mercredi, novembre 24, 2010

Philosophes libertaires de l’Antiquité


Dans la Cité grecque, les philosophes cyniques ont pensé et vécu en farouches « libertaires ». Le nom de cyniques leur viendrait de l’endroit où ils se réunissaient, le gymnase du Cynosarge, situé dans le quartier des métèques à Athènes. De plus, soit par défi soit par dérision, les Cyniques comparaient volontiers leur façon de vivre à celle d’un chien (Cynique peut se traduire par : qui s’apparente à un chien). Par réaction contre l’idéalisme platonicien et la théorie des Idées, ils affirmaient que ce qui existe réellement ce n’est pas du tout, comme le prétendait Platon, l’archétype, le modèle intelligible, l’essence générique des êtres, mais au contraire les individus formant une espèce, tels que nous pouvons les rencontrer autour de nous.

L’autonomie individuelle, l’autosuffisance, voilà le but à rechercher. Sarcastiques, utilisant avec une infatigable agressivité l’ironie socratique, les Cyniques n’ont cessé de faire le procès de toutes les conventions sociales.

C’est ainsi qu’Antisthène (~440-v. - ~336), le fondateur de l’Ecole, prônait le détachement complet et le mépris des « tabous », pour employer un terme à la mode. Le sage est un homme libre parce qu’il a su renoncer à tous les impedimenta de la vie en société. Il ne règle pas sa conduite d’après les lois de la Cité, mais d’après la vertu. Les affaires publiques ne le concernent en rien. Les hommes d’Etat sont des calamités. Nous sommes tous frères.

Son disciple Diogène (~494-v. - ~323), poussa l’enseignement d’Antisthène jusqu’à ses limites extrêmes. Clochard-philosophe, logeant dans son fameux tonneau, apatride – toujours de la manière la plus provocante – les anecdotes pittoresques plus ou moins légendaires abondent à son sujet, la plus connue étant bien sûr sa réponse insolente à Alexandre le Grand. Comme le conquérant lui demandait ce qu’il pourrait faire pour lui être agréable, Diogène lui répondit simplement : « Ecarte-toi de mon soleil. »

Les Cyniques ont inauguré certainement, dans la philosophie occidentale, la recherche de l’homme nu, de l’homme de la nature. A travers leur critique radicale de la civilisation, l’apologie du primitif, du bon sauvage fait son apparition. Cité et anti-cité, la Grèce aura tout inventé !

Les Stoïciens reprendront quelques-uns des thèmes de la philosophie des Cyniques : recherche de l’autonomie personnelle, nous sommes « confiés à nous-mêmes » ; choix d’une vie conforme à la nature et opposition de la Nature et des lois de la Cité, détachement à l’égard des biens terrestres, etc., se proclamant enfin citoyens du monde.

Jean Préposiet, « Histoire de l’anarchisme ».

Lettre de Cratès aux riches :

Allez vous faire pendre : vous avez des lupins, des figues, de l’eau et des tuniques de Mégare, et pourtant vous partez en mer, vous cultivez quantité de terres, vous pratiquez la trahison, vous exercez la tyrannie, vous commettez des meurtres, et ainsi de suite, quand il faudrait rester en repos.
Quant à nous, nous sommes dans le repos absolu, affranchis de tout mal par Diogène de Sinope, et sans rien avoir, nous avons tout, alors que vous , en ayant tout, vous n’avez rien, parce que vous vivez dans la rivalité, la jalousie, la crainte et la vanité.

Histoire de l'anarchisme


L'anarchisme est-il un mouvement politique, une philosophie, un mode de vie, une vision du monde ? Doit-on le considérer uniquement sous l'angle de la violence et de " l'action directe " ? Comment se situe-t-il, depuis deux siècles, dans l'histoire des luttes sociales, des mouvements révolutionnaires et par rapport aux idéologies dominantes ? A partir de l'analyse des philosophies et des courants de pensée qui sont à l'origine de l'esprit libertaire, Jean Préposiet nous donne le premier tableau historique complet des anarchismes en Occident. Il retrace le parcours politique et doctrinal des pères fondateurs - Proudhon, Stirner, Bakounine ou Malatesta -, analyse le rôle tenu par les anarchistes pendant la révolution russe ou la guerre d'Espagne, rappelle ce que furent les attentats anarchistes en France à la Belle Epoque avant d'explorer les avatars et les marges de la galaxie libertaire : antimilitarisme et pacifisme, nihilisme et terrorisme, anarcho-syndicalisme et mythe de la grève générale, anarchisme de droite, anarcho-capitalisme, situationnisme, écologie, antimondialisme, etc., autant de propositions qui continuent de concerner nos sociétés et posent l'éternelle question de la liberté des hommes.

mardi, novembre 23, 2010

Apocalypse taoïste


Depuis déjà au moins trois siècles le message apocalyptique ne cessait de résonner dans les milieux taoïstes. Vers la fin du 2ème siècle, dans un texte manuscrit découvert à Touen-houang et vraisemblablement composé dans la province occidentale du Sseu-tch’ouan, nous trouvons le dieu Lao-tseu qui s’adresse ainsi à ses fidèles demeurés sur terre :

« Vous avez tous déjà reçu cinq ou six fois mes enseignements.
Quand la planète Vénus quitte son orbite, viens vite, rejoins-moi !
Cherche-moi sur le pic du Sud, et tu seras sauvé du danger […]
Le peuple est affligé, les maladies se répandent partout ; de toute part il y a des affamés.
Je changerai le destin, je bousculerai le règne des Han.
Mon peuple l’ayant appris aura par lui-même la volonté de chasser les maléfices.
Les justes et les cœurs sincères connaîtront mes actions […]
Les saints mettront mes pensées en pratique ; les cœurs pervertis demanderont qui je suis.
Je me suis manifesté plusieurs fois pour sauver ; je me suis transformé selon les circonstances.
Peu nombreux sont ceux qui me désapprouvent. »

Ce texte fragmentaire, le « Livre des transformations de Lao-tseu », révèle le rôle occulte joué dans l’histoire par ce personnage mythique, auteur présumé du « Livre du Tao et de la vertu » (Tao-te king). Maître des transformations et des déguisements, Lao-tseu est intervenu plusieurs fois pour sauver l’humanité. A la période des Hans (de 206 av. J.-C. à 220 apr. J.-C.), le penseur reclus avait connu une apothéose ; il reçut un culte officiel et émergea par la suite comme un dieu sauveur dans diverses sectes millénaristes dont le foisonnement est contemporain du long déclin des Han, au 2ème siècle. Comme l’a montré la regrettée Anna Seidel, le dieu Lao-tseu a bien évolué depuis l’auteur du Tao-te King, qui était conçu comme détaché du monde. Ce nouveau Lao-tseu millénariste est bien antérieur à la création du cosmos. Il est le primum mobile, le tao incarné et tout puissant qui détient les secrets de l’univers mais daigne périodiquement descendre s’immiscer dans la misérable histoire humaine pour sauver les justes. « Quand la planète Vénus quitte son orbite, viens vite, rejoins-moi ! » En Chine, nous l’avons vu, Vénus présage non pas l’amour mais la guerre. Ceux qui comprennent la révélation de Lao-tseu sauront lire dans les cieux les signes du péril qui se prépare. Ils prendront refuge dans la montagne : « Cherche-moi sur le pic du Sud, et tu seras sauvé du danger. »

Les noms mentionnés dans ce court texte nous permettent de le localiser au Sseu-tch’ouan, mais nous ne possédons aucune information sur le groupe auquel il était destiné. Il n’appartient apparemment pas à la lignée taoïste dominante, celle des « maîtres célestes » de la famille Tchang, bien que cette lignée ait été fondée également au 2ème siècle, dans une autre région de la même province. Ce mouvement fut déclenché par une autre révélation du Lao-tseu déifié sous sa forme de « seigneur Lao-le-Très-Haut » (T’ai-chang Lao-kiun). Seigneur Lao ordonnait au premier maître céleste, Tchang Tao-ling, de détruire les temples non taoïstes du peuple ordinaire – des ignares, que les taoïstes traitaient de « cadavres ambulants » ou de « zombies ». Il lui expliquait que les « dieux » implorés par le peuple étaient en réalité des démons, esprits des morts qui s’étaient arrogé un titre divin pompeux et prétentieux. Ils réclamaient de leurs adorateurs des sacrifices sanglants en abondance, mais au lieu de les récompenser en leur accordant la santé et la longévité pour lesquelles ils priaient, ils leur rendaient en retour la maladie et la ruine. La religion taoïste fut instaurée en vue de mettre fin à cette exploitation des vivants par les morts. Son mot d’ordre, souvent répété, était : « Les dieux ne mangent ni ne boivent ; les maîtres n’acceptent pas d’argent. » […]

Avec l’abandon par le mouvement taoïste, au début du 3ème siècle, de ses prétentions politiques sur ses territoires d’origine, dans la province du Sseu-tch’ouan, s’ouvrait pour lui la voie d’une expansion possible dans le reste de la Chine sous la forme d’une religion du salut. Même lorsque son message pénétrait dans les milieux lettrés, il conservait sa teneur eschatologique. C’est ce nouveau taoïsme du 4ème siècle, politiquement apprivoisé mais toujours visionnaire et prophétique, qui nous fournit des textes pleinement apocalyptiques. La déchéance du siècle est décrite avec élan. Démons, maladies, guerres, catastrophes naturelles sont omniprésents. Les morts malveillants font peser toute leur rancune sur une humanité en proie aux pires angoisses. Les exorcistes profanes battent leurs tambours, dansent, tombent en extase et se livrent à des multitudes de sacrifices en l’honneur de ces « dieux des profanes » - mais tout cela en vain, si l’on en croit les taoïstes, puisque ces cultes hors de leurs enceintes ne sont que fléaux, duperies « qui dévorent le peuple tout vif ». Le culte des morts et des faux dieux est l’un des grands maux du siècle. Le monde semble avoir provisoirement été confié aux démons. Or, cela fait en réalité partie du programme du tao car, à présent, le rythme des fléaux va en s’accélérant. Il atteindra son point culminant lorsque la peste, les eaux, la guerre et le feu se déverseront sur l’humanité et quand démons et hommes diaboliques s’entre-tueront. C’est ainsi que le monde sera purifié et préparé pour l’apparition du seigneur Li Hong, nouvelle manifestation du bon vieux Lao-tseu, qui descendra avec sa suite de Parfaits et d’êtres transcendantaux pour gouverner le peuple de la semence. Ce dernier, désigné longtemps à l’avance, aura pris refuge dans la montagne ou dans des grottes souterraines. Lorsque tout danger aura été éliminé, il pourra sortir de son repaire avec la certitude pour ses membres d’être titularisés au sein de la nouvelle administration taoïste.

Michel Strickmann, « Mantras et mandarins ».


Mantras et mandarins
Le bouddhisme tantrique en Chine


Un mandarin, nous explique Michel Strickmann, était à l'origine un «mantrin», conseiller du roi et possesseur de puissants mantras, et les monarques étaient, par excellence, les commanditaires des rituels bouddhiques et tantriques. Mantras et mandarins est le second volet d'une œuvre de recherche de plus de trente ans, qui a débuté avec l'étude du taoïsme millénariste chinois, pour se poursuivre avec celle de la médecine magique, de la poésie et des traditions prophétiques en Chine ancienne. L'auteur s'attache ici à recréer les formes les plus ésotériques du bouddhisme à travers la lecture de ses traditions vivantes au Japon, en en retraçant le cheminement historique, littéraire, rituel et iconographique dans la Chine médiévale, depuis sa transmission indienne à partir de textes apocryphes. L'ouvrage est tout entier construit autour de l'idée qu'un même schéma rituel d'origine indienne, composé de procédures distinctes (mantra, mudra, visualisations), parcourt l'aire de diffusion du tantrisme en Asie ; ce phénomène tantrique a servi à la culture indienne à se diffuser, à partir des couches les plus hautes de la société. Dans cette synthèse, qui s'appuie sur une immense érudition autant que sur une méthode d'observation ethnologique directe, Michel Strickmann redéfinit les formes du bouddhisme tantrique au confluent du rituel et de l'histoire de l'art, après avoir réuni et traduit des textes peu étudiés et rares sur les pratiques tantriques à travers l'Inde, la Chine, le Tibet et le Japon.

lundi, novembre 22, 2010

666


L'Eglise grecque refuse le chiffre 666 sur les cartes d'identité

L'Eglise orthodoxe grecque exige que le chiffre 666 symbole de l'Antéchrist dans la tradition chrétienne, ne figure pas sur les cartes d'identité informatisées en préparation.

L'Eglise, non séparée de l'Etat, "a le devoir de préserver l'intégrité de la foi, c'est pourquoi la carte du citoyen ne doit inclure en aucun cas, ni de manière visible ni de manière invisible le chiffre 666", a indiqué dans un communiqué le saint synode, son organe collégial de direction.

"Les cadres du gouvernement grec" tenus au courant de la consultation sur ce point menée au sein de l'Eglise "ont exprimé leurs accords avec les remarques" des experts ecclésiastiques, "et indiqué qu'elles seront prises en compte", a ajouté le communiqué.

L'Eglise avait prévenu le gouvernement qu'elle entendait se prononcer sur la question, au nom du respect des libertés personnelles et des prescriptions de la foi orthodoxe, après l'annonce par les autorités de la prochaine émission de documents informatisés, baptisés "cartes du citoyen".

Le projet, qui doit être finalisé début 2011, a aussi été critiqué par des organisations de gauche, qui ont mis en garde contre tout fichage des citoyens.

Souvent accusée d'obscurantisme, la hiérarchie orthodoxe grecque a par le passé combattu farouchement l'entrée du pays dans l'espace Schengen, arguant de l'existence d'un contrôle informatique des entrées et sorties dans cette zone utilisant le chiffre 666.

Ce symbole, le "chiffre de la Bête" apparaît dans le texte biblique de l'Apocalypse, rédigé selon la tradition orthodoxe grecque par l'apôtre Jean en l'an 95 sur l'île de Patmos, dans le sud-est de l'Egée.

L'Eglise grecque avait aussi longtemps bataillé contre la suppression, finalement imposée au début des années 2000 par le précédent gouvernement socialiste, de la mention obligatoire de la religion sur les papiers d'identité grecs.


SIX CENT SOIXANTE SIX

Ce n’est pas pour nous effrayer que de grands clairvoyants et des prophètes ont prédit l’apparition prochaine d’un puissant démon sur notre planète. Une calamité comme il n’y en a jamais eu. D’où les spéculations autour du nombre 666 dont on croit avoir identifié la trace dans les technologies de pointe. S’il ne s’agissait que de cela ! En réalité, apparaît la synthèse du double démon que l’on appelle Diable et Satan - les pôles matériel et subtil des puissances adverses. Cela a commencé depuis le début de ce 21° siècle après l’intense préparation du siècle précédent. Nous devons nous y préparer au lieu de nous voiler la face.
Pourquoi inquiéter l’humanité avec le problème du Mal, se demandent les faux prophètes qui nous anesthésient ? Les bergers des orthodoxies ont continuellement dissimulé la gravité du problème du Mal pour faire croire qu’ils avaient « la situation bien en mains ».
Pourquoi était-il hérétique d’investiguer du côté de la face cachée des choses ? Parce que les autorités planétaires qui nous désinforment sont les représentantes du « Prince de ce monde ». L’histoire officielle est un lavage de cerveau. Donc, en ce qui concerne l’origine et la nature du Mal, circulez, il n’y a rien à voir !

Ce n’est pas pour nous faire peur que des prophètes nous ont alerté sur ces démons tapis à l’arrière plan de l’existence ordinaire, et dont nous sommes les médiums inconscients.
Les sages ont-ils voulu nous nuire en nous apportant une connaissance que nous ne pourrions pas assumer ? Au contraire, ils nous ont prévenu par amour, afin de nous préparer à identifier le Mal, à le démasquer et le vaincre à l’aide de notre force d’âme. « La vérité vous affranchira ».
Pourquoi l’être humain devrait-il connaître la nature d’un Mal cosmique qui le dépasse entièrement ? N’avons-nous pas déjà tellement à faire avec notre existence si compliquée, la lutte pour la vie, les soucis, la maladie...? Pourquoi charger notre conscience d’une connaissance aussi affligeante ?
Nous espérons toujours qu’un « sauveur » va mener le combat à notre place, comme des soldats qui abandonnent la première ligne des opérations alors que les renforts sont en vue.
Peu s’interrogent sur le sens de la parole : « Michaël a combattu le Dragon et l’a jeté sur la terre où il erre en grande fureur ».
Si ce Dragon a été jeté sur la terre, l’affaire n’est donc pas réglée, et la bataille ne fait que commencer. Voilà ce qu’il faut comprendre si l’on veut vivre en conscience et devenir fort.
Nous devons connaître la réalité du Mal jusqu’au fond parce que c’est notre devoir en tant qu’humains incarnés dans la matière.
Nous avons une immense responsabilité aux yeux des êtres spirituels vivant sur d’autres dimensions et qui ne peuvent pas voir à travers les zones denses où nous sommes incarnés.
Ils n’ont pas notre faculté de précision mentale que nous procure la condensation matérielle. Ici bas, on vient apprendre la vérité avec la précision que nous procure l’acuité de la douleur. On n’est pas là pour se prélasser dans le « meilleur des mondes » mais pour apprendre les lois de la vie réelle. Nous sommes là pour transmuter la souffrance en conscience, et la conscience en amour.
Celui qui n’apprend pas de l’expérience va souffrir dans l’avenir.
L’économie universelle implique que des règnes vivent au service d’autre règnes. Ainsi, des êtres de nature spirituelle, dieux et anges, ont besoin d’être informés par les humains incarnés dans la matière qui sert à forger la conscience. Certains Dieux ne peuvent connaître le Mal comme nous l’éprouvons dans la chair, et ils guettent notre éveil pour parer aux assauts des puissances démoniaques. L’homme est le partenaire des dieux. De son sort dépend celui de hiérarchies spirituelles qui attendent son redressement spirituel pour se transférer sur un plan d’existence supérieur. Cela explique l’agitation qui règne ici-bas, et pourquoi le Mal cosmique, à travers le relais des sociétés secrètes terrestres mène une guerre totale aux forces de l’Esprit. La terre est le théâtre d’enjeux cosmiques.
L’être humain est au centre de ce conflit car il participe de deux natures : terrestre et spirituelle. (Le Diable signifie « celui qui est double », et Satan est « celui qui s’oppose ») Ces démons ne sont pas des images mythiques, mais des puissances insatiables, des anti dieux qui se sont nourris de nos faiblesses au fur et à mesure de notre descente dans la densité matérielle.
Les plus terrifiants vivent sur les plans sous-humains, là où les hommes de pouvoir puisent leur énergie en rendant un culte aux démons à travers les organisations terrestres – religieuses, politiques, occultes. Tout pouvoir terrestre dépend de la puissance démoniaque, et c’est pourquoi la recherche de la vérité sur le Mal est un sujet tabou. Notre culture oblitère totalement la question du Mal, et il est conseillé de se contenter des maigres explications de la théologie et de la science. Celui qui se risquerait à exposer la terrible vérité est jugé fou ou hérétique. (cathares)
Par sa double nature, l’homme est donc le mieux placé pour connaître les démons et les affronter, car n’est-ce pas lui qui les nourrit par son existence même ?
« Seuls les hommes sont capables de connaître les secrets des démons. C’est par cette offrande des hommes, aux dieux, de secrets arrachés aux démons, que peuvent être détournés les noirs agissements de ces démons, et ainsi, là où avaient dominé les ténèbres, peut à nouveau rayonner la lumière spirituelle. » (R.S. An die Freunde/octobre 1925)
Bien entendu, voir le Mal n’est pas agréable quand nos tendances naturelles nous portent à l’insouciance. Mais que nous le voulions ou non, il arrive un moment dans l’histoire où nous sommes face à la terrifiante réalité. Souvent, c’est à cause de catastrophes historiques qui emportent nos illusions sur leur passage, alors que nous aurions voulu nier la réalité. Certains s’obstinent à nier la vérité, ce qui les mène à se ranger du côté du Mal. Ils en deviennent les serviteurs, par ignorance ou par goût. Ils régressent et doivent être écartés.
C’est pourquoi, il existe des retardataires qui demeurent à l’arrière de l’évolution et qui sont rétrogradés sur des systèmes planétaires plus lents – la lune par exemple.
Notre époque est trompeuse car nous pourrions nous croire à l’abri, hors des zones du Mal qui a sévi durant le XX° siècle, où l’atrocité fut à son comble avec le nazisme et le bolchevisme.
Des prophéties apocalyptiques nous annoncent que ces atrocités passées ne sont que les prémisses du Mal à venir. La propagande médiatique nous matraque avec les abominations idéologiques du XX° siècle pour nous faire croire que le pire est derrière nous. Et le new age proclame par mille channels inconscients « le mal est vaincu, l’âge d’or est là ! » On connaît cette propagande de diversion…
Les marchands de faux espoirs sont les ennemis du genre humain. Ce sont des traîtres lorsqu’ils nous proposent comme solution aux fléaux de notre époque de nous adapter en saupoudrant l’horreur moderne de bons sentiments. Cela s’appelle collaborer avec l’ennemi. Le Mal leur fait si peur qu’ils n’osent plus l’évoquer, jugeant toute tentative d’investigation derrière l’aspect caché des choses comme étant du masochisme.
Il nous faut être attentif à la propagande qui tend à dissimuler le vrai visage du Mal car son but, pacifiste et généreux en apparence, est de nous désarmer. On nous livre à l’ogre comme des enfants gavés de sucreries. On nous trahit, on nous vend.
A l’opposé de la spiritualité molle avec sa névrose sécuritaire, l’esprit véritablement positif accepte de voir la situation telle qu’elle est. Il anticipe sereinement l’évolution dramatique des choses. Toutefois, le démasquage du Mal ne peut s’effectuer que progressivement. Il ne faut pas perturber les être trop fragiles qui doivent traverser beaucoup d’expériences avant de réaliser ce qui se joue derrière le décor.
Il y eut dans le passé des fraternités spirituelles qui ont confronté le Mal en pleine conscience. C’est grâce à leur effort héroïque que nous ne sommes pas entièrement submergés. Ces êtres ont foré un couloir de lumière à travers les ténèbres du monde. Ils ont transmuté le Mal en Bien. Si les Manichéens avaient refusé d’aller jusqu’au bout de leur lucidité en ce qui concerne la nature des puissances qui se déchirent sur la terre et au ciel, le Mal serait aujourd’hui encore plus arrogant. Ces chevaliers de la vérité furent cruellement persécutés par les autorités civiles et religieuses de leur temps, car celle-ci n’aiment pas qu’on s’intéresse à leurs secrets.
Il en fut de même pour les Templiers qui s’apprêtaient à arracher le monopole de l’or à la puissance bancaire naissante, ce qui aurait changé radicalement le cours de l’histoire.
C’est parce qu’il y a toujours eu des êtres héroïques jusqu’au sacrifice que nous bénéficions d’une marge de liberté de conscience. Sinon, la puissance mauvaise, ne rencontrant aucun résistance de la part des humains, aurait tout emporté : corps, âme et esprit. Déjà, ayant investi l’âme de l’humanité, elle veut désormais s’emparer du sanctuaire le plus intérieur.
C’est « l’abomination de la désolation dans le Saint des Saints » dont parle le prophète Daniel.
A chaque époque, l’assaut du Mal prend un caractère différent, brutal ou séducteur, et il rivalise de violence ou de charme pour attaquer la citadelle de la conscience.
Car le Mal veut s’approprier l’humain par lequel il espère venir à l’existence - en prenant sa place - et sans lequel il n’aurait aucun pouvoir créateur. Car le Mal ne crée rien.
Il doit d’abord vider l’être de son individualité autonome afin de s’emparer de son corps et de sa conscience. Ceux qui enseignent qu’il n’y a pas d’esprit divin en l’homme, sont en proie à la plus pernicieuse des maladies : l’athéisme. L’athéisme est la conséquence d’un Mal supérieur. Par cet égarement, certains démons se déchaînent en toute liberté, puisque leurs victimes, athées et matérialistes, ne croient pas en l’existence des puissances divines ou démoniaques. C’est pourquoi, d’après l’exemple des totalitarismes majeurs du XX° siècle, le communisme athée a pu séduire le monde plus largement que le nazisme paganiste, car ce dernier croyait en des forces invisibles dont les bolcheviques n’avaient aucune conscience, quoiqu’ils en fussent les serviteurs aveugles.
Nous avons été alors confrontés aux deux pôles du Mal – la puissance luciférienne du passé, d’une part, et de l’autre, la puissance matérielle qui se projette vers le futur.
Mais il survient à notre époque un troisième démon, plus perfide encore car il a appris à se servir de la force des deux démons précédents.
Ce démon moderne a rassemblé les forces diaboliques du dessous et du dessus.
A travers les hommes qui ont déjà succombé à l’illusion de l’idéalisme fumeux ou ceux qui vouent un culte à la matière, il s’incarnera prochainement un esprit encore plus mauvais dont le Livre de l’Apocalypse parle comme du « signe de la Bête 666 ». C’est un « nombre d’homme », ce qui signifie qu’il émergera par l’intérieur de la conscience et non par l’extérieur comme le Diable et le Satan mythiques. C’est donc le démon de la bestialité à « visage humain ».
Ce démon 666 exprime l’immoralité absolue en l’homme. C’est l’homme plongé dans la bestialité et fier de l’être. Sur ce type humain qui émerge, Hitler prophétisa : « J’ai vu l’homme nouveau, il est cruel et intrépide ». On peut en voir les signes annonciateurs à travers certaines perversités contemporaines qui demeurent encore inconnues du public.
On parle de crimes odieux commis sur des enfants - la pédophilie par exemple. Le public entend parler de scandales comme l’affaire Dutroux, mais il ne sait rien des réseaux pervers qui touchent les hautes sphères où se pratiquent des rites abominables, étouffés par la loi du silence qui règne parmi l’élite.
Le type 666 est le politicien arrogant qui ment avec effronterie en niant ce qu’il a dit la veille. Toujours avec le sourire, la main sur le cœur, et jurant sur les grands principes de démocratie, paix, justice, liberté…et sur le Christ !
L’humanité est en danger. Le nier revient à se placer du côté des serviteurs du « démon solaire » dont l’ombre avance à travers l’élite au pouvoir sur toute l’étendue du globe.
Bientôt, de nombreux êtres serviront de médium à ce démon qui cherche à pénétrer dans le monde par l’intérieur de l’être humain. L’épreuve de cette confrontation sera sévère mais indispensable car la connaissance du Mal procurera à l’humanité la victoire sur les plans inférieurs et la possibilité d’une élévation.
Pour ce démon, l’enjeu est tout ou rien, car il risque d’être identifié pour ce qu’il est : l’adversaire absolu de l’humanité.
C’est pourquoi, il se déchaînera d’une manière inouïe, afin d’opérer un passage en force, un viol brutal de la conscience humaine, au risque, en cas d’échec, de perdre le fruit de ses efforts séculaires. Cette intrusion a nécessité pour cet esprit 666 une longue préparation, comme il ressort de l’histoire des siècles écoulés.
On peut dire que nous n’avons encore rien vu !
L’humanité va donc être placée devant un choix : accéder à la Conscience ou se soumettre au « prince de ce monde ».
Bien entendu, chacun croit avoir fait le bon choix, mais ce n’est pas aussi évident si on considère lucidement ce à quoi nous nous relions chaque jour - ce que l’on nous oblige à faire et à penser, comment on nous manipule.
Sommes-nous des chevaliers occupés à servir la dame intérieure (l’âme), ou retardons-nous chaque jour la décision de nous engager dans le noble combat pour notre salut spirituel ?
Il est difficile de savoir où nous en sommes. C’est pourquoi, les véritables chevaliers de l’esprit ne suivent pas les doctrines et les croyances qui portent à l’évasion, la dispersion, la compromission, la complaisance, la mollesse…
Nous avons déjà donné des avertissements sur les pièges à éviter. Il est utile de rappeler aux personnes facilement séduites par les révélations du nouvel âge, que dans le domaine spirituel, le Mal utilise la séduction comme arme majeure. Cela explique la propagande qui inonde les circuits spécialisés et qui frappe des êtres en recherche, n’ayant pas d’expérience pour déjouer les pièges flatteurs qu’on leur tend. On joue sur les points faibles : argent, maladie, frustration, névroses diverses…pour nous rendre dépendant de quelque chose d’extérieur. Le « démon » nous rend dépendant d’une autorité extérieure, afin de limiter le champ du libre arbitre individuel, s’interposer et finalement prendre la place de cette autorité en laquelle nous avons cru un moment.
Quant à ceux qui ne recherchent que les « petits bonheurs » de l’existence, ils doivent savoir qu’il ne reste plus de temps pour se décider à devenir sérieux, car depuis 2001, tous les signaux sont allumés. Les jeux sont faits et il ne sert à rien d’essayer de convaincre celui qui n’a pas encore compris.
Le combat contre le Mal à venir ne sera gagné que par ceux qui auront pris soin de préserver leur individualité et de se réunir au sein d’une famille d’êtres conscients.
Les isolés devront être très forts, plus forts que le démon 666 !
L’accélération des processus en cours va sans aucun doute pousser à une décision nombre d’indécis. La plupart iront se jeter les yeux grands ouverts dans la gueule du lion.
Le meilleur moyen pour dynamiser notre aspiration c’est de nous exercer à la lucidité envers ces forces du Mal qui ont commencé leurs grandes manœuvres. Cette lucidité implique de ne pas s’attarder sur les aspects événementiels spectaculaires mais de rechercher la cause derrière l’apparence.
Voir la réalité contemporaine sans se voiler la face, s’informer avec précision sur l’avancée de la guerre que le Démon 666 mène contre notre conscience, c’est notre devoir en ces temps apocalyptiques. Cette attitude a parfaitement été décrite dans la mythologie chevaleresque, et nous connaissons tous les vertus à cultiver et les faiblesses à rejeter.
Alors, lorsqu’il paraîtra de toute sa hauteur sur la scène du monde, nous ne risquerons pas de confondre le démon solaire 666 avec Dieu.
Quant à ceux qui préfèrent aller s’entasser en troupeaux apeurés dans les stades pour invoquer « l’Esprit Saint » et demander une « guérison », il n’est plus temps de les avertir car ils sont déjà pris dans le filet. Toutes les séductions du ciel inférieur et de l’enfer s’abattent sur le monde. C’est le temps de la grande sélection, le temps du « faux prophète qui séduira les élus eux-mêmes, si cela est possible ».

Pour constituer une force capable de résister au démon 666, on doit s’unir avec des âmes apparentées, au sein de communautés en dissidence avec l’ordre mondial. L’esprit du Mal qui est actuellement à l’œuvre, veut empêcher ce regroupement d’énergie spirituelle qualitative. La constitution de foyers de résistance est la seule alternative contre l’emprise collective du système 666.
C’est pourquoi, le démon 666 incite les êtres à se réfugier dans leur petit coin et il plonge nombre d’aspirants à la lumière dans les expériences astrales qui les déportent vers les zones éloignées de leur être le plus intérieur.
Toutefois, avec la précipitation des événements, nombre d’êtres vont se réveiller, comme pendant l’alerte d’un bombardement où chacun sait ce qu’il doit faire pour sauver sa vie. Aux abris ! Bienvenue à bord !
N’échappera au Mal que ce qui en nous n’est pas de sa nature, la conscience qui n’a pas été contaminée par l’athéisme, la culture de masse, la politique, la religion jésuite, la science matérielle, la désinformation médiatique, les modes stupides et les mœurs décadentes, les idéalismes de replâtrage, le nouvel âge occulte, etc…
C’est une période stimulante, et sans aucun doute, des événements remarquables se préparent. Qui pourrait s’attrister lorsque le voile de la vérité se déchire et laisse entrevoir une Vie entièrement nouvelle ?
Grâce à la confrontation avec les forces du Mal, nous allons pouvoir développer une force du Bien inconnue jusqu’alors.
Voilà pourquoi, au lieu de nous affliger, nous faisons face et nous nous organisons matériellement et spirituellement.
Le Bien qui naît lorsque le Mal est vaincu en conscience, n’a rien à voir avec la bonté ordinaire qui est souvent un aveu de faiblesse, se manifestant comme une attitude de crainte devant la souffrance de l’existence. Cette bonté humaine est légitime compte tenu des conditions pénibles qui règnent ici-bas, mais ce n’est pas le Bien. Le Bien est la pleine Conscience dominant la puissance inférieure.

Source : Undercover n° 13



dimanche, novembre 21, 2010

Le bouddhisme, Internet et le New Age


Avec l’apparition du bouddhisme sur Internet, les adeptes occidentaux du bouddhisme se trouvent confrontés à un nouveau dilemme. Le développement foudroyant de cette nouvelle forme de communication, ses potentialités et ses dangers, l’impossibilité de savoir s’il va pouvoir maintenir et faire fructifier la générosité utopiste de ses fondateurs, ou conduire à une mainmise du mercantilisme et des pouvoirs étatiques sur l’individu, une version doucereuse mais néanmoins castratrice du Big Brother de George Orwell, autant de raisons qui font qu’il est bien difficile de savoir si le bouddhisme sortira enrichi ou appauvri de l’épreuve.

L’Internet est-il la version moderne du Grand Véhicule ou du Filet d’Indra, dont chaque nœud est orné par une perle qui reflète toutes les autres, symboles de l’interpénétration parfaite de tous les phénomènes ? La « toile » cyberspaciale n’est-elle pas plutôt le piège que nous tend Mâra, le Tentateur bouddhique ? La réalité virtuelle n’est-elle qu’une illusion réelle ? Les deux grilles de lecture restent possibles.

Les choses sont à peine plus claires en ce qui concerne le New Age. Ce phénomène, lui aussi d’origine californienne, ne constitue pas simplement une nouvelle forme d’adaptation de la religion aux cultures locales ; c’est au contraire la soumission des pensées traditionnelles à une forme de pensée unique, celle de la logique capitaliste et moderne. C’est donc le déni même des cultures locales. Le néobouddhisme occidental, qui flirte avec cette tendance sans tout à fait s’y identifier, tend à devenir une forme de spiritualité parmi d’autres, un bouddhisme à la carte, digitalisé, sans saveur ni odeur (un peu comme l’argent, donc). La préoccupation presque obsessionnelle d’une intériorité toute « spirituelle », chez les Bouvard et Pécuchet du New Age, apparemment aux antipodes de la soumission à une idéologie du corps et du désir (telle que la véhicule urbi et orbi la publicité), n’est peut-être qu’une autre forme de la volonté de bonheur qui caractérise leurs contemporains…

Bernard Faure, « Bouddhismes, philosophies et religions ».



Le bouddhisme, souvent décrit comme un humanisme et une spiritualité, est une pensée plurielle, rebelle à toute simplification. Y a-t-il un bouddhisme ou des bouddhismes ? Bernard Faure propose ici un dialogue entre pensées d'Occident et d'Asie. Parmi les Occidentaux, il est de ceux qui s'efforcent d'allier une compréhension approfondie des doctrines bouddhiques à une analyse de leurs ressorts cachés. Il montre que la spécificité du bouddhisme tient en partie à ce qu'il nous permet d'explorer une forme de rationalité différente, de nous départir de notre logique sans côtoyer pour autant l'irrationnel. Cette " voie du milieu " entre les extrêmes permet ainsi de surmonter l'antagonisme si souvent exprimé par les penseurs occidentaux entre " philosophie " et " religion ".

Début du prologue :

Le bouddhisme, dit-on, est à la mode. Tant mieux, ou tant pis. En effet, l’intérêt actuel pour la « spiritualité » bouddhique résulte peut-être d’un malentendu. L’attrait pour le bouddhisme vient sans doute de ce qu’il nous est étrangement familier : familier, parce qu’il relève, comme la pensée occidentale, d’une idéologie indo-européenne ; étrange, parce que méconnu. Il faut distinguer le bouddhisme, comme tradition historique, des diverses moutures de néobouddhisme qui sont à ce bouddhisme à peu près ce qu’est le Reader’s Digest à la littérature…

samedi, novembre 20, 2010

Propos taoïstes


Yang-tchou dit :

- Quatre désirs agitent les hommes, au point de ne leur laisser aucun repos ; à savoir, le désir de la longévité, celui de la réputation, celui d’une dignité, celui de la richesse. Ceux qui ont obtenu ces choses, craignant qu’on ne les leur enlève, ont peur des morts, des vivants, des princes, des supplices. Ils tremblent toujours, en se demandant s’ils mourront ou s’ils vivront, parce qu’ils n’ont rien compris à la fatalité, et croient que les choses extérieures ont pouvoir sur eux, Il est au contraire des hommes, qui, s’en remettant au destin, ne se préoccupent pas de la durée de la vie ; qui dédaignent la réputation, les dignités, les richesses. Toujours satisfaits, ceux-là jouissent d’une paix incomparable, parce qu’ils ont compris que, tout étant régi par la fatalité, rien n’a pouvoir sur eux.

L’idéal taoïste, c’est l’exercice de l’agriculture dans l’obscurité, produisant ce qu’il faut pour vivre, pas davantage.

Les anciens l’ont fort bien dit : l’amour cause une moitié des troubles des hommes, et le désir du bien-être cause le reste. L’adage des Tcheou, que les agriculteurs sont, dans leur condition, les plus heureux des hommes, est aussi fort juste. Ils travaillent depuis l’aube jusqu’à la nuit, fiers de leur endurance. Ils trouvent que rien n’est savoureux, comme leurs grossiers légumes. Leurs corps endurcis ne sentent pas la fatigue. Si on les obligeait à passer un jour seulement dans le luxe et la bonne chère des citadins, ils en tomberaient malades ; tandis qu’un noble ou un prince périrait, s’il devait vivre un jour en paysan. Les barbares, eux, trouvent que rien dans l’empire ne vaut ce qu’eux possèdent et aiment.
La nature est satisfaite, quand elle a le nécessaire ; tous les besoins qui dépassent, sont superfétation, civilisation artificielle.

Lie-tzeu, « Le Vrai Classique du Vide Parfait ».

Ceux qui réussiront à triompher de tous les obstacles…


Selon la tradition cosmologique hindoue, nous sommes dans le Kali Yuga (l'Age de Fer), qui est le dernier et le plus négatif des quatre cycles - les 4 yugas - de l'évolution cosmique. Chaque yuga est comme la saison d'une année super-cosmique, encore plus grande que l'année cosmique de la succession des équinoxes.

Lorsque la Terre arriva à son actuelle phase de manifestation et que le premier Âge, le Satya Yuga commença (Satya = pureté), l'humanité sortait à peine de son état originel d'innocence quasi-divine. Ce fut l'Age d'Or originel. Comme le temps s'écoulait, la planète tomba sous l'influence d'une spirale descendante négative, et la qualité de la vie dans chaque yuga successif s'éloigna de plus en plus de la connaissance de la vérité et de la Loi naturelle (la Réalité). Dans le second yuga, le Treta Yuga (l'Age d'Argent), la conscience spirituelle diminua d'un quart et pendant le temps du troisième cycle, le Dvapara Yuga (l'Age de Cuivre ou bronze) la négativité atteignit 50%.

Pendant le Kali Yuga la conscience planétaire est devenue très obscure et l'humanité travaille contre des conditions difficiles. Le sens de la justice a diminué jusqu'à un maigre quart de sa force originelle. Pendant notre histoire actuelle nous avons créé, et nous avons libéré tous les maux de la Boîte de Pandore. Il n'est pas étonnant que la race humaine connaisse une époque si difficile. Mais le moment d’un cycle de renouvellement est arrivé, et l'aube répand encore une fois sa lumière sur une planète confuse et ignorante.

Le Vishnu Purana, l'un des plus anciens textes sacrés de l'Inde, dit à propos du Kali Yuga: « Les chefs qui régneront sur la Terre seront violents et s'empareront des biens de leurs sujets ... Ceux qui sont paysans ou commerçants devront abandonner leur métier et vivront comme des serviteurs. Les chefs, par les impôts, voleront et déposséderont leurs sujets et mettront fin à la propriété privée. Les valeurs morales et le règne de la loi s'affaibliront de jour en jour jusqu'à ce que le monde soit complètement perverti et l'incroyance l'emportera parmi les hommes. »

Il existe beaucoup d'autres allusions à la division cyclique du temps. Par exemple, dans la Bible, le rêve de Nabbuchanedzar (Daniel 2 : 31-45) fut celui d'une image brillante et terrible, avec une tête en or fin, un torse en argent, des hanches en cuivre, et des jambes en fer. Les pieds et les orteils étaient en fer mêlé à de l'argile. Cette image fut détruite par une pierre, faite par des mains non-humaines, qui réduisit les pieds en poussière, et les débris volèrent dans l'air. Bien que le prophète Daniel ait interprété les différents métaux comme les empires du monde qui succédèrent à Babylone, le rêve avait aussi une signification plus cosmique.
Il représente les grands yugas. Les jambes de fer sont l'Age de Fer ou Kali Yuga, qui se termine à la fin de son cycle par la présente et instable civilisation, symbolisée par les pieds de fer et d'argile. Le prophète interpréta la pierre comme étant le véritable Royaume de Dieu qui remplacerait les autres civilisations, comme vrai et éternel Royaume.»
(René Guénon, « La Crise du Monde moderne »)

Cette fin apparaît comme étant « la fin du monde », sans aucune sorte de réserve ou précision, seulement à ceux qui ne voient rien au-delà des limites de ce cycle particulier ; une très excusable erreur de perspective, il est vrai, mais qui a néanmoins quelques conséquences regrettables par les terreurs excessives et injustifiées qu'elle provoque chez les gens qui ne sont pas suffisamment détachés de l'existence terrestre ; et naturellement ce sont les mêmes gens qui se font le plus facilement cette conception erronée, juste à cause de l'étroitesse de leur point de vue ... la fin qui est considérée à présent est indéniablement d'une importance considérablement plus grande que beaucoup d'autres, car elle est la fin d'un Manvantara tout entier, et donc de l'existence temporelle de ce qui pourrait proprement être nommé une humanité, mais cela, il faut le dire une fois de plus, n'implique en aucune manière que c'est la fin du monde terrestre lui-même, parce que par la réaffirmation qui prend place à l'instant final, cette fin elle-même deviendra immédiatement le commencement d'un autre Manvantara ... si on ne s'arrête pas avant le plus profond ordre de la réalité, on peut dire en toute vérité que la fin d'un monde n'est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d'une illusion.» (René Guénon, « Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps »)

Ceux qui réussiront à triompher de tous ces obstacles et à triompher de l'hostilité d'un environnement opposé à toute spiritualité seront sans aucun doute un petit nombre; mais, une fois encore, ce n'est pas le nombre qui compte ici, car c'est un royaume où les lois sont assez différentes de celles de la matière. Il n'y a donc pas de raison de désespérer; et même là où il n'y a aucun espoir de parvenir à un résultat visible avant l'effondrement du monde moderne dans une catastrophe, ce ne serait pas encore une raison valable pour s'abstenir de se lancer dans un travail dont la portée s'étend bien au-delà du temps présent. Ceux qui pourraient se sentir tentés de se livrer au découragement devraient se rappeler que rien de ce qui s'accomplit dans ce monde ne peut être inutile, que la confusion, l'erreur et l'obscurité ne peuvent jouir que d'un triomphe trompeur et purement éphémère, que toute sorte de déséquilibre partiel et transitoire doit nécessairement contribuer au grand équilibre du tout, et que rien ne peut finalement prévaloir contre la puissance de la vérité ; ils devraient prendre pour devise celle qui fut adoptée en d'autres temps par certaines organisations initiatiques en Occident : Vincit omnia Veritas. (la Vérité triomphe de tout).
Source : Undercover n° 20

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jeudi, novembre 18, 2010

Le retour de Shiva-Dionysos


Le Shivaïsme représente l’héritage d’expériences religieuses et humaines accumulées depuis les origines de l’humanité. Sa codification, telle que nous la connaissons, n’est apparue nécessaire que lorsque se développèrent des civilisations urbaines importantes qui pouvaient menacer l’équilibre de l’ordre naturel.

Selon la doctrine des Tantras, le culte de Shiva-Dionysos et les pratiques du Tantrisme sont les seules voies ouvertes pour l’humanité dans l’Âge des Conflits où elle se trouve à présent. Sans un retour au respect de la nature et à la pratique des rites érotico-magiques, qui permettent l’épanouissement de l’être humain et son harmonisation avec les autres formes d’êtres, la destruction de l’ensemble de l’espèce humaine ne saurait tarder. Seuls les fidèles du dieu pourront survivre et donner naissance à une humanité nouvelle.

Toutes les religions qui se sont opposées au Shivaïsme, au Dionysisme, aux sectes mystiques, ont accentué les tendances qui mènent à la destruction de l’harmonie du monde. Chaque retour à des conceptions shivaïtes – même lorsqu’il ne s’agit que d’une tendance – équivaut à une ère nouvelle d’équilibre et de créativité. Les grandes périodes de l’art, de la culture, sont toujours liées à un renouveau érotico-mystique.

Tout au long de l’histoire, le Shivaïsme est resté dans l’Inde la religion du peuple. Il reprit graduellement une place très importante dans la vie religieuse des hautes castes grâce au Tantrisme. Il s’infiltra également dans le monde bouddhiste sous la forme du Mahayana (1). Il apparaît revivifié, vers la même époque, dans le monde égyptien, dans le Moyen-Orient, en Grèce et en Italie. Le culte de Dionysos, comme le dieu, renaît toujours de ses cendres.

Maintes fois au cours des âges, la tradition éternelle, liée au culte de Shiva-Dionysos, a été vaincue par les religions nouvelles, issues des ambitions et des illusions des hommes. Pourtant, elle est toujours réapparue, est née à nouveau de ses cendres, comme elle doit renaître dans l’âge moderne.

De nos jours, les conditions semblent favorables pour un retour vers les conceptions traditionnelles du Shivaïsme. Même dans le monde occidental dans lequel les survivances dionysiaques ont été sauvagement persécutées, un retour instinctif vers les valeurs shivaïtes est apparent. Un instinct de survie dans un monde menacé se manifeste sous des formes velléitaires telles que l’écologie, la réhabilitation de la sexualité, certaines pratiques du Yoga, la recherche extatique par les drogues. Ces velléités, généralement dévoyées et perverties, sont toutefois les indices d’un besoin profond pour retrouver une approche du monde, de l’homme, de la vie, qui soit fondée sur des valeurs réelles, soit conforme à la nature véritable de l’homme et à son rôle dans la création. Ces formes d’expérience ne trouveront leur logique et leur épanouissement que dans un retour au Dionysisme. Ce retour exige la reconnaissance de certains principes fondamentaux, car c’est avec leur aide qu’il peut être possible de retrouver les bases d’une civilisation véritable et de contribuer à limiter les désastres d’un anthropocentrisme aberrant. […]

D’après les textes orphiques et pythagoriciens, c’est durant la deuxième partie de l’Âge de Fer, du Kali Yuga, que doit reparaître la suprématie de Dionysos et que seule la forme de religion que représente son culte reste valable. Cela est également l’affirmation du Shivaïsme. Seules les méthodes du Yoga tantrique sont efficaces dans cet âge où les valeurs se confondent et les rites, l’ascétisme et les vertus des autres âges sont sans effet. Nous pouvons observer que les découvertes récentes des sciences humaines, de la psychologie, des sciences naturelles, de l’écologie, suggèrent des approches à des problèmes humains et universels que le Shivaïsme a toujours préconisé. « Il n’est pas exclu que notre époque passe à la postérité comme la première qui ait redécouvert les « expériences religieuses diffuses », abolies par le triomphe du Christianisme… On pressent que tous ces éléments préparent l’essor du nouvel humanisme qui ne sera pas la réplique de l’ancien, car ce sont surtout les recherches des orientalistes, des ethnologues, des psychologues des profondeurs, des historiens des religions, qu’il s’agit maintenant d’intégrer pour arriver à une connaissance totale de l’homme. » (M. Eliade, « Méphistophélès et l’Androgyne ») Cette reconnaissance de l’homme implique celle de la place qu’il occupe dans la création, la reconnaissance de ses limites, du rôle qu’il peut jouer dans la hiérarchie des êtres. Le retour à la sagesse shivaïte apparaît comme la seule voie qui puisse assurer un répit à une humanité qui court vers sa perte à un rythme sans cesse accéléré.

Alain Daniélou, "Shiva et Dionysos".



(1) Alain Daniélou semble ignorer la profonde misogynie ascétique du bouddhisme (mahayaniste et hinayaniste), codifiée dans le Vinaya (le réglement monastique), qui s’oppose radicalement à l'hédonisme shivaïte :
Bouddhisme et sexualité

Shiva et Dionysos


Pour Alain Daniélou, l'Occident a perdu sa propre tradition et éloigné l'homme de la nature et du divin. Il nous y fait découvrir ici que les rites et les croyances du monde occidental ancien sont très proches du Shivaïsme et très aisément expliqués à l'aide des textes et des rites préservés dans l'Inde. Ce sont les religions relativement récentes du monde aryen et sémitique, Judaïsme, Christianisme, Islam et Communisme qui ont éloigné l'homme du reste de la création et de l'expérience religieuse et mystique multimillénaire dont la tradition s'est préservée dans l'Inde jusqu'à nos jours et que l'Occident, s'il veut survivre, devra retrouver.


Illustration :
Picasso, « Bacchanale », 1962.

mercredi, novembre 17, 2010

L’hédonisme shivaïte


Dix mille ans avant notre 21ème siècle, la religion shivaïte, pour ce que nous en savons, excelle dans la religion naturelle emblématique. Notre Occident vit depuis deux mille ans sous l’empire d’une religion culturelle emblématique : le monothéisme judéo-chrétien exclut la nature partenaire, complice, dans laquelle l’homme n’est pas une créature à part, mais un fragment obéissant aux mêmes règles, aux mêmes lois que tout ce qui vit sur la planète. Il enseigne la séparation des hommes et du reste du monde. Pour ces religions généalogiques, ce qui meut le cosmos anime pareillement la pierre, la plante, l’animal et l’homme qui définissent des variations de degrés d’une même force et non des différences de nature.

L’animisme, le polythéisme, le chamanisme jettent des ponts entre l’homme et la nature qui ne sont jamais séparés, le monothéisme creuse des abîmes entre l’homme et la nature, sa religion se veut du Livre quand celle des premiers est de la Nature. Le shivaïsme triomphe en religion des champs, des forêts, des bois, des lacs, des étangs, des eaux, des fleuves et des rivières, de la foudre et des feux, des campagnes – comme l’atteste l’étymologie de paganisme : il incarne la religion des paysans, des agriculteurs, des gens de la terre et des moissons. Le monothéisme est une religion des villes, des cités, des constructions solides, des prêtres, du Livre. La première aime les corps et leur demande l’accès au sacré ; la seconde les déteste et professe qu’ils entravent l’union avec Dieu.

Le shivaïsme illustre un genre de spinozisme avant Spinoza. Les tenants de cette spiritualité pourraient eux aussi dire, comme l’auteur de l’Ethique : « deus sive natura », soit « Dieu ou la Nature ». En d’autres termes : « Chaque fois qu’apparaît la nature, vous pouvez tout aussi bien dire Dieu, et vice versa, car il s’agit d’une seule et même chose. » Car le shivaïsme n’avaliserait pas la dichotomie judéo-chrétienne entre le Créateur et sa créature, Dieu et le monde, le principe créateur et sa création, autrement dit : Dieu et l’homme… De sorte que, dans ce moment indien, la sexualité n’est pas une affaire d’hommes incapables d’être des dieux, mais une affaire d’homme qui se font dieux par leur libido et l’exercice spirituel ritualisé de leur énergie sexuelle.

Les hommes et les femmes shivaïtes prennent place parmi les pierres et les fleurs, les plantes et les arbres, les eaux et la terre, le ciel et les animaux, le feu et les planètes. Grâce à cette adéquation avec les parties du monde, dont ils sont, ils peuvent acquérir la béatitude, la joie – pour continuer dans le registre spinoziste. En revanche, les chrétiennes et les chrétiens doivent mourir au monde, car la matérialité du croyant l’éloigne de la vérité de l’immatérialité de la Cité de Dieu.

Un shivaïte évolue dans l’Un d’un réel homogène ; un chrétien dans le Deux d’une opposition entre le corps et l’âme, la Cité des Hommes et la Cité de Dieu. A terme, cette ontologie séparée devient duplicité et facteur de schizophrénie. Pour les premiers, le sexe est affaire de circulation intrinsèque d’énergies ; pour les seconds, une force démoniaque de la Cité des Hommes déchus qu’il faut refuser et récuser afin de pouvoir espérer gagner la vie éternelle et l’immortalité. Religion de la nature et de la vie contre religion du Livre et de la mort.

Ecosophie du phallus

Le shivaïme souhaite que chacun se conforme à ce qu’il est – l’un des sens du mot dharma, qui pourrait très approximativement se traduire en concepts occidentaux par « loi naturelle ». La vertu se résume à cela : coïncider avec ce pourquoi l’on est fait, désirer ce qui nous fait être ce que nous sommes, vouloir ce qui nous veut, seules façons (spinozistes là encore…) de jouir de soi, de l’être du monde. Quiconque voudrait déroger à la règle du dharma introduirait du désordre dans l’univers, ce qui correspondrait à une violence faite à la nature, donc à la force identifiable à la divinité. Sérénité avec soi-même, paix avec les autres, harmonie avec la nature, voilà les objectifs shivaïtes.
[…]

Les religions remplacent la spiritualité naturelle

Le shivaïsme laisse place à la religion védique. A l’époque où Socrate parcourt l’agora d’Athènes apparaissent des images anthropomorphiques des dieux védiques. Le shivaïsme s’estompe, les hymnes védiques se trouvent consignés par écrit, le brahmanisme apparaît, et avec lui le système des castes. La spiritualité explose en religions qui s’appuient sur des livres, des écrits, des prêtres, du texte, du récit, du mythe, des légendes. Les dieux épiques prennent la suite dans les grands récits du Mahabharata ou du Ramayana. Les dieux puraniques transfigurent certaines divinités mineures du panthéon védique en divinités majeures – Vishnou par exemple.

La nature recule ; la culture avance. Mais Shiva reste dans le substrat de l’âme indienne…

Michel Onfray, « Le souci des plaisirs, construction d’une érotique solaire ».

Le souci des plaisirs
Construction d’une érotique solaire


Vingt siècles de christianisme ont fabriqué un corps déplorable et une sexualité catastrophique. A partir de la fable d'un Fils de Dieu incarné en Fils de l'Homme. un mythe nommé Jésus a servi de premier modèle à l'imitation : un corps qui ne boit pas. ne mange pas, ne rit pas. n'a pas de sexualité - autrement dit un anticorps. La névrose de Paul de Tarse. impuissant sexuel qui souhaite élargir son destin funeste à l'humanité tout entière. débouche sur la proposition d'un second modèle à imiter : celui du corps du Christ. à savoir un cadavre. Sur le principe de cette double imitation. un anticorps angélique auquel on parvient en faisant mourir son corps au monde. les Pères de l'Eglise. dont saint Augustin. développent une théologie de l'éros chrétien : un nihilisme de la chair. Le modèle de jouissance devient le martyr qui jouit de souffrir et de mourir pour gagner son paradis. Une seconde théologie de l'éros chrétien passe par Sade et Bataille. deux défenseurs de l'éros nocturne chrétien : identité de la souffrance et de la jouissance. mépris des femmes. haine de la chair, dégoût des corps. volupté dans la mort... L'antidote à ce nihilisme de la chair se trouve dans le Kâma-sûtra, un antidote violent à La Cité de Dieu d'Augustin. Sous le soleil de l'Inde. l'érotisme solaire suppose une spiritualité amoureuse de la vie. l'égalité entre les hommes et les femmes. les techniques du corps amoureux. la construction d'un corps complice avec la nature. la promotion de belles individualités, masculines et féminines. afin de construire un corps radieux pour une existence jubilatoire. Le Souci des plaisirs raconte l'obscurcissement chrétien de la chair, et propose une philosophie des Lumières sensuelles.

mardi, novembre 16, 2010

L’art de vivre pleinement


L’art de vivre pleinement, totalement et intensément n’est pas quelque chose d’ardu ou de difficile, mais on l’a rendu presque impossible. Il est si simple et si évident qu’il n’y a aucun besoin de l’apprendre.

On naît avec une intuition, intrinsèque à la vie elle-même. Les arbres connaissent cet art, les oiseaux le connaissent, les animaux le connaissent. Seul l’homme est malchanceux. L’homme est le sommet le plus élevé de la vie, et il veut connaître l’art de vivre. Il a continuellement reçu un conditionnement qui s’oppose à la vie. C’est pour cette raison fondamentale qu’il a besoin de cet art.

Toutes les religions du monde qui ont dominé l’humanité pendant des siècles sont anti-vie. Leur fondement même, c’est que cette vie est une punition. Selon le christianisme, vous êtes né du péché parce qu’Adam et Eve ont désobéi à Dieu. C’est incroyable à quel point on peut étirer une fiction. Même si Adam et Eve ont désobéi à Dieu, je ne vois aucune relation avec vous ou moi. Et deuxièmement, la désobéissance n’est pas nécessairement un péché. Parfois, c’est peut-être ce qu’il y a de plus vertueux à faire.

Mais toutes les cultures, toutes les sociétés veulent l’obéissance. C’est un autre nom pour l’esclavage, pour l’emprisonnement spirituel. Quel mal Adam et Eve ont-ils fait en mangeant le fruit de l’arbre de la connaissance ? La sagesse est-elle un péché ? L’ignorance est-elle une vertu ? Et Dieu leur a interdit de manger de deux arbres : l’un était celui de la sagesse et l’autre celui de la vie éternelle. Qui a commis un péché ? Adam et Eve ou Dieu ? Ni la sagesse, ni l’aspiration à la vie éternelle ne sont quelque chose de mal ; elles sont absolument naturelles. C’est la prohibition qui est fausse, et leur désobéissance est parfaitement juste. Ils furent les premiers révolutionnaires du monde, les premiers êtres humains à avoir de la dignité.

C’est grâce à leur désobéissance que toutes les civilisations, la science et l’art, et tout le reste ont été possibles. S’ils n’avaient pas désobéi, nous serions encore nus dans le jardin d’Eden a mâcher de l’herbe, même le chewing-gum n’aurait pas été possible.

Il ne s’agit pas que du christianisme ; les autres religions trouvent d’autres raisons pour condamner la vie. L’hindouisme, le jaïnisme, le bouddhisme, tous disent que vous souffrez, que vous êtes misérables et que vous ne pouvez pas vous en sortir, car c’est une punition pour les actes mauvais que vous avez commis dans des vies passées. A présent, ce qui a été fait dans une vie passée ne peut pas être défait ; vous devez souffrir. Cette misère, cette souffrance, cette anxiété, vous les avez créées vous-même, et tout ce que vous pouvez faire, c’est souffrir patiemment afin d’être récompensé dans une vie future. Un argument étrange !

Si vous faites quelque chose de mal dans cette vie, vous devriez être puni dans cette vie. En fait, les causes et les effets vont toujours ensemble. Mettez simplement votre main dans le feu : pensez-vous que vous serez brûlé dans une vie future ? Vous serez brûlé ici et maintenant. Chaque acte a sa propre récompense ou sa propre punition. Cette distance dans le temps est une ruse pour vous faire accepter la vie à son minimum, et toutes ces religions vous enseignent à renoncer à la vie. Ceux qui renoncent à la vie deviennent des saints ; ils sont vénérés. Ceux qui vivent pleinement, totalement ne sont vénérés par personne ; personne ne les apprécie. Au contraire, on les condamne.

Toute notre éducation s’oppose au plaisir, à la joie, au sens de l’humour, au fait de se réjouir des petites choses de la vie : chanter une chanson, danser, jouer de la flûte. Personne ne vous qualifiera de saint parce que vous jouez si bien de la flûte – à part moi.

Je vous qualifierai de saint si vous dansez si totalement que vous en disparaissez que seule la danse demeure ; le danseur est complètement dissout, fondu, il est devenu la danse. Si vous jouez de la flûte si totalement que vous vous oubliez complètement vous-même, il ne reste que le chant, et vous n’êtes pas le chanteur, mais juste celui qui écoute, alors la flûte est sur les lèvres de Dieu.

Si vous aimez, c’est condamné.

Toutes les religions ont dit que l’amour était animal. Bien que j’aie observé les animaux, je n’ai jamais vu d’amour dans aucune espèce animale. L’amour est absolument humain. Les animaux peuvent s’adonner au sexe, mais avez-vous observé les animaux dans ces moments-là ? Vous n’y trouverez aucune joie. Vous les trouverez parfaitement anglais. Des chiens battus, comme s’ils subissaient un malheur. Et en fait, ils subissent un malheur. C’est une nécessité biologique et ils le ressentent, une force inconnue les force à faire quelque chose qui ne les intéresse pas.

C’est pourquoi, à part l’homme, aucun animal ne fait l’amour toute l’année. Cela ne se passe qu’à la saison de l’accouplement, quand la biologie les y pousse : « Maintenant, tu dois le faire » - sous pression, comme si quelqu’un les menaçait d’un fusil et leur donnait un ordre : « Fais l’amour ». Regardez simplement les animaux, leurs yeux : ils n’éprouvent aucune joie.

Parler de l’amour comme de quelque chose d’animal est un tel non-sens. Les animaux ne savent pas ce qu’est l’amour. même des millions d’êtres humains ne savent pas ce qu’est l’amour. L’amour a besoin, comme base, d’une certaine centration, d’un certain enracinement dans votre être, car à moins d’être centré dans votre être, vous ne connaîtrez pas tous les trésors que vous portez en vous. L’amour n’est qu’un de ces trésors. Il y a des choses plus grande : la vérité, l’extase et l’expérience du divin. A moins d’être dans une méditation profonde, on ne peut aimer et on ne peut pas vivre.

Vous m’interrogez sur l’art d’être pleinement vivant. Commencez avec la méditation de façon à pouvoir connaître la source de votre vie ; vous pouvez être à la source de votre vie, et c’est une expérience étonnante. Soudain, vous devenez conscient que vous avez tant, une telle abondance ; si vous le vouliez, vous pourriez aimer le monde entier. Vous pourriez remplir le monde entier de votre amour. […]

L’art de vivre commence par la méditation. Et par méditation, j’entends le silence du mental, le silence du cœur, atteindre le centre même de votre être et trouver ce trésor qu’est votre réalité (1). Une fois que vous l’avez connu, vous pouvez irradier de l’amour, vous pouvez irradier de la vie, de la créativité…



(1) « La méditation vécue au quotidien n’est autre que la transformation de l’esprit, c’est une révolution psychologique qui fait que l’existence quotidienne telle que nous la vivons – et il ne s’agit pas là de théorie, d’idéal, mais du vécu de chacun des instants de notre vie – est pleine de compassion, d’amour, et de l’énergie nécessaire pour transcender toute forme de médiocrité, de petitesse, de superficialité. Quand l’esprit se tait – qu’il est réellement silencieux, mais pas de manière forcée, sous la contrainte d’un désir, d’un vouloir – il naît alors un mouvement d’un autre genre, qui n’est pas de l’ordre du temps. »
Krishnamurti, « Cette lumière en nous, la vraie méditation ».

Le plan dirigé contre l’Esprit

La lutte pour la supériorité et les spéculations continuelles dans le monde des affaires créera une société démoralisée, égoïste et sans cœu...