Les
« libéraux » (UMP etc.) sont de vulgaires exploiteurs
capitalistes. Mais les socialistes bourgeois sont plus dangereux, ces prétendus
humanistes sont les fossoyeurs hypocrites des libertés. Exécuteurs
des basses œuvres de l'oligarchie, ils poussent d'un cran l'infernal
mécanisme de l'aliénation européenne.
Les républicains français, espagnols, européens, parviendront-ils à s'unir rapidement contre la tyrannie oligarchique qui
vient de franchir une nouvelle étape dans la destruction de la
démocratie ?
Article
35 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1793 : « Quand
le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est,
pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des
droits et le plus indispensable des devoirs ».
« A galopar », un hymne républicain d'actualité.
Le
fascisme du renard
L'époque
du fascisme casqué, armé et botté a disparu. Cette formule
présente l'avantage de la visibilité : les modalités de
l'exploitation se repèrent dans la rue, les commissariats, les
écoles de guerre, les médias, l'université et autres lieux
sensibles de la société civile. Le coup d’État sur le principe
putschiste avec l'aide d'une colonne de blindés et la troupe de
soldats d'élite déterminés, sans foi ni loi, tout cela a disparu.
Les États-Unis ont beaucoup pratiqué ainsi en Amérique du Sud au
XXe siècle, quelques pays africains persistent sur ce modèle passé
de mode, mais le fascisme ne recourt plus à d'aussi grosses
ficelles. Le fascisme
de lion laisse
désormais place à un fascisme
de renard : il mérite
une analyse.
D'abord
le fascisme de lion : banal, classique, entré dans les livres
d'histoire, il suppose la communauté nationale mystique qui ingère
et digère visiblement les
individualités au profit d'un corps mystique transcendant — la
Race, le Peuple, la Nation, le Reich... La vie privée disparaît
dans l'athanor en fusion de la collectivité toute-puissante. La
propagande envahit tous les domaines et détermine à lire, penser,
consommer, s'habiller, se conduire d'une manière précise,
déterminée et unique. Tout discours alternatif est rendu difficile,
fustigé, dénigré, voire interdit. La raison compte pour rien, on
la présente d'ailleurs comme un facteur de décadence, un ferment de
décomposition pour lui préférer l'instinct national, la pulsion
populaire, l'énergie irrationnelle des masses sollicitée avec force
discours et techniques de sujétion médiatique. La mise en forme de
cette déraison pure suppose le chef charismatique, le grand
organisateur, le principe de cristallisation.
Ensuite,
le fascisme de renard : il tire les leçons du passé et suppose des
arrangements formels, des révolutions de signifiants. Car le
libéralisme, lui, est plastique, voilà d'ailleurs sa force. Le coup
d’État n'est pas populaire : trop visible, trop indéfendable en
ces heures de médiatisation planétaire et de plein pouvoir des
images. Mauvais genre... D'où la mise à l'écart de la violence du
lion machiavélien au profit du renard appartenant au même bestiaire
mais célèbre pour sa ruse, sa rouerie, sa filouterie. Le lion
recourt à la puissance de l'armée, le goupil à la force des
agencements discrets.
Pour
le contenu, les choses changent peu : il s'agit toujours de réduire
le divers à l'un et de soumettre les individualités à une
communauté qui les transcende ; on recourt à la pensée magique,
aux instincts plus qu'à la raison ; on intimide ; on justifie la
terreur par la lutte contre des ennemis transformés en bouc
émissaire; on contraint moins par corps qu'on ne subjugue les âmes
; on ne maltraite pas les chairs, mais on matraque l'esprit; on ne
lâche pas la troupe ; on formate les intelligences à ne pas ou plus
penser : rien de bien neuf, sinon l'emballage... Le succès de
l'entreprise se confirme : dans les zones à domination libérale —
l'Europe maastrichtienne en faisant bien sûr partie —, l'édition
et la presse servent le même brouet insipide ; les politiciens au
pouvoir, droite et gauche confondues, défendent un même programme
sous de fausses différences orchestrées pour le spectacle ; la
pensée dominante célèbre la pensée des dominants ; le marché
fait la loi sur la totalité des secteurs — éducation, santé,
culture, bien sûr, mais aussi armée et police ; partis, syndicats,
parlements participent de l'oligarchie reproduisant le social à
l'identique ; on déconsidère l'usage public de la raison critique
au profit de logiques irrationnelles de communication — savamment
théâtralisées et scénographiées par des consortiums financiers
en situation de monopole ; on manipule quotidiennement les masses par
un usage adducteur de la télévision ; on empêche tout projet
constructeur un tant soit peu consistant au profit d'une religion
consumériste, etc
Ce
fascisme de renard est micrologique, car il se manifeste dans des
occasions infimes et minuscules. Leçon de Michel Foucault : le
pouvoir est partout. Donc dans les intervalles, les interstices,
l'entre-deux du réel. Ici, là, ailleurs, sur de petites surfaces,
dans des zones étroites. Mille fois dans la journée, cette renardie
produit des effets.
Autre
leçon magistrale, celle de La Boétie : il affirme dans son Discours
de la servitude volontaire que
tout pouvoir s'exerce avec l'assentiment de ceux sur lesquels il se
manifeste. Ce micro-fascisme ne vient donc pas du haut, mais il
irradie sur le mode rhizomique avec des passeurs — potentiellement,
chacun de nous... — qui deviennent des conducteurs, au sens
électrique, de cette énergie mauvaise. Ce constat constitue le
premier temps nécessaire à une logique de résistance. Savoir où
est l'aliénation, comment elle fonctionne, d'où elle provient,
permet d'envisager la suite avec optimisme.
Michel
Onfray, La puissance d'exister.