vendredi, septembre 16, 2016

Le bouddhisme occidental et l'ésotérisme théosophique




Les porte-parole du bouddhisme (Frédéric Lenoir, Matthieu Ricard et Raphaël Liogier...) œuvrent à la persistance d’une dommageable confusion.


Le bouddhisme occidental et l'ésotérisme théosophique



par Marion Dapsance


Le bouddhisme est traité par de nombreux intellectuels occidentaux – notamment les plus médiatisés – comme un prétexte à la remise en cause des conceptions occidentales de la science. 


Le bouddhisme n’est pas décrit pour lui-même, mais pour ce qu’il est censé apporter à la pensée occidentale, dont on condamne le caractère obstinément matérialiste. Curieusement, cette nostalgie de la métaphysique passe la plupart du temps inaperçue, quand elle n’est pas louée dans des magazines consacrés aux bienfaits scientifiquement prouvés de la “méditation”. Elle n’est jamais considérée comme un échec ou un manquement à la rationalité moderne, comme c’est le cas lorsqu’il s’agit d’autres théories pseudo-scientifiques d’origine religieuse (l’intelligent design, par exemple). Il semble ainsi légitime que des instituts de recherche “scientifiques” cherchent à prouver les pouvoirs magiques des Tibétains dans une perspective évolutionniste. Que faut-il en déduire ? D’abord, que le cadre d’interprétation majoritaire du bouddhisme en Occident n’a pas évolué depuis les écrits de Madame Blavatsky et de Sinnett : lorsque l’on parle de “bouddhisme”, on parle en réalité très souvent de bouddhisme ésotérique, renvoyant par là aux représentations du monde occultistes typiques du XIXe siècle européen plutôt qu’aux conceptions asiatiques. Ensuite, que les écrits d’intellectuels occidentaux porte-parole du bouddhisme – dont Frédéric Lenoir, Matthieu Ricard et Raphaël Liogier ne sont que des exemples locaux – condamnent à l’échec le “dialogue Orient-Occident” qu’ils disent pourtant appeler de leurs vœux. En effet, ces auteurs œuvrent à la persistance d’une dommageable confusion plutôt qu’ils ne contribuent à la dissiper.

Il est tentant de penser que cette vision théosophique du bouddhisme n’est l’apanage que de quelques érudits occidentaux, à l’influence relativement limitée. L’on pourrait en effet supposer que la multiplication des “centres du dharma” en Europe et aux Etats-Unis, la diversification de l’offre religieuse et la présence accrue d’enseignants bouddhistes d’origine asiatique amorcent le déclin progressif de l’héritage théosophique. Or, les études de terrain tendent à prouver l’inverse. Il ressort des enquêtes menées par Cécile Campergue et moi-même, que non seulement les disciples, mais parfois également les enseignants (Chögyam Trungpa et Sogyal Rinpoché notamment) ont recours au vocabulaire, au langage, à la symbolique et aux modes d’initiation théosophiques. Ainsi parlent-ils souvent d’“énergie”, de “vibrations”, de “corps subtils”, d’“omniscience” des “grands maîtres”, de “télépathie”, d’“archétypes”, de “niveaux de conscience”, etc. Ces expressions recouvrent parfois les notions tibétaines, renvoyant ainsi à une réalité ou à une croyance commune aux deux cultures, permettant alors le dialogue entre les deux populations. Néanmoins, comme je l’ai indiqué dans un autre article ainsi que dans ma thèse, le malentendu fréquent sur les termes utilisés, tout en rendant possible l’interaction entre maîtres et disciples, engendre souvent aussi des conflits. Quoi qu’il en soit, bien qu’elle ne soit pas toujours discernable à première vue, l’influence de la théosophie sur les milieux bouddhistes occidentaux est encore bien réelle et permet un dialogue plus ou moins fructueux entre Occidentaux et enseignants venus d’Asie. Il existe probablement des exemples qui démentiraient la persistance de l’ésotérisme occidental et indiqueraient l’émergence d’une autre forme de bouddhisme occidentalisé. Ces cas attendent leur ethnographe.


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