dimanche, juin 30, 2013

Le Nirvana





Nirvana signifie extinction ou plus exactement l'action d'un souffle qui passe sur une flamme et l'éteint. Telle est la raison pour laquelle les premiers traducteurs d'Occident ont conclu trop hâtivement au nihilisme du Bouddhisme.

Certes, le terme Nirvana signifie extinction mais encore faut-il voir exactement ce qui s'éteint ! Le Nirvana est l'extinction de la flamme du processus du « moi » à laquelle nous avons fait allusion assez fréquemment. C'est aussi la cessation de l'ignorance, ce maillon de base de la chaîne des origines interdépendantes. (Pratityasamûtpada.)

« L'anéantissement du désir, l'anéantissement de la haine, l'anéantissement de l'égarement, voilà, ami, ce que l'on appelle le Nirvana », est-il dit dans le Samyutta Nikaya.

Lorsque cessent les fausses identifications engendrées par l'ignorance et les tensions inhérentes à l'avidité de devenir, nous nous intégrons dans la nature profonde des choses.

L'expérience du Nirvana ne consacre pas la réalisation d'un désir subtil du « moi ». Son accomplissement a pour conditions « sine qua non », l'élimination de tout désir, de toute attente, de tout « a priori » mental, de toute représentation imaginative.

Nirvâna n'est pas un état surnaturel, surhumain. Il est la plénitude de l'humain. Nirvana est l'état normal de l'esprit affranchi de tous ses conditionnements égoïstes d'attachement, de convoitise, d'ambitions.

Dans cet état nous n'avons pas atteint une réalité qui nous est extérieure, nous n'avons pas acquis de nouveaux biens. Nous nous sommes simplement révélés à nous-mêmes dans la plénitude de ce que nous sommes.

« Entre le Nirvâna et le Samsara, il n'existe pas la moindre différence, nous dit Chandrakirti. Il faut comprendre que rien n'est supprimé, rien n'est vraiment anéanti dans le Nirvana. Le Nirvana consiste simplement dans la suppression complète de toutes les constructions erronées de notre imagination.»

Lorsque notre mental se dépouille de ses fausses accumulations, il se transmue en une intelligence pure n'ayant aucune commune mesure avec l'intellectualité ordinaire. Lorsque notre cœur se libère des attachements et des limitations de l'égoïsme et de l'identification, seule subsiste la plus haute forme de l'amour. Mais le Nirvana dépasse les distinctions de l'amour et d'intelligence. Ces deux tendances, pour nous distinctes et séparées, s'intègrent dans une seule et même apothéose, qui se renouvelle d'instant en instant, de toute éternité. Telles sont les raisons pour lesquelles nous considérons que le Nirvana n'apporte pas la déshumanisation de l'humain mais consacre la plénitude de son accomplissement. Seul est digne du nom d'homme, celui qui répond fidèlement aux exigences de son essence la plus profonde et la plus réelle. « II n'y a plus alors, à proprement parler, ni mémoires, ni pensée, ni effort, mais un fonctionnement total, un mouvement intérieur simple et indécomposable, un écoulement d'énergie qui s'effectue de lui-même sans arrêt et sans obstacle. Il devient superflu de rechercher ce qui, dans ce flot, d'où se détachent à chaque instant des actions externes, appartient à l'émotion ou procède de la pensée. » (R. Fouéré, De l'acte complet, ibid., p. 208)

Nirvana est l'état d'innocence suprême, l'état sans ego. En Nirvana se révèle la félicité existentielle du Dharmakaya ou « Corps de Vérité ».

Robert Linssen


Thich Nhat Hanh

Nous avons beau savoir que la vie est véritablement précieuse, nous n'arrivons pas toujours à l'apprécier à sa juste valeur. Souvent même, la peur d'être confronté au néant total au moment de la mort nous empêche de profiter de l'instant présent. Afin de dépasser cette angoisse, le vénérable Thich Nhat Hanh nous conduit à un examen minutieux de la mort, de la peur et de la nature de l'existence, dans la grande lignée des moines bouddhistes et de leur enseignement depuis deux mille cinq cents ans. L'auteur rend cette sagesse et sa mise en pratique accessible à tous en explorant les mythes traditionnels relatifs à notre manière de vivre et de mourir. En comprenant qu'il n'y a ni naissance ni mort, mais juste une continuation, nous serons libérés de la peur et nous pourrons enfin vivre pleinement notre vie.

jeudi, juin 27, 2013

Été 2013, la révolution des Lys noirs ?




Le Lys Noir et son supplément mensuel La Revue de l'Arsenal sont les organes du Mouvement du 6 mai, (M6M), organisation de propagande chargée de diffuser un appel aux militaires dans une perspective de révolution des Œillets à la française.

Contrairement aux militaires portugais qui ont fait chuter le régime autoritaire instauré en 1933, les « Lys noirs » sont antidémocratiques. Dans l'éventualité d'un putsch, auront-ils le soutien des Français de plus en plus nombreux à être séduits par les voix qui dénoncent les méfaits de la ploutocratie socialo-maçonnique ?



Le bel été qui pourrait venir


par Polioute du Lys Noir



« Imaginons. Les Français sont en vacances, le gouvernement l'est plus ou moins. Les touristes ont envahi Paris. Pour autant, la pression mise par les antimariage gay ne descend pas. Non, l'air dans Paris est électrique, les policiers sont anxieux. François Hollande a énervé tout le monde. A tel point, qu'il ne se trouve plus guère que les encartés au PS pour le défendre, c'est dire si c'est peu.

Un beau matin, les Français se réveillent, ils écoutent la radio pour en savoir davantage sur le Tour de France, allument leur télé, et là... surprise, dans la nuit, des militaires ont soulagé Hollande de ce pouvoir qui l’accablait. Ils l'ont remplacé par un gouvernement d'Union nationale des eurosceptiques.

Après tout, on s'y attendait à ce coup, on l'attendait même, avec impatience. Il a même un peu tardé à venir. Enfin, enfin. Les touristes posent avec les militaires dans Paris. Les simples soldats putschistes sont interviewés. Le plus sympa fait déjà le buzz sur Youtube. Ah décidément, qu'est-ce qu'on est mieux maintenant. Y avait pas besoin de respecter ce fichu Etat de droit démocratique, avec lequel nous bassinaient les faux opposants du système. Les voilà, eux, qui courent après les journalistes, mais leur temps est fini désormais. Les Copé, les Harlem Désir sont dans leurs sièges de parti, comme Pu Yi dans sa cité interdite. Les gens ne les ont pas oublié, mais ils sont dépassés.

En cet été 2013, les Français ont enfin retrouvé le sourire. Sauf les Antifas. C'est normal. Pourtant, ce jour d’été ils sont tous partis promener leur crasse et leurs chiens jaunes à Avignon... Paris au mois d’août, c’est pas leur truc, aux antifas..

A la télévision on entend un jeune officier dire : « le problème ne se trouve pas tant chez les quelques Antifas boutonneux qui sortent crier des slogans à deux balles, mais plutôt dans les média qui leur font une pub si gentille. » C’est bien vrai !

L’officier continue : « Pour remédier à cela, il faudra appliquer la méthode Bachar El-Assad. Ces Antifas devront être traités comme de vulgaires terroristes, ce qui est tout de même moins attirant. C’est pourquoi, en même temps que les bâtiments du pouvoir, nous n’avons pas oublié de neutraliser les grands média ! ».

Entendant cela, à Avignon, les Antifas se grattent leurs poux...

Seront-ils donc assez bêtes pour foncer au combat à main nue , tout de suite, en resquillant un TGV afin de partir restaurer le système renversé ? Ne passeraient-ils pas alors pour les défenseurs d'un monde vomi, y compris par eux-mêmes quand ils y songent ?

Le soir du coup de force à Paris tout est calme. C’est seulement un peu le 14 juillet qui continue... Les parisiens tournent autour des chars pour s’apercevoir finalement que ce sont de belles et puissantes machines... Dans les campings de France, les gens sont heureux et exultent.. On boit à la santé des militaires... Ah ces braves petits gars que leurs officiers ont conduit vers une victoire facile ! En plus l’apparition télévisuelle de Hollande en slip, bredouillant entre deux colosses à bérets rouges, a eu partout le meilleur effet comique sur les gens...

Aussi, camarade du Lys Noir, tout au long de cet été qui commence demain... Penses-y !

Il serait bon que notre coup d’Etat militaire salvateur arrive cet été ! Oui, ce serait bien... »

Polioute, le 20 juin 2013.

Source :

lundi, juin 24, 2013

Être laïque ou devenir moine ?



Le Vimalakîrtinirdesha sutra est un important texte du bouddhisme Mahâyana qui connut une influence particulièrement grande en Chine et au Japon. Il offre une illustration de la philosophie bouddhique du salut et des applications pratiques de la connaissance de la vacuité de l'existence. Ce texte est particulièrement apprécié dans le zen.

« Si le Vimalakîrtinirdesha Sutra eut un tel impact en Chine et s'intégra si étroitement au patrimoine culturel chinois, c'est en grande partie parce qu'il préconisait un Eveil compatible avec les difficultés du monde sans passer par un statut de religieux. La Chine avait « une dent » contre la sangha bouddhiste et contre l'état de moine qui lui semblait contre nature. Si, dans le fond, nous sommes tous moines (de monos « être seul »), dans les formes, l'état laïque n'a jamais été une entrave absolue. Prenez le banquier, chef de famille et homme responsable, Vimalakîrti. Pour lui, la voie authentique consistait à atteindre l'Eveil sans éliminer souillures, corruptions et désirs (klesha). Dans les textes, Vimalakîrti est qualifié d'avadâtâvâsana (porteur de l'habit blanc du laïque) et en même temps de shramanâcaritasampanna (observant la conduite d'un religieux). En chinois, ju shi signifie maître de maison, gentilhomme retiré, équivalent d'upâsaka pour disciple laïque bouddhiste. Vimalakirti était donc capable de répondre aux sollicitations de la vie sans se laisser perturber. Il résolvait par sa vie même et son enseignement le dilemme entre dong et jing, c'est-à-dire entre activisme et quiétisme. C'est une des raisons essentielles qui fit que son message eut une telle répercussion dans l'empire du Milieu.

Une ou deux anecdotes sur Vimalakirti :

Comme l'on sait, par artifice salvifique, Vimalakîrti se déclara un jour malade. Le Bouddha fit envoyer les uns après les autres ses meilleurs disciples pour prendre des nouvelles mais chacun refusa, prétextant qu'il n'était pas capable d'aller interroger ce saint homme. Seul Mañjushri s'y décida. Vimalakîrti, peu avant cette visite, vida sa maison, expulsa les lits, les meubles, les domestiques et le portier. Il ne laissa qu'un lit. Interrogé, il dévoila alors à son visiteur que « la maladie c'est la Vacuité », « le fondement de la maladie est la saisie de l'objet ». « Mañjushri, la maladie des êtres, voilà précisément l'élément qui me rend malade de moi-même ! » A la question : « Comment détruire cette maladie ? », il répondit : « En détruisant la croyance au moi et la croyance au mien. »

Lorsque le bodhisattva Sarvarûpasamdarshana demanda à Vimalakîrti qui était son père, sa mère, son épouse, ses fils, ses filles... il rétorqua qu'ils étaient, upâyakaushalya (habileté en moyens de libération), prañapâramitâ (perfection de sagesse), dharmapramudita (la joie de la loi), dharma et satya (loi et vérité), maitri et karuna (bienveillance et compassion)... Voilà encore quelques affirmations qui rappellent les assertions chan — on pense aux dits de Lin Ji — et en effet, le chan est un des dignes successeurs de l'esprit de Vimalakîrti. Ce stratagème, cette façon de surprendre, on les retrouve chez Zhuang Zi (Tchouang-tseu). Ce dernier raconte une histoire où un visiteur, après sept jours et sept nuits de marche, se présente chez Lao Tan (Lao Zi) pour quérir un enseignement. Celui-ci sans désemparer lui demande pourquoi il a amené avec lui une caravane (de choses et de gens) aussi considérable. Le visiteur, étant venu sans rien, hésite, jusqu'à en oublier même les motifs de sa venue.., puis finit par comprendre. Lao Zi put alors lui transmettre son enseignement.

Il existe une théorie tibétaine, provenant de l'ouvrage Samdan migdron rédigé par le maître Nubqen Sangyas Yexes, qui différencie les lignages bouddhiques en trois catégories : ceux du renoncement, de la transformation et de l'autolibération. La première concernerait les lignages « sûtriques » (theravâda, mahâyâna), la seconde les lignages tantriques, la troisième le dzogchen.

Cette classification correspond bien à une réalité car il y a effectivement une différence dans les approches et méthodes de ces voies. Nous pensons pourtant que chacune d'entre elles possède sa propre quintessence : ainsi le chan pour les voies sûtriques et l'anu-yoga pour les voies tantriques, le dzogchen ou anu-yoga étant à lui-même son propre achèvement.

Si nous insistons sur ce sujet, c'est parce que le chan se trouve confiné, injustement à notre avis, dans la première catégorie. Le chan, confluence de taoïsme et de bouddhisme, ne s'arrête ni à la vacuité, ni au non-désir, certainement pas à la renonciation ni même à la compassion, encore moins à l'éradication d'un ego inexistant ou à la non-pensée. L'« homme sans affaires » de Yi Xuan, l'« humain véritable » de Zhuang Zi, l'« homme ordinaire » du Tao et du chan, n'est pas plus moine que laïque, ne renonce à rien, ne transforme ou ne fuit rien, il entre en coïncidence. »

Yen Chan


Le Soûtra de la liberté inconcevable

Abondamment cité dans les traités philosophiques déclenchés par le vide bouddhique, le Vimalakîrti est un grand roman poétique à la gloire de l'irréalité - donc de l'absence de problème - non seulement du moi mais de toute substance. Rien d'ignoblement, de déliramment nombriliste comme souvent dans le nihilisme à l'européenne. Justement pas ! Aux héros démesurés d'incarner l'exact contraire de la petitesse de ce qui n'est pas infiniment grand ! Jongleurs atemporels, montreurs de vertiges, magiciens des sens toujours offerts aux farces de l'appropriation : aux héros d'incarner les bienfaits de la claire vacuité !

Ce soûtra émane essentiellement d'un autre grand personnage que le bouddha historique, Vimalakîrti ; ce texte, l'un des plus célèbres et des plus étudiés du bouddhisme, est ici traduit de sa version chinoise de 406."

dimanche, juin 23, 2013

Monachisme thaïlandais : luxe & pédophilie




« Deux moines bouddhistes ont été arrêtés pour avoir fourni un garçon de 14 ans au supérieur d'un temple qui aurait abusé de lui sexuellement, a indiqué la police thaïlandaise mercredi, dernier scandale en date impliquant le clergé du royaume. Les deux hommes, qui ont nié être au courant des abus, risquent jusqu'à quinze ans de prison, a précisé Wirachon Bunthawile, colonel de la police à Chiang Mai (nord). 

95% des Thaïlandais sont bouddhistes 

«Le supérieur est toujours au temple et nous attendons un mandat d'arrêt contre lui», a-t-il ajouté. Selon les témoignages de la victime présumée et d'un chauffeur, les deux moines, âgés de 20 et 23 ans, auraient emmené le garçon voir le supérieur du temple du district de Chiang Dao, dans la province de Chiang Mai, plusieurs fois depuis février, a indiqué la police.

L'affaire intervient alors que la diffusion d'une vidéo montrant trois moines bouddhistes, censés vivre détachés des tentations du quotidien, dans un jet privé avec des objets de grande marque, a fait scandale. Quelque 95% des Thaïlandais sont bouddhistes pratiquants, soit l'un des taux les plus élevés du monde. Et le clergé a été frappé par une série d'affaires impliquant des moines, les médias locaux rapportant notamment des cas d'usage de drogue, d'ivresse, de paris et de recours à des prostituées. »

Source :
http://www.20minutes.fr/societe/1176495-20130619-thailande-deux-moines-bouddhistes-arretes-pedophilie


Les yourtes seront-elles interdites ?



Les rituels des lamas tibétains sont-ils efficaces pour exorciser les démons anti-yourte de l'administration française ?

« Les trois familles habitant en yourtes depuis 2007, à Bussière-Boffy, en Haute-Vienne, ont été condamnées par la Cour d'appel de Limoges du 14 juin 2013, à la démolition de leurs habitats d'ici trois mois, avec une astreinte de 75 € par jour et par yourte, et une amende totale de 4 340 €.

Face à l'indignation générale, les familles condamnées ont décidé de se pourvoir en cassation afin de faire reconnaître leurs droits ainsi que la légitimité de cet habitat écologique et sa fonction sociale, notamment en zone rurale. Ce pourvoi suspend l'application des peines. »


Vivre en yourte : un choix de liberté
Sylvie Barbe

Il était une fois une femme rêvant de liberté, qui décida de tout quitter pour vivre simplement sous une tente fabriquée de ses mains. 

Pionnière des yourtes, elle s'installe dans les années 1990 dans les Cévennes. Défricheuse d'un mode de vie sobre et autonome, elle fait rapidement des émules, mais se heurte à des obstacles : elle dévoile ici ses déboires au camp de yourtes, aux prises avec les spéculateurs, les potentats locaux, le voisinage, l'intolérance, et affirme son bonheur d'avoir réussi à incarner son rêve d'intégrité et de cohérence. Elle rend hommage aux humbles en démontrant comment la yourte peut sauver du désespoir et restaurer la dignité.

Hymne écoféministe à la simplicité volontaire, ce témoignage d une femme rebelle à l'ordre dominant défend le droit à l'auto-construction, à l'auto-subsistance, aux énergies autonomes et renouvelables, le respect de la nature, la non-coopération au consumérisme, la non-violence, la poésie, le droit à la colère, le devoir d'alerte... C'est ainsi qu'un chemin vers l'éveil est tracé.



vendredi, juin 21, 2013

La grande Voie n’a rien de difficile


par Arnaud Desjardins


Fête de la musique : Indian Percussion.

En lisant, lors de sa parution en 1970, dans la revue Hermès, volume 7, la traduction du Sin-sin-ming écrit par Seng-Ts'an, troisième patriarche du Tch'an après Boddhidharma, je fus frappé par la similitude de cet enseignement avec celui du vedanta tel que je le découvrais à travers un maître bengali, Swâmi Prajnânpad.

1. La grande Voie n’a rien de difficile, mais il faut éviter de choisir! Soyez libéré de la haine et de l’amour : elle apparaîtra alors dans toute sa clarté!

La grande Voie n'a rien de difficile mais il faut éviter de choisir. Signalons tout d'abord que la tradition du Tch'an ou du zen se caractérise par un extrême dépouillement si on la compare aux méthodes beaucoup plus complexes offertes par certaines traditions et qui peuvent paraître d'un abord difficile, comme le bouddhisme tantrique tibétain par exemple avec son symbolisme ardu des différentes divinités. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que la grande voie est parfaitement simple. Elle peut paraître difficile parce que le mental, lui, n'est que complexité. Mais la voie en elle-même, si le mental n'était pas empêtré dans ses contradictions et ne sécrétait pas sans arrêt des doutes, serait aisée.

Or, aussi étrange que cela puisse paraître pour nous qui sommes imprégnés de l'idée du libre arbitre et donc de celle du « choix » qui en découle, le grand facteur de complication du mental, c'est sa capacité à « choisir » en fonction de ses opinions et conceptions subjectives enracinées dans l'inconscient. C'est pourquoi il est dit : Il faut éviter de choisir. Cette formulation ne peut être que déroutante pour les Occidentaux modernes que nous sommes, imbus de leurs opinions, qui ont fondé leur existence sur un prétendu libre choix. « Je choisis le bien contre le mal. » Et, à partir de là, on peut se griser de belles paroles. Lors de la révolution russe, les bolcheviques ont choisi le bien contre le mal, mais les chrétiens orthodoxes dont les conceptions étaient diamétralement opposées choisissaient aussi, de leur côté, le bien contre le mal. La grande Voie consiste en une vision lucide de la réalité telle qu'elle est, sans prendre parti, sans « choisir ». Cela n'exclut pas l'action, la réponse appropriée à la situation, pourvu que cette action libre et spontanée ne découle pas d'opinions, de parti pris et de préjugés qui l'entachent.

On peut donner un sens encore plus précis à cette parole : « Il faut éviter de choisir. » Nous avons pris l'habitude, depuis l'enfance, de choisir la moitié heureuse de l'existence et de refuser la moitié douloureuse, de rechercher ce que nous considérons comme agréable et de fuir ce que nous considérons comme pénible : nous ne connaissons donc qu'une moitié de l'existence, nous n'avons que la moitié des données du problème. Swâmi Prajnânpad disait : « Do you want half life or full life? » voulez-vous la moitié de la vie ou la vie totale ? – et aussi « Can you miss the fullness of life? », pouvez-vous manquer la plénitude de la vie?

Soyez libéré de la haine et de l'amour et elle apparaîtra dans toute sa clarté. A première vue, cette affirmation n'est pas compréhensible. Nous sommes d'accord pour penser qu'il faut être libéré de la haine mais surtout pas être libéré de l'amour. En vérité, quel sens donnons-nous au mot « amour »? Il s'agit bien sûr ici du dépassement des émotions pour atteindre une vision qui n'a pas de contraire. Le Sin-sin-ming dans son intégralité nous invite à la vérité suprême, une vérité « non duelle » située au-delà de l'amour ordinaire qui n'est que l'opposé de la haine, du bonheur qui est simplement l'inverse de la souffrance. On pourrait traduire par : « Soyez libéré de l'attraction et de la répulsion », restez au centre, dans l'axe, avec cette vision nouvelle, révolutionnaire de la réalité qui n'est plus appréhendée d'un point de vue dualiste.

2. S’en éloigne-t-on de l’épaisseur d’un cheveu, c’est comme un gouffre profond qui sépare le ciel et la terre. Si vous désirez la trouver, ne soyez ni pour ni contre!

Le ciel et la terre, dans toutes les traditions, ont à peu près le même sens symbolique. « Que Ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel. » Les Évangiles sont fondés sur la reconnaissance d'un niveau ciel et d'un niveau terre, tout en proposant que s'efface cette séparation entre le ciel et la terre. Le Royaume des Cieux est « au-dedans de nous », donc est déjà ici-bas, sur cette terre. Et pourtant il existe bien deux niveaux : le niveau terre livré au Prince de ce Monde (ici, je n'utilise plus la formulation chinoise mais le langage évangélique) et le niveau ciel. S'en éloigne-t-on de l'épaisseur d'un cheveu, c'est comme un gouffre profond qui, de nouveau, sépare le ciel et la terre. Si, au lieu d'être libéré de l'attraction et de la répulsion, on réintroduit les polarités « agréable-désagréable », « j'aime-je n'aime pas », un gouffre profond sépare le ciel – la paix, la sérénité, la compréhension, la certitude, l'amour immuable – et la terre – la contradiction, la peur, le désir, la frustration. Autrement dit, l'adhésion à la réalité telle qu'elle est, composée de ce que nous aimons et de ce que nous n'aimons pas, doit être une adhésion à cent pour cent. Une adhésion à quatre-vingt-dix-neuf pour cent laisse « l'épaisseur d'un cheveu » entre la vérité et nous. Et un gouffre profond, de nouveau, sépare le « ciel » auquel nous aspirons et la « terre » avec son cortège de souffrances et son lot d'insécurité.

Si vous désirez la trouver (la grande Voie), ne soyez ni pour ni contre rien! Là encore, je sais bien, en tant qu'Occidental, combien cette proposition est inhabituelle pour la mentalité moderne qui consiste à être toujours pour ou contre quelque chose. Si vous êtes pour la Droite, vous êtes contre la Gauche; si vous êtes pour la liberté des mœurs, vous êtes contre le Vatican. Et l'intelligence, ou plutôt le mental, a, dans ces domaines, des arguments qui nous paraissent tout-puissants, impossibles à mettre en cause. « Je suis médecin, Monsieur, vous me permettrez de mettre l'homéopathie en doute. » « Je suis médecin, Monsieur, bien placé pour savoir l'efficacité de l'homéopathie. » Justement, parce que ces enseignements sont scandaleuse-ment inhabituels, il est intéressant de constater qu'au 7ème siècle un texte venu jusqu'à nous comme un des plus importants pour tout l'Extrême-Orient (non seulement la Chine mais aussi la Corée et le Japon) disait en chinois ce que le vedanta enseigne aussi : ne soyez ni pour ni contre rien.

De nouveau, nous retrouvons l'attraction et la répulsion, la dualité fondamentale entre ce que j'aime et ce que je n'aime pas, ce que je veux et ce que je refuse. Et c'est vrai que le sage n'est ni pour ni contre rien. S'il est malade, il se soigne, bien sûr, mais à partir de cette neutralité, de cette équanimité, qui nous est tellement incompréhensible dans un monde où la vie consiste à prendre parti – et prendre parti émotionnellement. 




SIN SIN MING

La grande Voie n’a rien de difficile,
Mais il faut éviter de choisir !
Soyez libéré de la haine et de l’amour :
Elle apparaîtra alors dans toute sa clarté !

S’en éloigne-t-on de l’épaisseur d’un cheveu,
C’est comme un gouffre profond qui sépare le ciel et la terre.
Si vous désirez la trouver,
Ne soyez ni pour ni contre rien !

Le conflit entre le pour et le contre,
Voici la maladie de l’âme !
Si vous ne connaissez pas la profonde signification des choses,
Vous vous fatiguerez en vain à pacifier votre esprit.

Aussi parfaite que le vaste espace,
Rien ne manque à la Voie, rien ne reste hors d’elle.
A accueillir et à repousser les choses,
Nous ne sommes pas comme il faut.

Ne pourchassez pas le monde soumis à la causalité,
Ne vous attardez pas dans une Vacuité excluant les phénomènes !
Si l’esprit demeure en paix dans l’Un,
Ces vues duelles disparaissent d’elles-mêmes.

Quand l’activité cesse et que la passivité prévaut,
Celle-ci à son tour n’en est que plus active.
Demeurant dans le mouvement ou la quiétude,
Comment pourrions-nous connaître l’Un ?

A ne pas comprendre l’unité de la Voie,
Le mouvement et la quiétude conduisent à l’échec.
Si vous vous arrachez au phénomène, celui-ci vous engloutit ;
Si vous poursuivez le vide, vous lui tournez le dos.

Plus nous parlons et plus nous spéculons,
Plus nous nous éloignons de la Voie.
Supprimant tout discours et toute réflexion,
Il n’est point de lieu où nous ne puissions aller.

Retournez à la racine : vous obtiendrez le sens ;
Courez après les apparences vous vous éloignerez du principe.
Si, pour un bref instant, nous retournons notre regard introspectivement,
Nous dépasserons le vide des choses de ce monde.

Si ce monde nous paraît sujet à des transformations,
C’est en raison de nos vues fausses.
Pas besoin de chercher la vérité ;
Il suffit de mettre fin aux vues fausses.

Ne vous attachez pas aux vues duelles ;
Évitez soigneusement de les suivre.
S’il y a la moindre trace de oui ou de non,
L’esprit se perd dans un dédale de complexités.

La dualité existe en raison de l’unité,
Mais ne vous attachez pas à cette unité.
Quand l’esprit s’unifie sans s’attacher à l’un,
Les dix mille choses sont inoffensives.

Si une chose ne nous offense pas, elle est comme inexistante ;
Si rien ne se produit, il n’est point d’esprit.
Le sujet disparaît à la suite de l’objet ;
L’objet s’évanouit avec le sujet.

L’objet, c’est par le sujet qu’il est objet ;
Le sujet, c’est par l’objet qu’il est sujet.
Si vous désirez ce qu’ils sont dans leur dualité illusoire,
Sachez qu’ils ne sont rien d’autre qu’un vide.

Dans ce vide unique, les deux s’identifient ;
Et chacun contient les dix mille choses.
Ne faîtes pas de distinction entre le subtil et le grossier ;
Comment prendre parti pour ceci contre cela ?

L’essence de la grande Voie est vaste ;
En elle rien n’est facile, rien n’est difficile.
Les vues mesquines sont hésitantes et irrésolues :
Plus on pense aller vite, plus on va lentement.

A nous attacher à la grande Voie, nous perdons toute mesure ;
Nous nous engageons sur un chemin sans issue.
Laissez-la aller et les choses suivront leur propre nature ;
Dans l’essence rien ne se meut ni ne demeure en place.

Obéissez à la nature des choses : vous serez en accord avec la Voie,
Libre et délivré de tout tourment.
Lorsque nos pensées sont enchaînées nous tournons le dos à la vérité ;
Nous sombrons dans le malaise.

Le malaise fatigue l’âme :
A quoi bon fuir ceci et accueillir cela ?
Si vous désirez prendre le chemin du Véhicule unique,
N’entretenez aucun préjugé contre les objets des six sens.

Lorsque vous ne les détesterez plus,
Alors vous atteindrez l’illumination.
Le sage est sans rien faire ;
Le fou s’entrave lui-même.

Les choses ne connaissent pas de distinctions ;
Celles-ci naissent de notre attachement.
Prendre son esprit pour s’en servir,
N’est-ce pas là le plus grave de tous les égarements ?

L’illusion produit tantôt le calme, tantôt le trouble ;
L’illumination détruit tout attachement comme toute aversion.
Toutes les oppositions
Sont fruits de nos réflexions.

Visions en rêve, fleurs de l’air :
Pourquoi devrions-nous nous mettre en peine de les saisir ?
Le gain et la perte, le vrai et le faux,
Qu’une fois pour toutes ils disparaissent !

Si l’œil ne dort pas,
Les rêves s’évanouissent d’eux-mêmes.
Si l’esprit ne se perd pas dans les différences,
Les dix mille choses ne sont plus qu’une identité unique.

Quand nous saisissons le mystère des choses en leur identité unique,
Nous oublions le monde de la causalité.
Lorsque l’arrêt se met en mouvement, il n’y a plus de mouvement ;
Lorsque le mouvement s’arrête, il n’y a plus d’arrêt.

Les frontières de l’ultime
Ne sont gardées ni par des lois ni par des règlements.
Si l’esprit est harmonieusement uni à l’identité,
Toute activité s’apaise en lui.

Quand les doutes sont balayés,
La foi véritable réapparaît, confirmée et redressée.
Plus rien ne demeure,
Rien qu’il faille se remémorer.

Tout est vide, rayonnant et lumineux par soi-même :
Ne fatiguez pas vos forces spirituelles !
L’absolu n’est pas un lieu mesurable par la pensée,
La connaissance ne peut la sonder.

Dans le monde de la vraie identité,
Il n’est autrui ni soi-même.
Si vous désirez vous accorder à elle,
Il n’est que de dire : non-dualité.

Dans la non-dualité toutes choses sont identiques,
Il n’est rien qui ne soit contenu en elle.
Les sages en tous lieux
Ont accédé à ce principe cardinal.

Le principe est sans hâte ni retard ;
Un instant est semblable à des milliers d’années :
Ni présent, ni absent
Et cependant partout devant mes yeux.

L’infiniment petit est comme l’infiniment grand,
Dans l’oubli total des objets.
L’infiniment grand est pareil à l’infiniment petit,
Lorsque l’œil n’aperçoit plus de limites.

L’existence est la non-existence,
La non-existence est l’existence.
Aussi longtemps que vous ne l’aurez pas compris,
Votre situation demeurera intenable !

Une chose est à la fois toutes choses,
Toutes choses ne sont qu’une chose.
Si vous pouvez saisir cela,
Il est inutile de vous tourmenter au sujet de la connaissance parfaite.

L’esprit de foi est non-duel,
Ce qui est duel n’est pas l’esprit de foi.
Ici les voies du langage s’arrêtent.
Car il n’est ni passé, ni présent, ni futur.

Traduit du Chinois par L. Wang et J. Masui 


jeudi, juin 20, 2013

De nouvelles valeurs pour une véritable démocratie



par Evelyne Vuillermoz


Brésil : révolte contre l'Etat et la corruption.

Après le printemps arabe, il y a eu le mouvement Occupy Wall Street et le printemps arable des étudiants canadiens en colère (en 2012). Cette année, la jeunesse turque et brésilienne se révolte. De nouvelles valeurs pour une véritable démocratie vont-elles émerger ?

Ainsi, les gouvernements en place, de même que les institutions politiques internationales sont invités expressément à comprendre le sens du refus signifié par les réseaux sociaux et les émeutes soutenues par la jeunesse à travers le monde. Ce refus exprime celui d'un ordre global. Lorsque la représentativité est questionnée par les citoyens, commence alors le sens véritable de la démocratie, d'une façon plus radicale. Car la confiance en soi, celle que possède chaque être humain de façon naturelle et inaliénable, et sur laquelle se fondent les droits de l'Homme, revendique ici le droit de retirer sa voix à la société et de pratiquer la désobéissance civile. La pensée démocratique s'inscrit ici dans une radicalité politique telle que le philosophe américain Emerson l'a définie en son temps, dont la pertinence est d'actualité.

Il s'agit bien, en effet, de refuser le conformisme ambiant lorsque celui-ci rend les relations fausses, contraires à l'intérêt public. C'est alors que chacun est placé devant ses responsabilités. À travers ce questionnement, l'individu interroge la relation qu'il entretient avec le monde, dans l'ordre de chaque expérience vécue de façon authentique. Celle-ci doit être le lieu d'apprentissage de la confiance en soi, de l'autonomie de l'individu ainsi que de ses droits et de ses devoirs. Seule l'expérience pleinement humaine permet à chacun de trouver sa place au sein de la communauté, de prétendre au respect de ses droits fondamentaux. C'est en cela qu'il peut donner un sens à sa voix de façon légitime, dans l'ordinaire d'une vie pleinement vécue, de façon digne et non pas seulement subie. Les conditions de l'existence elle-même permettent un apprentissage constant sur soi ainsi que celui de l'expression et du langage au sein de la communauté. Dans la réflexion sur soi, il est alors permis de comprendre la relation du « je » au « nous ». Par là même, cette connaissance de soi est une condition du politique. Le débat serait donc ouvert, vers la création d'un nouveau modèle de développement individuel et social condition du politique, marquant le constat d'échec d'une démocratie livrée à des ego incontrôlés dont l'avidité n'est que le reflet narcissique profondément pathologique.

Ainsi, la liberté s'apprend de même que « vivre ensemble ». L'éducation doit alors permettre l'apprentissage des valeurs de la démocratie. Face aux contraintes de la société actuelle, le rôle de l'éducation est essentiel. La violence n'est pas une fatalité, ni l'agressivité. Nos enfants doivent apprendre à intégrer le sens profond de leurs émotions afin de structurer le sens de leurs expériences, d'optimiser leur compréhension et de développer leurs aptitudes cognitives.

Pierre Merle, sociologue, nous conviait il y a quelques années, à une réflexion pour en établir les fondements, qui ne peuvent résulter que d'une conception pragmatique de l'école au sein de laquelle l'enfant a non seulement des devoirs mais aussi des droits.

« Comment penser que les modifications actuelles de l'action politique-participation électorale traditionnelle versus contestations collectives et violences urbaines ne sont pas l'expression d'une transformation sensible du rapport à la politique que la place actuelle de l'école dans la socialisation des jeunes générations n'a guère enrayé et au pire favorisé ? N'est-il pas temps d'attribuer plus de crédit à l'analyse de Tocqueville et à la place qu'il accordait à la participation aux affaires locales : Comment faire supporter la liberté dans les grandes choses à une multitude qui n 'a pas appris à s'en servir dans les petites? Si l'on prend au sérieux l'aphorisme de Durkheim selon lequel « la classe est une petite société », l'école actuelle, en négligeant la question des droits des élèves, ne propose pas un apprentissage stimulant des règles de la démocratie. » (Pierre Merle, « L'élève humilié. L'école, un espace de non-droit ».)

La liberté et la démocratie s'apprennent aussi dans le respect de la valeur de la vie. Le gouvernement japonais estimait le 24 juin 2011 les dommages directs du tsunami du 11 mars 2011 : pas moins de cent quarante-sept milliards d'euros. Des milliards d'euros peuvent-ils rendre compte de vies achevées, des souffrances endurées ? De tous ces liens arrachés, des pleurs des enfants, de la nature bafouée, des rythmes de la vie quotidienne à jamais perturbés et effacés du jour au lendemain ? Où sont les cerisiers en fleurs ? Combien valent-ils ? Il est temps de changer notre regard, de regarder la valeur réelle de la vie sans faire référence à celle de l'argent. Car la vie a une valeur qui ne peut être chiffrée, ni quantifiée. Les liens vécus ne peuvent être convertis en euros ni en dollars, ni en yens. Comment peut-on évaluer le parfum de la terre ou celui des fleurs ? Changer de regard, consiste à changer son rapport avec le monde, les autres et avec soi.

Le sens du bonheur peut s'apprendre, mais il reste surtout à inventer. Il est ici nécessaire de nous interroger sur la signification réelle de la créativité au sein de nos cultures à travers le monde, mais aussi sur la nécessité de la liberté d'expression. Car les pratiques signifiantes d'une société ne sont pas uniquement celles contenues dans les normes établies. En ce sens, la culture dominante peut apparaître comme une culture morte lorsque la signification des symboles qu'elle contient cesse d'être partagée par les individus qui la composent. La chute des symboles manifeste par conséquent la caducité d'une culture, de son ordre, de sa potentialité projective pour construire le futur. La vie ou sa régénération ne peut alors provenir que des mouvements informels souvent rejetés à la périphérie culturelle et politique. La marginalité des mouvements sociaux situés en bordure et qui revendiquent un nouvel ordre social, traduit bien une dynamique en perpétuel mouvement dont le point d'équilibre est toujours à établir. Ainsi, le sens du discours à actualiser appartient toujours aux courants informels, ceux portés par l'innovation, par les révolutions, les émeutes, les dissidences, le malaise existentiel individuel, qui incarnent des situations de rupture. C'est dans la mise à distance par rapport à un ordre formel devenu caduc, qu'est créée la possibilité du changement et son mouvement. Cette mise à distance est constitutive d'une dialectique au sein de laquelle s'établit la critique d'un système à la recherche d'un nouvel équilibre vital.



Les graines semées à l'automne fleuriront au printemps
Evelyne Vuillermoz


En 2011, un groupe de jeunes américains répond à l’appel lancé par Stéphane Hessel à une jeunesse désenchantée : Indignez-vous !

Le mouvement Occupy Wall Street, à l' automne 2011, succède ainsi au printemps des révolutions arabes.

Evelyne Vuillermoz répond, quant à elle, au cri de cette jeunesse qui refuse de se laisser engloutir par l’indicible chaos environnant. Elle fait le constat d’un dérèglement social affligeant : augmentation du nombre de suicides, anorexie, immolations, addictions de toutes sortes, violences, révoltes, troubles du comportement et désespoir. Autant de situations qui révèlent les failles d’un système économique vorace et agressif qui met la jeunesse en joue.

L'auteur fonde une analyse véritablement innovante des phénomènes de violence identitaire à travers le monde, en portant un regard critique sur l'ensemble de la société. L'enjeu consiste à restaurer les équilibres et permettre au monde de survivre. Il s'agit pour cela de transmettre les valeurs d'une véritable démocratie,d'envisager une culture éthique, de créer un véritable dialogue international. Il s'agit surtout d'innover pour édifier un monde nouveau, en développant également de nouveaux modèles d'éducation au service de l'expression, de la créativité et du respect de tous. L'auteur nous enseigne également, comment pratiquer la communication non-violente avec nos enfants, dans notre vie quotidienne, comment instaurer la confiance.

Pour retrouver un équilibre, elle nous invite à vivre une forme vie plus authentique car notre mode de vie est devenu profondément pathogène : l'accélération des rythmes de la vie professionnelle et des échanges d'information, est venue détruire notre harmonie relationnelle en altérant la perception que nous avons de nos émotions. En nous invitant à une profonde réflexion sur la conception du Temps, Evelyne Vuillermoz exprime par là-même l’importance de ralentir le rythme, de prendre le temps de vivre pleinement et d’aimer.

L'auteur nous donne ainsi les clefs pour comprendre l'ensemble des relations que nous tissons tout au long de notre existence, afin de parvenir à trouver une réelle harmonie, un sentiment de paix et de plénitude intérieure. Nous comprenons alors, que chacun de nous a un rôle à jouer dans cette économie globale qui détruit aujourd'hui le monde vivant en attaquant tous les équilibres naturels et humains, la biodiversité comme la diversité culturelle.Cet ouvrage suscite en nous une prise de conscience réelle et profonde, afin de construire une réflexion et de trouver des moyens d’action.

Ce livre est un hommage à la beauté du monde, à la créativité de l’Homme, un hymne à l’harmonie universelle et un chant d'espoir.

Evelyne Vuillermoz possède une expérience professionnelle et personnelle riche et variée : elle est consultante en Sémiologie Culturelle appliquée à la non-violence,en Psychologie de la créativité et Sciences de l’éducation. Elle est aussi artiste peintre et philosophe. Elle participe activement à la diffusion des idées telles que la non-violence, le respect de la diversité culturelle et de l’altérité, de la liberté d’expression, la nécessité du dialogue et du partage dans un monde global, qui doivent permettre à chacun de s’épanouir humainement.



dimanche, juin 16, 2013

Les dangers du spiritisme et du channeling





Tout d’abord, notons qu’il y a des dangers purement physiques, « qui, dit René Guénon, s’ils ne sont pas les plus graves ni les plus habituels, ne sont cependant pas toujours négligeables ; nous en donnerons pour preuve ce fait qui a été rapporté par le Dr Gibier :

« Trois gentlemen, dans le but de s’assurer si certaines allégations spirites étaient exactes, s’enfermèrent un soir sans lumière dans la chambre d’une maison inhabitée, non sans s’être engagés par un serment solennel à être absolument sérieux et de bonne foi. La pièce était complètement nue et, avec intention, ils n’y avaient introduit que trois chaises et une table autour de laquelle ils prirent place en s’asseyant. Il fut convenu qu’aussitôt que quelque chose d’insolite se passerait, le premier prêterait de la lumière avec des allumettes-bougies dont chacun s’était muni. Ils étaient immobiles et silencieux depuis un certain temps, attentifs aux moindres bruits, aux plus légers frémissements de la table sur laquelle ils avaient posé leurs mains entrelacées. Aucun son ne se faisait entendre ; l’obscurité était profonde, et peut-être les trois évocateurs improvisés allaient-ils se lasser et perdre patience, lorsque soudain un cri strident de détresse éclata au milieu du silence de la nuit. Aussitôt un fracas épouvantable se produisit et une grêle de projectiles se mit à pleuvoir sur la table, le plancher et les opérateurs. Rempli de terreur, l'un des assistants alluma une bougie ainsi qu’il était convenu, et, quand la lumière eut dissipé les ténèbres, deux d’entre eux se trouvèrent seuls en présence et s’aperçurent avec effroi que leur compagnon manquait ; sa chaise était renversée à une extrémité de la pièce. Le premier moment de trouble passé, ils le retrouvèrent sous la table, inanimé et la tête ainsi que la face couvertes de sang. Que s’était-il donc passé ? On constata que le manteau de marbre de la cheminée avait été descellé d’abord et qu’il avait été projeté ensuite sur la tête du malheureux homme et brisé en mille pièces. La victime de cet accident resta près de dix jours sans connaissance, entre la vie et la mort, et ne se remit que lentement de la terrible commotion cérébrale qu’elle avait reçue ». Papus, qui reproduit ce récit, reconnaît que « la pratique spirite conduit les médiums à la neurasthénie en passant par l’hystérie », que « ces expériences sont d’autant plus dangereuses qu’on est plus inconscient et plus désarmé », et que « rien n’empêche les obsessions, les anémies nerveuses et les accidents plus graves encore » ; et il ajoute : « Personnellement, nous possédons une série de lettres très instructives, émanées de malheureux médiums qui se sont livrés de tout leur pouvoir à l’expérimentation et qui sont aujourd’hui obsédés dangereusement par les êtres qui se sont présentés à eux sous de faux noms et en accaparant les personnalités de parents décédés ».

Eliphas Lévi avait déjà signalé ces dangers et prévenu que ceux qui se livrent à ces études, même par simple curiosité, s’exposent à la folie ou à la mort ; et un occultiste de l’école papusienne, Marius Decrespe, a écrit également : « Le danger est certain ; plusieurs sont devenus fous, dans d’horribles conditions, pour avoir voulu pousser trop loin leurs expériences… Ce n’est pas seulement son bon sens qu’on risque, c’est sa raison tout entière, sa santé, sa vie, et quelquefois même son honneur… La pente est glissante : d’un phénomène on passe à un autre et, bientôt, l’on n’est plus maître de s’arrêter. Ce n’est pas sans motif que, jadis, l’Eglise défendait toutes ces diableries ».

De même, le spirite Barthe a dit : « N’oublions pas que nous nous mettons par ces communications sous l’influence directe d’êtres inconnus parmi lesquels il en est de si rusés, de si pervers, qu’on ne saurait trop s’en méfier… Nous avons eu plusieurs exemples de graves maladies, de dérangements du cerveau, de morts subites causés par des révélations mensongères qui ne devinrent vraies que par la faiblesse et la crédulité de ceux auxquels elles étaient faites ».

A propos de cette dernière citation, nous devons attirer l’attention sur le danger spécial des prédictions contenues dans certaines « communications », et qui agissent comme une véritable suggestion sur ceux qui en sont l’objet ; du reste, ce danger existe aussi pour ceux qui, en dehors du spiritisme, ont recours aux « arts divinatoires » ; mais ces pratiques, si peu recommandables qu’elles soient, ne peuvent être exercées d’une façon aussi constante que celles des spirites, et ainsi elles risquent moins de tourner à l’idée fixe et à l’obsession. Il est des malheureux, plus nombreux qu’on ne pourrait le croire, qui n’entreprendraient rien sans avoir consulté leur table, et cela même pour les choses les plus insignifiantes, pour savoir quel cheval gagnera aux courses, quel numéro sortira à la loterie, et ainsi de suite. Si les prédictions ne se réalisent pas, l’ « esprit » trouve toujours quelque excuse ; les choses devaient bien se passer comme il l’avait dit, mais il est survenu telle ou telle circonstance qu’il était impossible de prévoir, et qui a tout changé ; la confiance des pauvres gens n’en est point ébranlée, et ils recommencent jusqu’à ce qu’ils se trouvent finalement ruinés, réduits à la misère, ou acculés à des expédients malhonnêtes que l’ « esprit » ne se fait pas faute de leur suggérer ; et tout cela aboutit d’ordinaire à la folie complète ou au suicide. Parfois, il arrive encore que les choses se compliquent d’une autre façon, et que les victimes, au lieu de consulter elles-mêmes le prétendu « esprit » par lequel elles se laissent diriger aveuglément, s’adressent à un médium qui sera fortement tenté d’exploiter leur crédulité ; Dunglas Home lui-même en rapporte un remarquable exemple, qui s’est passé à Genève, et il raconte l’entretien qu’il eut, le 5 octobre 1876, avec une pauvre femme dont le mari était devenu fou à la suite de ces événements :

« C’est en 1853, dit-elle, qu’une nouvelle assez singulière vint nous distraire de nos occupations ordinaires. Il s’agissait de quelques jeunes filles qui, chez un ami commun, avaient développé la faculté étrange de médiums écrivains. Le père aussi, disait-on, avait le don de se mettre en rapport avec les esprits, par le moyen d’une table… J’allai à une séance, et, comme tout ce qui s’y faisait me parut de bon aloi, j’engageai mon mari à y venir avec moi… Donc, nous allâmes chez le médium, qui nous dit que l’esprit de Dieu parlait par sa table… La table finit pas nous donner à entendre que nous devions sans plus tarder installer chez nous le médium et sa famille, et partager avec eux la fortune qu’il avait plu à Dieu de nous donner. Les communications faites par la table étaient censées venir directement de Notre Sauveur Jésus-Christ. Je dis à mon mari : « Donnons-leur plutôt une somme d’argent ; leurs goûts et les nôtres sont différents, et je ne saurais vivre heureuse avec eux. » Mon mari alors me reprit, disant : « La vie de Celui que nous adorons fut une vie d’abnégation, et nous devons chercher à l’imiter en toutes choses. Surmonte tes préjugés, et ce sacrifice prouvera au Maître la bonne volonté que tu as à le servir. » Je consentis, et une famille de sept personnes s’ajouta à notre maison. Aussitôt commença pour nous une vie de dépenses et de prodigalités. On jetait l’argent par les fenêtres. La table nous commanda expressément d’acheter une autre voiture, quatre autres chevaux, ensuite un bateau à vapeur. Nous avions neuf domestiques. Des peintres vinrent décorer la maison du haut en bas. On changea plusieurs fois l’ameublement pour un mobilier chaque fois plus somptueux. Cela dans le but de recevoir le plus dignement possible Celui qui venait nous voir, et d’attirer l’attention des gens du dehors. Tout ce qu’on nous demandait, nous le faisions. C’était coûteux, nous tenions table ouverte. Peu à peu, des personnes convaincues arrivèrent en grand nombre, jeunes gens des deux sexes pour la plupart, auxquels la table prescrivait le mariage, qui se faisait alors à nos frais, et si le couple venait à avoir des enfants, on nous les confiait pour les élever. Nous avons eu jusqu’à onze enfants à la maison. Le médium à son tour se maria, et les membres de sa famille s’accrurent, si bien que nous ne tardâmes pas à compter trente personnes à table. Cela dura trois ou quatre ans. Nous étions déjà presque à bout de ressources. Alors la table nous dit d’aller à Paris, et que le Seigneur aurait soin de nous. Nous partîmes. Sitôt arrivé dans la grande capitale, mon mari reçut l’ordre de spéculer à la Bourse. Il y perdit le peu qui nous restait. C’était la misère cette fois, la misère noire, mais nous avions toujours la foi. Nous vivions je ne sais comment. Bien des jours, je me suis vue sans nourriture, sinon une croûte et un verre d’eau. J’oubliais de vous dire qu’à Genève nous avions été enjoints d’administrer le saint sacrement aux fidèles. Or il y avait parfois jusqu’à quatre cents communiants et communiantes. Un moine d’Argovie quitta son couvent, ou il était supérieur, et abjura le catholicisme pour se joindre à nous. Ainsi, nous n’étions pas seuls dans notre aveuglement. Enfin, nous pûmes quitter Paris et revenir à Genève. C’est alors que nous réalisâmes toute l’étendue de notre malheur. Ceux avec qui nous avions partagé notre fortune furent les premiers à nous tourner le dos. »

Et Home ajoute en manière de commentaire : « Voilà donc un homme qui, devant une table, débite une série de blasphèmes à l’appel lent et difficile de l’alphabet, et c’est assez pour jeter une famille pieuse et honnête dans un délire d’extravagance dont elle ne revient que lorsqu’elle est ruinée. Et alors même qu’ils sont ruinés, ces pauvres gens n’en restent pas moins aveugles. Quant à celui qui a causé leur ruine, il n’est pas le seul que j’aie rencontré. Ces êtres étranges, moitié fourbes, moitié convaincus, qu’on rencontre à toutes les époques, tout en illusionnant les autres hommes, finissent par prendre au sérieux leur rôle d’emprunt, et deviennent plus fanatiques que les personnes qu’ils abusent ».

On dira sans doute que de pareilles mésaventures ne peuvent arriver qu’à des esprits faibles, et que ceux que le spiritisme détraque devaient y être prédisposés ; cela peut être vrai jusqu’à un certain point, mais, dans des conditions plus normales, ces prédispositions auraient pu ne jamais se développer ; les gens qui deviennent fous à la suite d’un accident quelconque avaient aussi de telles prédispositions, et pourtant, si cet accident n’était pas survenu, ils n’auraient pas perdu la raison ; ce n’est donc pas une excuse valable. D’ailleurs, les personnes qui sont assez bien équilibrées pour être assurées de n’avoir rien à craindre en aucune circonstance ne sont peut-être pas très nombreuses ; nous dirions même volontiers que nul ne peut avoir une telle assurance, à moins d’être garanti contre certains dangers par une connaissance doctrinale qui rend impossible toute illusion et tout vertige mental ; et ce n’est pas chez les expérimentateurs qu’on rencontre d’ordinaire une telle connaissance. Nous avons parlé des savants que les expériences psychiques ont amenés à accepter plus ou moins complètement les théories spirites, ce qui, à nos yeux, est déjà chez eux l’indice d’un déséquilibre partiel ; l’un d’eux, Lombroso, déclara à des amis après une séance d’Eusapia Paladino : « Maintenant il faut que je m’en aille d’ici, parce que je sens que je deviendrais fou ; j’ai besoin de me reposer l’esprit ». Le Dr Lapponi, citant cette parole significative, fait remarquer avec raison que « des phénomènes prodigieux, lorsqu’ils sont observés par des esprits non préparés à certaines surprises, peuvent avoir pour résultat un dérangement du système nerveux, même chez des sujets suffisamment sains ».

Le même auteur écrit encore ceci : « Le spiritisme présente pour la société et pour l’individu tous les dangers, comme aussi toutes les conséquences funestes de l’hypnotisme ; il en présente mille autres plus déplorables encore… Chez les individus qui remplissent le rôle de médium, et chez ceux qui assistent à leurs opérations, le spiritisme produit ou bien l’obnubilation ou bien l’exaltation morbide des facultés mentales ; il provoque les névroses les plus graves, les plus graves névropathies organiques. C’est chose notoire que la plupart des médiums fameux, et bon nombre de ceux qui ont assidûment suivi les pratiques spirites, sont morts fous ou atteints de troubles nerveux profonds. Mais outre ces dangers et ces maux, qui sont communs à l’hypnotisme et au spiritisme, celui-ci en présente d’autres infiniment plus fâcheux… Et que l’on ne prétende point que le spiritisme puisse du moins présenter, en échange, quelques avantages, tels que celui d’aider à la reconnaissance et à la guérison de certaines maladies. La vérité est que, si parfois les indications ainsi obtenues se sont trouvées exactes et efficaces, presque toujours, au contraire, elles n’ont fait qu’aggraver l’état des malades. Les spirites nous disent bien que cela est dû à l’intervention d’esprits bouffons ou trompeurs ; mais comment pourrions-nous être prémunis contre l’intervention et l’action de ces esprits malfaisants ? Jamais donc le spiritisme, dans la pratique, ne saurait être justifié, sous quelque prétexte que ce fût ».

D’autre part, un ancien membre de la « Société des recherches psychiques » de Londres, M. J. Godfrey Raupert, après avoir expérimenté pendant de longues années, a déclaré que « l’impression qu’il a rapportée de ces études est celle du dégoût, et l’expérience lui a montré son devoir, qui est de

mettre en garde les spirites, particulièrement ceux qui demandent aux êtres de l’autre monde des consolations, des conseils, ou même des renseignements. Ces expériences, dit-il, aboutissent à envoyer des centaines de gens dans les sanatoria ou les asiles d’aliénés. Et cependant, malgré le terrible danger pour la nation, on ne fait rien pour arrêter la propagande des spirites. Ceux-ci sont peut-être inspirés par des motifs élevés, par des idéals scientifiques, mais, en définitive, ils mettent les hommes et les femmes dans un état de passivité qui ouvre les portes mystiques de l’âme à des esprits mauvais ; dès lors, ces esprits vivent aux dépens de ces hommes, de ces femmes à l’âme faible, les poussent au vice, à la folie, à la mort morale ». Au lieu de parler d’ « esprits » comme le fait M. Raupert (qui ne semble d’ailleurs pas croire qu’il s’agisse de « désincarnés »), nous parlerions simplement d’ « influences », sans en préciser l’origine, puisqu’il en est de fort diverses, et que, en tout cas, elles n’ont rien de « spirituel » ; mais cela ne change aucunement les terribles conséquences qu’il signale, et qui ne sont que trop réelles.

Nous avons cité ailleurs le témoignage de Mme Blavatsky et des autres chefs du théosophisme, qui dénoncent spécialement les dangers de la médiumnité (Le Théosophisme, histoire d'une pseudo religion) ; nous reproduirons cependant encore ici ce passage de Mme Blavatsky, que nous avions seulement résumé alors :

« Les meilleurs, les plus puissants médiums, ont tous souffert dans leur corps et dans leur âme. Rappelez-vous la fin déplorable de Charles Foster, qui-est mort de folie furieuse, dans un asile d’aliénés ; souvenez-vous de Slade, qui est épileptique, d’Eglinton, le premier médium d’Angleterre en ce moment, qui souffre du même mal. Voyez encore quelle a été la vie de Dunglas Home, un homme dont le cœur était rempli d’amertume, qui n’a jamais dit un mot en faveur de ceux qu’il croyait doués de pouvoirs psychiques, et qui a calomnié tous les autres médiums jusqu’à la fin. Ce Calvin du spiritisme a souffert, pendant des années, d’une terrible maladie de l’épine dorsale, qu’il avait prise dans ses rapports avec les « esprits », et il n’était plus qu’une ruine lorsqu’il mourut. Pensez ensuite au triste sort de ce pauvre Washington Irving Bishop. Je l’ai connu, à New-York, lorsqu’il n’avait que quatorze ans ; il n’y a pas le moindre doute qu’il était médium. il est vrai que le pauvre homme joua un tour à ses « esprits », qu’il baptisa du nom d’ « action musculaire inconsciente », à la grande joie de toutes les corporations de savants et érudits, et au grand bénéfice de sa bourse qu’il remplit de cette façon. Mais… de mortuis nil nisi bonum ! Sa fin fut bien malheureuse. Il avait réussi à cacher soigneusement ses attaques d’épilepsie (le premier et le plus sûr symptôme de la véritable médiumnité), et qui sait s’il était mort ou s’il était en « transe », lorsqu’eut lieu l’autopsie de son corps ? Ses parents disent qu’il vivait encore, à en croire les dépêches télégraphiques de Reuter. Voici enfin les sœurs Fox, les plus anciens médiums, les fondatrices du spiritisme moderne ; après plus de quarante ans de rapports avec les « Anges », elles sont devenues, grâce à ces derniers, des folles incurables, qui déclarent à présent, dans leurs conférences publiques, que l’œuvre et la philosophie de leur vie entière n’ont été qu’un mensonge ! Je vous demande quel est le genre d’esprits qui leur inspirent une conduite pareilles… Si les meilleurs élèves d’une école de chant en arrivaient tous à perdre la voix, par suite d’exercices forcés, ne seriez-vous pas obligé d’en conclure qu’ils suivent une mauvaise méthode ? Il me semble que l’on peut en conclure autant des informations que nous obtenons au sujet du spiritisme, du moment que ses meilleurs médiums sont victimes d’un même sort ».

Mais il y a mieux encore : des spirites éminents avouent eux-mêmes ces dangers, tout en cherchant à les atténuer, et en les expliquant naturellement à leur façon. Voici notamment ce que dit M. Léon Denis : « Les esprits inférieurs, incapables d’aspirations élevées, se complaisent dans notre atmosphère. Ils se mêlent à notre vie, et, uniquement préoccupés de ce qui captivait leur pensée durant l’existence corporelle, ils participent aux plaisirs ou aux travaux des hommes auxquels ils se sentent unis, par des analogies de caractère ou d’habitudes. Parfois même, ils dominent et subjuguent les personnes faibles qui ne savent résister à leur influence. Dans certains cas, leur empire devient tel, qu’ils peuvent pousser leurs victimes jusqu’au crime et à la folie. Ces cas d’obsession et de possession sont plus communs qu’on ne pense ».

Dans un autre ouvrage du même auteur, nous lisons ceci : « Le médium est un être nerveux, sensible, impressionnable ;… l’action fluidique prolongée des esprits inférieurs peut lui être funeste, ruiner sa santé, en provoquant les phénomènes d’obsession et de possession… Ces cas sont nombreux ; quelques-uns vont jusqu’à la folie… Le médium Philippe Randone, dit la Medianità, de Rome, est en butte aux mauvais procédés d’un esprit, désigné sous le nom d’uomo fui, qui s’est efforcé, plusieurs fois, de l’étouffer la nuit, sous une pyramide de meubles qu’il s’amuse à transporter sur son lit. En pleine séance, il s’empare violemment de Randone et le jette à terre, au risque de le tuer. Jusqu’ici, on n’a pu débarrasser le médium de cet hôte dangereux. En revanche, la revue Luz y Union, de Barcelone (décembre 1902), rapporte qu’une malheureuse mère de famille, poussée au crime sur son mari et ses enfants par une influence occulte, en proie à des accès de fureur contre lesquels les moyens ordinaires étaient restés impuissants, fut guérie en deux mois par suite de l’évocation et de la conversion de l’esprit obsesseur, au moyen de la persuasion et de la prière ». Cette interprétation de la guérison est plutôt amusante ; nous savons que les spirites aiment à tenir aux prétendus « esprits inférieurs » des discours « moralisateurs », mais c’est là véritablement « prêcher dans le désert », et nous ne croyons point que cela puisse avoir la moindre efficacité ; en fait, les obsessions cessent quelquefois d’elles-mêmes, mais il arrive que des impulsions criminelles comme celles dont il vient d’être question soient suivies d’effet. Parfois aussi, on prend pour une obsession véritable ce qui n’est qu’une autosuggestion ; dans ce cas, il est possible de la combattre par une suggestion contraire, et ce rôle peut être rempli par les exhortations
adressées à l’ « esprit », qui alors ne fait qu’un avec le « subconscient » de sa victime ; c’est probablement ce qui a dû se passer dans le dernier fait rapporté, à moins qu’il n’y ait eu simplement coïncidence, et non relation causale, entre le traitement et la guérison. Quoi qu’il en soit, il est incroyable que des gens qui reconnaissent la réalité et la gravité de ces dangers osent encore recommander les pratiques spirites, et il faut être vraiment inconscient pour prétendre que la « moralité » constitue une arme suffisante pour se préserver de tout accident de ce genre, ce qui est à peu près aussi sensé que de lui attribuer le pouvoir de protéger de la foudre ou d’assurer l’immunité contre les épidémies ; la vérité est que les spirites n’ont absolument aucun moyen de défense à leur disposition, et il ne saurait en être autrement, dès lors qu’ils ignorent tout de la nature des forces auxquelles ils ont affaire.

Il pourrait être, sinon très intéressant, du moins utile, de rassembler les cas de folie, d’obsession et d’accidents de toutes sortes qui ont été causés par les pratiques du spiritisme ; il ne serait sans doute pas bien difficile d’obtenir un bon nombre de témoignages sérieusement contrôlés, et, comme nous venons de le voir, les publications spirites elles-mêmes pourraient y fournir leur contingent ; un tel
recueil produirait sur beaucoup de gens une impression salutaire. Mais ce n’est pas là ce que nous nous sommes proposé : si nous avons cité quelques faits, c’est uniquement à titre d’exemples, et l’on remarquera que nous les avons pris de préférence, pour la plupart, chez des auteurs spirites ou ayant tout au moins des affinités avec le spiritisme, auteurs qu’on ne saurait donc accuser de partialité ou d’exagération dans un sens défavorable. A ces citations, nous aurions sans doute pu en ajouter bien d’autres du même genre ; mais ce serait assez monotone, car tout cela se ressemble, et celles que nous avons données nous paraissent suffisantes.

Pour résumer, nous dirons que les dangers du spiritisme sont de plusieurs ordres, et qu’on pourrait les classer en physiques, psychiques et intellectuels ; les dangers physiques, ce sont les accidents tels que celui que rapporte le Dr Gibier, et ce sont aussi, d’une façon plus fréquente et plus habituelle, les maladies provoquées ou développées chez les médiums surtout, et parfois chez certains assistants de leurs séances. Ces maladies, affectant principalement le système nerveux, sont le plus souvent accompagnées de troubles psychiques ; les femmes semblent y être plus particulièrement exposées, mais ce serait une erreur de croire que les hommes en soient exempts ; d’ailleurs, pour établir une proportion exacte, il faut tenir compte du fait que l’élément féminin est de beaucoup le plus nombreux dans la plupart des milieux spirites. Les dangers psychiques ne peuvent pas être entièrement séparés des dangers physiques, mais ils apparaissent comme bien plus constants et plus graves encore ; rappelons ici, une fois de plus, les obsessions de caractère varié, les idées fixes, les impulsions criminelles, les dissociations et altérations de la conscience ou de la mémoire, les manies, la folie à tous ses degrés ; si l’on voulait en dresser une liste complète, presque toutes les variétés connues des aliénistes y seraient représentées, sans compter plusieurs autres qu’ils ignorent, et qui sont les cas proprement dits d’obsession et de possession, c’est-à-dire ceux qui correspondent à ce qu’il y a de plus hideux dans les manifestations spirites.

En somme, tout cela tend purement et simplement à la désagrégation de l’individualité humaine, et y atteint parfois ; les différentes formes de déséquilibre mental elles-mêmes ne sont là-dedans que des étapes ou des phases préliminaires, et, si déplorables qu’elles soient déjà, on ne peut jamais être sûr que les choses n’iront pas plus loin ; ceci, d’ailleurs, échappe en grande partie, sinon totalement,
aux investigations des médecins et des psychologues. Enfin, les dangers intellectuels résultent de ce que les théories spirites constituent, sur tous les points auxquels elles se réfèrent, une erreur complète, et ils ne sont pas limités comme les autres aux seuls expérimentateurs ; nous avons signalé la diffusion de ces erreurs, par la propagande directe et indirecte, parmi des gens qui ne font point de spiritisme pratique, qui peuvent même se croire très éloignés du spiritisme ; ces dangers intellectuels sont donc ceux qui ont la portée la plus générale. Du reste, c’est sur ce côté de la question que nous avons le plus insisté dans tout le cours de notre étude ; ce que nous avons voulu montrer surtout et avant tout, c’est la fausseté de la doctrine spirite, et, à notre avis, c’est d’abord parce qu’elle est fausse qu’elle doit être combattue. En effet, il peut y avoir aussi des vérités qu’il serait dangereux de répandre, mais, si une telle chose venait à se produire, ce danger même ne pourrait nous empêcher de reconnaître que ce sont des vérités ; du reste, cela n’est guère à craindre, car les choses de ce genre sont de celles qui ne se prêtent guère à la vulgarisation. Il s’agit là, bien entendu, de vérités qui ont des conséquences pratiques, et non de l’ordre purement doctrinal, où l’on ne risque jamais, en somme, d’autres inconvénients que ceux qui résultent de l’incompréhension à laquelle on s’expose inévitablement dès lors qu’on exprime des idées qui dépassent le niveau de la mentalité commune, inconvénients dont on aurait tort de se préoccuper outre mesure. Mais, pour en revenir au spiritisme, nous dirons que ses dangers spéciaux, en s’ajoutant à son caractère d’erreur, rendent seulement plus pressante la nécessité de le combattre ; c’est là une considération secondaire et contingente en elle-même, mais ce n’en est pas moins une raison d’opportunité que, dans les circonstances actuelles, il n’est pas possible de tenir pour négligeable. »

René Guénon, L'erreur spirite.



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