est merveilleux. C'est une parole fantastique.

Un peu plus loin, je chante : « Et si vraiment Dieu existait, il faudrait s'en débarrasser! » N 'est-ce pas mieux que de dire comme ça, au flan, « Dieu n'existe pas ». Mais si vraiment il existe, on va lui dire merde. On va le suriner. Et puis après, on meurt. C'est pas merveilleux ?

Cela dit, je fais un tour de chant insurrectionnel. Bon, d'accord. Qui m'aime me suit. Quant à toi, Claude, sors de ton angélisme, sors de ton cocon ! »

Quelques minutes plus tard, l'émission terminée, Nougaro parti, Ferré me parlait de lui avec la plus, grande tendresse. Il avait déjà oublié l'algarade. Aucune amertume, aucune agressivité dissimulée dans ses propos. Pas un brin de rancune. Léo, tout comme Claude, s'était exprimé franchement, sur le coup de la colère. Mais c'était déjà du passé...

A propos de l’Église et de Dieu, Ferré a l'habitude de ne pas être tendre, contrairement à Brassens. Un jour, au Maroc, avec Maurice Frot, son copain, ils ont dit aux musulmans, désignant le muezzin « qui gueulait une prière du haut de sa tour » : « C'est à celui-là qu'il faut casser la gueule ! »

Pour Léo Ferré, un gouvernement tient le peuple par la flicaille dans la rue et par des idées et des injonctions religieuses. Si Léo Ferré éprouve une haine, c'est, autant que j'ai pu en juger, envers tous les clergés du monde.

« La plus grande escroquerie qui ait jamais existé, m’a-t-il affirmé un jour, c'est le Christ. Et le plus grand imprésario, c'est le Vatican. Et le spectacle dure depuis deux mille ans ! »

Je n'ai jamais vu, dans l'univers du show business français, un personnage animé d'une telle fureur de vivre et de parler. Une sorte de fébrilité intérieure, un appétit féroce de ce qui est neuf, de ce qui bouscule, de ce qui dérange. « Je suis de demain matin », dit-il volontiers.

Oscillant entre les névroses issues de son enfance et les ambitions phénoménales d'un adulte de cinquante ans, bourré de contradictions attachantes, Léo s'agite, hurle, insulte, crie, crée des chansons admirables, prend parti pour l'un, attaque l'autre ; fidèle dans ses amitiés (j'ai pu le constater personnellement), il trimballe sa dégaine de vieil adolescent avec insolence.

« On ne choisit pas, dit-il. Il ne faut pas choisir, sinon, on est piégé, on est foutu. Il faut vivre libre de soi et des autres. La liberté, c'est le seul mot digne après le mot amour. Il faut éviter, échapper à la fourmilière qu'on nous prépare, et qui a déjà commencé.

Puisque les maîtres existent, il faut leur cracher à la gueule. Il faut être indiscipliné. Il faut se forcer à être solitaire et digne, quitte à se donner des coups de pied dans le cul ! »

Léo Ferré crie tout cela. Mais il dit aussi des mots tendres. L'amour malheureux, l'amour caché, l'amour volé, l'amour appris, l'amour inventé au coin de la rue, l'amour défendu par des millénaires d'injonctions et d'impératifs moraux, l'amour et la femme, l'amour et la mère. Et nous, qui sommes les enfants. Et cette femme, qui est un être « à la fois extraordinaire et dangereux ». Toutes ces actions interdites et profanées, c'est aussi l'univers de Ferré.

Obsession de l'amour des hommes et des femmes. « Le drame de l'amour, c'est quand on dort, dit-il. Il ne faudrait jamais dormir à côté de celle que l'on aime. Le sommeil est une mort figurée. Pourquoi mourir ensemble ? » Obsession qui, dans ses propos, frôle parfois un délire fascinant. « Quoi de plus extraordinaire que l'amour adultère que l'on châtie depuis des siècles... C'est la plus belle fleur de l'amour, que l'on cherche à tâtons, avec une lanterne... Le péché d’Ève, ce n'est pas une pomme, c'est une pomme cuite... Mais, j'aime les pommes cuites... Je ne trouve rien de plus beau qu'une femme enceinte, plastiquement. Le mariage : abominable; le côté administratif de l'amour, le côté état civil, le côté de l'anthropométrie. On signe et nous voilà parqués. On va chez M. le Maire et M. le Machin après... Et la femme, toute seule, fait son enfant. Et elles nous le font bien savoir... Nous autres, nous ne sommes que des passants. De déplorables passants. »

Ni Dieu, ni Maître, ni Épouse ; il reste aux hommes l'amitié. Demain, avec un peu de chance, ils trouveront la fraternité.

Michel Lancelot, Campus.


Q I et religiosité




Plusieurs études ont été publiées sur la relation statistique entre la religiosité et le niveau d'études ou la religiosité et le QI. Dans How We Believe : The Search for God in an Age of Science [Comment nous croyons : la recherche de Dieu dans une époque de science], Michael Shermer décrit une grande enquête qu'il a menée avec son collègue Frank Sulloway auprès d’Américains choisis au hasard. Entre autres résultats intéressants, ils ont effectivement découvert une corrélation négative entre la religiosité et le niveau d'instruction (plus le niveau d'instruction de la personne est élevé, moins elle a de chances d'être croyante). La religiosité est aussi corrélée négativement avec l'intérêt pour la science et (fortement) avec le libéralisme politique. Rien de tout cela n'est étonnant, pas plus que l'existence d'une corrélation positive entre la religiosité d'un individu et celle de ses parents. Des sociologues qui étudient les enfants britanniques on trouvé qu'à peu près un sur douze seulement rompt avec les convictions religieuses de ses parents.

Comme vous pourriez vous y attendre, des chercheurs différents ont des modes d'évaluation différents ; il est donc difficile de comparer des études différentes. La méta-analyse est la méthode par laquelle un chercheur regarde toutes les publications sur un sujet et compte le nombre d'articles qui ont abouti à la même conclusion par rapport à ceux qui ont tiré d'autres conclusions. Sur le thème de la religion et du QI, la seule méta-analyse que je connaisse a été publiée par Paul Bell dans Mensa Magazine en 2002 (Mensa est une association d'individus dotés d’un QI élevé, et sa revue comprend, ce qui n'est pas étonnant, des articles sur la seule chose qui les rassemble). Bell a conclu : « Sur 43 études menées depuis 1927 sur la relation entre la croyance religieuse et l'intelligence et/ou le niveau d'instruction, toutes sauf 4 ont trouvé une relation inverse. C’est-à-dire que plus le niveau d'instruction de l'individu ou son QI est élevé, moins il a de chances d’être croyant ou de tenir à des "croyances" quelles qu'elles soient. »

Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu.

Pour en finir avec Dieu

« Imaginez, avec John Lennon, un monde sans religion... Pas de bombes suicides, pas de 11 Septembre, pas de Croisades, de partition de l'Inde, pas de guerres israélo-palestiniennes, pas de massacres de musulmans serbe-croates, pas de persécution de juifs, pas de "troubles" en Irlande du Nord, pas de télévangélistes au brushing avantageux, pas de talibans pour dynamiter les statues anciennes, pas de décapitations publiques des blasphémateurs, pas de femmes flagellées pour avoir montré une infime parcelle de peau... »

Richard Dawkins, professeur à Oxford et spécialiste mondialement connu de l'évolution, analyse dans ce livre l'« hypothèse Dieu » avec les mêmes outils rationnels et le même scepticisme que n'importe quelle autre. Il s'attache donc à faire la démonstration de la « probabilité extrêmement faible de son existence ». Comprendre le monde du vivant, apprécier son extrême richesse expliquée avec une « élégance irrésistible » par la sélection naturelle de Darwin, voilà qui, montre Dawkins, devrait permettre d'abandonner toutes les formes de superstition, à commencer par le créationnisme.





Richard Dawkins a notamment publié Le Gène égoïste, et Il était une fois nos ancêtres.
Ce livre a été vendu à plus de deux millions d'exemplaires à travers le monde.


Dessin :

mercredi, octobre 12, 2011

Les Mollahs





Un jour que j'étais à l'arrière d'un taxi collectif, coincé dans les embouteillages de Téhéran, un mollah sur une moto donna un grand coup de klaxon pour que mon chauffeur libère les centimètres de chaussée dont l'enturbanné avait besoin pour se faufiler un peu plus loin. Aussitôt, les insultes fusèrent chez mes voisins contre l'impudence de ce religieux motorisé. « Quelle arrogance ! » s'écria une grosse dame qui m’écrasait de ses cuisses éléphantesques. « Sales Arabes ! Les mollahs ne sont pas iraniens, ça se voit », ajouta le malheureux ayant hérité de la mauvaise place, au milieu sur le siège avant, celle qui exige de bouger ses genoux chaque fois que le chauffeur change de vitesse. « Quand on en finira avec cette République islamique, estima pour sa part le chauffeur, un être aussi décrépi que sa voiture, les mollahs se balanceront aux réverbères. » Funeste projet que la grosse dame compléta ainsi : « J'espère qu’il y aura assez de corde et assez de réverbères pour tous les mollahs. » Réponse du chauffeur: « S’il n’y a pas de corde, on utilisera leurs turbans. ».

Les mollahs iraniens ont connu un étrange destin. En 1979, ils guidaient la foule dans les rues de la capitale et désarmaient avec quelques citations du Coran les soldats censés leur tirer dessus. Leur barbe était une preuve de leur foi, leur tunique celle de leur probité. Cela faisait pourtant des siècles qu’ils étaient mal aimés. Des milliers d'anecdotes iraniennes décrivaient leur bêtise et leur cupidité. Au XIXe siècle, l'expression mollah-bazi devient courante et signifie « fourberie de mollah ». Dans son fameux récit A Year amongs the Persians, l'orientaliste britannique Edward G. Browne rapporte les paroles d’un certain mollah Yussuf de Kerman, qui s’étonne que ses confrères capitalisent l'argent accumulé par les impôts religieux au lieu de le redistribuer aux pauvres et utilisent leur ascendant spirituel pour gagner des avantages temporels.

Après que nous eûmes payé le trajet de taxi et alors que nous buvions du thé dans un ministère en attendant qu'un chef de cabinet, qui n'avait aucune envie de nous parler, veuille bien nous le dire en personne, Ali, mon traducteur, déroula une série de blagues sur les mollahs. Mais c’est l'homme qui servait le thé au ministère, sec et barbu, qui sortit la plus crue : « Question : combien de garçons de neuf ans un mollah peut-il sodomiser en un après-midi ? Réponse : combien t’en as ? »

A ce moment précis, le chef de cabinet ouvrit enfin sa porte capitonnée. C'était un mollah.

De fait, la Révolution était pour les mollahs l'occasion historique de se racheter. Ils ont fait tout le contraire et l’expression « mollah » est redevenue péjorative. Si bien qu’il convient, dans les cercles officiels ou face à un porteur de turban, d’utiliser le mot rouhani (homme d'esprit) ou akhound (clerc) pour éviter de se montrer insultant. Afin d’asseoir son pouvoir, le nouveau régime a voulu en faire une classe sociale privilégiée. Les étudiants des howzé (séminaires) sont dispensés de service militaire alors que les étudiants en médecine ou en économie doivent, comme tout le monde, passer deux ans sous les drapeaux. Les bourses d’études pour mollahs sont abondantes et conduisent souvent les fils de familles pauvres à s'engager dans cette filière, sans toujours posséder la foi nécessaire.

Le problème, pour le gouvernement islamique, c’est que sa politique d'encouragement des vocations religieuses, comme beaucoup d’autres, s’est retournée contre lui. Car les mollahs se sont révélés moins bêtes et moins dociles que prévu. Depuis l'élection de Mohamad Khatami à la présidence en 1997, et son second mandat en 2001, ils sont nombreux à avoir rejoint les rangs du mouvement réformateur - et aujourd’hui du mouvement vert. Si bien que le torchon brûle au sommet de la corporation enturbannée.

En janvier 2010, l'association des prêcheurs coraniques de Qom a déclaré que les édits du grand ayatollah Yusef Sanei, soixante-treize ans, n'avaient plus de valeur religieuse. Cette tentative de défroquer un des plus éminents mollahs du pays, connu pour ses positions réformatrices, a aussitôt provoqué la colère de l'association concurrente, celle des prêcheurs coraniques et doctes de Qom, ainsi que l'association du clergé combattant. Sanei a notamment estimé que l'islam interdisait purement et simplement à l'Iran de développer une bombe atomique, car tuer des innocents est contraire au Coran. Selon lui, les attentats-suicides sont également interdits par l'islam. Il est fauteur d’une série de fatwas à propos des femmes, les déclarant égales aux hommes et capables de devenir président ou juge.

Or Sanei, dont les bureaux ont été attaqués en décembre 2.009 par des bassidjis après les funérailles de son mentor, le grand ayatollah Montazeri, n’est pas seul à contester la légitimité religieuse du gouvernement islamique. Au moins sept grands ayatollahs sur la douzaine en vie aujourd’hui ont d’une façon ou d’une autre soutenu le mouvement vert, ainsi que certains des plus connus du millier d'ayatollahs que compte le pays. Pourquoi ? Parce qu’ils ont bien senti que la religion en général avait souffert d’être associée à un gouvernement forcément imparfait, et qu’ils risquaient de disparaître en cas de réforme ou de nouvelle révolution, comme le bébé avec l’eau du bain.

Lorsque Khatami était encore président (1997-2005), ce soutien massif des plus grandes autorités religieuses au mouvement réformateur aurait fait basculer la situation. Ce n’est plus le cas en 2010, parce que le régime a changé. De religieux, il est devenu militaire. Ce n’est plus une « mollacratie » qui gouverne l'Iran, mais de plus en plus une junte menée par les Gardiens de la Révolution, qui utilise la religion comme un bouclier. Du coup, plus personne ne craint les mollahs, ce sont les mollahs qui ont peur des militaires. La bonne nouvelle, c’est que de pendre les mollahs aux réverbères n’est plus la priorité des contestataires. Et si les mollahs sont vraiment aussi malins qu’on le dit, ils pourraient bientôt être à nouveau dans la rue à conduire les foules pour
faire tomber la dictature.

Serge Michel, Marche sur mes yeux.


Marche sur mes yeux
Portraits de l'Iran d'aujourd'hui

L’autre Iran ? Celui qu’on ne voit pas, qu’on ne montre pas. Serge Michel et Paolo Woods ont vécu en Iran et multiplié les voyages sur place ces dix dernières années pour raconter un pays plus humain que l’Iran voilé, réduit aux clichés de la Révolution Islamique depuis 1979.

Des jeunes gens au bord d’une piscine vide qui maîtrisent Twitter aussi bien que les poèmes de Hafez ; un marchand de tapis antisioniste qui crie « mort à l’Amérique » mais s’enrichit grâce à son magasin à Dallas ; des femmes en tchador qui se rendent en pèlerinage dans la ville sainte de Mashad y remercient l’imam Reza pour un divorce réussi ; un mollah passé dans le camp de l’opposition prodigue des leçons d’humanité. Ainsi va l’Iran et son théâtre fascinant, où chacun tient plusieurs rôles sur plusieurs scènes mais dans une seule langue, celle du « tarouf », une forme sophistiquée d’hypocrisie et de politesse. Nos auteurs, au terme d’une longue traque, ont emprunté ce labyrinthe de faux-semblants et ont découvert, sous les images d’apocalypse répandues par les media, un pays réel, surprenant, drôle, épris de liberté, insolent et inassouvi. Une vague qui deviendra la Révolution verte.



Serge Michel, 39 ans, est correspondant en Afrique de l’Ouest pour Le Monde, prix Albert Londres en 2001 pour ses reportages en Iran. Il est l’auteur de Bondy Blog (Le Seuil, 2006).
Paolo Woods est photographe. Il collabore avec des journaux et magazines tels que TimeNewsweek, Le Monde magazine ou Géo. Il a reçu de nombreux prix pour son travail, qui a régulièrement été exprosé en Europe et aux Etats-Unis. Il vit à Paris.


Dessin :

lundi, octobre 10, 2011

L'autre face du bouddhisme





Le 8 octobre 2011, durant le colloque Extrémismes religieux, dérives sectaires et thérapeutiques, des participants ont demandé des informations complémentaires sur plusieurs thèmes :

Les lamas et le Bouddha de médecine

Si des lamas affirment que la méditation peut guérir toutes les maladies, quand ils tombent eux-mêmes gravement malades, ils s'en remettent toujours à la médecine moderne.

Par exemple, les deux hiérarques tibétains qui dirigent un monastère Bönpo du Népal sont en vie grâce à la médecine occidentale. Un vieux Rinpoché, affecté par de graves complications de son diabète, a recours depuis des années aux soins de médecins occidentaux. Le jeune Abbé du monastère, malade de la tuberculose, n'a pas effectué de retraite spirituelle sous les auspices du Bouddha de médecine pour guérir, il a pris lui-aussi l'avion pour être soigné dans l'une des meilleures cliniques de France.

Guerre froide & lamaïsme

Au début des années soixante, prend naissance le mouvement du Nouvel Age qui rejette les valeurs matérialistes de la société de consommation. A cette époque, dès 1959, le dalaï-lama, les riches prélats et l'aristocratie tibétaine s'installent en Inde et incarnent la lutte des spiritualistes et des « initiés » contre l'ogre chinois communiste et matérialiste.

La guerre froide opposera l'Amérique et ses alliés aux puissances communistes jusqu'à la chute du mur de Berlin. Durant cette période le Nouvel Age et le lamaïsme rencontreront un étonnant succès. En 1960, la Fondation Rockefeller implante huit centres d'études tibétaines aux USA et invite 17 lamas tibétains. Le Dalaï-lama devient rapidement le chef de file emblématique d’un nouveau spiritualisme newageux.

Qui voit la véritable nature du lamaïsme ?

Il faut croire que l'amour d'une prétendue sagesse tibétaine rend aveugle. En effet, quand le musée Guimet expose, du 6 novembre 2002 au 24 février 2003, les objets liturgiques et les visions secrètes du Ve dalaï-lama représentées dans le Manuscrit d'or, qui s'indigne des rituels comprenant une tête humaine fraîchement coupée, un cœur d'enfant et d'autres organes ?

Un rituel du Ve dalaï-lama est véritablement infernal et utilise du sang humain à la place d'eau lustrale, un cœur et des yeux en guise de fleurs. De la chair humaine brûlante remplace l'encens. Les lampes rituelles sont alimentées par de la graisse humaine fondue. Des tormas (gâteaux d'offrande) sont faites de chair et d'os...

Les spécialistes de la religion tibétaine n'ignorent pas que des lamas ont réellement utilisé ces ingrédients dans de répugnants rituels et n'ont pas reculé devant le sacrifice humain. Sir Charles Alfred Bell (1870-1945), chargé des relations diplomatiques du gouvernement britannique avec le Tibet et le Bhoutan, évoque le sacrifice d’enfants dans l’un de ses livres. Ces spécialistes du Tibet, souvent des professeurs de l'enseignement public et laïque, se taisent sur les crimes du lamaïsme parce qu'ils sont soumis aux lamas tibétains par des samayas (serments initiatiques d'allégeance). Mais ils font ouvertement l'apologie des doctrines tibétaines les plus acceptables. Dans l'un de ces livres Michel Strickmann dénonce cette situation en ces termes : « Des relents d’un exotisme qui fait long feu ont encouragé les pires formes d’esprit sectaire à pénétrer dans les institutions laïques, où aucun apologiste chrétien ne serait jamais autorisé à prêcher ou à enseigner ainsi. Les études tantriques et taoïstes ont été imprégnées de cette ambivalence. Le chercheur occidental, soi-disant objectif, se transforme soudain en apôtre et en crypto-initié, regrettant seulement que son engagement spirituel ne l’autorise pas à vous confier les faits dont il détient le secret. »

L'omerta

Les convertis au bouddhisme magique du Tibet ne peuvent pas critiquer les enseignements des lamas. La critique, considérée comme une rupture du serment initiatique, est punie de mort. Ce sont les dharmapalas, démons gardiens de la doctrine, qui feraient office d'exécuteurs des hautes œuvres, de bourreaux invisibles du lamaïsme.

Le bouddhisme tibétain light

Le silence des convertis permet la diffusion d'un bouddhisme tibétain allégé. « Si, dans nos pays, le Bouddhisme tibétain ne fait pas énormément de convertis effectifs et reste un phénomène assez marginal, il s'immisce toutefois de manière continue et insidieuse jusqu'au cœur de nos foyers douillets. Ce n'est pas tant l'enseignement du Bouddha qui nous pénètre, mais un vocabulaire et une manière d’être, épousés, souvent inconsciemment, par un public de plus en plus large. La tranche de la population susceptible d'être touchée en premier, c'est nous : petits-bourgeois moyens, assis plus ou moins confortablement dans nos névroses et nous débattant avec plus ou moins de vigueur pour parvenir à un bonheur ronronnant et une bonne santé relative. Le BT-light - traduisons : le Bouddhisme tibétain à doses homéopathiques - n'exige pas de nous une conversion radicale. Si le cœur nous en dit, nous pouvons même garder la religion de notre baptême, telle est la grande tolérance du Bouddhisme ! Pour adhérer au BT-light, il suffit d’adopter un langage pacifiste, ouvert, compatissant, et d'afficher le sourire correspondant. Le drapé rouge-orangé est de bon ton aussi, tandis que sandalettes, carpettes et trompettes se procurent sur le site de Sa Sainteté.

Un catalogue « Agenda Plus » - que vous trouverez dans n’importe quelle bonne épicerie bio - vous offre un « condensé sucré » de pratiques qui, de près et de loin, font allusion au Bouddhisme tibétain. C’est que le BT-light se meut avec aisance parmi les nombreux satellites du New Age ! De même qu'avant la Seconde Guerre Mondiale, avec la Théosophie, l'Anthroposophie, les « Amis de Rampa », l’École Arcane, etc., les mouvements du New Age ont aujourd’hui le vent en poupe ; et, de même, ils utilisent un vocabulaire emprunté au Bouddhisme tibétain. L'extraordinaire production du New Age va bien au-delà d'un phénomène de mode. Un siècle après son envol, nous voguons encore entre ses multiples galaxies : une petite cure de massage ayurvédique sur l'une, un pique-nique macrobiotique sur une autre, puis c’est une troisième qui nous ouvre les bras pour une séance de Shambala-yoga..., et pourquoi ne pas finir la soirée sur un air de bio-danza, mariage sacré du Yin-Yang assuré ! Au préalable, n'oublions pas de tirer les cartes du Tarot ou les baguettes du Yi King afin de nous assurer un bon Feng Shui : garantie nécessaire pour réussir à vivre, de l'intérieur, notre spiritualité particulièrement dense ! Ces multiples pratiques se concentrent exclusivement sur le développement de l'individu et la « recherche de soi ». Comme dissolution de l'ego, on peut trouver mieux ! Tout cela est très amusant et peut effectivement apporter un certain épanouissement à beaucoup d’entre nous, mais faut-il oublier pour autant que le New Age est soutenu par une trame ultraconservatrice dont l'objectif inavouable est de désamorcer notre esprit critique ? » (Elisabeth Martens)

Lire en ligne une grande partie du livre d'Elisabeth Martens "Histoire du bouddhisme tibétain, la compassion des Puissants" :


Articles & textes de Marc Bosche : https://sites.google.com/site/articlesmarcbosche/

Témoignage de l'ancien moine bouddhiste Christian Pose : http://linked222.free.fr/cp/ChristianPose.html

L’ombre du Dalaï-lama, sexualité, magie et politique dans le bouddhisme tibétain :


Le bouddhisme Théravadin a aussi une autre face :
La méditation Vipassâna ne rend pas meilleur 


Photo :


Histoire du bouddhisme tibétain 
La compassion des Puissants




Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...