dimanche, septembre 28, 2014

La joie intérieure


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"L'homme est Dieu si la joie coule à flots de lui jusqu'au ciel" Râmatîrtha


Les principales Upanisads enseignent que la Joie Suprême - la Félicité, le bonheur, l'ananda universel - est partout et imprègne tout cet univers visible, est l'essence de cet univers et de chaque être vivant : "Et il est heureux partout ! Autrement, où y aurait-t-il vraiment joie si cette joie suprême n'était pas l'âme véritable de tous les êtres" (Kathrudva Upanisad.)

Car l'on est heureux que lorsqu'on a reçu (perçu ?) l'essence - qui respirerait, qui vivrait, si la Félicité qui est dans l'espace n'était pas ? C'est cette essence seule qui donne la Félicité." (Taittiriya Upanisad)

Dans "Sâdhanâ", Tagore ne fait que répéter que l'Upanisad (sans dire que c'est la Taittiriya Upanisad) exprime : "C'est de la Joie que sont nées toutes les créatures, par la Joie qu'elles sont soutenues, vers la Joie qu'elles progressent et dans la Joie qu'elles pénètrent".

Oui, la Joie est l'essence de l'univers mais comme le souligne Michel Hulin quand en se détourne de son âme, de son essence, on cherche à se réunifier "(...) chaque fois qu'un sujet humain - ou même un quelconque être pensant fini - se détourne de son âtman et selon la pente de son désir extraverti cherche vainement à travers la jouissance des choses extérieures et la domination de ses semblables à se réconcilier avec lui-même, en quelque sorte à se ressouder."

Mais toute cette société détourne les individus de leur âme, de leur essence et de l'essentiel - de leur essence qui est celle de tout dans l'univers, qui est pourtant la seule source de bonheur - et, cela dès l'enfance, avec le "dressage scolaire" qui consiste à éradiquer, à mutiler l'âme de l'enfant, à l'empêcher de la trouver (pour E. Fromm, l'école est un processus d'asservissement qui assassine la créativité de l'enfant). Et pas de meilleur moyen pour "assassiner l'âme" (l'expression est de l'Isha Upanisad) que la futilité, le divertissement et le spectacle, encore plus intensif avec l'audio-visuel qui agresse la vie humaine dès l'enfance, futilité sur laquelle Râmatîrtha avait prophétisé dès 1903 : "Que le monde européen et yankee soit en train de réussir dans sa dévotion complète à la futilité, personne ne peut le nier."

Michel Fromaget a osé dire que dans tout ce système d'éducation "l'esprit, à peine levé, se rétracte et s'atrophie. Et c'est l'enfant lui-même qui finira par étouffer son propre esprit. Car tout enfant aime être aimé, aime être valorisé, il a naturellement peur d être rejeté, ridiculisé. Or, un tel pilonnage s'exerce avec force dès l'enfance la plus tendre, au moins dès l'entrée en cours préparatoire, pour ensuite ne plus guère cesser."

C'est encore Michel Hulin, dans le même petit ouvrage excellent, qui insiste sur le fait que : "l'ignorance métaphysique ne se contente pas de voiler nos pouvoirs naturels de connaissance, elle nous cache également la béatitude incréée, innée, en laquelle nous baignons à chaque instant puisque nous sommes ce "brahman". Et elle n'y parvient cependant pas totalement puisqu'il existe des joies et des plaisirs de caractère "mondain" en lesquels cette béatitude transparaît, quoique émiettée, déformée et souillée par l'avidité du désir et la crispation de la crainte."

Trouver son âme, son essence, sa véritable identité pour cesser de faire du mal à autrui, de l'exploiter ou d'exploiter son pays, de s'enrichir en l'appauvrissant ["La voie du ciel enlève à l'excédent pour compenser le manque, mais la voie des humains enlève à l'indigent pour engraisser le riche." (Lao Tseu)] de détruire la nature par cupidité et désir d'un haut niveau de vie, d'arrêter la violence et l'injustice sur Terre, issues de l'insatisfaction et des frustrations de l'ignorance de l'âme, de la dichotomie entre le corps-mental et l'âme (Atman) qui est la véritable identité de chacun et que l'ignorance métaphysique ambiante occulte dès l'enfance - Et pourtant, on oublie que dans l'Inde antique (si différente de la violence de l'Inde moderne,que je regrette) pour les Dharma-Sûtra, la société devait "mettre en place toutes les conditions possibles pour favoriser un développement moral et spirituel de l'être humain et pour le conduire à travers les différentes étapes de l'existence et quelque soit son niveau social et psychologique, vers un bien suprême, le plus haut but de la vie humaine qui est appelé l'obtention du soi (âtma-lâbha), c'est-à-dire la réalisation de la nature essentiellement divine et immortelle de son être intérieur" (Tara Michaël). La société devait donc favoriser les moyens pour chacun de trouver son âme, son Atman (l'esprit pour Michel Fomaget) et non en être la répression sous des prétextes économiques ou idéologiques...

Avec l'âme, la vie ne peut être que poétique et la vie poétique c'est de percevoir l'essence (la "vérité") à chaque instant, ce que l'Ishâ Upanisad exprime si bien : "Voir que tout ce qui existe demeure en vérité en Soi, et que l'on est soi-même en tout ce qui existe, cela met un terme au désir de pensée."

La poésie commence (ou l'Intuition) quand s'arrête la pensée discursive qui fragmente et découpe la réalité, qui refoule ou néglige ce besoin d'unité. Comme l'écrit Yves Bonnefoy qui précise "La poésie est la mémoire de l'Un (...), la poésie est aussi la théologie de la terre"...

Et ce très bon choix des "Œuvres complètes" de Râmatîrtra, de mon ami Jacques Vigne, ce florilège, nous montre que Râmatîrtra était un "poète à l'air libre", que réalisation du Soi et poésie se rejoignent, que trouver son âme mène à la vie poétique, à la Joie sans objet de trouver son essence, son âme, en toute chose...

Il pouvait dire : "J'aime la terre et je sens sa vie comme une partie de moi. Ma seule prière, c'est le bonheur que j'aime."

"La Joie de se mêler avec soleil et brise ! Oh ! la Joie d'errer dans les profondeurs de la forêt céleste(...)"

"La brise qui nous embrasse et les rivières qui murmurent etc.. ne doivent pas être mises de côté comme des aides extérieures ; tout est en nous (...)"
Michel Jourdan, poète.

jeudi, septembre 25, 2014

Que faire ?


Tout «faire», toute activité nécessite un but. Cela commence par un concept venant du passé, qui ensuite est projeté dans un fantasme du futur. «Faire» ne peut jamais vous amener ailleurs que dans le connu ou dans ce qui a déjà été conceptualisé. Remontez à la racine de la pensée qui déclenche le «faire». Là, vous découvrirez la fin du voyage qui, en fait, n'a jamais commencé. «Faire» ne peut jamais vous amener à ce que vous êtes déjà. «Faire» vous en éloigne et ne vous en rapproche jamais.

Y a-t-il encore des désirs après l'Éveil ?

Avant l'Éveil, le désir doit être celui de l'Éveil. Cependant, ce n'est pas un vrai désir, c'est l'attraction du Soi. Et pour qu'un tel désir apparaisse, d'autres désirs doivent disparaître. Les désirs ordinaires doivent s'effacer afin de créer l'espace pour le vrai désir, le désir de l'Éveil.

Après l'Éveil, le Soi Réalisé est au-delà de la forme, au-delà des sens, et par conséquent il n'est pas affecté par des désirs ordinaires. Ceux-ci peuvent continuer d'apparaître, mais ils n'affectent en rien le Soi.

Un jour, Krishna se tenait au bord de la rivière lors d'une célébration religieuse. Toutes les laitières portaient leurs offrandes et désiraient traverser la rivière pour se rendre au temple situé sur l'autre rive. Mais il n'y avait aucun bateau ni aucun pont pour le faire.

Alors Krishna leur déclara : « Dites à la rivière que si Krishna n'a jamais embrassé de jeunes filles, elle s'ouvre pour leur laisser le passage. »

Les femmes ne pouvaient croire en ses paroles. On disait qu'il avait eu seize mille amantes. La rivière ne s'ouvrirait jamais ! Krishna ayant déjà embrassé chacune de ces femmes, elles ne pouvaient le croire. Pourtant, elles s'adressèrent à la rivière : » Si Krishna n'a jamais embrassé une femme, ouvre-toi pour nous. » Et la rivière s'ouvrit pour les laisser passer.

C'est parce que le Soi (Krishna représente le Soi véritable) est immaculé et hors du temps. Il n'a jamais embrassé ou été embrassé.

Je viens de voir le Dalaï-lama. Il a parlé des problèmes de ce monde et du besoin que chacun soit dans l'action juste. Qu'est-ce que l'action juste ?

Un être Éveillé ne tient pas compte du passé et de l'avenir. Aucune considération n'est donnée aux fruits de l'action. Plus précisément, l'action naît dans l'instant et vient du Vide. Les fruits se prendront en charge d'eux-mêmes.

Le Dalaï-lama s'adressait à l'homme ordinaire qui a besoin d'une morale pour guider ses actions. L'être Éveillé, lui, reconnaît que la morale est elle-même vide, comme l'est toute chose. Ainsi, l'action juste, la parole juste et le chemin des huit étapes de Bouddha peuvent être une conséquence du Vide, mais ne conduisent pas au Vide. Par conséquent, un chercheur de Vérité cherchera uniquement le Vide et tout le reste suivra.

Quelle pratique recommandez-vous alors ?

Aucune pratique. Laissez-moi vous donner un exemple. Un jour, une lavandière travaillait au bord de la rivière, quand une lionne apparut pour se désaltérer. Un chasseur, caché dans les buissons la
tua... Il ne voulait que sa peau. Tandis qu'il dépeçait le corps de l'animal, il en retira un lionceau et le laissa sur la berge.

La lavandière prit le nouveau-né, le nourrit et l'éleva. Le lionceau la suivait partout où elle allait. Lorsqu'il fut assez fort, la lavandière le chargea de linge, comme elle le faisait avec ses ânes. Ainsi, le lion grandit, ponant le linge sur son dos et fin traité comme s'il était un âne.

Un jour, un lion qui chassait dans les environs découvrit des ânes en train de brouter l'herbe dans un champ. Il ne pouvait en croire ses yeux... Parmi les ânes, un lion broutait de l'herbe !

« Comment est-ce possible ? pensa le lion. Les ânes sont normalement de la bonne nourriture pour un lion et en voilà un qui mange de l'herbe ! » Le lion sortit du buisson et se dirigea vers le troupeau. Tous les ânes s'enfuirent, ainsi que le lion apprivoisé. Ce dernier avait aussi peur que les ânes ! Le lion sauvage poursuivit le lion apprivoisé et l'attrapa. Il lui sauta dessus et le mit à terre.

Le lion apprivoisé était terrifié. « S'il vous plaît, Monsieur, ne me mangez pas ! Laissez-moi repartir et retrouver les miens. - Mais tu es un lion ! lui répondit l'autre. - Non, Monsieur, je suis un âne. » Alors, le lion chasseur le souleva et l'emmena à la rivière. « Regarde ton reflet, nous sommes identiques » dit-il. Le lion se regarda dans l'eau et vit deux lions qui le regardaient. « Rugis maintenant ! » dit le lion chasseur. Et le lion rugit !

C'est aussi simple que ça. Ne vous exercez pas à être un lion. Rugissez !

Mais Monsieur, combien de temps cela pend-il pour se réaliser ? Combien de temps dure l'enseignement ?

Aucun temps ! Combien de temps cela prend-il pour rugir ? Vous ouvrez la bouche et c'est fini !

Eli Jaxon-Bear, Satsang avec H.L.W. Poonja, « LE SECRET DE L'EVEIL ».


LE SECRET DE L'EVEIL
La transmission de Poonjaji

Ce livre présente au monde une avancée extraordinaire. Le plein éveil est possible ici et maintenant pour chacun, peu importent les circonstances personnelles, le passé ou la pratique à laquelle on s'adonne. C'est cette possibilité qu'offrent l'enseignement et la transmission de Sri H.W.L Poonja.

Beaucoup de chercheurs ont entrevu la Vérité à travers des pratiques psychédéliques, en méditant ou pendant des moments de grâce inattendus. Pourtant, par une compréhension erronée, ces moments sont assimilés par l'ego comme une expérience parmi tant d'autres. Une croyance ancrée nous fait croire qu'il n'est pas possible d'être pleinement Éveillé dans cette vie. Le secret de l'éveil, la transmission de Poonjaji révèle la possibilité de découvrir la véritable Liberté maintenant.

Aucune pratique, aucun délai ne sont nécessaires ! Voici l'offrande de Poonjaji à ce monde.

Swami H.W.L. Poonja fut un des êtres les plus remarquables qu'il m'ait été donné de rencontrer dans ma vie.
Charles Antoni



Extrait de l'avant-propos

Le 1er janvier 1990, j'ai quitté ma vie active et suis parti en quête de l'Illumination. Mon épouse et mes amis pensaient que j'étais fou, et puisque j'approchais de mes quarante-trois ans, ils mirent ce départ sur le compte de la crise de la quarantaine. Une irrésistible force me poussait, et bien que je ne connusse pas ma destination, ni ce que je découvrirais, je n'avais pas le choix. N'étant pas novice sur le chemin, j'avais certains critères en tête : couper définitivement le mental égotique et m'éveiller dans la réalité non-duelle.

Je suis de la génération qui découvrit les psychédéliques : les années soixante furent l'époque où, dans ma quête de liberté, j'expérimentai différents hallucinogènes. Grâce à cela, je découvris que «ma» réalité n'était qu'un rêve et fis l'expérience du Soi, Conscience immortelle. Pourtant, cela ne me suffisait pas, car la souffrance égotique subsistait. Et cette expérience, cette réalisation, fut rapidement absorbée par l'ego qui se l'appropria.

J'offris ma vie au service de la terre et de l'humanité et mis à l'épreuve mes convictions dans les mouvements pour la paix et la défense des droits civils. Je pensais que «je» devais faire quelque chose pour arrêter la souffrance du monde, mais constatai que ce quelque chose conduisait inéluctablement à la souffrance, et rien ne s'arrêtait.

A la suite d'une réelle ouverture de conscience, que beaucoup de personnes de ma génération expérimentèrent grâce aux psychédéliques, la première vague des gurus arriva en Amérique. Je suivis les aventures de Râm Dass avec Neem Karoli Baba et autres maîtres. J'aimais lire Rajneesh et Da Free John. Je découvris la Shakti et la Bhakti en présence de Muktananda.

Je n'aurais jamais cru possible qu'un état non-psychédélique pût être aussi puissant, et pourtant j'en faisais l'expérience. Cependant, je ne me sentis pas particulièrement attiré par la vie en ashram. De tous les gurus que je connaissais, de Sai Baba à Maharaji, je constatais, en voyant les disciples de leurs ashrams, qu'ils ne s'éveillaient pas, mais devenaient seulement des dévots.

Je ne cherchais rien d'autre que l'Illumination et quelqu'un qui pourrait directement me la transmettre. Aussi riches et réjouissants que puissent être les états de shakti, ils ne conduisaient pas à la pleine Réalisation du Soi, du moins pour moi-même ou quiconque que je connaissais.

Puis, la lecture de Carlos Castaneda, des travaux de Gurdjieff, d'Evans-Wentz et du Livre des morts tibétain m'attira vers le bouddhisme tibétain. En 1976, je partageais la lecture des livres d'Evans-Wentz sur le bouddhisme tibétain avec ma future épouse et je voulus rencontrer les véritables héritiers de cette lignée. C'est en 1978, dans notre petite ville de Californie, que je fis la connaissance de Kalu Rinpoche, maître de méditation de la lignée Kagyu. Il me confia plus tard la direction du centre Dharma. Nous faisions des pujas, méditations, chantions en tibétain... Mais là encore je restai insatisfait.

Au début des années quatre-vingts,je rencontrai le plus vieux maître zen de cette époque au Japon. Je l'appelais O'ji isan et l'aimais profondément. Je fis l'expérience d'un Éveil profond lors d'un séjour au monastère Saikoj en présence du maître des lieux. Je fus honoré par tous, et une grande fête qui dura toute la nuit fut organisée pour l'événement. Malheureusement, le même mental réapparut le lendemain et mon insatisfaction persistait. 


Biographie de l'auteur
Eli Jaxon-Bear est un enseignant spirituel et auteur américain. Il vit à Ashland, Oregon avec sa femme, Gangaji. Avant de rencontrer son Maître, Sri HWL Poonja, en 1990, il était surtout connu pour son travail sur la dimension spirituelle de l'Ennéagramme.








mercredi, septembre 24, 2014

GetEasy, la vérité




GetEasy (traduisez « Obtenez facilement ») est une escroquerie qui se développe particulièrement bien en France.

Malgré ses tentatives pour se présenter comme une entreprise «globale internationale », GetEasy est une chaîne de Ponzi (Ponzi scheme en anglais) c'est-à-dire un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants.

L'adresse de la société à Macao (20 / F, AIA Tour, 251A-301, Av. Comercial de Macao) est uniquement de nature virtuelle. Une recherche sur Google révèle que plusieurs autres entreprises utilisent cette même adresse. Ce sont des "bureaux virtuels" référencés par L'Executive Center du 20ème étage de la Tour de l'AIA.

Le nom de domaine de GetEasy "geteasygroup.com" (NDD en notation abrégée française ou DN pour Domain Name en anglais) a été enregistré de façon anonyme.

Les prétendues opérations commerciales effectuées depuis Macao n'existent pas, c'est un mensonge. L'adresse fournie sur le site Web GetEasy ne fonctionne pas avec Google Maps, même si plusieurs vidéos sur YouTube montrent un immeuble, le pseudo siège de GetEasy. Il s'agit en fait d'un montage utilisé pour duper les victimes de la chaîne de Ponzi nommée GetEasy.

GetEasy prétend vendre à grande échelle des services : tracker GPS, Bitcoin et GetMusic. C'est faux, GetEasy ne se livre pas à des activités commerciales légitimes pouvant générer un important chiffre d'affaires.

Une véritable activité commerciale fondée sur la vente de services, notamment de traçage par GPS, est introuvable sur Internet. En réalité, inviter les gens à rejoindre la société, puis à investir dans des «packs de participation» est la seule source de revenus que GetEasy génère.

Le succès de GetEasy démontre que les populations soumises au culte de l'argent font preuve d'une avidité incommensurable et d'un manque total de scrupule. Il révèle ainsi toute la médiocrité de la mentalité moderne.



samedi, septembre 20, 2014

Le gouvernement mondial selon le lamaïste français Matthieu Ricard



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Le 7 novembre 2011, invité à l'émission Service Public de France Inter, Matthieu Ricard, VRP du lamaïsme et apôtre de la méditation, déclare : « On doit en arriver à une gouvernance mondiale ». Dans son livre Plaidoyer pour l'altruisme, Matthieu Ricard développe sa vision politique.

Une démocratie informée et une méritocratie responsable

Comment faire en sorte que les peuples se donnent le meilleur gouvernement possible ? Comme l'a dit le Dalaï-lama après avoir « librement, joyeusement et fièrement » mis fin à quatre siècles de collusion entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel au sein de l'administration tibétaine en exil : « Le temps de la mainmise des dictateurs et des chefs religieux sur les gouvernements est révolu. Le monde appartient à 7 milliards d'êtres humains, et c'est eux et seulement eux qui doivent décider démocratiquement du sort de l'humanité. » Tels sont les propos qu'il a prononcés à maintes reprises depuis 2011, lorsqu'il abandonna les dernières prérogatives politiques qui étaient jusqu'alors associées à sa fonction, au terme d'un processus de démocratisation des institutions tibétaines qu'il entreprit dis son arrivé en exil sur le sol de l'Inde. « La démocratie, plaisantait Churchill, est le pire système de gouvernement, à l'exception de tous les autres qui ont été expérimentés. » Comment faire, en effet, pour que les décisions les meilleures pour l'ensemble de la population puissent émerger d'une immense masse d'individus qui n'ont pas toujours accès à un savoir leur permettant de décider en toute connaissance de cause ? Les dictateurs ont résolu la question en décidant pour tout le monde, et les chefs religieux en décidant selon les dogmes de leur religion respective. À de rares exceptions près, les premiers comme les seconds ont causé, et causent encore, d'incommensurables souffrances.

La plupart des tribus primitives [...] étaient de nature fondamentalement égalitaires. Lorsqu'elles se sont sédentarisées, ce sont généralement les individus considérés comme les plus sages, ceux qui avaient le plus d'expérience et qui avaient fait leurs preuves, qui étaient pris pour chefs. Le choix des dirigeants conciliait ainsi consensus et méritocratie. À mesure que ces communautés ont grandi, ont accumulé des richesses et se sont hiérarchisées, d'autres systèmes sont apparus, notamment la conquête brutale du pouvoir et la soumission des populations a l'autorité de potentats. L'histoire humaine a fini par montrer que la démocratie était la seule forme de gouvernement susceptible de respecter les aspirations d'une majorité de citoyens.

Mais comment éviter les dérives du populisme, des décisions hâtives prises en vue de satisfaire les demandes de ceux qui ne jugent les politiques qu'en fonction des avantages et des inconvénients à court terme ? Les politiciens assurent leur réélection en accédant à ces demandes et n'osent pas s'engager dans des réformes en profondeur dont les fruits ne seront pas récoltés immédiatement, et qui impliquent parfois des décisions impopulaires.

Les risques de la démagogie sont aujourd'hui particulièrement évidents dans le cas du déni du réchauffement global, très en vogue aux États-Unis, déni dont les arguments fondraient cent fois plus vite que les glaces de l'Arctique si la majorité de la population, des médias et des hommes politiques étaient mieux au fait des connaissances acquises par la science, et si ceux qui sont correctement informés étaient en mesure de prendre les décisions nécessaires à la prospérité à long terme de l'humanité. Il faut aussi que la science se plie moins aux exigences des marchés financiers qui l'éloignent de la production de connaissances au profit d'une valorisation économique de la recherche. La marchandisation de la science et de la médecine fait souvent passer les intérêts des laboratoires pharmaceutiques devant ceux des malades, et les intérêts des firmes agroalimentaires devant ceux des agriculteurs et des consommateurs.

L'Institut Berggruen pour la gouvernance, fondé par le philanthrope d'origine allemande Nicolas Berggruen, qui a décidé de consacrer sa fortune à l'amélioration des systèmes de gouvernance dans le monde, définit la « gouvernance intelligente » comme la réalisation d'un équilibre entre une méritocratie construite grâce à une série de choix effectués à différents niveaux de la société (des autorités locales aux responsables nationaux) et un processus démocratique qui permet aux citoyens d'empêcher les dérives potentielles du pouvoir vers la corruption, le népotisme, les abus et le totalitarismes.

Selon Nicolas Berggruen et l'éditorialiste politique Nathan Gardels, une démocratie informée implique une décentralisation maximale du pouvoir décisionnel, confiée à des communautés citoyennes actives dans les domaines relevant de leur compétence. Afin de gérer et d'intégrer ces pouvoirs interdépendants mais délocalisés, il faudrait, selon ces auteurs, mettre en place une instance politique fondée sur les compétences et sur l'expérience, qui dispose d'une vue d'ensemble sur le système et prenne les décisions sur les questions qui concernent le bien commun des citoyens. Cette instance constitue une méritocratie éclairée, protégée des pressions correspondant aux intérêts immédiats de certains groupes d'influence. Toutefois, pour rester légitime, cette instance doit être transparente, tenue de rendre des comptes, et son fonctionnement doit être surveillé par des représentants des citoyens, démocratiquement élus.

Berggruen et Gardels conçoivent une structure pyramidale qui encouragerait l'émergence, à chaque niveau de représentation, de communautés à taille humaine d'élus qui se connaissent et sont capables de juger de l'expérience et des capacités de leurs paire. Imaginons que ce système soit appliqué à un pays de 80 millions d'habitants. Le pays est divisé en 100 districts de 800 000 habitants. Chaque communauté de 2 000 habitants, constituant un «arrondissement» élit 10 délégués. Ceux-ci se rencontrent, délibèrent et élisent l'un des leurs, appelé à siéger dans un conseil de «secteur» composé de 20 membres représentant au total 40 000 habitants. Ceux-ci élisent à leur tour 1 représentant régional et 20 représentants régionaux élisent un député qui représente un district de 800 000 habitants et siège au Parlement national composé ainsi de 100 députés.

Les élus représentent ainsi des groupes qui, à différents niveaux, reflètent l'ensemble du corps électoral. Ce système est notamment utilisé en Australie et en Irlande. La différence avec l'élection directe de 1 député représentant 800 000 habitants est qu'à chaque niveau les personnes qui élisent celui qui les représentera au niveau supérieur se connaissent et sont à même d'apprécier de première main l'expérience, la sagesse et les capacités de la personne qu'ils élisent. À chaque niveau, les candidats doivent prouver qu'ils disposent de capacités (connaissances et expérience) proportionnelles au degré de responsabilité visé. Cette solution consiste donc à fragmenter le système politique en petites unités gérables, à taille humaine, chacune élisant celle qui lui est immédiatement supérieure.

Vers une fédération mondiale ?

De son côté, dans Demain qui gouvernera le monde ? Jacques Attali estime que le fédéralisme est la forme d'administration du monde qui a le plus de chances d'être efficace. Une gouvernante mondiale doit en effet posséder une dimension de supranationalité sans pour autant être centralisée. D'où le fédéralisme. «Le fédéralisme, précise Attali, obéit à trois principes : la séparation, qui consiste à répartir les compétences législatives entre gouvernement fédéral et gouvernements fédérés; l'autonomie, qui permet à chaque niveau de gouvernement d'être seul responsable dans son domaine de compétence; l'appropriation, grâce à laquelle les entités fédérées, représentées au sein des institutions fédérales et participant à l'adoption des lois fédérales, éprouvent un sentiment d'appartenance à la communauté et à ses règles, et ont la certitude de la capacité du centre de maintenir la diversité et le compromis. » En bref, conclut Attali :

Pour survivre, l'humanité doit même aller beaucoup plus loin que l'actuelle prise de conscience d'une vague «communauté internationale». Elle doit prendre conscience de l'unité de son destin, et d'abord de son existence en tant que telle. Elle doit comprendre que, rassemblée, elle peut faire beaucoup plus que divisée.

Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l'altruisme.

vendredi, septembre 19, 2014

De la servitude moderne



Épigraphe

Mon optimisme est basé sur la certitude que cette civilisation va s’effondrer. Mon pessimisme sur tout ce qu’elle fait pour nous entraîner dans sa chute.

La servitude moderne

"Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles."
William Shakespeare

La servitude moderne est une servitude volontaire, consentie par la foule des esclaves qui rampent à la surface de la Terre. Ils achètent eux-mêmes toutes les marchandises qui les asservissent toujours un peu plus. Ils courent eux-mêmes derrière un travail toujours plus aliénant, que l’on consent généreusement à leur donner, s’ils sont suffisamment sages. Ils choisissent eux-mêmes les maîtres qu’ils devront servir. Pour que cette tragédie mêlée d’absurdité ait pu se mettre en place, il a fallu tout d’abord ôter aux membres de cette classe toute conscience de son exploitation et de son aliénation. Voila bien l’étrange modernité de notre époque. Contrairement aux esclaves de l’Antiquité, aux serfs du Moyen-âge ou aux ouvriers des premières révolutions industrielles, nous sommes aujourd’hui devant une classe totalement asservie mais qui ne le sait pas ou plutôt qui ne veut pas le savoir. Ils ignorent par conséquent la révolte qui devrait être la seule réaction légitime des exploités. Ils acceptent sans discuter la vie pitoyable que l’on a construite pour eux. Le renoncement et la résignation sont la source de leur malheur. Voilà le mauvais rêve des esclaves modernes qui n’aspirent finalement qu’à se laisser aller dans la danse macabre du système de l’aliénation.

L’oppression se modernise en étendant partout les formes de mystification qui permettent d’occulter notre condition d’esclave.
Montrer la réalité telle qu’elle est vraiment et non telle qu’elle est présentée par le pouvoir constitue la subversion la plus authentique.
Seule la vérité est révolutionnaire

L’aménagement du territoire et l’habitat

« L’urbanisme est cette prise de possession de l’environnement naturel et humain par le capitalisme qui, se développant logiquement en domination absolue, peut et doit maintenant refaire la totalité de l’espace comme son propre décor. »

La Société du Spectacle, Guy Debord.

À mesure qu’ils construisent leur monde par la force de leur travail aliéné, le décor de ce monde devient la prison dans laquelle il leur faudra vivre. Un monde sordide, sans saveur ni odeur, qui porte en lui la misère du mode de production dominant.Ce décor est en perpétuel construction. Rien n’y est stable. La réfection permanente de l’espace qui nous entoure trouve sa justification dans l’amnésie généralisée et l’insécurité dans lesquelles doivent vivre ses habitants. Il s’agit de tout refaire à l’image du système : le monde devient tous les jours un peu plus sale et bruyant, comme une usine.

Chaque parcelle de ce monde est la propriété d’un État ou d’un particulier. Ce vol social qu’est l’appropriation exclusive du sol se trouve matérialisé dans l’omniprésence des murs, des barreaux, des clôtures, des barrières et des frontières… ils sont la trace visible de cette séparation qui envahit tout.

Mais parallèlement, l’unification de l’espace selon les intérêts de la culture marchande est le grand objectif de notre triste époque. Le monde doit devenir une immense autoroute, rationnalisée à l’extrême, pour faciliter le transport des marchandises. Tout obstacle, naturel ou humain doit être détruit.

L’habitat dans lequel s’entasse cette masse servile est à l’image de leur vie : il ressemble à des cages, à des prisons, à des cavernes. Mais contrairement aux esclaves ou aux prisonniers, l’exploité des temps modernes doit payer sa cage.

« Car ce n’est pas l’homme mais le monde qui est devenu un anormal. »
Antonin Artaud


La marchandise

« Une marchandise paraît au premier coup d’œil quelque chose de trivial et qui se comprend de soi-même. Notre analyse a montré au contraire que c'est une chose très complexe, pleine de subtilité métaphysique et d'arguties théologiques. »
Le Capital, Karl Marx

Et c’est dans ce logis étroit et lugubre qu’il entasse les nouvelles marchandises qui devraient, selon les messages publicitaires omniprésents, lui apporter le bonheur et la plénitude. Mais plus il accumule des marchandises et plus la possibilité d’accéder un jour au bonheur s’éloigne de lui.

« A quoi sert à un homme de tout posséder s’il perd son âme. »
Marc 8 ; 36

La marchandise, idéologique par essence, dépossède de son travail celui qui la produit et dépossède de sa vie celui qui la consomme. Dans le système économique dominant, ce n’est plus la demande qui conditionne l’offre mais l’offre qui détermine la demande. C’est ainsi que de manière périodique, de nouveaux besoins sont créés qui sont vite considérés comme des besoins vitaux par l’immense majorité de la population : ce fut d’abord la radio, puis la voiture, la télévision, l’ordinateur et maintenant le téléphone portable.

Toutes ces marchandises, distribuées massivement en un laps de temps très limité, modifient en profondeur les relations humaines : elles servent d’une part à isoler les hommes un peu plus de leur semblable et d’autre part à diffuser les messages dominants du système. Les choses qu’on possède finissent par nous posséder.

L’alimentation

« Ce qui est une nourriture pour l’un est un poison pour l’autre. »
Paracelse

Mais c’est encore lorsqu’il s’alimente que l’esclave moderne illustre le mieux l’état de décrépitude dans lequel il se trouve. Disposant d’un temps toujours plus limité pour préparer la nourriture qu’il ingurgite, il en est réduit à consommer à la va-vite ce que l’industrie agrochimique produit. Il erre dans les supermarchés à la recherche des ersatz que la société de la fausse abondance consent à lui donner. Là encore, il n’a plus que l’illusion du choix. L’abondance des produits alimentaires ne dissimule que leur dégradation et leur falsification. Il ne s’agit bien notoirement que d’organismes génétiquement modifiés, d’un mélange de colorants et de conservateurs, de pesticides, d’hormones et autres inventions de la modernité. Le plaisir immédiat est la règle du mode d’alimentation dominant, de même qu’il est la règle de toutes les formes de consommation. Et les conséquences sont là qui illustrent cette manière de s’alimenter.

Mais c’est face au dénuement du plus grand nombre que l’homme occidental se réjouit de sa position et de sa consommation frénétique. Pourtant, la misère est partout où règne la société totalitaire marchande. Le manque est le revers de la médaille de la fausse abondance. Et dans un système qui érige l’inégalité comme critère de progrès, même si la production agrochimique est suffisante pour nourrir la totalité de la population mondiale, la faim ne devra jamais disparaître.

« Ils se sont persuadés que l’homme, espèce pécheresse entre toutes, domine la création.
Toutes les autres créatures n’auraient été créées que pour lui procurer de la nourriture, des fourrures, pour être martyrisées, exterminées. »
Isaac Bashevis Singer

L’autre conséquence de la fausse abondance alimentaire est la généralisation des usines concentrationnaires et l’extermination massive et barbare des espèces qui servent à nourrir les esclaves. Là se trouve l’essence même du mode de production dominant. La vie et l’humanité ne résistent pas face au désir de profit de quelques uns.

La destruction de l’environnement

« C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain ne l’écoute pas. »
Victor Hugo

Le pillage des ressources de la planète, l’abondante production d’énergie ou de marchandises, les rejets et autres déchets de la consommation ostentatoire hypothèquent gravement les chances de survie de notre Terre et des espèces qui la peuplent. Mais pour laisser libre court au capitalisme sauvage, la croissance ne doit jamais s’arrêter. Il faut produire, produire et reproduire encore.

Et ce sont les mêmes pollueurs qui se présentent aujourd’hui comme les sauveurs potentiels de la planète. Ces imbéciles du show business subventionnés par les firmes multinationales essayent de nous convaincre qu’un simple changement de nos habitudes de vie suffirait à sauver la planète du désastre. Et pendant qu’ils nous culpabilisent, ils continuent à polluer sans cesse notre environnement et notre esprit. Ces pauvres thèses pseudo-écologiques sont reprises en cœur par tous les politiciens véreux à cours de slogan publicitaire. Mais ils se gardent bien de proposer un changement radical dans le système de production. Il s’agit comme toujours de changer quelques détails pour que tout puisse rester comme avant.

Le travail

Travail, du latin Tri Palium trois pieux, instrument de torture.

Mais pour entrer dans la ronde de la consommation frénétique, il faut de l’argent et pour avoir de l’argent, il faut travailler, c'est-à-dire se vendre. Le système dominant a fait du travail sa principale valeur. Et les esclaves doivent travailler toujours plus pour payer à crédit leur vie misérable. Ils s’épuisent dans le travail, perdent la plus grande part de leur force vitale et subissent les pires humiliations. Ils passent toute leur vie à une activité fatigante et ennuyeuse pour le profit de quelques uns.

L’invention du chômage moderne est là pour les effrayer et les faire remercier sans cesse le pouvoir de se montrer généreux avec eux. Que pourraient-ils bien faire sans cette torture qu’est le travail ? Et ce sont ces activités aliénantes que l’on présente comme une libération. Quelle déchéance et quelle misère !

Toujours pressés par le chronomètre ou par le fouet, chaque geste des esclaves est calculé afin d’augmenter la productivité. L’organisation scientifique du travail constitue l’essence même de la dépossession des travailleurs, à la fois du fruit de leur travail mais aussi du temps qu’ils passent à la production automatique des marchandises ou des services. Le rôle du travailleur se confond avec celui d’une machine dans les usines, avec celui d’un ordinateur dans les bureaux. Le temps payé ne revient plus.

Ainsi, chaque travailleur est assigné à une tache répétitive, qu’elle soit intellectuelle ou physique. Il est spécialiste dans son domaine de production. Cette spécialisation se retrouve à l’échelle de la planète dans le cadre de la division internationale du travail. On conçoit en occident, on produit en Asie et l’on meurt en Afrique.

La colonisation de tous les secteurs de la vie

« C’est l’homme tout entier qui est conditionné au comportement productif par l’organisation du travail, et hors de l’usine il garde la même peau et la même tête. »
Christophe Dejours

L’esclave moderne aurait pu se contenter de sa servitude au travail, mais à mesure que le système de production colonise tous les secteurs de la vie, le dominé perd son temps dans les loisirs, les divertissements et les vacances organisées. Aucun moment de son quotidien n’échappe à l’emprise du système. Chaque instant de sa vie a été envahi. C’est un esclave à temps plein.

La médecine marchande

« La médecine fait mourir plus longtemps. »
Plutarque

La dégradation généralisée de son environnement, de l’air qu’il respire et de la nourriture qu’il consomme ; le stress de ses conditions de travail et de l’ensemble de sa vie sociale, sont à l’origine des nouvelles maladies de l’esclave moderne.

Il est malade de sa condition servile et aucune médecine ne pourra jamais remédier à ce mal. Seule la libération la plus complète de la condition dans laquelle il se trouve enfermé peut permettre à l’esclave moderne de se libérer de ses souffrances.

La médecine occidentale ne connaît qu’un remède face aux maux dont souffrent les esclaves modernes : la mutilation. C’est à base de chirurgie, d’antibiotique ou de chimiothérapie que l’on traite les patients de la médecine marchande. On s’attaque aux conséquences du mal sans jamais en chercher la cause. Cela se comprend autant que cela s’explique : cette recherche nous conduirait inévitablement vers une condamnation sans appel de l’organisation sociale dans son ensemble.

De même qu’il a transformé tous les détails de notre monde en simple marchandise, le système présent a fait de notre corps une marchandise, un objet d’étude et d’expérience livré aux apprentis sorciers de la médecine marchande et de la biologie moléculaire. Et les maîtres du monde sont déjà prêts à breveter le vivant.

Le séquençage complet de l’ADN du génome humain est le point de départ d’une nouvelle stratégie mise en place par le pouvoir. Le décodage génétique n’a d’autres buts que d’amplifier considérablement les formes de domination et de contrôle.

Notre corps lui-aussi, après tant d’autres choses, nous a échappé.

L’obéissance comme seconde nature

« À force d’obéir, on obtient des réflexes de soumission. »
Anonyme

Le meilleur de sa vie lui échappe mais il continue car il a l’habitude d’obéir depuis toujours. L’obéissance est devenue sa seconde nature. Il obéit sans savoir pourquoi, simplement parce qu’il sait qu’il doit obéir. Obéir, produire et consommer, voilà le triptyque qui domine sa vie. Il obéit à ses parents, à ses professeurs, à ses patrons, à ses propriétaires, à ses marchands. Il obéit à la loi et aux forces de l’ordre. Il obéit à tous les pouvoirs car il ne sait rien faire d’autre. La désobéissance l’effraie plus que tout car la désobéissance, c’est le risque, l’aventure, le changement. Mais de même que l’enfant panique lorsqu’il perd de vue ses parents, l’esclave moderne est perdu sans le pouvoir qui l’a créé. Alors ils continuent d’obéir.

C’est la peur qui a fait de nous des esclaves et qui nous maintient dans cette condition. Nous nous courbons devant les maîtres du monde, nous acceptons cette vie d’humiliation et de misère par crainte.

Nous disposons pourtant de la force du nombre face à cette minorité qui gouverne. Leur force à eux, ils ne la retirent pas de leur police mais bien de notre consentement. Nous justifions notre lâcheté devant l’affrontement légitime contre les forces qui nous oppriment par un discours plein d’humanisme moralisateur. Le refus de la violence révolutionnaire est ancré dans les esprits de ceux qui s’opposent au système au nom des valeurs que ce système nous a lui-même enseignés.

Mais le pouvoir, lui, n’hésite jamais à utiliser la violence quand il s’agit de conserver son hégémonie.

La répression et la surveillance

« Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la place de l’homme juste est aussi en prison. »
La désobéissance civile, Henry David Thoreau

Pourtant, il y a encore des individus qui échappent au contrôle des consciences. Mais ils sont sous surveillance. Toute forme de rébellion ou de résistance est de fait assimilée à une activité déviante ou terroriste. La liberté n’existe que pour ceux qui défendent les impératifs marchands. L’opposition réelle au système dominant est désormais totalement clandestine. Pour ces opposants, la répression est la règle en usage. Et le silence de la majorité des esclaves face à cette répression trouve sa justification dans l’aspiration médiatique et politique à nier le conflit qui existe dans la société réelle.

L’argent

« Et ce que l’on faisait autrefois pour l’amour de Dieu, on le fait maintenant pour l’amour de l’argent, c’est-à-dire pour l’amour de ce qui donne maintenant le sentiment de puissance le plus élevé et la bonne conscience.»
Aurore, Nietzsche

Comme tous les êtres opprimés de l’Histoire, l’esclave moderne a besoin de sa mystique et de son dieu pour anesthésier le mal qui le tourmente et la souffrance qui l’accable. Mais ce nouveau dieu, auquel il a livré son âme, n’est rien d’autre que le néant. Un bout de papier, un numéro qui n’a de sens que parce que tout le monde a décidé de lui en donner. C’est pour ce nouveau dieu qu’il étudie, qu’il travaille, qu’il se bat et qu’il se vend. C’est pour ce nouveau dieu qu’il a abandonné toute valeur et qu’il est prêt à faire n’importe quoi. Il croit qu’en possédant beaucoup d’argent, il se libérera des contraintes dans lesquels il se trouve enfermé. Comme si la possession allait de paire avec la liberté. La libération est une ascèse qui provient de la maîtrise de soi. Elle est un désir et une volonté en actes. Elle est dans l’être et non dans l’avoir. Mais encore faut-il être résolu à ne plus servir, à ne plus obéir. Encore faut-il être capable de rompre avec une habitude que personne, semble-t-il, n’ose remettre en cause.

Pas d’alternative à l’organisation sociale dominante

Acta est fabula
La pièce est jouée

Or l’esclave moderne est persuadé qu’il n’existe pas d’alternative à l’organisation du monde présent. Il s’est résigné à cette vie car il pense qu’il ne peut y en avoir d’autres. Et c’est bien là que se trouve la force de la domination présente : entretenir l’illusion que ce système qui a colonisé toute la surface de la Terre est la fin de l’Histoire. Il a fait croire à la classe dominée que s’adapter à son idéologie revient à s’adapter au monde tel qu’il est et tel qu’il a toujours été. Rêver d’un autre monde est devenu un crime condamné unanimement par tous les médias et tous les pouvoirs. Le criminel est en réalité celui qui contribue, consciemment ou non, à la démence de l’organisation sociale dominante. Il n’est pas de folie plus grande que celle du système présent.

L’image

« Sinon, qu’il te soit fait connaître, o roi, que tes dieux ne sont pas ceux que nous servons, et l’image d’or que tu as dressé, nous ne l’adorerons pas. »
Ancien Testament, Daniel 3 :18

Devant la désolation du monde réel, il s’agit pour le système de coloniser l’ensemble de la conscience des esclaves. C’est ainsi que dans le système dominant, les forces de répression sont précédées par la dissuasion qui, dès la plus petite enfance, accomplit son œuvre de formation des esclaves. Ils doivent oublier leur condition servile, leur prison et leur vie misérable. Il suffit de voir cette foule hypnotique connectée devant tous les écrans qui accompagnent leur vie quotidienne. Ils trompent leur insatisfaction permanente dans le reflet manipulé d’une vie rêvée, faite d’argent, de gloire et d’aventure. Mais leurs rêves sont tout aussi affligeants que leur vie misérable.

Il existe des images pour tous et partout, elles portent en elle le message idéologique de la société moderne et servent d’instrument d’unification et de propagande. Elles croissent à mesure que l’homme est dépossédé de son monde et de sa vie. C’est l’enfant qui est la cible première de ces images car il s’agit d’étouffer la liberté dans son berceau. Il faut les rendre stupides et leur ôter toute forme de réflexion et de critique. Tout cela se fait bien entendu avec la complicité déconcertante de leurs parents qui ne cherchent même plus à résister face à la force de frappe cumulée de tous les moyens modernes de communication. Ils achètent eux-mêmes toutes les marchandises nécessaires à l’asservissement de leur progéniture. Ils se dépossèdent de l’éducation de leurs enfants et la livrent en bloc au système de l’abrutissement et de la médiocrité.

Les divertissements

« La télévision ne rend idiots que ceux qui la regardent, pas ceux qui la font. »
Patrick Poivre d’Arvor

Ces pauvres hommes se divertissent, mais ce divertissement n’est là que pour faire diversion face au véritable mal qui les accable. Ils ont laissé faire de leur vie n’importe quoi et ils feignent d’en être fiers. Ils essayent de montrer leur satisfaction mais personne n’est dupe. Ils n’arrivent même plus à se tromper eux-mêmes lorsqu’ils se retrouvent face au reflet glacé du miroir. Ainsi ils perdent leur temps devant des imbéciles sensés les faire rire ou les faire chanter, les faire rêver ou les faire pleurer.

On mime à travers le sport médiatique les succès et les échecs, les forces et les victoires que les esclaves modernes ont cessé de vivre dans leur propre quotidien. Leur insatisfaction les incite à vivre par procuration devant leur poste de télévision. Tandis que les empereurs de la Rome antique achetaient la soumission du peuple avec du pain et les jeux du cirque, aujourd’hui c’est avec les divertissements et la consommation du vide que l’on achète le silence des esclaves.

Le langage

« On croit que l'on maîtrise les mots, mais ce sont les mots qui nous maîtrisent. »
Alain Rey

La domination sur les consciences passe essentiellement par l’utilisation viciée du langage par la classe économiquement et socialement dominante. Étant détenteur de l’ensemble des moyens de communication, le pouvoir diffuse l’idéologie marchande par la définition figée, partielle et partiale qu’il donne des mots.

Les mots sont présentés comme neutres et leur définition comme allant de soi. Mais sous le contrôle du pouvoir, le langage désigne toujours autre chose que la vie réelle. C’est avant tout un langage de la résignation et de l’impuissance, le langage de l’acceptation passive des choses telles qu’elles sont et telles qu’elles doivent demeurer. Les mots travaillent pour le compte de l’organisation dominante de la vie et le fait même d’utiliser le langage du pouvoir nous condamne à l’impuissance.

Le problème du langage est au centre du combat pour l’émancipation humaine. Il n’est pas une forme de domination qui se surajoute aux autres, il est le cœur même du projet d’asservissement du système totalitaire marchand.

C’est par la réappropriation du langage et donc de la communication réelle entre les personnes que la possibilité d’un changement radical émerge de nouveau. C’est en cela que le projet révolutionnaire rejoint le projet poétique. Dans l’effervescence populaire, la parole est prise et réinventée par des groupes étendus. La spontanéité créatrice s’empare de chacun et nous rassemble tous.

L’illusion du vote et de la démocratie parlementaire

« Voter, c’est abdiquer. »
Élisée Reclus

Pourtant, les esclaves modernes se pensent toujours citoyens. Ils croient voter et décider librement qui doit conduire leurs affaires. Comme s’ils avaient encore le choix. Ils n’en ont conservé que l’illusion. Croyez-vous encore qu’il existe une différence fondamentale quant au choix de société dans laquelle nous voulons vivre entre le PS et l’UMP en France, entre les démocrates et les républicains aux États-Unis, entre les travaillistes et les conservateurs au Royaume-Uni ? Il n’existe pas d’opposition car les partis politiques dominants sont d’accord sur l’essentiel qui est la conservation de la présente société marchande. Il n’existe pas de partis politiques susceptibles d’accéder au pouvoir qui remette en cause le dogme du marché. Et ce sont ces partis qui avec la complicité médiatique monopolise l’apparence. Ils se chamaillent sur des points de détails pourvu que tout reste en place. Ils se disputent pour savoir qui occupera les places que leur offre le parlementarisme marchand. Ces pauvres chamailleries sont relayées par tous les médias dans le but d’occulter un véritable débat sur le choix de société dans laquelle nous souhaitons vivre. L’apparence et la futilité dominent sur la profondeur de l’affrontement des idées. Tout cela ne ressemble en rien, de près ou de loin à une démocratie.

La démocratie réelle se définit d’abord et avant tout par la participation massive des citoyens à la gestion des affaires de la cité. Elle est directe et participative. Elle trouve son expression la plus authentique dans l’assemblée populaire et le dialogue permanent sur l’organisation de la vie en commun. La forme représentative et parlementaire qui usurpe le nom de démocratie limite le pouvoir des citoyens au simple droit de vote, c'est-à-dire au néant, tant il est vrai que le choix entre gris clair et gris foncé n’est pas un choix véritable. Les sièges parlementaires sont occupés dans leur immense majorité par la classe économiquement dominante, qu’elle soit de droite ou de la prétendue gauche sociale-démocrate.

Le pouvoir n’est pas à conquérir, il est à détruire. Il est tyrannique par nature, qu’il soit exercé par un roi, un dictateur ou un président élu. La seule différence dans le cas de la « démocratie » parlementaire, c’est que les esclaves ont l’illusion de choisir eux-mêmes le maître qu’ils devront servir. Le vote a fait d’eux les complices de la tyrannie qui les opprime. Ils ne sont pas esclaves parce qu’il existe des maîtres mais il existe des maîtres parce qu’ils ont choisi de demeurer esclaves.

Le système totalitaire marchand

« La nature n’a créé ni maîtres ni esclaves, Je ne veux ni donner ni recevoir de lois. »
Denis Diderot

Le système dominant se définit donc par l’omniprésence de son idéologie marchande. Elle occupe à la fois tout l’espace et tous les secteurs de la vie. Elle ne dit rien de plus que : « Produisez, vendez, consommez, accumulez ! » Elle a réduit l’ensemble des rapports humains à des rapports marchands et considère notre planète comme une simple marchandise. Le devoir qu’elle nous impose est le travail servile. Le seul droit qu’elle reconnaît est le droit à la propriété privée. Le seul dieu qu’elle arbore est l’argent.

Le monopole de l’apparence est total. Seuls paraissent les hommes et les discours favorables à l’idéologie dominante. La critique de ce monde est noyée dans le flot médiatique qui détermine ce qui est bien et ce qui est mal, ce que l’on peut voir et ce que l’on ne peut pas voir.

Omniprésence de l’idéologie, culte de l’argent, monopole de l’apparence, parti unique sous couvert du pluralisme parlementaire, absence d’une opposition visible, répression sous toutes ses formes, volonté de transformer l’homme et le monde. Voila le visage réel du totalitarisme moderne que l’on appelle « démocratie libérale » mais qu’il faut maintenant appeler par son nom véritable : le système totalitaire marchand.

L’homme, la société et l’ensemble de notre planète sont au service de cette idéologie. Le système totalitaire marchand a donc réalisé ce qu’aucun totalitarisme n’avait pu faire avant lui : unifier le monde à son image. Aujourd’hui, il n’y a plus d’exil possible.

Perspectives

A mesure que l’oppression s’étend à tous les secteurs de la vie, la révolte prend l’allure d’une guerre sociale. Les émeutes renaissent et annoncent la révolution à venir. La destruction de la société totalitaire marchande n’est pas une affaire d’opinion. Elle est une nécessité absolue dans un monde que l’on sait condamné. Puisque le pouvoir est partout, c’est partout et tout le temps qu’il faut le combattre.

La réinvention du langage, le bouleversement permanent de la vie quotidienne, la désobéissance et la résistance sont les maîtres mots de la révolte contre l’ordre établi. Mais pour que de cette révolte naisse une révolution, il faut rassembler les subjectivités dans un front commun.

C’est à l’unité de toutes les forces révolutionnaires qu’il faut œuvrer. Cela ne peut se faire qu’à partir de la conscience de nos échecs passés : ni le réformisme stérile, ni la bureaucratie totalitaire ne peuvent être une solution à notre insatisfaction. Il s’agit d’inventer de nouvelles formes d’organisation et de lutte.

L’autogestion dans les entreprises et la démocratie directe à l’échelle des communes constituent les bases de cette nouvelle organisation qui doit être antihiérarchique dans la forme comme dans le contenu.

Le pouvoir n’est pas à conquérir, il est à détruire.

Épilogue

« O Gentilshommes, la vie est courte… Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur la tête des rois. »
William Shakespeare

Jean-François Brient

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La guerre contre l’Islam est-elle une phase de la guerre ultime : la Guerre contre le Christ ?

La doctrine de la « démocratie libérale et des droits de l’homme » est une crypto-religion, une forme extrême, hérétique de judaïsme christ...