mercredi, août 11, 2010

Nos amis les animaux


- Témoignage
- Vidéo Ohio Dairy Farm Brutality
- Entretien avec Elisabeth de Fontenay


Témoignage d'une étudiante en médecine vétérinaire en stage dans un abattoir.
Vécu et écrit par Christiane M. Haupt

" Seuls les animaux transportés conformément à la Loi sur la protection des animaux (LPA) et possédant une marque d'identification en règle sont acceptés ". C'est l'inscription qui figure au-dessus de la rampe en béton. Au bout de cette rampe gît raide et blafard un cochon mort. " Oui, certains meurent déjà durant le transport. Par collapsus cardiaque ".

J'ai emporté une vieille veste ; bien m'en a pris. Pour un début d'octobre, il fait un froid glacial. Ce n'est pourtant pas pour cette seule raison que je frissonne.

J'enfonce les mains dans mes poches, m'efforce de montrer un visage avenant pour écouter le directeur de l'abattoir m'expliquer qu'on ne procède plus depuis longtemps à un examen complet de chaque bête, seulement à une inspection. Avec 700 cochons par jour, comment cela serait-il possible ?

" Ici, il n'y a aucun animal malade. Si c'est le cas, nous le renvoyons tout de suite, avec une amende salée pour le livreur. S'il le fait une fois, il ne le fera pas une deuxième ". Je baisse la tête comme pour m'excuser - tenir, simplement tenir, tu dois tenir ces six semaines - que deviennent les porcs malades ?

" Il y a un abattoir tout à fait spécial ". Je possède une certaine expérience concernant les règlements relatifs au transport et sais à quel niveau la protection des animaux est à présent reconnue. Ce mot, prononcé dans un tel endroit, a une résonance macabre. Dans l'intervalle, un gros camion d'où s'échappent des cris stridents et de lugubres grognements est venu se ranger face à la rampe. Dans la pénombre du matin, on distingue mal les détails ; toute la scène revêt un aspect irréel et rappelle quelque sinistre reportage de guerre montrant des rangées de wagons gris et les visages blêmes et terrorisés d'une masse de gens humiliés, sur la rampe de chargement, embarqués par des hommes en armes. Tout d'un coup, je m'y trouve en plein cœur, et c'est comme quand on fait un cauchemar dont on se réveille couvert de sueurs froides : au milieu de ce brouillard, par un froid glacial, dans ce demi-jour sale du bâtiment immonde, bloc anonyme de béton, d'acier et de catelles blanches, tout derrière, à la lisière du bois recouvert d'une légère gelée ; ici se passe l'indicible, ce dont personne ne veut rien savoir.

Les cris, c'est la première chose que j'entends chaque matin lorsque j'arrive pour obtenir mon certificat de stage de pratique. Un refus de ma part d'y participer aurait signifié pour moi cinq années d'études perdues et l'abandon de tous mes projets d'avenir. Mais tout en moi - chaque fibre, chaque pensée - n'est que refus, répulsion et effroi, et la conscience d'une insurmontable impuissance : devoir regarder, ne rien pouvoir faire, et ils vont te forcer à coopérer et te souiller de sang. De loin déjà, quand je descends du bus, les cris des cochons me transpercent comme un poignard. Pendant six semaines, des heures durant, sans répit, ces cris retentiront à mes oreilles. Tenir. Pour toi, cela aura une fin. Pour les animaux, jamais.

Une cour déserte, quelques camions frigorifiques, des moitiés de cadavres de cochons pendus à des crochets, aperçus à travers une porte, dans un éclairage aveuglant. Tout ici est d'une propreté méticuleuse. Cela, c'est la façade. Je cherche l'entrée ; elle est située de côté. Deux bétaillères passent devant moi, ses phares jaunes allumés dans la brume matinale. La lumière blanche des fenêtres éclairées me montre le chemin. Après avoir monté quelques marches, je me retrouve à l'intérieur, où tout est carrelé en blanc. Pas d'âme humaine en vue. Ensuite un corridor, blanc lui aussi, et le vestiaire pour les dames. Il est bientôt 7 heures, et je me change : du blanc, du blanc, du blanc ! Mon casque d'emprunt oscille d'une façon grotesque sur mes cheveux raides. Mes bottes sont trop grandes. Je retourne dans le corridor et me range du côté des vétérinaires. Aimables salutations.

"Je suis la nouvelle stagiaire". Avant de continuer, les formalités. "Enfilez un vêtement chaud, allez chez le directeur et remettez-lui votre certificat de santé. Le Dr XX vous dira alors où vous commencerez ".

Le directeur est un homme jovial, qui me parle d'abord du bon vieux temps où l'abattoir n'était pas encore privatisé. Puis s'interrompant à regret, il décide de me faire visiter personnellement les lieux. C'est ainsi que j'arrive sur la rampe. A ma droite des enclos de béton fermés par des barres en fer. Quelques-uns sont prêts, remplis de cochons. "Nous commençons ici à 5 heures du matin". On les voit se bousculant ici ou se traînant là ; quelques groins curieux arrivent à passer à travers la grille ; des petits yeux méfiants, d'autres fuyants ou en plein désarroi. Une grande truie se jette sur une autre ; le directeur se saisit d'un bâton et la frappe plusieurs fois sur la tête. " Autrement, ils se mordent méchamment ".

En bas de la rampe, le transporteur a abaissé le pont du camion, et les premiers cochons, apeurés par le bruit et la raideur de la pente, se poussent vers l'arrière ; mais entre-temps un convoyeur est monté à l'arrière et distribue des coups de trique en caoutchouc. Je ne m'étonnerai pas, plus tard, de la présence de tant de meurtrissures rouges sur les moitiés de cochons.

" Avec les cochons, il est interdit d'utiliser le bâton électrique " explique le directeur. Certains animaux tentent quelques pas hésitants, en trébuchant parfois. Puis les autres suivent. L'un d'entre eux glisse et sa patte se coince entre la rampe et le pont ; il remonte et continue en boitant. Ils se retrouvent à nouveau entourés de barres de fer qui les mènent inévitablement à un enclos encore vide. Lorsque les cochons se trouvant à l'avant arrivent dans un coin, ils s'y entassent en bloc et s'y cramponnent avec fermeté, ce qui fait pousser à l'employé des jurons de colère et cravacher les cochons de l'arrière qui, pris de panique, essaient de grimper par-dessus leurs compagnons d'infortune. Le directeur hoche la tête : "Ecervelé, simplement écervelé. Combien de fois ai-je déjà dit qu'il ne servait à rien de frapper les cochons se trouvant à l'arrière !".

Pendant que j'assistais, pétrifiée, à cette scène - rien de tout cela n'est réel, tu rêves - le directeur se retourne pour saluer le convoyeur d'un autre transport, arrivé en même temps que le précédent et qui s'apprête à décharger. La raison pour laquelle tout est allé ici beaucoup plus vite, mais avec beaucoup plus de cris, je l'ai tout de suite vu : derrière les porcs qui trébuchent, un deuxième homme apparu dans l'aire de déchargement assène, pour accélérer l'opération, des chocs électriques. Je regarde l'homme, ensuite le directeur : " Vous savez pourtant que c'est interdit avec les porcs ". L'homme regarde étonné, puis range l'instrument dans sa poche.

Par derrière, quelque chose se frotte à moi à la hauteur des genoux ; je me tourne et j'aperçois deux yeux bleus vifs. Je connais de nombreux amis des animaux qui s'enthousiasment pour les yeux animés de sentiments si profonds des chats, pour le regard indéfectiblement fidèle des chiens. Mais qui parle de l'intelligence et de la curiosité perceptibles dans les yeux d'un cochon ? Bientôt, j'apprendrai à les connaître, ces yeux, mais d'une autre manière : muets de peur, abattus de douleur, puis vidés, brisés, exorbités, roulant sur un sol maculé de sang.

Une pensée me traverse l'esprit comme un couteau acéré, et elle me reviendra des centaines de fois au cours des semaines suivantes : Manger de la viande est un crime - un crime...

Après un tour rapide de l'abattoir, je me retrouve dans la salle de pause. Une fenêtre qui s'ouvre sur la salle d'abattage laisse voir des cochons couverts de sang, suspendus, défilant dans une chaîne sans fin. Indifférents, deux employés prennent leur petit déjeuner. Du pain et du saucisson. Leurs tabliers blancs sont couverts de sang. Un lambeau de chair est accroché à la botte de l'un d'eux. Ici, le vacarme inhumain qui m'assourdira lorsque je serai conduite dans la salle d'abattage est atténué. Je reviens en arrière, car une moitié de cadavre de cochon a tourné le coin à vive allure et a heurté la moitié suivante. Elle m'a frôlée, chaude et molle. Ce n'est pas vrai - c'est absurde - impossible.

Tout me tombe dessus en une fois. Les cris perçants. Le grincement des machines. Le bruit métallique des instruments. La puanteur pénétrante des poils et des peaux brûlés. L'exhalaison de sang, et d'eau chaude. Des éclats de rire, des appels insouciants des employés. Des couteaux étincelants passant au travers des tendons pour pendre aux crochets des moitiés d'animaux sans yeux dont les muscles sont encore palpitants. Des morceaux de chair et d'organes tombent dans un caniveau par où du sang s'écoule en abondance, et ce liquide écoeurant m'éclabousse. On glisse sur des morceaux de graisse qui jonchent le sol. Des hommes en blanc, sur les tabliers desquels le sang dégouline, avec, sous leurs casques ou leurs képis, des visages comme on peut en voir partout : dans le métro ou au supermarché.

Involontairement, on s'attend à voir des monstres, mais c'est le gentil grand-père du voisinage, le jeune homme désinvolte qui déambule dans la rue, le monsieur soigné qui sort d'une banque. On me salue aimablement. Le directeur me montre encore rapidement la halle d'abattage des bovins, vide aujourd'hui." Les bovins sont là le mardi ". Il me confie alors à une employée en déclarant qu'il a à faire. "Vous pouvez tranquillement visiter seule la halle d'abattage". Trois semaines s'écouleront avant que je trouve le courage d'y aller.

Le premier jour n'est encore pour moi qu'une sorte de quart d'heure de grâce. Je vais m'asseoir dans une petite pièce à côté de la salle de pause et heure après heure, je découpe en petits morceaux des chairs provenant d'un seau d'échantillons qu'une main tachée de sang remplit régulièrement dans la halle d'abattage. Chacun de ces petits morceaux - un animal. Le tout est alors haché et réparti en portions, auxquelles on ajoute de l'acide chlorhydrique et que l'on fait cuire, pour le test de trichine. L'employée qui m'accompagne me montre tout. On ne trouve jamais de trichine, mais le test est obligatoire.

Le jour suivant, je me rends donc seule dans une partie de la gigantesque machine à découper les morceaux. Une rapide instruction - " Ici, retirer le reste des os du collier de l'arrière-gorge et séparer les noeuds des glandes lymphatiques. Parfois, un sabot pend encore à une patte, il faut l'enlever ". Alors, je découpe, il faut faire vite, la chaîne se déroule sans répit.

Au-dessus de moi, d'autres morceaux du cadavre s'éloignent. Mon collègue travaille avec entrain, tandis que dans le caniveau tant de liquide sanguinolent s'accumule que j'en suis éclaboussée jusqu'au visage. J'essaye de me ranger de l'autre côté, mais là une énorme scie à eau coupe en deux les corps des cochons ; impossible d'y rester, sans être trempée jusqu'aux os. En serrant les dents, je découpe encore, mais il faut que je me dépêche, pour pouvoir réfléchir à toute cette horreur, et par-dessus le marché il faut que je fasse diablement attention de ne pas me couper les doigts. Le lendemain, j'emprunterai d'une collègue stagiaire qui a terminé son stage une paire de gants en métal. J'arrête de compter les cochons qui défilent devant moi, ruisselants de sang. Je n'emploierai plus de gants en caoutchouc. Il est vrai qu'il est répugnant de fouiller à mains nues dans des cadavres tièdes, mais si l'on se retrouve plein de sang jusqu'aux épaules, le mélange poisseux des liquides corporels pénètre de toute façon à l'intérieur des gants et rend ces derniers superflus. Pourquoi tourner des films d'horreur, quand tout cela se trouve ici ?

Le couteau est bientôt émoussé. " Donnez-le-moi, je vais vous l'aiguiser ". Le brave grand-père, en réalité un ancien inspecteur des viandes, me lance un clin d'œil. Après m'avoir rapporté le couteau aiguisé, il se met à faire la causette ici et là, me raconte une blague puis se remet au travail. Il me prend désormais un peu sous son aile et me montre quelques trucs qui facilitent quelque peu le travail à la chaîne. " Ecoutez ! Ici tout cela ne vous plaît pas. Je le vois bien. Mais cela doit se faire ". Je ne peux pas le trouver antipathique. Il se donne beaucoup de mal pour me rassurer. La plupart des autres aussi s'efforcent de m'aider ; ils s'amusent certainement à observer ces nombreux stagiaires, qui vont et viennent ici, qui sont d'abord choqués, puis qui poursuivent en serrant les dents leur période de stage. Toutefois, ils demeurent bienveillants. Il n'y a pas de chicaneries.

Il me vient à penser que - à part quelques exceptions - les personnes qui travaillent ici ne réagissent pas de façon inhumaine ; elles sont juste devenues indifférentes, comme moi aussi avec le temps. C'est de l'autoprotection. Non, les vrais inhumains sont ceux qui ordonnent quotidiennement ces meurtres de masse, et qui, à cause de leur voracité pour la viande condamnent les animaux à une vie misérable et à une lamentable fin, et forcent d'autres humains à accomplir un travail dégradant qui les transforme en êtres grossiers.

Moi-même, je deviens progressivement un petit rouage de ce monstrueux automatisme de la mort. Au bout d'un certain temps, ces manipulations monotones commencent à devenir automatiques, mais elles restent aussi très pénibles. Menacée d'étouffement par le vacarme assourdissant et l'indescriptible horreur omniprésente, la compréhension reprend le dessus sur les sens hébétés et se remet à fonctionner. Faire la différence, remettre de l'ordre, essayer de discerner. Mais cela est impossible.

Lorsque pour la première fois - en fait, le deuxième ou troisième jour - j'ai pris conscience que le corps saigné, brûlé et scié de l'animal, palpitait encore et que sa petite queue remuait toujours, je n'étais plus en mesure de me mouvoir. " Ils... ils bougent encore! ", dis-je, même si en tant que future vétérinaire j'avais appris que c'était les nerfs. J'entends marmonner : " Mince alors, il y en a un qui a fait une faute, il n'est pas tout à fait mort ". Un frémissement spectral agite de partout les moitiés de bêtes. C'est un lieu d'horreur. Je suis glacée jusqu'à la moelle.

Rentrée à la maison, je me couche sur mon lit, les yeux au plafond. Passer les heures, les unes après les autres. Chaque jour. Mon entourage réagit avec irritation. " N'aie pas l'air si renfrognée ; fais donc un sourire. Tu voulais absolument devenir vétérinaire ". Vétérinaire, oui, mais pas tueuse d'animaux. Je ne peux pas me retenir. Ces commentaires. Cette indifférence.

Cette évidence de meurtre. Je voudrais, je dois parler, dire ce que j'ai sur le cœur. J'en étouffe. Je voudrais raconter ce que j'ai vu sur le cochon qui ne pouvait plus marcher, progressant tant bien que mal sur son train arrière, jambes de côté ; sur les cochons qui reçoivent des coups de trique et de pied jusqu'à ce qu'ils finissent par entrer dans le box d'abattage. Ce que j'ai vu en me retournant : comment l'animal est scié devant moi et accroché en oscillant : morceaux de muscles partagés en deux parties égales à partir de l'intérieur des cuisses. Nombre d'abattages par jour 530, jamais je ne pourrai oublier ce chiffre. Je voudrais parler de l'abattage des bovins, de leurs doux yeux bruns, remplis de panique. De leurs tentatives d'évasion, de tous les coups et les jurons, jusqu'à ce que la misérable bête soit finalement prisonnière de l'enclos fermé par des barres de fer et une serrure à double tour, avec vue panoramique sur la halle où ses compagnons d'infortune sont dépouillés de leur peau et coupés en morceaux ; puis l'avancée mortelle, et dans le moment qui suit la chaîne que l'on accroche à une patte arrière et dont l'animal tente vainement de se débarrasser en la projetant vers le haut, tandis que, déjà, par en-dessous, sa tête est tranchée. Des flots de sang qui giclent à profusion du corps sans tête, tandis que les pattes se recroquevillent... Raconter à propos des bruits atroces de la machine qui arrache la peau du corps, du geste du doigt, circulaire et automatisé, pour ôter le globe de l'œil de son orbite - artère sectionnée, saignante, coulant à flot à l'extérieur - et le jeter dans un trou à même le sol, où il disparaîtra parmi tous les " déchets ". Le bruit provenant des envois sur le dévaloir en aluminium usé, des abats retirés du cadavre décapité et qui ensuite, sauf le foie, le cœur, les poumons et la langue - destinés à la consommation - sont aspirés dans une sorte de collecteur d'ordures.

C'est vrai que je voudrais raconter qu'il arrive toujours qu'au milieu de ces montagnes visqueuses et sanguinolentes se trouve un utérus gravide, et que j'ai vu des petits veaux déjà tout formés, de toutes les tailles, fragiles et nus, les yeux clos, dans une enveloppe utérine qui n'est plus en mesure de les protéger - le plus petit aussi minuscule qu'un chat nouveau-né, et quand même une vache en miniature, le plus grand au poil tendre et soyeux, d'un blanc cassé, avec de longs cils autour des yeux, dont la naissance devait avoir lieu quelques semaines plus tard. " Est-ce que ce n'est pas un miracle, ce que la nature crée ? " constate le vétérinaire de service cette semaine-là, en jetant l'utérus avec le foetus ensemble dans le gargouillant moulin à déchets. J'ai maintenant la certitude qu'aucun dieu ne peut exister puisqu'aucun éclair ne vient du ciel pour punir tous ces forfaits commis ici-bas, et que ceux-ci se perpétuent interminablement. Ni pour soulager la vache maigre et pitoyable qui, à mon arrivée à 7 heures le matin, se traîne à bout de force, au prix d'efforts désespérés, dans le couloir glacé, plein de courants d'air, et s'allonge juste devant le box de la mort ; pour elle, il n'existe aucun dieu, ni personne d'ailleurs, pour lui donner une petite tape pour l'aider. Avant tout, il faut traiter le reste des animaux prévus pour l'abattage.

Quand je quitte à midi, la vache est encore couchée et tressaille ; personne, en dépit d'instructions répétées n'est venu la délivrer. J'ai alors desserré le licou qui lui tranchait impitoyablement la chair et lui ai caressé le front. Elle m'a regardé avec ses grands yeux, et j'ai alors appris en cet instant que les vaches pouvaient pleurer.

Mes mains, ma blouse, mon tablier et mes bottes sont barbouillés du sang de ses congénères : pendant des heures, je suis restée à la chaîne, en train de couper des cœurs, des poumons et des foies. J'ai déjà été prévenue : " Avec les bovins on est toujours totalement immergé ! ". C'est cela que je voudrais communiquer, afin de ne pas porter seule le fardeau, mais dans le fond il n'y a personne qui veuille m'écouter. Ce n'est pas qu'au cours de cette période on ne m'ait pas souvent assez posé la question : " Et à l'abattoir, comment ça va ? Moi, en tout cas, je ne pourrais pas le faire ".

Avec mes ongles enfoncés dans les paumes des mains je gratte les lunules jusqu'au sang pour ne pas frapper ces visages apitoyés, ou pour ne pas jeter le téléphone par la fenêtre ; pleurer, voilà ce que je voudrais faire, mais depuis que j'ai vu ce spectacle quotidiennement, chaque cri s'est étouffé dans ma gorge. Personne ne m'a demandé si je pouvais tenir.

Les réactions à des réponses si parcimonieuses trahissent le malaise à ce sujet. " Oui, cela est tout à fait terrible, aussi nous ne mangeons plus que rarement de la viande ". Souvent je m'encourage : "Serre les dents, tu dois tenir, bientôt tout cela sera derrière toi ". Pour moi, que le massacre continue jour après jour est l'une parmi les pires manifestations d'indifférence et d'ignorance. Je pense que personne n'a compris que ce ne sont pas ces six semaines à surmonter qui sont importantes, mais bien ce monstrueux meurtre de masse, qui se renouvelle des millions de fois, et dont sont responsables tous ceux d'entre nous qui mangent de la viande. En particulier, tous ceux qui se prétendent amis des animaux et mangent de la viande : ils ne sont pas dignes de confiance.

" Arrête, ne me coupe pas l'appétit ! ". C'est aussi avec ce type de réaction que plus d'une fois je suis restée muette. Parfois le ton monte : " Mais tu es une terroriste, toute personne normale doit rire de toi ".

Comment s'en sortir seule dans de tels instants ? Il m'arrive d'aller regarder le petit fœtus de veau que j'ai ramené à la maison et que j'ai mis dans du formol. " Memento mori ". Et laisser en rire les " gens normaux ".

Les choses deviennent abstraites quand on est entouré de tant de morts violentes ; la vie à titre individuel apparaît alors comme infiniment dénuée de sens. Quand je regarde les rangées anonymes de cochons transportés sous la même forme à travers la halle, je me demande : " Les choses seraient-elles différentes si à la place de cochons, il y avait des humains ? ". D'autant plus que l'anatomie de la partie arrière de l'animal, épaisse, parsemée de pustules et de taches rouges, rappelle étrangement ce que l'on peut voir sur les plages ensoleillées des vacances : des amas de graisse débordant des maillots de bain trop étroits. En outre, les cris qui retentissent interminablement dans la halle d'abattage quand les animaux sentent approcher la mort pourraient provenir de femmes et d'enfants. Ne plus faire la différence devient inévitable. Il y a des moments où je pense: Arrêter, cela doit s'arrêter. Pourvu qu'il fasse vite avec la pince électrique, pour qu'enfin cela s'arrête. " Beaucoup d'animaux ne crient pas " a dit une fois l'un des vétérinaires, " alors que d'autres se figent comme des statues en se mettant à crier sans aucune raison ". Je me demande pour ma part comment ils peuvent rester immobiles et " crier sans aucune raison". Plus de la moitié du temps de stage est écoulé lorsque je pénètre enfin dans la halle d'abattage pour pouvoir dire : " j'ai vu ". Ici se termine le chemin qui débute à la rampe de déchargement. Le lugubre corridor sur lequel débouchent tous les enclos se rétrécit jusqu'à une porte ouvrant sur un box d'attente ayant une capacité de 4 ou 5 cochons. Si je devais décrire en image le concept de "peur", je le ferais en dessinant des cochons blottis les uns contre les autres contre une porte fermée, et je dessinerais leurs yeux. Des yeux que plus jamais je ne pourrai oublier. Des yeux que chacun d'entre nous qui veut manger de la viande devrait avoir regardé. Les cochons sont séparés à l'aide d'une trique en caoutchouc. L'un d'entre eux est poussé en direction d'un espace fermé de tous côtés. Il crie, et comme souvent le gardien a encore autre chose à faire, l'animal essaye de reculer et s'évader par l'arrière jusqu'à ce qu'enfin, à l'aide d'un clapet électrique, il puisse verrouiller l'issue. Par une pression sur un bouton, le sol de l'enclos est remplacé par une sorte de traîneau mobile sur lequel le cochon se retrouve à califourchon, ensuite une deuxième coulisse s'ouvre devant lui et le traîneau avec l'animal glisse vers l'avant dans un autre box. Là une brute de boucher chargé de l'abattage - je l'ai toujours appelé en moi-même Frankenstein - branche les électrodes. Une tenaille d'étourdissement à trois points, comme le directeur me l'a expliqué. On voit dans le box le cochon qui tente de se cabrer, puis le traîneau est brusquement retiré et la bête, palpitante, s'affaisse dans un flot de sang en agitant nerveusement les pattes. Ici l'attend une autre brute de boucher, qui sûr de sa cible, enfonce le couteau en-dessous de la patte avant droite du cochon ; un flot de sang foncé gicle et le corps s'affaisse vers l'avant.

Quelques secondes plus tard, une chaîne de fer se referme sur une des pattes arrière de l'animal qui est hissé vers le haut ; la brute de boucher dépose alors son couteau, s'empare d'une bouteille de cola souillée, déposée à même le sol recouvert d'une couche de sang d'au moins un centimètre, et en boit une gorgée.

Je décide de suivre les cadavres qui, balancés à leur crochet, et saignant abondamment, sont dirigés vers "l'enfer". C'est ainsi que j'ai dénommé la pièce suivante. Celle-ci est haute et noire, pleine de suie, de puanteur, de fumée. Au terme de plusieurs virages au cours desquels le sang se déverse encore à flots, la rangée de cochons arrive à une sorte d'immense four.

C'est là que la soie du porc est éliminée. Les corps des animaux tombent par une sorte d'entonnoir à l'intérieur de la machine. On peut y voir à l'intérieur. Les flammes jaillissent et, pendant quelques secondes, les corps sont secoués de tous côtés, et semblent accomplir une danse grotesque et trépidante. Ils sont ensuite largués de l'autre côté sur une grande table où ils sont immédiatement attrapés par deux grosses brutes de bouchers qui commencent par enlever les parties de la soie qui n'ont pas été éliminées, puis grattent les orbites oculaires et séparent les sabots des pattes. Tout cela se déroule très rapidement, le travail s'effectue en plein accord. Pendues aux crochets par le tendon des pattes postérieures, les bêtes mortes sont alors dirigées vers un châssis métallique contenant une sorte de lance-flammes. Dans un bruit assourdissant, le corps de l'animal est soumis à un jet de flammes qui l'espace de quelques secondes l'enveloppe tout entier. La chaîne mobile se met alors à nouveau en mouvement et emporte les corps dans la halle suivante, celle-là même où je me suis trouvée durant les trois premières semaines. Là les organes sont retirés et apprêtés sur la bande mobile supérieure. La langue est palpée, les amygdales et l'œsophage détachés et jetés, les ganglions lymphatiques coupés, les poumons mis aux déchets, la trachée-artère et le cœur ouverts et les échantillons pour l'examen de trichine prélevés, la vésicule biliaire extirpée, et le foie examiné à cause de la présence possible de poches de vers. Beaucoup de porcs ont des vers et si leur foie en est rempli, il doit être jeté. Tous les autres organes, comme l'estomac, les intestins, l'appareil génital, sont envoyés au rebut. Sur la bande mobile inférieure, le reste du corps est apprêté: divisé en morceaux; les articulations coupées; l'anus, les reins et les parties graisseuses entourant les reins enlevés ; le cerveau et la moelle épinière retirés, etc., et ensuite une marque est imprimée sur l'épaule. Le cou, le bas du dos, l'abdomen et les cuisses sont préparés pour la pesée, puis dirigés vers la chambre froide. Les animaux jugés impropres à la consommation sont "provisoirement écartés". Pour le marquage, qui est une opération effectuée dans la sueur sur des cadavres tièdes et visqueux qui pendent très haut en fin de bande, il faut faire très vite quand on n'a pas l'habitude: on risque de se faire assommer par les moitiés de bêtes qui arrivent en force devant la balance et s'entassent les unes sur les autres avec violence.

Je ne dirai pas le nombre de fois que j'ai laissé mon regard errer sur l'horloge murale de la salle de pause ! Mais ce qui est sûr, c'est qu'en aucun autre endroit au monde le temps ne passe plus lentement qu'ici. Un temps de pause est octroyé au milieu de la matinée, et c'est essoufflée que je me précipite aux toilettes, et que tant bien que mal je me nettoie du sang et des lambeaux de chair ; c'est comme si cette souillure et cette odeur allaient s'accrocher à moi pour toujours. Sortir, seulement sortir d'ici. Je n'ai jamais pu avaler quoique ce soit comme nourriture dans ce bâtiment. Soit je passe mon temps de pause, aussi froid qu'il puisse faire dehors, à courir jusqu'à la clôture en fils de fer barbelés et regarde au loin les champs et l'orée du bois, et j'observe les corneilles. Ou alors je traverse la rue et me rends au centre commercial où je peux me réchauffer en buvant un café dans une petite boulangerie. Vingt minutes après, on est de nouveau à la chaîne. Manger de la viande est un crime. Jamais plus ceux qui mangent de la viande ne pourront être mes amis à nouveau. Jamais, jamais plus. Je pense que tous ceux qui mangent de la viande devraient être envoyés ici, et voir ce qui s'y passe, du début à la fin.

Je ne suis pas restée ici parce que je veux devenir vétérinaire, mais parce que les gens veulent manger de la viande. Et pas seulement cela : mais parce qu'en plus ce sont des poltrons. Leur escalope blanchie, stérile, achetée au supermarché, n'a plus les yeux qui déversent des flots de larmes de frayeur devant la mort, pas plus qu'elle ne hurle quand le couteau va frapper. Vous tous qui vous nourrissez des cadavres de la honte, cela vous est soigneusement épargné, vous qui dites : " Non, moi, cela je ne pourrais pas le faire ".

Un jour, un paysan est venu, accompagné de son fils, âgé de 10 ou 11 ans, pour faire analyser un échantillon de viande pour la trichine. En voyant l'enfant aplatir son nez contre la vitre, j'ai pensé que si les enfants pouvaient voir toute cette horreur, tous ces animaux tués, il y aurait peut-être un espoir de changement. Mais j'entends encore l'enfant crier à son père : " Papa, regarde, là, quelle énorme scie ! ? ".

Le soir, à la télévision, on annonce aux informations : " mystère non encore résolu à propos du meurtre perpétré sur une jeune fille, assassinée et coupée en morceaux et je me rappelle la frayeur générale et le dégoût de la population devant cette atrocité. Je dis : " Des atrocités semblables, j'en ai vu 3700 rien qu'en une semaine ".

Maintenant, je ne suis plus seulement une terroriste, mais encore je suis malade, là-haut, dans ma tête. Car je ressens non seulement de l'effroi et de la répugnance envers le meurtre commis sur un être humain, mais aussi envers ceux commis sur des animaux des milliers de fois en une seule semaine et dans un seul abattoir. Etre un humain, cela ne signifie-t-il pas dire non et refuser d'être le commanditaire d'un meurtre à grande échelle - pour un morceau de viande ? Etrange nouveau monde. Il est possible que les tous petits veaux trouvés dans l'utérus déchiré de leur mère, et qui sont morts avant même d'être nés, ont encore connu le moins mauvais sort d'entre nous tous.

D'une manière ou d'une autre, le dernier de ces interminables jours est enfin arrivé et j'ai reçu mon certificat de stage, un chiffon de papier, cher payé si tant est que j'ai jamais payé cher quelque chose. La porte se referme ; un timide soleil de novembre m'accompagne depuis la cour de l'abattoir jusqu'à l'arrêt du bus. Les cris des animaux et le bruit des machines s'estompent. Je traverse la rue alors qu'un gros camion à remorque amenant du bétail prend le virage pour entrer dans l'abattoir. Il est rempli sur deux étages de cochons, serrés les uns sur les autres.

Je pars sans un regard en arrière car ai porté témoignage et, à présent, je veux essayer d'oublier et de continuer de vivre. A d'autres de lutter maintenant ; moi, ce sont ma force, ma volonté et ma joie de vivre qui m'ont été pris et remplacés par un sentiment de culpabilité et de tristesse paralysante. L'enfer est parmi nous, des milliers et des milliers de fois, jour après jour.

Une chose nous reste pourtant, et pour toujours, à chacun : Dire Non. Non, non et encore non !

(texte envoyé par Victor)

Vidéo « Ohio Dairy Farm Brutality »

Avertissement de « Signes des Temps » http://www.futurquantique.org/ :
Psychopathie : un film tourné en caméra caché par un enquêteur de Mercy For Animals (pitié pour les animaux) dans une ferme de l’Ohio révèle des actes d’une cruauté inouïe commis envers des veaux et des vaches. Cette vidéo, filmée en avril et mai 2010, montre des éleveurs de bovin en train de frapper des vaches à la face avec des pieds de biche, de les poignarder avec des fourches et de leur couper la queue, et de brutaliser des veaux. (Attention, cette vidéo est d’une violence insoutenable).



Le vivant et l'animal

Entretien avec Elisabeth de Fontenay à propos de son livre « Le silence des bêtes, la philosophie à l’épreuve de l’animalité ».

mardi, août 10, 2010

Stages d'été de méditation




Ne gaspillez pas votre argent !



« L’expérience que l’on décrit comme se dépouiller de sa peau », qui transcende les reflets de la conscience subjective de sorte qu’aucune machination mentale ne peut l’atteindre, n’est pas transmise par les sages.
Ce ne peut être réalisé qu’intérieurement par une expérience profonde d’illumination spontanée. La lumière originelle abolit l’ombre, l’illumination véritable est le miroir de l’infini. Les affirmations subjectives de ce qui est ou n’est pas, sont toutes transcendées. »

Hong Zhi (1091- 1157)

lundi, août 09, 2010

Une autre société


"Au fil des siècles, une nouvelle classe s’est mise en mouvement : les marchands qui créèrent les bourgs et s’appuyèrent sur les corporations et ce fut la constitution de la bourgeoisie.

Elle mit 8 siècles à se constituer en classe dominante, à liquider la noblesse et à transformer la paysannerie petit à petit en un prolétariat urbain. Quand le bourgeoisie en 1789 lance sa révolution les mots d’ordre sont : Liberté, Egalité, Propriété.

En 1794 une contestation d’extrême gauche commença à se manifester autour des Girondins, un texte qui deviendra plus tard la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est proposé à Robespierre, voici l’article 1 :
La loi qui doit être au-dessus de toutes les lois, c’est de garantir les conditions d’existence pour tous les membres de la société.

Robespierre le propose à la Convention, manœuvre politicienne pour magouiller l’extrême gauche, cependant, les bourgeois modérés prennent peur et voient la contradiction qui existe entre égalité et propriété. Ils le feront exécuter 3 mois après et changeront la formule par 3 idéaux abstraits : Liberté, Egalité, Fraternité, ainsi que l’article 1 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen par « Tous les hommes naissent libres et égaux en droit devant la loi ».

Evidemment, l’égalité réelle, en fait, est passée à la trappe, ce mécanisme de dénaturation, de stérilisation de toutes idées novatrices socialement est l’activité permanente de la bourgeoisie et des étatistes.

Mais, la classe qu’allait exploiter, dominer, marchandiser la bourgeoisie c’est le prolétariat. Ce qui engendra la dernière domestication : le Salariat, avec le travail marchandise (80 % de la population active vit actuellement 5 jours de prostitution et 2 jours de réanimation avec, en plus, la peur du lendemain). En un mot le salarié vit l’horreur et il a peur, faute de perspective, de perdre sa condition de survie, donc, il colle à la structure qui l’emploie et le détruit en tant qu’Etre.

Nous assistons aujourd’hui à sa liquidation par le système de marché mondial et avec les nouvelles technologies.

Nous voyons aujourd’hui une perte de repère car l’automatisation et la délocalisation - en Asie 200 F/mois pour un ouvrier (*) - ainsi que la bulle financière font qu’il y a de moins en moins besoin de salariés actifs.

Les conséquences en sont l’écroulement et la mort du mouvement ouvrier et de tout ce qui allait avec : les partis, les syndicats, la gauche, etc.
Les mouvements anarchistes, trotskyste, marxiste, léniniste… sont morts puisqu’ils se réclament d’une histoire qui prend fin.

Maintenant nous sommes dans le capitalisme financier (**). Le capitalisme financier rapporte le double du capital foncier ou industriel (ce qui entraîne un chômage massif). […]

C’est pour cela que nous devons établir une autre société, sur d’autres bases, car ce système avec sa logique de guerre économique est devenu extérieur et contre toutes les espèces…"

Michel Rosell et ses amis, « Habitat d’urgence autonome pour 550 $, un toit pour tous ! Construction sociale, écologique, artistique, démontable, rapide et pas chère. »


(*) Texte écrit à la fin des années 1990

(**) Malgré la crise de 2008, les pratiques du capitalisme financier continuent à saigner les populations avec l’aval des politiciens qui se sont tous acoquinés aux riches…

***
26ème "Journée du mieux vivre"

Marché et artisanat bio, librairie, vie associative, restauration bio, animations, conférences.

Dimanche 19 septembre 2010
Mairie des Mées - 04190 Les Mées
Entrée gratuite
15H : Conférence de Willy Barral Psychanalyste - écrivain Thème "Le plaisir de vivre"
renseignements : Daniel Chenal: 06 07 51 50 95 Didier Massin: 04 92 34 08 06

samedi, août 07, 2010

Le retour d’Isis


Jean-Louis Bernard

Dès que nous abordons l'Egypte dans son aspect psychologique, nous nous trouvons automatiquement gênés par nos complexes héréditaires.

Ainsi, quand nous répétons après Hérodote que les Egyptiens étaient le plus religieux des peuples, nous cherchons aussitôt dans leur foi un dogme, élément qui leur était pour tant étranger. Ils ont eu des légendes sacrales, des allégories, une métaphysique exprimée sous la forme d'une geste des dieux et des héros, une symbolique très précise et très étendue, mais pas de dogmes. Ils étaient mythologues et psychologues et, à vrai dire, n'ont jamais été des théologiens et des philosophes dans notre sens occidental. De là venait peut-être leur proverbiale tolérance à l'égard des cultes étrangers...

Pour ce qui est du mysticisme sentimental, il s'en sont toujours méfiés. Quand un tel mystique sera occasionnellement élevé au trône (nous parlons d'Akhenaton), il mettra en péril de mort la civilisation pharaonique et déclenchera une levée de boucliers, par réaction d'autodéfense de l'âme collective. A l'effusion sentimentale, l'Egyptien substituait la concentration des énergies affectives. Et ce qu'il recherchait d'abord, c'était l'initiation qui procède, elle, d'une attitude mentale.

L'initiation, c'est la recherche expérimentale des causes.

Du point de vue religieux, l'Egypte nous apparaît comme foncièrement étrangère à notre moderne mentalité, un peu comme s'il s'agissait d'une humanité d'une autre planète. L'âme collective de l'Egypte se souvenait du passé fabuleux de l'humanité ; elle était riche d'expérience et par conséquent plus exigeante dans le domaine spirituel que nous ne sommes. Notre âme occidentale s'est rajeunie artificiellement par l'amnésie... Elle a rompu avec ses racines druidiques, ne se souvient plus de son passé et se contente des acquisitions récentes : hellénisme et christianisme.

N'est-ce pas là, en somme, ce que les prêtres de Neith déclarèrent à Solon, lors de son compagnonnage d'Egypte ? Cette mise au point est plus valable encore, qu'elle n'était en ce temps-là.

Par ailleurs, il semble que les Egyptiens aient été le dernier maillon d'une race d'un autre cycle, jadis répandue largement et dont l'Egypte fut l'oasis de repli. Psychiquement, voire biologiquement, ils différaient de nous.

Pour les Egyptiens, un idéal spirituel n'est authentique que dans la mesure où il s'accompagne d'une refonte de l'organisme psycho-biologique. S'il ne donne pas lieu à l'éveil de forces, au long du système cérébro-spinal, si les chakram ne participent pas à l'affaire, l'idéal mystique sera considéré comme une illusion et une imposture.

L'initiation à la vie spirituelle n'a rien à voir, en Egypte, avec la dialectique de la philosophie grecque ou avec le totémisme moderne des textes... Il s'agit de pénétrer réellement dans le temple, de se laisser détruire et reconstruire pat un courant de vie, d'affronter le dynamisme de Bastît, de Sekhmet et de quelques autres symboles divins. Le système cérébro-spinal et les chakras entrent intégralement dans le cadre de la spiritualité égyptienne.

Mais quelles sont les énergies qui sont susceptibles de s'intégrer à notre système cérébro-spinal en activant les chakram ? C'est la question que pose le moderne psychiatre. Nous verrons à y répondre en suite d'ouvrage, à propos des initiés égyptiens et, d'abord, à propos de l'initié royal, le pharaon Tout-ankh-Amon.

L'Egypte est la terre d'élection de la psychiatrie sacrale. Pour une minorité, elle sera par conséquent le livre de pierre du tantrisme.

Au contact des monuments égyptiens et de leurs textes gravés en hiéroglyphes et en allégories, l'homme éveillé au tantrisme se sentira immédiatement chez lui. Dans les symboles frappés dans la pierre, il verra ce que le profane ne voit pas : le tableau complet, unique dans les annales humaines, de toutes les énergies en sommeil dans l'âme, avec leur éveil, leur canalisation et leur résolution.

Une énergie psychique inculte, dit le tantrisme, est multiple et centrifuge comme un nœud de vipères. Elle mène son infortunée victime vers les bas-fonds visqueux de l'inconscient où règnent les obsessions qui dévorent, déchirent, tour mentent, vers les monstres qui jaillissent de la névrose, vers les crocodiles surréels qui entraînent le moi conscient au fond des eaux troubles pour se repaître de son dynamisme.

Mais que ces mêmes énergies soient canalisées par la connaissance et la volonté (ou par la magie), et les voici qui s'élèvent comme le cobra, magnifiques et redoutables... Elles montent dans l'organisme, tantôt brûlantes et tantôt glaciales ; et tant pis pour le « patient », s'il ne sait pas inverser leur tendance au mouvement centrifuge ! Il doit les conduire patiemment à travers le système cérébro-spinal jusqu'au chakra du crâne.

Ainsi, à travers les affres d'une maladie sacrale, l'homme égyptien construisait-il sa pyramide intérieure.

(Extrait envoyé par les éditions Aquarius)

Jean-Louis Bernard

Jean-Louis Bernard est né à Belford en 1918. Etudes à l’Ecole Normale d’Obernai (Alsace), Lyonnais d’adoption, puis fixé à Paris. Il a enseigné en France, Algérie, Maroc, Egypte et Paris. Il s’est passionné tôt pour les sciences de l’homme, celles surtout qui sont devenues marginales depuis l’ère chrétienne et qui renaissent sous la rubrique de l’insolite.

Initié à Alexandrie au yoga des derviches, dérivé du pythagorisme, Jean-Louis Bernard voyage en Inde, Mexique et île Canaries, Crète pour y confronter les civilisations mères et y enquêter sur les continents disparus. Il a étudié à Lyon les hiéroglyphes (faculté, sous la direction de l’égyptologue Daumas). Il a publié :

Tout-Ankh-Amon ou l’Egypte sans Bandelettes, le Dauphin, 1967 .
Le Démonologue, le Dauphin, 1968.
Le Tantrisme, yoga sexuel, Belfond, 1973.
Aux origines de l’Egypte, Laffont, 1976.
Apollonius de Tyane et Jésus, Laffont, 1977.
Histoire secrète de Lyon et du Lyonnais, Albin Michel, 1977.
Les archives de l’insolite, éditions du Dauphin.
Le retour d’Isis, éditions Harriet.

Communiqué des éditions Aquarius :

Nous cherchons à contacter les ayants droit de l’œuvre de Jean-Louis Bernard.
aquari75@aol.com

Notre société matérialiste




Psychiatre et psychothérapeute, Christophe André dénonce la société matérialiste dans laquelle nous vivons. « Il faut arrêter de faire des choses » car selon lui cela pousse l’homme à l’anxiété et au mal-être.

Schopenhauer & la contemplation esthétique

Schopenhauer pense que, sans repos, il ne peut y avoir de bonheur. Il voit dans l’art, en tant qu’il nous détourne de la volonté aveugle, une échappatoire à notre condition humiliante.

En effet, l’art (ou la nature, pour qui sait la regarder avec des yeux d’artiste) offre à notre contemplation les idées des choses, c’est-à-dire les modèles idéaux qu’imitent les choses particulières selon l’acceptation platonicienne que Schopenhauer reprend à son compte, mais plus précisément encore la fixation du vouloir à tel ou tel degré de son objectivation. Ce faisant, les choses nous apparaissent pour elles-mêmes et non plus prisonnières des relations que le monde de notre représentation établit entre elles, où chacune est cause d’une autre, et où chacune est destinée à telle ou telle fin, etc., autrement dit subordonnée à notre volonté. Car la principale conséquence de la contemplation esthétique est qu’elle nous libère de la volonté et du même coup des tristesses et des misères qui l’accompagnent.

Lorsque nous contemplons les idées des choses, la dualité du sujet et de l’objet qui caractérisait la représentation est comme abolie, et il nous semble ne plus faire qu’un avec l’objet de notre regard. Nous nous oublions, alors comme individu (nous oublions notre corps principe de notre individuation), comme volonté (notre connaissance n’est alors plus asservie à elle), nous faisons pur sujet connaissant et devenons « l’œil unique du monde ».

« Panorama de la philosophie », Emmanuel Pougeoise, Jean-Michel Ridou.






jeudi, août 05, 2010

Jeanne d'Arc et l'ésotérisme politique




L'ésotérisme politique

Par Jean Louis Bernard


"Esotérisme politique" est une expression moderne qui correspond à une phénoménologie de toujours ; il s’agit de l’intervention divine dans les grands événements de la politique, admise en théorie par la religion. Cette intervention s’effectuerait par des isolés, hommes et femmes initiés [...]

L’objection que l’on avance est de poids : la force qui anime ces entités, individuelles ou collectives, peut ne pas être divine ; si elle n’est pas non plus diabolique, elle se réduira à une forme d’animisme, ce qui suffirait à expliquer son emprise sur l’inconscient des foules, au moins des élites.

Au lendemain de la guerre de 1914, le polonais Ossendowsky, de retour d’Asie Centrale, accrédita en Europe la légende mongole du Roi du monde souterrain et sa thèse séduisit René Guénon, à tort peut-être ! Hâtivement, quelques explorateurs de l’insolite politique ont voulu ramifier sur ce roi ou pseudo-roi un ésotérisme nazi. D’autres, rejetant comme très suspect le mythe rapporté par Ossendovsky, recherchèrent le noyau ésotérique de la civilisation occidentale autour d’un roi cosmique du monde, le légendaire roi de Thulé, ce mythe se reliant à la fois au pôle Nord et à une galaxie polaire. [...]


Jeanne d’Arc est la figure centrale de l’ésotérisme royal en France


Jeanne d’Arc manifesta un ésotérisme royal, mais épisodique. Selon Gérard Heym, deux courants se cernèrent en filigrane au cours de la totalité de l’histoire européenne : les Guelfes et les Gibelins. [...]

Son épopée s’inscrit mieux dans un contexte gallo-celtique païen que chrétien national. Le druide Merlin avait prophétisé la venue d’une vierge guerrière, incarnation d’Epona, la cavalière des dieux. Et les masses, encore imprégnées de celtisme, suivirent Jeanne d’emblée pour cela. Comme le Breton Du Guesclin, la jeune Lorraine incarnait la revanche gallo-celtique contre l’envahisseur saxon, vieux conflit dont Merlin avait vécu la première partie, désastreuse pour l’ethnie gallo-celtique puisque suivie de la perte des îles Britanniques. Dans cette optique, la guerre de Cent Ans apparaît comme une guerre entre deux traditions ethniques, une seule détenant le prophétisme ou ayant détenu le prophétisme, c’est-à-dire le contact réel avec le divin : la gallo-celtique. Jeanne d’Arc apparaît donc comme une résurgence, à la fois du fond ethnique français et d’un matriarcat qui accordait la primauté à la femme quant au pouvoir religieux (prophétisme) et politique


mercredi, août 04, 2010

Armaguédon, le Tibet, la Rose-Croix d’Or…


Des considérations ésotériques de Jan van Rijkenborg (1896-1968), fondateur de l'École de la Rose-Croix d'Or, sont-elles à l'origine d'articles de Joël Labruyère, notamment « Les contes de fée du Tibet » (1) et « Blue Beam " retour du Christ " de la Nasa » (2) ?

Lumière sur le Tibet

Mira, ex-disciple de la Rose-Croix d’Or, nous écrit :

"Cela fait plusieurs jours que j'essaie de mettre la main sur le petit livre "Lumière sur le Tibet". Il n'est pas épais 70 pages environ. Je l'ai relu il y a une année ou deux mais il m'a paru fade en comparaison des écrits des Trimondi (3). A l'époque (vers les années 80) il m'avait ouvert les yeux car c'était la première fois que quelqu'un osait critiquer "sa sainteté" le dalaï-lama ! Néanmoins, mes séjours et expériences chez les Tibétains me disaient que c'était sans doute la vérité et surtout le sourire superficiel du dalaï-lama me gênait beaucoup alors que son peuple était dans la misère. Il y avait des choses qui n’allaient pas... A sa place, j'en aurais pleuré de compassion alors que lui il riait toujours. Je vais bien le retrouver pour vous envoyer une copie sinon je le demanderais à un ex-élève."

Voilà le passage du texte de Joël Labruyère qui est fortement similaire au livre de Rijkenborg :
« J'affirme et je peux démontrer que les rites du Bouddhisme Tibétain sont négativement magiques, et que les répétitions lancinantes d'invocations ont un but précis, et dirai-je, une fonction scientifique. Ce que j'ai découvert a été corroboré per quelques clairvoyants, fort rares au demeurant l'organisation du Lamaïsme est centralisée et hiérarchisée afin de répondre à des normes de magie collective. Les techniques de méditation et de visualisation n'ont pas pour but de libérer l'esprit mais d'émettre des flots d'énergie qui sont soigneusement canalisés et diffusés sur le Terre.
Il s'agit d'une gigantesque centrale de production énergétique employant des dizaines de milliers d'organismes humains parfaitement préparés - ils étaient jusqu'à 500 000 moines - afin de générer un flux télépathique depuis le toit du monde qui est une situation exceptionnelle pour déverser des ondes vers l'occident. Cette station émet depuis des siècles sur la fréquence de nos aspirations et de nos idéaux Je vous expliquerai comment cela fonctionne, car il s'agit d'une science exacte.
La pureté de l'air des hauteurs de l'Himalaya est particulièrement conductrice pour émettre des signaux télépathiques de qualité. Ces signaux sont pulsés avec force grâce aux rites répétitifs se déroulant jour et nuit depuis plusieurs siècles. C'est pourquoi, il existe une double hiérarchie: celle des initiés de la grande loge blanche qui sélectionnent le contenu des messages, et celle des lamas, qui dynamisent ces émissions télépathiques par leurs exercices spirituels sans en connaître le véritable sens.
Les milliers de villes-monastères qui ont rassemblé jusqu'à 800.000 moines sur les hauts plateaux du Tibet avaient un autre but que l'étude des soutras et la méditation sur la vacuité. C'est la plus vaste entreprise de propagande, de tous les temps, plus puissante que l'islam ou Rome car le Lamaïsme a travaillé dans le secret. Le véritable pouvoir est un pouvoir secret.

Démasqué

« Par contre, poursuit Mira, j'ai retrouvé un autre livre du même auteur qui a pour titre "Démasqué" qui prévoit la bataille d'Armaguédon, c'est-à-dire une guerre des entités de l'astral entre elles et l'apparition d'un immense christ dans le ciel pour capter l'attention et rassembler les fidèles des différentes sectes dans une religion unique. Il explique que pour les ignorants ce sera le retour du christ mais en réalité le but sera de produire des émotions pour que les gens lâchent leurs éthers lumières qui servent de nourriture aux différentes hiérarchies célestes. On en revient toujours à ce mal récurent qui est le vampirisme et qui semble universel... »

Notes du Bouddhanar :

Le livre de Jan van Rijkenborg « Démasqué », évoqué par Mira, dénonce « l'apparition d'un immense christ dans le ciel pour capter l'attention et rassembler les fidèles des différentes sectes dans une religion unique. ». Ce thème est traité par Joël Labruyère dans son article « Blue Beam " retour du Christ " de la Nasa »

Guénon considère que les hordes de Gog et Magog sont des entités de l’inframonde… Des interprétations ont identifié abusivement ces hordes à des armées humaines probablement en raison de la géopolitique de l’empire anglo-américain qui est à l’origine d’Israël « gendarme de l'empire au Moyen Orient ». Au milieu du 20ème siècle, cette nouvelle colonisation passait mal, il fallait répandre l’idée que la création d’Israël (1948) était annoncée par des prophéties bibliques. On a donc assimilé les nations opposées à l’état sioniste aux hordes de Gog et Magog.

« Les Neturei Karta, « les gardiens de la cité », est un groupe de juifs haredim (ultra-orthodoxes) radicalement antisioniste prônant le « démantèlement » de l’État d’Israël. Ils considèrent que l’État juif de l’Antiquité fut détruit par la volonté divine et que seul le Messie pourra le rétablir. Toute tentative humaine de recréer un État juif avant la venue du Messie est donc une attaque contre la volonté divine. »

Neturei Karta contre le sionisme


Le lamaïsme et la Rose-Croix d’Or

Patrick, toujours adepte de l’Ecole de la Rose-Croix, résume en quelques lignes l’opuscule de Jan van Rijkenborg « Lumière sur le Tibet » :

« L'idée en est que la fraternité lamaïque est le pendant oriental du catholicisme, et utilise un procédé méditatif de domination, qui ne nécessite pas d'apparaître au premier plan, bien au contraire. Mais l'on use de cette incapacité que les hommes possèdent de penser librement. L'homme pense automatiquement, par clichés et ne fait donc que de réagir à des stimuli qui l'influencent.

Ce procédé de domination engendre de nombreuses anomalies à travers le monde, beaucoup de souffrances aussi, car il maintient, coûte que coûte, des situations anormales. Ce livret est une description de ce procédé magique en tant que tel.

L'invasion par les chinois en est un des effets boomerang, ce que les tibétains ont tendance à admettre (conséquence de leur karma et mauvais usage des forces).

Le pouvoir du Dalaï-lama est juste temporel et représente la façade d'un édifice hiérarchique imposant. Derrière lui règne le "Tashi Lama". (je ne sais pas qui c'est...)

Le livre de Jan van Rijckenborgh ne met pas en cause le religieux tibétain en lui même, pas plus que le catholique-croyant, etc., mais indique que subsiste, sur le toit du monde, une véritable fraternité spirituelle bouddhiste. Je crois qu'il les appelle les Lohans "à la douce voix", dont la non-violence est la marque principale et la force.

Pour finir, nous utilisons lors de certains services "la Voix du Silence3", traité mystique tibétain transcrit du livre des préceptes d'or par Mme Blavatsky. »

De son côté, Joël Labruyère, à l’instar de René Guénon, n’est pas séduit par la mission spirituelle de Mme Blavatsky. Dans "Voyage à Shamballa", un interview probablement imaginé, Joël Labruyère s’entretient avec le mystérieux et cynique Dwjal Khool, dit le « Maître tibétain », au sujet d’Héléna Blavatsky :

Dwjal Khool : « Notre chère dame russe ! Je l’aimais beaucoup malgré son côté fantasque. Quel feu ! Elle nous pose encore bien des problèmes, vous savez. Elle est restée indomptable. Vous vous souvenez lorsque la robe du prêtre orthodoxe s’est enflammée le jour du baptême d’Héléna ? Avec elle ça risque de flamber. Il y a toujours un risque avec ces êtres de feu. Nous avons pourtant les moyens de les neutraliser et d’en faire d’excellents serviteurs. »

Joël Labruyère : « Madame Blavatsky est-elle encore sur vos lignes ? Est-elle donc toujours à votre service ? »

Dwjal Khool : « C’est une question trop indiscrète, mon ami. Trop indiscrète. Cherchez par vous même. Si ce Steiner, ce rose-croix allemand, ou autrichien, je ne sais plus, n’avait pas contacté Héléna après son transit, elle n’aurait peut-être pas rompu les vœux qui la liaient à notre fraternité. Comment pouvait-elle prendre d’elle-même la décision de nous renier en déclarant à ce… heu… ce Doktor Steiner que nous l’avions trompé. Mais, je n’ai pas à discuter de cela avec un profane… »

Par ailleurs, Joël Labruyère donne les éclaircissements suivants : « Après sa mort, Blavatsky aurait chargé le clairvoyant Rudolf Steiner de révéler qu’elle s’était désolidarisée de cette Loge Orientale qui l’avait exploitée en raison de ses pouvoirs psychiques exceptionnels. Steiner communiqua le message suivant : « Madame Blavatsky, actuellement désincarnée, me prie de vous dire qu’elle a été trompée par les maîtres de La loge Orientale ».
Il est facile de faire parler les morts, mais quoi qu’il en soit, Steiner rompit avec la Société Théosophique dont il était le secrétaire général en Allemagne. »


(1) Les Contes de fée du Tibet

(2) Opération Blue Beam

(3) Trimondi

Illustration du post : image envoyée par Mira.

lundi, août 02, 2010

Le tantrisme & ses hypothèses


Attanam rakkanto param rakkhati ;
param rakkhanto attanam rakkhati.
« Se sauvegardant, on protège les autres ;
protégeant les autres, on est préservé soi-même. »
Le bouddha

Fin 1988, Marc Bosche (1959- 2008) rencontre un lama, vivant en Europe, qui a consacré plus de vingt années à la méditation dans les ermitages du Tibet, avant la présence chinoise. C’est l’un des tout derniers moines, en exil, de cette génération éduquée à l’ancienne, formée et mûrie dans le berceau traditionnel du Pays des Neiges.

Marc Bosche étudie auprès de celui-ci les bases anthropologiques de son système culturel, et adopte pour un an la vie de moine novice dans la lamaserie dont le vieil homme assure la direction spirituelle. En 1995 il est l’un de ses secrétaires. Il répond pour lui à la correspondance épistolaire avec des disciples occidentaux. Il assure une édition littéraire des transcriptions de ses enseignements publics pour ses deux derniers livres.

Le rinpoché, le « Très Précieux » abbé de Dhagpo Kundreul Ling, en Auvergne, s’éteint le 31 octobre 1997 à l’âge de quatre-vingts ans. L’anthropologue recouvre sa liberté. Il publie le récit de cette expérience avec « Le Voyage de la 5ème Saison », puis un premier roman, « Nirvana ». L’essai « Gouttes de Rosée aux jardins du Lotus, l’inversion de l’utopie » constitue le troisième volet de ce triptyque.

Dans un passage de son essai, « Un Bouddha nommé désir » qui fait suite à son livre « Le voyage de la 5ème saison », Marc Bosche est quelque peu déconcerté par un lama de haut rang, le second de l’abbé, qui lui dit carrément son intention de le conduire aux enfers. A ces propos peu rassurants s’ajoutent des commentaires étranges sur l’initiation tantrique et la zone anale. Tout cela n’évoque-t-il pas une sorte de sabbat ? Quoiqu’il en soit, le tantrisme est une pratique dangereuse qui peut se transformer en sorcellerie quand l’énergie subtile (kundalini), au lieu d’effectuer un mouvement ascendant, descend vers la zone anale. « Kundalini à l’envers, écrit Jean Louis Bernard, caractérisa la terrible puissance fascinatrice des faux Christ – vomis par la sphère infernale – et le Mexique ancien connut de ces faux prophètes. A cause d’eux, ses religions virèrent à l’horreur. Plus courante, l’énergie inversée caractérise les magiciens ambigus, fascinateurs et parfois maléficiants qui, par leur aura vampirisante, décomposent le psychisme de leur entourage.»

L’inversion volontaire de la kundalini serait-elle pratiquée par des lamas ? Lors de l’initiation de Kalachakra de Barcelone (1994), Marc Bosche s'étonne des commentaires d’un ami du dalaï-lama : « Ce vieux lama très qualifié nous dit sans ambages que la pratique de la formule sacrée de ce tantrisme (mantra) se comprenait d’abord au niveau de l’anus, tout simplement ! »

Le tantrisme & ses hypothèses

Par Marc Bosche

Le Dauphin du « Très Précieux », son principal disciple, me sourit un jour. D’une main sympathique, il se saisit aimablement de mon châle plissé sur mon épaule. Il me dit avec jubilation : « Accroche-toi bien à mon châle, Ananda, je t’emmène aux enfers. » Il m’a appelé Ananda, de manière amicale, comme le serviteur du bouddha en son temps. Mais le voyage qu’il me propose, par cette belle énigme, est somme toute étrange pour un moine. J’ai l’occasion bien souvent de réfléchir à sa proposition et de mieux la « bouder. » On comprend que cette promenade imaginaire ne m’enthousiasme pas. Le tantrisme comporte-t-il une part aussi profonde ?

Les disciples, en général, sont motivés par la recherche bouddhiste, plus que par l’attrait tantrique des expériences d’éveil intensifiées. La pratique de l’éthique, de l’altruisme et de la compassion constituent pour eux les bases indispensables de la méditation. Ils découvrent le tantrisme progressivement, sans le demander, pour beaucoup. Ils l’entr’aperçoivent, suite à leur apprentissage des pratiques rituelles collectives au monastère, quand ils y sont encore jeunes bénévoles. Et, bien sûr, leur intégration éventuelle aux retraites collectives de trois années sur place sera une préparation excellente. Certains pourront garder des engagements locaux en tant que moine, soit pour toute leur vie, soit pour les quelques années de la retraite en groupe. Cela permettra la transmission continue du tantrisme par le moyen de ce monastère bouddhique.

Le lecteur se demande ce que signifie sans doute le terme de « tantrique » ou de « tantrisme » appliqué à un monastère bouddhiste. Il faut revenir à la diffusion de l’enseignement du bouddha depuis deux mille cinq cents ans pour le situer. Le bouddhisme a pris trois formes principales et une multitude de formes diverses. On distingue aujourd’hui le premier fondement historique de sa vie monastique et contemplative en Asie du Sud-est principalement (Sri Lanka, Cambodge, Thaïlande, Birmanie...) La conduite éthique en est le principe, et les textes des enseignements oraux du bouddha y sont les principaux supports de la culture spirituelle. Un enseignement plus quotidien, peut-être plus adapté à la vie laïque, s’est implanté ultérieurement en Chine, en Corée, au Japon, mais aussi au Viêt-nam... On l’appelle le grand véhicule par contraste avec ce premier enseignement. Il intègre l’idée d’une activité généreuse et de compassion. C’est-à-dire qu’il convient mieux au monde où les échanges commerciaux se sont développés. Enfin, certains anciens rites yogiques comportant la visualisation de divinités, dont certaines sont peut-être d’origine hindoue, ont migré en partie du monde indien dès le huitième siècle après Jésus-Christ. Ils sont aujourd’hui établis dans le monde himalayen et transhimalayen (Tibet, Bhoutan, Sikkhim, Népal, Mongolie...) Ils s’y sont développés ensemble avec les doctrines des deux autres « écoles » bouddhistes précédemment mentionnées, et y restent mêlés. Cet assemblage est devenu en quelque sorte le bouddhisme himalayen. Ce dernier est désigné des trois termes synonymes suivants : vajrayana (véhicule adamantin), ou encore mantrayana (véhicule des formules sacrées) ou enfin tantrayana (véhicule des continuités des lignées de transmission initiatique). Il s’agit du tantrisme bouddhiste. En effet, pour compliquer encore, il existe aussi un tantrisme hindouiste.

Le bouddhisme himalayen comporte donc également les formes de spiritualités de chacun des trois mouvements dont il est la sédimentation dans le temps : petit véhicule des anciens patriarches du bouddha, grand véhicule de l’Extrême-Orient et véhicule tantrique. On y trouve des paradoxes évidents : dignité des moines réputés abstinents, et pratique des visualisations de divinités enlacées en des couples érotiques. Compassion active dans la vie quotidienne et retrait du monde... Bref, ce tantrisme, ou plutôt ces tantrismes, ont accueilli l’ensemble du corpus bouddhique. Cela leur donne une sorte de flexibilité propre à faire face à toutes les situations de la vie! On ne peut dire beaucoup plus. Le tantrisme repose en effet sur la préservation du secret par le disciple. On ne connaît donc, de ces disciplines yogiques, que la superficie et le rituel. On ne peut deviner le but secret de ces pratiques, ni leur cœur, sans en être devenu soi-même un adepte confirmé. Et même la compréhension qu’on en retire dépend seulement du niveau même de la pratique réelle. C’est-à-dire qu’il faut reconnaître qu’on ne sait pas grand-chose du tantrisme bouddhique.

Bien sûr, on dispose aujourd’hui des textes fondamentaux sur ces rituels, et même de parfaites tentatives de traductions dans nos langues occidentales. Cependant, ces textes ne nous donnent pas la clé de la réalité sans pratique. La pratique dépend de nous, de notre relation à un maître qualifié, de ses explications très détaillées, de l’apprentissage, et de notre vitalité inconsciente.

Quant à la maîtrise du rituel lui-même et de son yoga intérieur, elle prend de nombreuses années pour se parfaire. Le but du tantrisme bouddhique est officiellement, selon les enseignants eux-mêmes, d’atteindre à la pureté de l’éveil ultime en un temps bref, c’est-à-dire peut-être quelques « existences successives. » Il nous faut bien sûr dégager cette promesse de son enveloppe de marketing religieux. Que signifie cet éveil ? Il faudrait le vivre pour le savoir. Et, le sachant, il est fort probable qu’on serait peu compris de ses contemporains! Il nous faut donc renoncer à comprendre. Il nous faut même admettre la confusion qui entoure la notion même de tantrisme bouddhique. Les maîtres, les textes, les disciples explorent, chacun à sa manière, ce champ qui semble extraordinairement vaste. Il est normal qu’une image simple de ce courant spirituel n’existe pas. L’auteur préfère ici ne pas définir davantage. Il suggère au lecteur de se faire sa propre idée par lui-même s’il le désire. Il se contente de feuilleter ici la narration succincte de sa propre rencontre individuelle avec cette spiritualité.

En théorie le tantrisme est un moyen rapide qui atteint directement des ressources vitales et psychosomatiques concentrées en certains points du corps humain. Il dégagerait le potentiel propre à ces points. Il assurerait au disciple une transformation de son expérience consciente, au même titre que de son expérience inconsciente. Il existe bien sûr une sorte de cartographie simplifiée de ces points et des canaux énergétiques qui les relient.

Il semble que les lieux physiques de la cavité anale, du périnée, et du sexe pour les hommes soient particulièrement riches en potentiel tantrique. La région du cœur et d’autres zones sensibles du corps seraient également concernées. La colonne vertébrale, surtout à sa base, serait parmi les plus vitales. S’agit-il d’un système qui se superposerait à celui de certaines acupunctures chinoises ? A-t-il la même géographie subtile que les schémas issus des enseignements de certains yogas indiens ? Nous ne pouvons répondre oui. Les mots utiles pour définir ce tantrisme bouddhique sont : « tiglé », « tsa » et « lung. » « Tiglé » comme « tsa » évoquent la concentration de vitalité, de sérénité et de félicité efficiente en certains points du corps humain. « Tsa » évoque la circulation. Il se pourrait que celle-ci obéisse à un dynamisme très subtil. « Tiglé » évoque plutôt l’aspect de grain, que peuvent prendre ces ressources vives de l’homme. Il y a bien sûr aussi une géographie subtile pour la femme.

Il semble que si la richesse masculine est dans certains de ses « tiglé » génitaux, la force féminine consiste à pouvoir rencontrer ces derniers. Il se pourrait que la femme dispose d’une compatibilité intérieure pour unir ses propres émanations vitales à celle de son intime ami. S’agit-il de ressources stables ? Pourquoi la science médicale occidentale n’en parle-t-elle pas ? Nous ne savons pas. « Lung » évoque un flux. On utilise parfois ce terme de diverses manières. Peut-on affirmer qu’il est libéré comme une sorte de souffle subtil, lorsque ces amas en réseau sont ouverts ? Un autre type de potentiel est-il, lui aussi, rendu disponible lorsque les « tsa », les circulations des souffles subtils, sont transformées ? Les techniques tantriques permettent-elles effectivement d’ouvrir, de faire circuler, et de libérer ces ressources ?

Il se peut que notre présentation soit une terrible et banale caricature d’un processus infini. Nous suggérons ici de ne pas admettre ces notions sur la seule base de cette présentation personnelle. Il nous semble que le dalaï-lama a diffusé depuis longtemps, dans ses nombreux ouvrages traduits dans nos langues, quelques éléments qui corroborent cette vision du tantrisme bouddhique.

Je me souviens en particulier de l’étonnement qui me saisit lorsque son propre ami, un très vieux maître d’origine himalayenne, nous donna la clé pour comprendre la formule du « guru-yoga » (dévotion au maître) d’un haut rituel tantrique appelé « kalachakra. » Nous étions à Barcelone quelques-uns à être restés huit jours de plus, après l’initiation à ce monde tantrique donnée par le
dalaï-lama. Nous étudions les premiers pas de cette pratique très caractéristique des rituels tantriques supérieurs, avec ce maître qu’il avait invité en Espagne à cet effet. Ce vieux lama très qualifié nous dit sans ambages que la pratique de la formule sacrée de ce tantrisme (mantra) se comprenait d’abord au niveau de l’anus, tout simplement! Il nous fallait ici souligner le lien du tantrisme avec le corps humain, et ses secrets, voire ses potentiels ataviques.

Marc Bosche, « Un Bouddha nommé désir ».

lundi, juillet 26, 2010

Contemplation




On ne s’improvise pas « guerrier spirituel », c’est une question de personnalité ou de « guna », littéralement « qualité fondamentale ».



Des contemplatifs, n’en déplaise à Joël Labruyère, ne peuvent s’engager dans le combat de la Nation Libre contre le nouvel ordre mondial. Leur nature les met à l’écart du siècle. Mais les véritables contemplatifs sont rares. Ces dernières années, des occidentaux sont devenus sannyâsins le temps d’écrire un livre. Ensuite, après cette mascarade, ils ont regagné la société pour enseigner et vendre leurs textes.





PDG et moine hindou

L’homme d’affaires Christian Fabre est devenu le moine contemplatif Pranavananda Brahmendra Avadhuta



Interview en français de Christian Fabre :


En Inde, des contemplatifs, qui ont tout abandonné même les livres sacrés, conservent dans leurs grottes ou dans leurs cabane un petit texte intitulé « Avadhûta Gîtâ ». Alexandra David-Néel, sensible à la pensée libertaire qu’elle avait partagée avec son ami Elisée Reclus, remarqua ce petit texte et le traduisit. Un avadhûta est, précise-t-elle, « un ascète, tout imprégné du sentiment de l’Unité méprise les rites, la pratique et les règles de conduite prescrits par les religions ou par les codes sociaux ».



Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...