mercredi, septembre 16, 2015

Médecine indienne & médecine arabe


Les échanges entre ces deux médecines sont très anciens. C’est vraisemblablement à la notoriété qu’elle avait acquise en Perse avant l’islamisation, que la médecine indienne doit d’avoir été activement étudiée au début de la formation de la médecine arabe.

Certains traités médicaux d’origine indienne ont été transmis au Moyen Age islamique par l’intermédiaire d’une première traduction persane, suivie d’une traduction en arabe. A côté de cette tradition qui va du sanskrit au pahlavi puis à l’arabe, il existe une voie directe du sanskrit à l’arabe, liée à la présence de nombreux médecins indiens attachés à la cour abbasside de Bagdad, qui prenaient naturellement part à la vie intellectuelle de cette communauté. Ainsi, c’est sous le règne du fameux calife Hârun al-Rashid (786-809) que le célèbre traité de chirurgie ayurvédique de Susruta a été traduit en arabe.

Un des plus anciens traités de médecine en langue arabe, le "Firdaws al-Hikma" (ca 850), d’Alî Ibn Sahl al-Tabarî, témoigne de la présence de la médecine indienne dans la pratique médicale de l’époque. Dans ce traité, fondé sur la médecine d’Hippocrate et de Galien, al-Tabarî mentionne des médicaments et des recettes indiens, et, dans un appendice, il expose le système de l’Ayurveda en s’appuyant sur les grands corpus médicaux sanskrits de Caraka, Susruta, Vagbhata et Madhava.

Au XIe siècle, Ibn Butlan de Bagdad, dans son "Taqwim al-Sihha", un traité de médecine préventive, se réfère abondamment au médecin Shark al-Hindi (Caraka l’Indien). Dans le chapitre XII de son "Uyûn al-Anba fî Tabakât al-atiba", Ibn Abî Ushaybi’a (1194-1270) dresse la biographie de six médecins indiens devenus célèbres en terre d’Islam. L’élargissement considérable de l’aire géographique couverte par l’empire islamique, lié à l’expansion musulmane, explique la grande richesse et la remarquable variété de la botanique et de la pharmacopée arabes du Moyen Age islamique. On y relève bon nombre de plantes et de substances médicamenteuses dont les noms arabes sont directement ou indirectement – par l’intermédiaire du pahlavi – dérivés du sanskrit, ce qui prouve leur origine indienne. A titre d’exemple, le "Kitab al-sunun" (Livre des poisons), rédigé en sanskrit au IVe siècle avant J.-C., fut traduit en pahlavi puis en arabe. L’ouvrage enrichit la pharmacopée arabe d’éléments purement indiens qui s’ajoutèrent à la pharmacopée gréco-arabe déjà existante.

Adoptée par les populations musulmanes de l’Inde et du Pakistan, la médecine arabe a connu, dans ces lointaines contrées, des développements nouveaux. Elle s’y est répandue sous le nom de Tibb-i yûnânî, « médecine yûnânî » (littéralement « médecine ionienne », en raison de ses nombreux emprunts à la médecine grecque). Traitant de cette médecine, il existe une immense littérature qui a été négligée par les historiens. Elle nous éclaire pourtant sur l’aspect syncrétiste de la médecine yûnânî, qui fait à la fois son originalité et son intérêt.


Hossam Elkhadem, professeur d’histoire des sciences arabes à l’Université libre de Bruxelles.


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