L'expression
secte politico-religieuse est fréquemment employée. Le religieux et
le politique ont chacun leur place dans toute société et il n'est
pas souhaitable que l'un ait une pré-éminence ou un pouvoir de
contrôle sur l'autre, mais il n'est pas non plus défendu de se
montrer à la fois politique et religieux. [...]
Les
termes secte, secte religieuse et, encore plus, secte
politico-religieuse sont péjoratifs. Ils désignent des mouvements
néfastes et dangereux. Implicitement, cela revient à dire : il n'y
a pas de bonnes sectes, toutes les sectes sont néfastes.
Or, l'on
ne voit pas ce que le fait pour une secte de s'occuper de religion,
de politique ou encore de commerce, non plus que le fait d'être
importée de l'étranger ont de critiquable.
En
réalité, dans les actions menées contre les sectes il est
couramment fait référence implicitement à deux postulats qu'il
convient de mettre en évidence et de rejeter. Le premier consiste,
en plaçant la simple étiquette secte, à stigmatiser arbitrairement
telle organisation contre laquelle tout deviendrait permis. Le
deuxième consiste, par résolution du conflit secte-société, à
entendre suppression ou interdiction des sectes.
Les
sectes ont existé de tout temps et existeront toujours. Il est vain
et arbitraire de vouloir les supprimer. Il est par contre nécessaire
d'exiger avec force que certaines conditions soient respectées et il
est important de circonscrire clairement ces conditions, à défaut
de quoi nous risquons de nous montrer plus intolérants encore que
les groupements que nous visons.
Indiquons
rapidement ce que nous devons exiger, éviter, proposer.
Ce
que nous devons exiger :
— Que
la santé physique et la santé mentale de l'adepte lie soient pas
mises en danger. Ainsi en est-il lorsqu'il y a usage de violence ou
de menace de violence physique (manque de sommeil ou de nourriture,
soins médicaux insuffisants, absorption de drogue, d'excitants,
hypnose, coups, blessures) ; psychique entraînant une perte réelle
de l'autonomie, de la volonté propre, du sens critique ; symbolique
: usage abusif de mots-forces et 'de concepts terrifiants, tel Satan,
etc.
— Que
les buts effectivement poursuivis par le mouvement soient présentés
clairement dès l'entrée dans celui-ci.
Si l'on
doit laisser à chacun la liberté de se tromper, on doit refuser à
un mouvement la liberté de tromper sciemment autrui.
Ce
que nous devons éviter :
— Une
chasse aux sorcières.
— Le
développement de campagnes de haine préjudiciables aux relations
individuelles, familiales et sociales, entraînant une montée de la
violence et de l'incompréhension.
— Au
nom des valeurs que sont la défense de la famille et la préservation
de l'intégrité de l'individu, la poursuite d'actions contraires à
ces valeurs :
— creuser
un fossé de peur, d'incompréhension et d'agressivité entre parents
et adeptes ;
— violer
l'autonomie de l'adepte en voulant, au-delà d'une stricte
information et par l'usage de la force ou de quelque autre moyen
contraignant ou déloyal, l'empêcher de « se tromper ».
— Une
guerre où les différentes parties en cause ne se rencontrent pas,
mais agissent par intermédiaires et réactions différées : presse,
propositions de loi, campagnes de dénigrement procédant
le plus souvent de généralisations non fondées ou de déformations
des faits, ne conduisant pas vers une solution du conflit, mais bien
plutôt vers une escalade et une fièvre incontrôlée qu'alimentent
les passions et l'imagination plus que la raison et l'observation
pure.
Ce
que nous devons proposer :
— Une
information solidement fondée. Une information ne provenant pas
uniquement du groupement en cause est indispensable. Cette
information doit se fonder sur des faits clairement établis, sans
invention ou déformation de la réalité, en procédant à des
différenciations fines, en établissant clairement la limite entre
ce qui est un fait et ce qui est une opinion ou un jugement de
valeur.
— L'établissement
et le maintien d'un dialogue harmonieux entre l'adepte, sa famille et
ses amis : ouverture la plus propice à la prise de conscience de la
possibilité d'un retour à des valeurs différentes des siennes.
— Une
rencontre directe et honnête avec chaque secte dans le dessein de
résoudre effectivement le conflit secte-société.
Il
importe à cette occasion de circonscrire clairement notre exigence
en la limitant à une préservation de la santé mentale et physique
de l'adepte et à une absence de tromperie sur les buts énoncés.
Au
risque d'ouvrir une porte sur l'arbitraire, cette limite ne devrait
pas être dépassée. En particulier, si l'on est en droit d'exprimer
son désaccord sur tel dogme, il importe toutefois de reconnaître à
toute personne le droit à la liberté de pensée, de conscience et
de religion, tel qu'il a été retenu par la Déclaration universelle
des droits de l'homme adoptée le 10 décembre 1948 par et ratifiée
par la France.
S'il
n'existe pas un moyen idéal de contrôle permettant de vérifier que
ces conditions dont nous requérons de façon très ferme le respect
sont effectivement remplies, il semble toutefois que le meilleur
contrôle est encore celui que peuvent exercer la famille et les
proches.
En tout
état de cause, l'argument non avoué ne tient pas, selon lequel,
faute de moyens idéaux de contrôle, il convient de supprimer les
sectes.
C'est
être encore plus intolérant que ne le sont les sectes.
Ne peut
pas davantage être accepté l'argument selon lequel un dialogue
direct avec des représentants des sectes est impensable, ces
représentants n'étant pas des interlocuteurs valables. Ce genre
d'argument sert uniquement de justification à des actions
malhonnêtes ou dont on ne veut pas assumer la responsabilité.
Le
dialogue n'a jamais fait de mal à personne.
M.
Keller