mardi, septembre 25, 2012

SDF & vagabonds




Les vagabonds sont gens sans aveu. S'il y a eu toutes sortes de vagabonds et de vagabondages, si l'errance, solitaire ou en bande, a eu toutes sortes de fonctions sociales, s'il y a eu toutes sortes de répressions ou de récupérations de la fugue, il n'y a guère qu'une définition du vagabondage, à travers les temps et les lieux : les vagabonds sont gens sans aveu. Au sens du droit féodal, celui qui n'avoue pas, celui qui ne rend pas l'hommage, c'est celui qui ne se reconnaît aucun suzerain, ou qu'aucun suzerain ne réclame, ne se fixe donc nulle part, ne demande aucune protection et ne peut prétendre à aucune. Son plaisir est de ne dépendre de personne, son risque de n'être défendu, réclamé par personne. Il prend de la vie sociale ce qu'il peut ou ce qui lui plaît, jusqu'à ce qu'il se range, ou qu'on le range.

C'est pour distendre le lien de l'aveu et ses rigueurs que des serfs se regroupent et vagabondent, après la croisade de 1146. Leurs rangs se grossissent de ceux que l'expédition a ruinés, de vagabonds isolés, de voleurs de tous acabits. Un grand déplacement de paysans-esclaves répond au grand mouvement vers Jérusalem, pour tenter de secouer le joug. Ils seront matés. A la fin du siècle, vers 1180, des bandes de « routiers » se constituent, qui se mettent au service d'un seigneur ou d'un autre, et souvent contre leur ancien employeur, pour organiser la conquête et le pillage d'une région. Un charpentier du nom de Durand lève contre eux une sorte d'armée populaire, la Confrérie de la Paix, et les extermine en 1183, à Dun-le-Roy. Mais ces vagabonds-justiciers se retournent bientôt contre les seigneurs et veulent châtier les féodaux : à son tour, la Confrérie de la Paix est décimée.

Plus tard, quand la conquête turque dévaste l'Empire byzantin, des bandes de Bohémiens, d'Égyptiens et de Tziganes sillonnent les routes de l'Europe avec plus ou moins de bonheur. A chaque famine, la misère lance à l'aventure des hordes de toute espèce, tels ces « coquillards », faux pèlerins de Saint-Jacques, organisés hiérarchiquement pour le pillage et le vol. Les universités attirent les groupes d'étudiants gyrovagues, qui pensent y trouver leurs titres à meilleur marché, et courent de Dole à Caen, de Nantes à Bordeaux, de Bourges à Valence. La misère aussi a ses facultés, où l'on apprend l'un des trente-six métiers de mendiants répertoriés par les historiens de la cour des miracles. Des professions plus « avouables », mais non moins vagabondes, charbonniers ou bûcherons, par exemple, entraînent des migrations perpétuelles, parfois violemment réprimées .

Au fur et à mesure de l'unification nationale, avec chaque guerre puis avec chaque entreprise coloniale, l'armée absorbe par n'importe quel moyen ceux qui sont sans feu ni lieu. En 1656, l'Hôpital général devient le premier lieu de détention-protection des vagabonds. On tente d'en diminuer le nombre en interdisant successivement la mendicité et l'aumône. Une ordonnance royale de 1700 frappe d'une amende de cinquante livres toute personne surprise à donner à un mendiant. Puis, une fois de plus, on applique à l'errance sans but un traitement homéopathique : l'errance finalisée. Après ou avec l'expédition militaire, l'expédition coloniale. Le 12 mai 1719, la Compagnie d'Occident est autorisée à « prendre les jeunes gens des deux sexes que l'on élève à la Pitié, à la Salpêtrière et aux Enfants Trouvés, et à les transporter dans l'Amérique française ». Déportation des valides, enfermement des inutiles.

En réalité, la politique lareynienne d'édification de la ville en un continuum administrable suppose une élimination permanente des indomiciliés, en même temps que, par la destruction de certains quartiers et le nouveau modelage de la ville, elle déracine une énorme quantité de citadins et en fait des sans feu ni lieu, des mendiants, des personnes déplacées. C'est dans la mesure où l'intervention étatique sur la ville est d'abord un désordre considérable que s'ouvre la période d'intervention permanente contre le vagabondage, que se rétrécit la définition de l'aveu, que l'identité sociale doit, pour être avouable, comporter de plus en plus d'éléments. La police, qui devient la science de l'urbain, fait l'objet d'un traité monumental en trois volumes, rédigé par l'adjoint de La Reynie, de La Mare, et publié avec un succès européen. [...]

L'Empire offre l'armée ou la prison. Un décret du 5 juillet 1808 « sur l'extirpation de la mendicité» punit les mendiants d'une peine de trois à six mois d'emprisonnement, à l'issue de laquelle ils seront conduits dans un dépôt de mendicité où on leur donnera du travail. Le code pénal de 1810 va plus loin, qui range la mendicité et le vagabondage dans son chapitre III « Crimes et délits contre la paix publique. » La résorption du vagabondage est confirmée comme une tâche et une traque continues ; le vagabondage est un délit, une infraction permanente, punissable en tout temps : « Les vagabonds, ou gens sans aveu, sont ceux qui n'ont ni domicile certain ni moyens de subsistance et qui n'exercent habituellement ni métier ni profession. » [...]

En 1810, il fallait, pour être condamné, n'avoir ni métier ni domicile ; à partir de 1908, dans les textes, mais bien avant dans la jurisprudence, il fallait que le métier et le logement soient avouables ; les projets de 1945, qui aboutiront aux textes de 1958 et 1970, font qu'on peut être vagabond en ayant un domicile certain et un métier avouable. C'est le vagabondage à domicile. Ce vagabond à domicile, le code civil lui donne un nom : « enfant en danger moral ». Le mouvement de l'intervention de l'appareil judiciaire est un mouvement constant d'extension tous azimuts : extension des faits que recouvre la notion de vagabondage, extension des modes de prise en charge et diversification (la prison, le quartier spécial, la colonie pénitentiaire, la liberté surveillée, puis, à partir de 1958, l'assistance éducative en milieu ouvert), extension du champ de la prise en charge (le mineur seul, puis le mineur et sa famille, puis le mineur, sa famille et son milieu), extension enfin de la durée de cette prise en charge : durée fixe, puis durée indéterminée jusqu'à la majorité.

Philippe Meyer

Le vagabondage en Orient : le sannyâsin itinérant

Versailles
(DVD)

« Paris, aujourd'hui. Un enfant et sa jeune mère dorment dehors. Nina est sans emploi, ni attaches. Enzo a 5 ans. Leur errance les conduit à Versailles. Dans les bois, tout près du château, un homme vit dans une cabane, retranché de tout. Damien. Nina passe une nuit avec lui. Au petit matin, Nina laisse l'enfant et disparaît. A son réveil, Damien découvre Enzo, seul. Au fil des jours, des saisons, l'homme et l'enfant vont se découvrir, s'apprivoiser, s'attacher. Leur lien sera aussi fort que leur dénuement. Un jour pourtant il faudra quitter la cabane... »





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