Les
déviations de l'instinct
chez
l'homme et l'animal et leurs conséquences
L'homme
jouit de l'intelligence, mais ne suit pas beaucoup son instinct. Par
contre, l'animal a moins d'intelligence, mais suit davantage son
instinct.
Si
l'homme suivait pleinement son instinct, la plupart des gens
n'auraient pas mangé la viande à l'état naturel, c'est-à-dire
crue et sans assaisonnement ni préparation. Ceux qui aiment la
viande dans cet état sont la minorité avec un instinct dépravé.
En effet, l'homme ne possède pas les équipements anatomiques et
physiologiques pour tuer une bête et pour la manger. Cela ne veut
pas dire que les animaux ont l'instinct parfait. Toutefois, ils le
suivent plus que l'homme. En effet, les physiologistes ont classé
les singes parmi les frugivores, mais on a vu parfois et rarement des
singes manger de petits animaux. Ces singes n'ont pas suivi leur
instinct pour une raison qu'on ignore et pour leur malheur. C'est ce
qui a porté certains auteurs à déclarer que le singe — et donc
l'homme — est un petit carnivore. C'est une erreur, car le tableau
d'anatomie et de physiologie comparées, établi par les grands
physiologistes, classe l'homme et le singe parmi les frugivores.
Leurs organes anatomiques et physiologiques ne sont pas adaptés à
la viande.
L'animal
qui mange les aliments qui ne lui sont pas destinés par la Nature le
paye dans sa santé, comme l'homme subit les pénalités à la suite
de ses transgressions pour avoir mangé le fruit défendu.
C'est
ainsi que dans la nature sauvage, le cancer est répandu et plusieurs
animaux souffrent d'hypertension, de durcissement des artères, de
rhumatisme, et d'autres maladies nombreuses.
L'excès
nutritif, comme les carences nutritives, produisent la dénutrition.
Une plante arrosée à l'excès finit par crever, tout comme celle
qui ne reçoit pas d'eau du tout. L'excès d'aliments azotés, que la
médecine préconise, finit par produire des croissances cancéreuses
et l'infection de l'organisme.
«
L'antithèse du développement provenant d'une alimentation
illégitime et excessive, est courante dans la nature. Je rejette le
point de vue théologique selon lequel, des glaciers du nord aux
côtes de l'Inde, seul l'homme est vil. Il y a un tas de preuves qui
montrent que l'homme n'est pas le seul animal qui ait goûté du
fruit défendu et qui paye pour avoir transgressé la loi. Tout n'est
pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, dans le royaume où
l'on lutte pour sa survie ».
« Dans
le domaine de l'évolution pathologique chez les animaux, les
paléontologistes ont montré plusieurs exemples de changements chez
un grand nombre d'espèces certaines parties atrophiées au point de
devenir de simples vestiges ; alors que d'autres parties se sont
hypertrophiées jusqu'à l'acromégalie. Nous voyons dans la nature
sauvage un grand nombre d'asymétries, de dystrophies, d'atrophies,
d'hypertrophies, d'acromégalies précoces, de précocités, de
disharmonies, de gigantismes, de monstruosités, de parasitismes, de
dégénérescences, et d'autres anomalies qui montrent à quel point
le royaume animal s'est éloigné des normes de comportement ».
Shelton.
Quand je
lis Marchesseau et Burger préconiser un peu de viande en disant que
l'homme est un petit carnivore, comme le singe, cela me fait sourire.
Prétendent-ils que l'instinct est parfait chez l'animal ?
« La
physiologie est déterminée par le comportement biologique, poursuit
Shelton. Les changements structuraux proviennent des perversions
nutritionnelles et des nourritures illégitimes. Les développements
antithétiques en tant que compensations et corrélations, les
atrophies dans certaines structures osseuses, simultanément à un
accroissement morbide ou à des hypertrophies chez d'autres, ces
développements pathologiques surviennent par suite d'habitudes
alimentaires biologiquement illégitimes.
« Mais
le biologiste, incapable de distinguer entre la pathologie et la
santé, entre ce qui est normal de ce qui est anormal, considère
tous ces changements comme des normes de la biologie. Il voit
l'acromégalie (comme celle des incisives supérieures de l'éléphant
moderne) et l'atrophie (comme celle des incisives inférieures chez
le même éléphant) comme de simples « variations ».
« C'est
ainsi que de nombreuses pathologies dans la nature sont considérées
par le biologiste comme étant des développements normaux, lesquels
sont camouflés par l'usage des termes incorrects suivants :
adaptation, variation, mutation, et spécialisation ».
« Le
biologiste et l'anthropologue, étant peu familiers avec les états
pathologiques, ont tendance à considérer comme normal tout ce
qu'ils rencontrent très répandu dans la nature. J'ai souvent
conseillé aux biologistes d'étudier la pathologie, mais qui suis-je
pour prétendre donner des conseils à un corps de savants érudits !
Un vrai savant peut apprendre d'un microbe, mais le pédantisme du
biologiste moyen lui a fermé l'esprit devant tout ce qui
proviendrait en dehors du cercle fermé de sa spécialité. Il
préfère demeurer ignorant plutôt que d'admettre qu'une personne
étrangère à son cercle sait ce qu'il ne sait pas ». — Shelton.
L'adaptation
? Plutôt un état pathologique
L'idée
scientifique est que l'homme s'est adapté depuis tant de siècles
qu'il consomme la viande et le pain. Mais que voyons-nous ? L'homme
ne s'est pas du tout adapté à ces aliments illégitimes. Ses
griffes n'ont pas poussé. Il n'a toujours pas de fourrure. Son foie
est toujours très petit et ses intestins pas aussi courts que ceux
des carnivores. Il n'a pas développé un gésier broyeur comme celui
des granivores. En un mot, il n'y a pas eu adaptation. On lira le
premier chapitre de mon livre « La nourriture idéale et les
combinaisons simplifiées » (Ed. Courrier du Livre, Paris).
Selon le
Dr René Larger, cité par Shelton, les paléontologues n'ont pas
reconnu les développements pathologiques qu'ils ont toujours
considérés comme des développements normaux. (Contre-Evolution
par le Dr R. Larger.)
Le front
bombé chez l'homme des cavernes est un développement pathologique,
tout comme les développements acromégaliques ou atrophiques que
l'on voit partout dans la nature sauvage, et qu'on prend pour des
développements normaux.
«
L'anthropologue qui étudie les restes des hommes préhistoriques, de
même que le biologiste qui étudie les spécimens tordus et déformés
d'espèces vivantes, ignorent le caractère pathologique de ce qu'ils
considèrent comme une adaptation.
— Question
: Quand est-ce qu'une anomalie n'est pas une anomalie ?
— Réponse
: Quand c'est une « adaptation » !
«
L'asymétrie à tous les niveaux est toujours une indication
d'anomalie. Que ce soit dans la nature ou dans la domestication, les
aliments illégitimes ou en excès, accompagnés d'indolence, comme
c'est d'habitude le cas, produisent des croissances morbides et des
monstruosités.
«
L'éléphant est un géant acromégalique. Or, c'est l'animal le plus
glouton. C'est aussi un assassin de végétaux, ce qui lui procure
des aliments illégitimes, donc pas convenables. Comparativement, les
cas légers d'acromégalie humaine et de gigantisme sont plus
courants qu'on ne l'avait cru. En effet, nous sommes fiers d'avoir
une grande taille, mais le gigantisme naissant est un développement
pathologique indésirable. D'ailleurs, cet accroissement de la taille
est accompagné de nombreux stigmates d'anomalies croissantes, telles
que la carte dentaire, les tumeurs, les cancers, les névroses, etc.
« Je ne
dis pas que les aliments illégitimes sont la seule cause de la
dégénérescence humaine, mais c'est sûrement la principale ».
«Au fur
et à mesure que le régime devient de plus en plus carnivore, la
dégénérescence augmente et s'accélère ». Shelton's Hygienic
Review, déc. 1954, p. 90.
Comme
en agriculture
En
agriculture, les cultures forcées par des engrais chimiques azotés
produisent des aliments plus gros, mais malsains. Les grosses
tomates, les grosses carottes n'ont pas le goût parfait des aliments
normaux cultivés sans engrais chimiques azotés.
Il en
est de même chez l'enfant qui est nourri en excès d'aliments
azotés. Il pousse plus vite, mais mal. Il devient précoce, sa
puberté arrive de bonne heure, il vieillit plus tôt et meurt avant
l'âge, rongé par la maladie. On connaît l'oiseau Australien Kéa
qui était végétarien, beau et sain. Pour une raison qu'on ignore,
il devint carnivore et dégénéra tout récemment dans notre temps.
Les
causes de la déviation de l'instinct
On peut
incriminer l'intelligence dévoyée, la sorcellerie, la magie noire,
et même la médecine. C'est ainsi que chez les tribus primitives
Africaines, on dit que la consommation du cœur d'un ennemi rend
courageux, celle de ses testicules rend viril et boire son sang,
manger sa chair donnent de la force. En médecine, on prône un
régime carné pour fortifier, et pour surmonter la répugnance à
manger des cadavres, on les cuit et on les assaisonne pour masquer
leur goût dégoûtant. C'est ainsi que l'instinct peut être
perverti, même chez les bébés, par les artifices culinaires, par
l'exemple de la mère qui est très incitateur ou enfin par
l'hérédité.
Enfin,
pour déterminer quels sont les aliments spécifiques de l'homme, au
lieu de s'en tenir à l'instinct, il est plus sûr d'étudier le
tableau d'anatomie et de physiologie comparées pour déterminer
quelle est la place de l'homme parmi les animaux. On voit donc
l'erreur de l'instinctothérapie.
Nous
sommes apparentés aux singes
L'homme
est apparenté aux singes, surtout aux grands primates. L'étude de
ces animaux est passionnante dans le domaine de la nutrition, de la
santé et du comportement. Dans le numéro hors série, consacré aux
grands singes, de la revue Terre Sauvage, nous lisons
plusieurs études passionnantes à ce sujet. Les singes ne peuvent
pas parler. Alors comment communiquer avec eux ? Les Américains ont
réussi à leur enseigner le langage des sourds-muets et à leur
parler de la sorte. Ainsi, on leur a appris une centaine de mots
simples. Les singes rient. Le rire n'est donc pas le propre de
l'homme, comme on dit.
Dans le
domaine sexuel, il semble que le gorille observe une certaine
retenue, alors que les femelles ne sont disponibles que durant une
certaine période, seulement tous les quatre ans, entre deux
accouchements. N'est-ce pas l'état normal de la femme ? Celle-ci
devrait allaiter son bébé durant trois ans et ne pas être
disponible durant toute cette période d'allaitement. De toute façon,
si elle est en bonne santé, elle est stérile tant qu'elle allaite
son petit. Elle tire tout son plaisir de l'allaitement et n'a besoin
d'aucun autre plaisir.
Pour
l'orang-outan, un autre primate proche de l'homme, la grossesse
durant sept à huit mois et le bébé ne pèse que un kilo environ.
La période d'allaitement dure trois à sept ans durant laquelle la
femelle ne peut concevoir et évite tout contact avec les mâles. Et
que pèse le bébé humain ? Trois à quatre kilos, parfois plus !
D'ailleurs, il perd du poids tout de suite dès les premiers jours de
sa naissance. La femme est suralimentée, son accouchement est
difficile, le bébé est trop gros. Nos bébés ne devraient pas
peser plus de deux kilos.
A six
mois, l'orang-outan a doublé son poids et pèse environ sept kilos.
Les mâles pèsent deux fois plus que les femelles et leur taille est
aussi le double. Les ethnologues prétendent que les termites
fournissent un apport précieux de protéines. Mais qui prétendraient
que ces singes ont l'instinct parfait ? Ne commettent-ils pas aussi
des erreurs ? Quand ils grandissent, ils atteignent les cent kilos.
L'orang-outan
après son sevrage apprend à sélectionner son alimentation en
regardant ses parents. Sa nourriture comprend quelque trois cents
espèces végétales, et rarement des insectes ou du miel pour la
gourmandise.
Les
orangs-outans connaissent parfaitement le moment exact où les arbres
donneront les fruits et le jour où ils mûrissent. Ils adorent les
figues.
Les
petits aiment aussi jouer avec d'autres petits sous le regard
attentif de leur mère, qui n'aime pas beaucoup que ses petits
s'éloignent d'elle.
« Un
jeune de trois ans et demi attire l'attention de sa mère en tendant
la main, paume vers le ciel dans un geste de mendicité bien connu
chez les chimpanzés. Mais la mère semble peu disposée à
satisfaire la requête de son fils. Le petit commence alors à
s'énerver, pique une violente colère et entame une série
d'acrobaties plus inquiétantes les unes que les autres : il se tient
sur un pied au bout d'une maigre branche, menace de se lancer dans le
vide et revient à la charge, moulinant l'air de ses bras. Après
cette "crise", la mère, excédée, mais vaincue, cède à
ses exigences alimentaires . Le jeune orang-outan n'a donc pas
utilisé une branche pour rapprocher un fruit convoité, comme aurait
pu le faire le chimpanzé. Il s'est servi d'un instrument
incomparablement plus sophistiqué : sa mère. Parfois, elle lui
donne un coup avec sa main, mais suivi tout de suite d'une caresse
pour le consoler. »
Quand un
jeune se perd dans la forêt, il pousse des cris stridents pour
appeler sa mère qui accourt vers lui. Mais quand il grandit, sa mère
cherche à l'éloigner d'elle. S'il mendie quelque fruit, avec la
main tendue et la voix languissante, sa mère le repousse en lui
lançant des cris aigus et même en levant sa main sur lui.
Après
le repas du matin, qui dure deux heures ou plus, les gorilles font la
sieste sur l'herbe. Les petits, eux, jouent ensemble et ne dorment
pas.
La
mortalité des bébés gorilles est assez élevée à cause du froid
et du manque d'hygiène. Leur croissance est deux fois plus rapide
que celle des bébés humains. Ils dorment douze à treize heures.
Leur régime comprend du céleri sauvage, gaillet, chardons, orties.
Ils ne boivent jamais, car leurs aliments sont toujours aqueux. Ils
ne mangent pas d'aliments concentrés. Ils mangent aussi des baies,
des moelles de jeunes pousses, l'écorce de certains arbres qu'ils
découpent avec leurs dents acérées.
Les
gorilles mesurent deux mètres trente de hauteur et pèsent environ
cent quatre-vingt kilos. Ils ont une force gigantesque et ne mangent
pratiquement aucun aliment azoté concentré, sinon rarement. Comment
forment-ils toute cette musculature impressionnante sans produits
azotés ?
Albert
Mosséri, L'homme, le singe et le paradis.