jeudi, mars 22, 2012

La Rose Blanche





Merah et Breivik, le tueur de Toulouse et le tueur d'Oslo, sont les créatures d'une même matrice, la matrice de la haine.

Pour Nicolas Le Pen, comme disent les Américains en parlant du président des Français, la tragédie de Toulouse représente une aubaine dans sa course au pouvoir. D'ailleurs, on peut s'interroger sur ces terroristes fondamentalistes qui nuisent toujours à leur religion et avantagent étonnamment l'oligarchie régnante. A cause de Merah, la xénophobie va redoubler et renforcer le Sarkozysme.

Comme naguère, quand la crise économique de 1929 a préparé le terrain au nazisme, l'Europe s'enfoncera-t-elle dans le nationalisme, la barbarie, le cloaque nauséabond de la haine ?

Anneliese Knoop-Graf, sœur du résistant allemand Willi Graf, exécuté par le pouvoir nazi, évoque la lutte contre le régime hitlérien des jeunes étudiants allemands de Die Weisse Rose, la Rose Blanche.

[...] Il n'est certes pas facile de transmettre aux jeunes d'aujourd'hui une image vraie de l'arrogance et du manque total de scrupules qui caractérisaient Hitler et son entourage. Dès leur arrivée au pouvoir, leur stratégie fut d'attirer la jeunesse pour la tenir bien en main. Ils voulaient, en s'appuyant sur elle, réussir l'« élevage » d'une humanité supérieure, d'une race de type nordique apte à établir un jour une hégémonie mondiale. Dans ce but, elle devait être formée physiquement, moralement et spirituellement dans l'idéologie du national-socialisme. Le mot d'ordre était : « Tu n'es rien, ton peuple est tout. » Ayant grandi dans une tradition nationaliste, les jeunes des années 30 étaient très sensibles à des valeurs comme la camaraderie, la vassalité, la mère patrie, la nation. Ils étaient façonnés dans l'esprit des associations de jeunesse, aimaient les appels, les feux de camp, les cérémonies et se laissaient facilement griser par les discours de la propagande officielle, par l'éclat des drapeaux, des fanfares.

Ce dressage froidement calculateur et dépourvu de tout scrupule prit alors des proportions qu'on a du mal aujourd'hui à imaginer. Ainsi, à l'école et à l'université, la loyauté vis-à-vis du Führer comptait plus que les connaissances ; la conviction idéologique avait plus de crédit que toute réflexion autonome. Les personnes que le parti ou l'État avaient déclarées officielles possédaient une autorité absolue à laquelle on devait aveuglément obéir.

Pour nous, adolescents de cette époque, il était extrêmement difficile de trouver notre chemin alors même qu'autour de nous professeurs, parents, hommes d'Église s'empêtraient dans les embûches des compromis, des demi-mesures et des lâchetés. Désorientés, nous les regardions boire le poison, conclure trop rapidement la paix avec ce régime - soit pour se protéger, soit parce qu'ils espéraient sincèrement un redressement de l'Allemagne. Nous les regardions accepter et soutenir plus ou moins ouvertement les nazis, sans que cela ne leur pose apparemment de cas de conscience. [...] Les paroles apaisantes des aînés assurant que la sagesse imposait des accommodements n'étaient, de toute façon, pas la bonne nourriture pour l'âme d'un adolescent.

L'engagement dans une organisation de jeunesse nationale-socialiste pouvait représenter, pour une jeune fille de la bourgeoisie, un encouragement considérable à s'émanciper des contraintes familiales de son milieu social. [...] J'avais suivi moi aussi ce mouvement et, pour m'éviter des problèmes, j'avais fini par devenir membre du BDM (l'Association des jeunes filles allemandes) où je servais d'une manière plus naïve que perspicace. Car, depuis mon plus jeune âge, j'étais habituée aux rapports de subordination : à la maison comme à l'école et à l'église. Il faut dire aussi que la conception que le national-socialisme se faisait du rôle de la femme, et tout particulièrement de la mère, correspondait dans une certaine mesure à celle que mon éducation catholique m'avait enseignée.

Mais bientôt, ce fut le désenchantement. Je réalisai que tout ce en quoi j'avais mis mes espoirs - loyauté, solidarité, aspiration à des buts communs, à des tâches et des valeurs supérieures - était en réalité exploité et perverti par un nationalisme maladivement exagéré. La liberté était remplacée par la contrainte, la vérité par le mensonge, le dialogue par le bavardage, la confiance par l'espion-nage. À tout cela s'ajoutaient le caractère unilatéral des idées politiques, la diffamation des juifs, la proscription de nos poètes et peintres préférés et, plus tard, le pressentiment et la quasi-certitude que des crimes épouvantables étaient commis.

Pour moi, la guerre mit fin à cette période peu glorieuse de suivisme, mais j'en ai conservé la peur de la corruptibilité de l'homme face à un système dément et la certitude amère de ne pas lui avoir suffisamment tenu tête. Aujourd'hui je m'interroge souvent sur ce que j'ai appris de mon frère et de ses amis de la Rose Blanche. Je crois qu'ils m'ont appris à chercher toujours à saisir à la fois les nuances et les grandes lignes, à essayer toujours d'acquérir ce pouvoir de discernement indispensable à tout jugement comme à tout acte. Ils m'ont appris qu'il est possible - et même nécessaire pour pouvoir rester fidèle à soi-même - d'accepter des contradictions. Si les circonstances l'exigent, il faut oser rompre avec l'opinion publique et sortir des voies du conformisme pour penser et agir.

Poursuivre ce que Die Weisse Rose a commencé, transmettre leurs intentions, cela signifie pour moi témoigner de leur existence et veiller à ce que leur histoire soit connue. [...] Je me sens tenue vis-à-vis de nos morts, non seulement de maintenir vivante l'inquiétude provoquée par leur disparition, mais aussi de perpétuer dans la consciences des jeunes le sentiment que, sans être personnellement responsables des événements d'alors, ils devront en assumer, sur le plan moral, les conséquences historiques. Pour cela, il ne faut pas craindre d'éclairer les coins sombres de notre passé. [...] Nous ne pouvons en effet comprendre et assumer pleinement notre présent que si nous laissons une place au passé et si nous nous autorisons à ressentir tout ce qu'il provoque en nous de honte, de douleur, de deuil.

Résister, dans le vrai sens du mot, est un défi pour chacun de nous. Résister, c'est regarder attentivement là où les autres ferment les yeux, c'est rester vigilant, sensible, garder sa conscience aiguisée, avoir la volonté ferme de comprendre, de ne pas se laisser mener. Savoir dire non, savoir tenir bon. Cela suppose aussi la résistance contre la paresse de l'esprit et l'indolence du cœur, la résistance contre la tentation de se cacher, d'éviter les conflits. J'aimerais rappeler un mot de Guenter Eich : « Tu es concerné par tout ce qui arrive. Regarde autour de toi : prison et torture, aveuglement et paralysie, la mort sous toutes ses formes, la douleur non physique et l'angoisse qui a affaire à la vie. Tout ce qui arrive : tu es concerné. »

La résistance des jeunes de Die Weisse Rose ne peut garder sa signification que si nous la prenons pour un avertissement à assumer pleinement notre responsabilité civique et à assurer autour des valeurs de liberté une vie politique digne de l'homme : « Déchirez le tissu de l'indifférence qui enferme vos cœurs ; décidez-vous avant qu'il ne soit trop tard. »

Anneliese Knoop-Graf




TRACT DE LA ROSE BLANCHE

"Salus publica suprema lex" 

Toute conception idéale de l'État est utopie. Un État ne peut pas être édifié d'une façon purement théorique ; il doit se développer et arriver à maturité comme un individu. Il ne faut cependant pas oublier qu'à la naissance de chaque civilisation préexiste une forme de l'État. La famille est aussi vieille que l'humanité, et c'est en partant de cette première forme d'existence communautaire que l'homme raisonnable s'est constitué un État devant avoir pour base la justice, et considérer le bien de tous comme une loi primordiale. L'ordre politique doit présenter une analogie avec l'ordre divin, et la "civitas dei" est le modèle absolu dont il faut, en définitive, se rapprocher. Nous en voulons émettre ici aucun jugement sur les différentes constitutions possibles : démocratie, monarchie constitutionnelle, royauté, etc.... Ceci seulement sera mis en relief : chaque homme a le droit de vivre dans une société juste, qui assure la liberté des individus comme le bien de la communauté. Car Dieu désire que l'homme tende à son but naturel, libre et indépendant à l'intérieur d'une existence et d'un développement communautaires ; qu'il cherche à atteindre son bonheur terrestre par ses propres forces, ses aptitudes originales.


Notre "État" actuel est la dictature du mal. On me répond
peut-être : "Nous le savons depuis longtemps, que sert-il d'en reparler?" Mais alors, pourquoi ne vous soulevez-vous pas, et comment tolérez-vous que ces dictateurs, peu à peu, suppriment tous vos droits, jusqu'au jour où il ne restera rien qu'une organisation étatique mécanisée dirigée par des criminels et des salopards? Êtes-vous à ce point abrutis pour oublier que ce n'est pas seulement votre droit, mais aussi votre devoir social, de renverser ce système politique ? Qui n'a plus la force de faire respecter son droit, doit, en toute nécessité, succomber. Nous mériterons de nous voir dispersés sur la terre, comme la poussière l'est par le vent, si nous ne rassemblons pas nos forces et ne retrouvons, en cette douzième heure, le courage qui nous a manqué jusqu'ici. Ne cachez pas votre lâcheté sous le couvert de l'intelligence. Votre faute s'aggrave chaque jour, si vous tergiversez et cherchez des prétextes pour éviter la lutte.

Beaucoup, peut-être la plupart des lecteurs de ces feuilles, se demandent de quelle façon rendre effective une résistance. Ils n'envisagent pas de possibilités. Nous allons vous montrer que chacun est en mesure de coopérer à l'abolition de ce régime. Ne préparons pas la chute de ce "gouvernement" par une opposition individuelle, comme des ermites déçus. Il faut au contraire que des hommes convaincus et énergiques s'unissent, parfaitement d'accord sur les moyens à employer pour atteindre notre but. Nous n'avons guère à choisir entre ces moyens, un seul nous est donné : la résistance passive.


Cette résistance n'a qu'un impératif : abattre le National-Socialisme. Ne négligeons rien pour y tendre. Il faut atteindre le nazisme partout où cela est possible. Cette caricature d'État recevra bientôt le coup de grâce ; une victoire de l'Allemagne fasciste aurait des conséquences imprévisibles, atroces. L'objectif premier des Allemands doit être la défaite des nazis, et non pas la victoire militaire contre le bolchevisme. La lutte contre le nazisme doit absolument venir au premier plan. Dans un de nos prochains tracts, nous démontrerons l'extrême nécessité de cette exigence.

Chaque ennemi du nazisme doit se poser la question : comment peut-il combattre le plus efficacement cet "État" actuel, et lui porter les coups les plus durs? Sans aucun doute par la résistance passive. Il est bien évident que nous ne saurions dicter à chacun sa ligne de conduite ; nous ne donnons ici que des indications générales. A chacun de trouver la façon de les mettre en pratique.

Sabotage dans les fabriques d'armements, les services travaillant pour la guerre, sabotage dans tous les rassemblements, manifestations, fêtes, organisations, contrôlés par le parti national-socialiste. Il faut empêcher le fonctionnement de cette machine de guerre, qui n’œuvre que pour le maintien et le succès du parti nazi et de sa dictature. Sabotage dans tous les domaines économiques et culturels, les universités, les Écoles Supérieures, les laboratoires, les instituts de recherche, les services techniques. Sabotage dans toutes les organisations de propagande qui prétendent nous imposer la "façon de voir" des fascistes. Sabotage dans toutes les branches des arts appliqués, qui dépendent du National-Socialisme et servent sa cause. Sabotage dans la presse et la littérature, contre tous les journaux à la solde du "gouvernement", qui combattent pour ses idées et tentent de répandre des mensonges. Ne donnez pas un sou aux collectes (même faites à des fins charitables), car elles ne sont qu'un camouflage. Le produit de ces quêtes ne va ni aux miséreux ni à la Croix-Rouge. Le gouvernement n'a pas besoin d'argent, la planche à billets tourne sans cesse et fabrique autant de papier-monnaie qu'il désire. Il veut seulement ne jamais relâcher l'oppression du peuple, et lui ôter toute liberté. Cherchez à convaincre vos amis et connaissances de l'absurdité d'une continuation de la guerre ; montrez-leur qu'elle n'offre aucune issue ; faites comprendre quel esclavage intellectuel et économique nous subissons par le nazisme, et de quel renversement de toutes les valeurs religieuses et morales cela s'accompagne ; incitez, enfin, à une résistance passive!

On dit dans la Politique d'Aristote :

"Une tyrannie s'arrange pour que rien ne demeure caché, de ce que les sujets disent ou font ; elle place des espions partout.... elle dresse les hommes du monde entier les uns contre les autres, et rend ennemis les amis. Il entre dans les habitudes d'une telle administration tyrannique d'appauvrir les sujets pour payer la solde des gardes du corps afin que, préoccupés seulement de toucher leur paye, ils n'aient ni le temps, ni le loisir de fomenter des conjurations.... d'établir des impôts très élevés comme ceux réclamés à Syracuse sous Dionysos, où les citoyens avaient perdu en cinq ans toute leur fortune, à payer des redevances.... Enfin le tyran désire faire de la guerre un état permanent...."

Reproduisez et répandez ce tract!




Un choc des cultures au cœur de l'Amérique

En 1987, le professeur de journalisme Stephen Bloom, un libéral typique, a voulu explorer ses racines juives en rejoignant la communauté Hab...