lundi, octobre 03, 2016

Le pape, le dalaï-lama et le président



Une messe (ou un mantra) n’avait jamais fait de mal à personne et ne pouvait pas nuire à une carrière sous Nicolas Sarkozy

par Patrick Buisson


Chargée de la rédaction du discours pour la réception que le président devait donner le 11 septembre (2008) à l’Elysée en l’honneur du souverain pontife, Emmanuelle Mignon reçut pour consigne de « ne pas refaire un Latran bis », pas plus qu’elle ne devait employer le mot de « transcendance ». Effectivement, il ne fut pratiquement plus question de « laïcité positive », la « belle expression » qui avait si fortement impressionné Benoît XVI, ni du rôle de la religion comme ciment social. Une phrase, en revanche, figurait en bonne place à la demande du chef de l’Etat et attira aussitôt notre attention : « Le dalaï-lama mérite d’être respecté et écouté pour cela et c’est dans cet esprit que, le moment venu, je le rencontrerai. »

Tout droit sortie du rayon « bien-être et développement personnel » de l’espace culturel Leclerc, une religion asiatique réduite à une spiritualité light s’invitait dans l’allocution présidentielle destinée à accueillir le pape.

A vrai dire, nous redoutions cette intrusion depuis que Carla Bruni-Sarkozy, mains jointes et revêtue de la kata, l’écharpe de bienvenue traditionnelle, avait rencontré l’ancien maître du Tibet lors de l’inauguration, au mois d’août précédent, d’un temple bouddhiste sur le plateau du Larzac. Elle avait pris feu et flamme pour la croisade non violente de l’homme à la tunique safran : « Est-ce vrai, l’avait-elle interpellé, que c’est vous qui avez demandé à mon mari qu’il ne vous reçoive pas pendant les Jeux olympiques de Pékin ? » Ayant recueilli la parole de l’oracle, la Première dame de France, jean slim et t-shirt du créateur chinois Yiqing Yin, s’était retournée vers son président de mari : « Tes collaborateurs t’ont menti. Je ne laisserai pas fouler aux pieds ton image de défenseur des droits de l’homme. » Nous étions confondus. La cause étant sacrée, la partie s’annonçait rude.

En gants blancs, comme à son habitude, « Diplomator » Levitte tenta une percée : « Est-ce bien le moment d’annoncer une rencontre avec le dalaï-lama ? Notre ambassadeur à Pékin va être appelé en consultation et nous allons subir une nouvelle campagne de boycott contre les produits français. Les Chinois ne voient pas en lui une figure spirituelle, mais un agent de démantèlement de leur pays. » Je m’engouffrai dans la brèche : « La confusion des deux fonctions, c’est la théocratie. Est-ce bien là le projet que veulent soutenir tes amis, les partisans des droits de l’homme ? Au reste, tu connais les journalistes, ils ne retiendront rien d’autre que cette annonce. Ne mélangeons pas les registres. C’est le chef de l’Eglise catholique que tu accueilles demain. » En un tour de main, Sarkozy, qui n’avait pas son pareil pour habiller les concessions conjugales du drapé des grands principes, régla l’affaire à notre grand désespoir :

— La vérité, c’est que nous avons maquillé une réalité peu flatteuse. La France est-elle une nation indépendante ? Voilà la question. En vérité, je me suis couché, j’ai dit que la Chine ne fixerait pas l’agenda du président de la République et j’ai fait exactement le contraire. Je suis allé à Pékin et je n’ai pas reçu le dalaï-lama pendant les Jeux olympiques.

Que faire devant une force supérieure sinon battre en retraite ?

Pour cette raison et quelques autres, la visite de Benoît XVI ne marqua pas une nouvelle étape dans la définition des valeurs sous l’invocation desquelles le président avait pourtant tenu à placer son mandat. Bientôt la politique de civilisation irait rejoindre la fosse commune des idées mort-nées, ensevelies sous les retombées de la crise financière. Le krach boursier ayant paradoxalement provoqué un krach de la transcendance au plus haut sommet de l’Etat, on n’en parla plus pendant de longs mois. Cependant, une vague odeur d’encens imprégna encore un temps les tentures du salon Murat où se tenait, chaque mercredi, le Conseil des ministres. Il se disait qu’une bonne messe n’avait jamais fait de mal à personne et ne pouvait pas nuire à une carrière sous Nicolas Sarkozy.

Patrick Buisson, « La cause du peuple ».




Pourquoi, depuis quarante ans, la France traverse-t-elle une crise politique, sociale et morale sans précédent ? Comment sont advenus le règne de l'idéologie, le déni du réel, la trahison du peuple par les élites ? Et nous faut-il nous résigner au déclin ?

Pour répondre à ces questions cardinales et découvrir le pouvoir de l'intérieur, voici le livre tant attendu de Patrick Buisson, le conseiller privilégié et controversé de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. Une chronique riche en révélations parfois cruelles et souvent cocasses sur les coulisses de l'Elysée. Une analyse aiguë, puisant dans l'histoire, chez Saint-Simon et Tocqueville comme chez Péguy et Bernanos, des contresens et des dérives de la classe dirigeante actuelle. Un appel fort, enfin, à une grande politique conservatrice de droite renouant avec le catholicisme social.


Témoignage capital sur la déliquescence du pouvoir et contribution majeure au débat public, ce livre, où fond et forme se conjuguent, ne laissera personne indifférent.

La guerre contre l’Islam est-elle une phase de la guerre ultime : la Guerre contre le Christ ?

La doctrine de la « démocratie libérale et des droits de l’homme » est une crypto-religion, une forme extrême, hérétique de judaïsme christ...