Les
auditeurs de l'émission « Les p'tits bateaux », animée
par Noëlle Bréham sur France inter, ont entendu Fantine, âgée de
huit ans, demander :
« Pourquoi
les parents parlent-ils toujours d'argent ? »
La
psychanalyste Claude Halmos a répondu à Fantine ceci :
« En
fait, l'argent compense tout ce qui ne va pas dans leur vie. Il leur
permet par exemple de racheter, dans tous les sens du terme, une
enfance qui ne s'est pas bien passée. C'est un moyen de prendre leur
revanche. Comme tous ceux qui éprouvent le besoin de démontrer leur
force physique, d'étaler leurs succès avec les femmes ou avec les
hommes, ils expriment leur faiblesse. Quand on se sent fort, on ne
ressent pas le besoin de le montrer. En général, on étale son
argent parce qu'on se sent pauvre en autre chose ; on a le sentiment
profond de ne pas valoir grand-chose. »
Ce
sentiment de pauvreté ou de faiblesse intérieure n'est-il pas
produit par un système qui nous coupe des forces vives qui
sommeillent en nous ? On nous inculque que seuls des
spécialistes ayant reçu une solide formation théologique, ou
psychologique, ou spirituelle sont aptes à explorer le monde
intérieur. Nous renonçons donc à découvrir par nous-mêmes notre
propre réalité, préférant ânonner les paroles de maîtres à
penser officiels ou officieux. Or ces « spécialistes »,
victimes d'une intellectualisation souvent sclérosante, possèdent rarement les clés permettant d'accéder à la véritable
dimension de l'esprit. En revanche, des personnes nullement
spécialisées et moins formatées par le système découvrent
spontanément cette dimension. Elles évoquent alors une « expérience
spirituelle ». C'est le cas de Paul Pujol dont l'existence a
été profondément transformée à la suite d'une telle expérience.
Trente
ans plus tard, il a écrit « Senteur d'éternité », un
livre qui nous incite à « avoir un regard neuf, frais, non
teinté par l'avis des autres » pour découvrir les
inépuisables richesses de l'esprit.
« Ce
tout jeune homme avait mis fin à toutes croyances, il était passé
à travers tout ce processus, et tout cela s'était détaché de lui
pour toujours. Il avait clairement vu l'illusion des religions, des
sectes, du nationalisme ; toutes choses qui séparent les hommes et
engendrent les conflits et les guerres. Il n'était donc plus
français ou européen, il n'était plus également chrétien,
bouddhiste, hindouiste ou autre. L'identification à un quelconque
groupe fut très bien perçue comme une pure illusion, une vue de
l'esprit.
Il y eut
une perception aiguë du conditionnement dû à l'histoire, mais
aussi dû aux mécanismes des pensées ; il y eut une perception
directe, vivante, de la nature du temps psychologique. Tout cela se
fit sans aucun effort, emporté par la passion et la surprise de
découvrir toutes ces choses. Toutes les perceptions intérieures se
réalisaient de manière très naturelle, comme de l'eau qui coule.
Il y eut plusieurs "expériences" subies, mais à chaque
fois la lucidité montra l'illusion et l'irréalité de ces
événements, alors les "expériences de l'esprit"
cessèrent d'elles-mêmes. Puis à un moment donné, sans prévenir,
quelque chose d'autre cessa, quelque chose de très ancien ; une
chose vieille comme le monde. Il n'en prit pas conscience tout de
suite, mais il sentit une immense décontraction, comme un fardeau
millénaire qui venait d'être posé au sol.
Les
millénaires mémoriels venaient de tomber ; la peur, qui se perd
dans la nuit des temps, la peur n'était plus. C'était la fin de
l'illusion du temps psychologique, la fin du "moi" ;
l'attachement à la continuité du temps n'était plus. Plutôt que
le début de quelque chose, c'était la fin de "ce qui était",
du monde des idéaux, des croyances, des œuvres de la pensée. Alors
cette fin non prévue, non voulue, laissa l'esprit très décontracté,
souple, et surtout immobile et très silencieux. Là dans ce silence
immense, il y eut un mouvement totalement différent, quelque chose
commença à vivre, quelque chose de jamais vue, de jamais connue.
Ce fut
comme un autre univers qui s'ouvrait, le monde était entièrement
neuf, plus intense, plus vivant et d'une telle beauté ! Le regard
intérieur vit naître une intelligence autre, très sensible, une
vision pénétrante qui voyait instantanément les soucis
psychologiques. Cette vision, ce regard clair dès qu'il se posait
sur quelque chose, résolvait immédiatement le problème. Toute
situation existe par manque de clarté et de compréhension, dès que
la lumière de l'intelligence l'éclaire, la souffrance ou ma prison
mentale n'existent plus. Les conditionnements tombent pour toujours,
ils n'existent plus. Il faut finir "ce qui est",
profondément, véritablement. Le tout premier mouvement c'est la fin
de ce qui est, on est alors hors du monde des hommes. Quand cette fin
a lieu, alors existe un monde sans croyances, sans idéaux, quelque
chose que l'homme n'a jamais exploré. Là dans ce nouvel espace,
l'esprit se met en marche, le mouvement dans l'inconnu commence à
exister. Ce mouvement sans pensée, au-delà de l'expérience et du
"moi", ce mouvement est la véritable méditation, c'est
l'exploration silencieuse d'un immense continent, vierge de toute
présence humaine.
Cette
fin de soi, et la découverte de cet autre monde se firent très
rapidement, en moins de deux années tout cela eut lieu. Le jeune
homme était persuadé que de nombreuses autres personnes avaient
connu de tels événements dans leur vie, il ne se sentait pas du
tout extraordinaire ou hors-norme (ce sentiment est toujours vrai,
aujourd'hui). Tout cela était tellement naturel, tellement fluide.
Pourtant quand il essaya d'en parler avec des amis, avec sa famille,
il fut très surpris des réactions ou des commentaires. Certains ne
voulaient pas en entendre parler, et d'autres disaient : "c'est
vrai, il faut être libre", et ils suivaient une religion, ou
pratiquaient de manière très superficielle différentes
méditations. La plupart fuyaient leurs peurs dans des systèmes
établis, et tous disaient chercher la liberté. Le jeune homme
constata la grande difficulté qu'il y avait à parler de tout cela,
mais surtout il constata le manque flagrant de vision profonde et de
compréhension vivante, chez presque tous ses interlocuteurs. Alors
il décida d'approfondir sa découverte, au lieu de parler, il se
plongea profondément dans ce voyage, dans cet inconnu. Le silence
fut gardé pendant près de vingt cinq années ; il y eut de nombreux
écrits pendant cette longue période. Cette naissance de nouveaux
mots, cette explosion de perceptions en mouvement, c'est
véritablement la découverte d'une immensité sans nom, d'un pays où
siège une immobilité immuable. »
Paul
Pujol, Senteur d'éternité
Senteur
d'éternité
La vérité n'est pas une chose que
l'on peut apprendre d'autrui. Personne ne peut la posséder, ni la
détenir. Aussi aucune religion, aucun ésotérisme, aucune foi
organisée ne peuvent la représenter et la communiquer. Il n'existe
aucun maître en la matière, toute hiérarchie est absurde, et
n'entraîne qu'obéissance et soumission à une autorité. Pour
comprendre les mécanismes de l'esprit et de la pensée, il faut
avoir un regard neuf, frais, non teinté par l'avis des autres. Être
une lumière à soi-même, c'est la seule chose qui importe ; mais
cela demande une grande discipline personnelle, une grande rigueur
envers soi-même.
Peut-on découvrir cette intelligence
sensible ? Ce regard autre qui déconditionne l'esprit, qui met fin à
la souffrance humaine ?
Ce livre est une enquête, une libre
exploration, mais le lecteur n'est pas invité à suivre, ou à
accepter ce qui est écrit. Il nous faut découvrir, hésiter et
questionner ensemble, sans certitude préalable et surtout sans
autorité.
Le blog de Paul Pujol :