vendredi, juillet 08, 2016

Bretagne magique

Brocéliande
La forteresse de l’Autre Monde


Le Chêne à Guillotin. « Cet arbre remarquable, plusieurs fois centenaire, fut d’abord appelé « Chêne des Rues Éon » au 19e siècle avant de devenir « Chêne à Guillotin » dans les années 1970, du nom d’un prêtre réfractaire réfugié à Concoret pendant la Terreur. » Source 

Le Sacré étant par essence ambigu, on ne découvre dans ces hauts lieux que ce qu’on vient y chercher. A Lourdes, sous une architecture tapageuse qui masque la misère humaine, le diable rôde aux endroits mêmes qu’a marqués la Vierge. Aux Saintes-Maries-de-la-Mer, seul reste d’une cité engloutie, la crypte est le théâtre de rituels qui ne sont pas forcément orthodoxes. A Saint-Rémy-de-Provence, le soleil ne parvient pas à faire la lumière sur les ruines de Glanum où se superposent les dieux gaulois, grecs et romains.

A Chartres, dans la crypte de la cathédrale, Notre-Dame-de-Sous-Terre veille également à ce que le dragon ne surgisse pas du puits. Et ce n’est pas par hasard qu’on procédait au sacre des rois de France dans la cathédrale de Reims. Mais à tout cela répond la cathédrale du Puy-enVelay, avec son cloître et la gigantesque statue de Notre-Dame-de-France : en face, sur le Mont-Aiguilhe, saint Michel clôt le cône d’un volcan : là aussi, la dragon dort d’un étrange sommeil...

C’est cependant dans la vieille Armorique que la magie apparaît comme la plus subtile, la plus secrètement enfouie dans la verdure : Brocéliande est sans doute le haut lieu qui suscite le plus de fantasmes par le fait des légendes et des diverses traditions qu’on y a localisées.

Brocéliande, c’est la forêt de Paimpont, à la frontière de l’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Ce nom, qui correspond à un ancien Bréchéliant, signifie peut-être “forteresse de l’Autre Monde”. C’est incontestablement une forêt druidique, un de ces temples en plein air où les Celtes pratiquaient les énigmatiques rituels de leur religion. C’est là qu’à partir du XIe siècle, on a voulu localiser les principaux événements de la tradition arthurienne et de la légende du Graal, lesquelles sont originaires de Grande-Bretagne. Mais ce n’est certainement pas sans raison.

Car si le Val sans Retour, où Morgane la Fée - image de la déesse primitive - enfermait les chevaliers d’Arthur, est une localisation récente, si les appellations sont souvent fantaisistes, il n’en reste pas moins vrai que la forêt recèle des lieux bien étranges, où la légende rapportée fait écho à des traditions locales parfaitement authentiques.

Le  “Tombeau de Merlin” n’est qu’un dolmen en ruine et n’a en fait aucun lien avec l’enchanteur des romans de la Table Ronde. Mais c’est quand même le Tombeau de Merlin, avec toute l’aura magique et mystique qui émane d’une terre frappée par l’Esprit. Quant à la Fontaine de Barenton, décrite dans les textes du Moyen Age comme la “fontaine magique qui fait pleuvoir”, comme la “fontaine qui bout, bien que son eau soit plus froide que le marbre”, elle est le lieu par excellence où s’opèrent les mystérieuses alchimies de la lumière, de l’ombre, du vent et de l’eau.

C’est l’exemple le plus parfait du nemeton gaulois, c’est-à-dire la clairière sacrée, le sanctuaire perdu dans la forêt où l’être humain peut s’imprégner de la divinité parce que c’est l’endroit idéal de la communication entre le visible et l’invisible, une projection du Ciel sur la Terre. Et dans l’église de Tréhorenteuc, qui rappelle celle de Rennes-le-Château, mais avec une polarité inversée, le Graal brille au milieu du grand vitrail, tandis que dans l’ombre, sur le mur d’en face, le Cerf blanc au collier d’or, entouré de quatre lions, erre dans une sorte de forêt stylisée, et que la fée Morgane triomphante nargue Jésus tombé pour la troisième fois sous le poids de sa croix. Il ne faudrait pas oublier non plus l’inscription qui se trouve au-dessus de la porte de l’église : “la porte est en dedans”.

Car, en Brocéliande, tout est effectivement en dedans. Il ne suffit pas d’errer dans des chemins qui souvent ne mènent nulle part, car ils se perdent dans des landes où les ajoncs griffus se dressent comme des murailles de flammes devant Lancelot du Lac qui voulait délivrer les prisonniers du Val sans Retour. Il n’y a pas de châteaux somptueux sur les collines, ou entre les arbres, ni dans le fond des vallées. Ou plutôt si, il yen a : mais il faut ouvrir la porte qui est en dedans pour les voir.

Autrement, on risque de tourner en rond des mois durant, des années, des siècles peut-être, sans espoir de retrouver un jour le chemin qui mène au sanctuaire. Et pourtant, ce sanctuaire, il est là, en plein cœur de la forêt magique. Il suffit d’écouter la grande voix de Merlin pour le découvrir...


Jean Markale, La France magique.




Jean Markale 

Tome II 

Brocéliande et l'énigme du Graal ; La Bastille et l'énigme du Masque de fer ; Chartres et l'énigme des Druides ; Rennes-le-Château et l'énigme de l'or maudit.

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