vendredi, mars 30, 2012

La pratique du jeûne





Dès la plus haute antiquité on reconnut bien vite que la meilleure méthode pour se préserver des maladies était la pratique de l'abstention alimentaire pour un temps plus ou moins prolongé. Le jeûne est le procédé de choix permettant un rapide et sûr nettoyage de l'organisme, cela par des moyens simples conformes aux lois de la nature et de la saine physiologie ; son efficacité contre la maladie est telle que tout animal souffrant, guidé par son instinct, s'y soumet de lui-même et refuse de manger tant que les symptômes morbides sont aigus ; nos frères inférieurs, plus raisonnables en cela que beaucoup d'humains, voire même de médecins, nous donnent ainsi un exemple de conduite diététique des plus sages.

Afin de lui donner force de loi, les fondateurs des religions, qui furent aussi des hygiénistes avertis, ont tous incorporé le jeûne dans les prescriptions du rituel ; ces jeûnes figurent encore sur la liste des observances de presque toutes les religions actuelles, mais il est triste de constater qu'ils sont de moins en moins observés d'une façon stricte et effective et que la majorité des fidèles n'en comprend plus le sens pratique, purificateur et moral.

Cette incompréhension s'étend même aux membres du clergé qui semblent, pour la plus grande majorité, avoir perdu la connaissance effective des possibilités et de l'utilité de jeûnes prolongés ; ainsi nous trouvons dans un des ouvrages de l'Encyclopédie théologique de l'abbé Migne : le Dictionnaire historique de la Bible, rédigé par le père Dom Augustin Calmet, révisé et complété par l'abbé A.F. lames, un article sur le jeûne qui est typique à ce point de vue ; nous y lisons entre autres :

« On ne saurait assez s'étonner de l'extrême relâchement qui est arrivé dans le jeûne parmi les chrétiens, surtout dans l’Église latine. »

De plus, ces auteurs ne paraissent considérer le jeûne que comme une pratique de mortification, ils laissent trop dans l'ombre sa valeur purifiante tant corporelle que spirituelle : « Le jeûne a été de tout temps et parmi toutes les nations un exercice usité dans le deuil, dans la douleur, dans la tristesse. » Tel est l'angle sous lequel ils l'envisagent tout spécialement. Enfin ils ne semblent considérer les jeûnes prolongés que comme tout à fait exceptionnels et ne pouvant être pratiqués qu'en vertu d'une grâce spéciale par des êtres d'élection. Ils ignorent totalement que des périodes d'abstinence complète de trente jours, et plus, sont parfaitement possibles sans dommages pour le jeûneur, bien au contraire. Voici ce que disent en effet nos auteurs : «Je ne parle pas du jeûne de quarante jours que Moïse passa sans manger sur la montagne d'Horeb, parce que ce jeûne n'est point dans les règles ordinaires de la nature. » Et plus loin : « Quant aux jeûnes des chrétiens, sans parler des quarante jours de jeûne que Jésus-Christ a passé dans le désert sans manger, et qui est au-dessus des forces ordinaires de l'homme, on ne peut pas douter qu'étant aussi attaché qu'il l'était aux observances légales, il n'observât et ne fît observer par ses disciples tous les jeûnes qui étaient d'obligation dans sa nation. »

Les Spartiates, de même que les Persans, entraînaient leurs enfants à supporter des jeûnes graduellement prolongés afin de les habituer à tous les genres de privations pour les rendre plus forts et plus résistants.

On raconte que les Normands avaient coutume, avant d'entrer en campagne, de se soumettre au jeûne afin, disaient-ils, d'affronter la mort le corps et l'esprit purifiés.

Les Aryens, au dire du Dr Möller, avaient l'habitude de jeûner un jour par semaine.

Pour dégager l'esprit de la matière, le Bouddha s'était astreint à de longues périodes de jeûne et ses adeptes continuent à cultiver ce mode purificatoire, notamment les yogis.

A. Réville raconte également que les prêtres de l'ancien Mexique vivaient d'une vie très austère où figuraient de longs jeûnes : « Préalablement à toutes les fêtes, ils devaient s'imposer un jeûne plus ou moins prolongé. » Leurs élèves étaient soumis à une discipline rigoureuse avec jeûnes progressifs.

En Égypte, les candidats à l'initiation aux Mystères d'Isis et d'Osiris devaient se soumettre à un jeûne de sept jours ; dans certains cas même la durée était fixée à quarante-deux jours. Des prescriptions identiques étaient en vigueur pour les néophytes aspirant à l'initiation aux Mystères d'Eleusis ; ils jeûnaient de sept à neuf jours avant de pouvoir être admis à la cérémonie.

A Delphes, la prêtresse ne pouvait consulter l'oracle qu'après s'être purifiée par un jeûne de vingt-quatre heures. Le jeûne était de pratique si courante chez les Grecs qu'ils avaient un terme spécial pour désigner le jeûneur ou la jeûneuse, et une locution consacrée signifiant « exhaler l'odeur spécifique d'un estomac à jeun» ; fait qui nous indique qu'ils avaient déjà remarqué et qu'ils connaissaient bien l'odeur spéciale et fétide dégagée par tout jeûneur durant les premiers jours de son abstinence.

Dans l'Ancien Testament il est fréquemment fait mention de jeûnes pratiqués par périodes de trois, sept, vingt-et-un ou quarante jours. Moïse avait prévu dans sa loi des jours et des époques où le jeûne était de rigueur ; lui-même jeûna quarante jours sur le Sinaï lorsqu'il reçut les Tables de la Loi :

« Moïse fut là avec l’Éternel quarante jours et quarante nuits. Il ne mangea point de pain et il ne but point d'eau » (Exode 34. 28).

Aux premiers temps de l'ère chrétienne le jeûne était encore très en honneur chez les fidèles qui s'astreignaient à des périodes d'abstinence totale de vingt-quatre heures appelées en latin mystique d'alors : « jejunium a vespera ad vesperam » (jeûne d'un soir à l'autre).

Nombreux sont les religieux et les ascètes qui sont mentionnés dans la littérature hagiographique comme ayant jeûné de un à deux mois et plus pour purifier leur corps et libérer leur esprit des liens de la chair ; on remarqua aussi que leurs pouvoirs curatifs, comme guérisseurs mystiques, étaient considérablement augmentés à la suite de ces pratiques ; la même constatation eut lieu le siècle passé avec saint J.-B. Vianney, plus connu sous le nom de curé d'Ars, dont les cures d'âme et les guérisons remarquables sont encore dans toutes les mémoires ; c'est à ces jeûnes austères qu'il attribuait en grande partie le développement de ses pouvoirs.

Un des plus illustres Pères de l’Église, saint Jean Chrysostome, définit on ne peut mieux le but et l'utilité du jeûne : « Le jeûne est la nourriture de l'âme, il refrène les intempérances de langage et clôt les lèvres, il dompte la luxure et adoucit le tempérament colérique, il réveille le jugement, confère de la force et de la clarté aux pensées, il rend le corps plus agile, chasse les rêvasseries nocturnes, il guérit les douleurs de tête et fortifie les yeux. »

C'est grâce à la pratique de jeûnes répétés, alliés à une sobriété exemplaire, que plusieurs de ces ascètes chrétiens sont devenus plus que centenaires. Lessius rapporte de multiples exemples de religieux confinés dans la solitude, vivant uniquement de pain, de dattes, de salades et d'eau qui ont dépassé 100 ans. «Tel, dit-il, Paul l'Hermite vécut 115 ans, dont au rapport de saint Jérôme, il en passa près de cent dans les déserts, ne vivant les quarante premières années que de dattes et d'eau pure, les autres de pain et d'eau. Tel saint Antoine parvint à l'âge de 105 ans, dont, selon saint Athanase, il en passa près de quatre-vingts dans les solitudes, ne se nourrissant aussi que de pain et d'eau, à quoi il ajouta vers la fin un peu de salade. Tel Arsenius, précepteur de l'empereur Arcadius, qui atteignit l'âge de 120 ans ; il passa d'abord soixante-cinq ans au désert dans la plus sévère abstinence. Tel Epiphane se conserva 115 ans au moyen de la plus rigoureuse diète. »

Mahomet fut également un grand partisan du jeûne ; d'après lui la prière nous conduit à la moitié du chemin qui nous mène à Dieu et le jeûne nous fait arriver aux portes du ciel. « Celui qui demeure quarante jours dans la prière la plus pure, dit-il encore (c'est-à-dire en se privant de toute nourriture et de toutes boissons), goûte la joie de sentir les sources de la sagesse se déverser du cœur sur les lèvres. » Mais encore faut-il que cette pratique soit faite en toute conscience pour porter ses fruits : « C'est un bien pour vous de jeûner, surtout si vous le faites avec compréhension. »

Lorsque les musulmans se rendent en pèlerinage à la Mecque, ils sont astreints à trois jours de jeûne durant le voyage d'aller et à sept jours pendant le retour.

Voici un précepte extrait du Coran qui mérite d'être médité tant par les chrétiens que par les fidèles d'Allah :

« La diète est le remède de premier ordre ; l'estomac est le réceptacle des maladies ; on ne possède jamais la santé en remplissant son estomac ; il ne faut pas s'épuiser par la nourriture et la boisson ; manger trop est le père de tous les maux ; le régime est le père des remèdes. »

Le Dr P. de Régla, ayant longtemps vécu à Constantinople, y fit la connaissance d'un sage musulman, le Khôdja Orner Haleby, abou Othnzdn, dont il devint le disciple ; il traduisit et adapta en français son remarquable ouvrage El Ktab, le Livre des choses connues et cachées ; on trouve dans ce volume de nombreux passages où les bienfaits du jeûne et de l'abstinence sont parfaitement mis en valeur : « Gouvernez et modérez votre ventre, dit-il, car c'est lui qui mine le corps, qui engendre les maladies, qui fait négliger la prière. » Pour lui le médicament par excellence, c'est la faim et, la cause de la maladie : « c'est entasser nourriture sur nourriture, charger un repas sur un autre ». Il s'appuyait encore sur les paroles du Prophète : « Le vrai croyant ne mange que pour un intestin, le mécréant mange pour sept intestins. La sagesse et la raison ne sauraient être compatibles avec un estomac chargé de nourriture. »

Mohammed avait coutume de dire : « Le jeûne est la santé. »

A l'heure actuelle la pratique d'un jeûne de quarante jours est encore très en honneur chez les Soufis.

Parmi les religions modernes qui ont conservé des souvenirs du passé, mais combien affaiblis et déformés, nous citerons les bouddhistes, les catholiques, les orthodoxes avec leurs périodes de carême, leurs jours maigres où l'on se croit obligé de remplacer la viande défendue par d'abondants plats de poissons variés !

Les Israélites ont leurs jeûnes nationaux : Purim et Jom-Kipour, soit une abstinence totale de vingt-quatre heures.

Les mahométans ont le Ramadan et de nombreuses prescriptions rituéliques hygiéniques concernant les ablutions fréquentes, une gymnastique éminemment salutaire consistant en de nombreuses génuflexions, enfin de multiples restrictions alimentaires des plus profitables pour les fidèles qui les respectent et les mettent en pratique.

Nous pouvons donc conclure de cette revue succincte que les fondateurs de religions et les sages de tous les temps ont considéré le jeûne comme un facteur utile et nécessaire, capable de purifier le corps et de fortifier l'esprit en le dégageant des liens de la matière...

Édouard Bertholet



Télécharger gratuitement le livre du docteur Bertholet Le retour à la santé par le jeûne :


Le jeûne, une nouvelle thérapie ?


Dans les pays occidentaux, les cas de diabète, d'hypertension, d'obésité, de cancers se multiplient et la consommation de médicaments explose. Et s'il existait une autre voie thérapeutique ? Depuis un demi-siècle, en Russie, en Allemagne et aux États-Unis, des médecins et des biologistes explorent une autre piste : le jeûne. Réputé pour sa source d'eau chaude, le sanatorium de Goriachinsk, dans la plaine sibérienne, est aussi connu pour son centre de jeûne, créé en 1995. Atteints d'asthme, de diabète, de rhumatisme, d'allergie... les patients, très encadrés, n'ingurgitent rien à part de l'eau durant douze jours en moyenne mais la cure se prolonge parfois trois semaines. Après la douloureuse crise d'acidose des débuts, ils se sentent plus en forme et les deux tiers voient leurs symptômes disparaître après une ou plusieurs cures. Remboursé, ce traitement s'appuie sur quarante ans d'études scientifiques, malheureusement non traduites, qui ont démarré sous l'ère soviétique. Bien qu'elles soient inconnues hors de Russie, des médecins et chercheurs occidentaux creusent aussi ce sillon, même si, aux pays du médicament-roi, ils bénéficient de peu de subventions.




Le plan dirigé contre l’Esprit

La lutte pour la supériorité et les spéculations continuelles dans le monde des affaires créera une société démoralisée, égoïste et sans cœu...