mercredi, août 17, 2011

Mots de la Fin


"Philosopher, c'est apprendre à mourir."
Montaigne



Au moment où il sent s'approcher l'ultime seconde, au moment où il entrevoit l'envers du miroir, il est permis de penser qu'un personnage célèbre a peut-être envie de délivrer aux vivants un message qui soit le résumé de toute son existence ? Les phrases qui suivent risquant fort de décevoir les lecteurs. A ceux-ci, il reste la ressource de se dire que la plupart d'entre elles sont sûrement apocryphes.

Afin de ne pas aborder de façon trop mélancolique ce douloureux chapitre, disons-nous avec Commerson que : A son lit de mort, l'homme songe plutôt à élever son âme vers Dieu que des lapins.

L'empereur Néron - selon Suétone - aurait dit au moment de mourir des mains de son esclave affranchi : Qualis artifex pereo ! C'est-à-dire : Quel artiste périt avec moi ! (68 après J.-C.).

Rabelais : Tirez le rideau, la farce est terminée ! (1553).


Le grand Montaigne n'avait pas peur d'avouer : Ce n'est pas la mort que je crains, mais, de mourir (1593).

Le poète Philippe Desportes : J'ai 30 000 livres de rente, et je meurs (1606).

Lope de Vega, écrivain espagnol : Je peux vous le confier : Dante m'a toujours ennuyé ! (1635).

Le père Dominique Bouhoure, Jésuite et grammairien : Je m'en vais ou je m'en vas, l'un ou l'autre se dit ou l'un et l'autre se disent (1702) - il est à signaler que ce mot est également attribué au poète Piron.

Le peintre Antoine Watteau : Otez-moi ce crucifix ! Comment un artiste a-t-il pu rendre aussi mal les traits de Dieu (1721).

Et le musicien Rameau n'était guère content lui non plus : Que diable me chantez-vous là, Monsieur le Curé, vous avez la voix fausse ! (1764).

Piron - le revoici ! - à qui son ami La Place demandait : Alors ? Cela va-t-il ? répondit : Non, cela s'en va ! (1773).

Voltaire : Je m'arrêterais de mourir s'il me venait un bon mot ou une bonne idée (1778).

Chamfort : Ah! mon ami, je m’en vais de ce monde où il faut que le cœur se brise ou se bronze - Et, un moment plus tard, refusant l'extrême-Onction : Je vais faire semblant de ne pas mourir (1794).

André Chenier, montant à l'échafaud et se touchant la tête : Pourtant, j'avais quelque chose là ! (1794).

Edward Thurlow, homme d’État anglais s'écria juste avant de trépasser : Que je sois pendu si je ne suis pas en train de mourir ! (1806).

Le Duc d'Enghien, avant de mourir fusillé dans les fossés du Fort de Vincennes: Qu'il est affreux de mourir ainsi de la main des français (1804).

Et le général Ney, commandant lui-même son peloton d'exécution : Soldats, droit au cœur ! (1815).

L'abbé Bossut, mathématicien célèbre se trouvait depuis plusieurs heures dans le coma lorsque l'un de ses amis lui dit à l'oreille : Le carré de 12 ? - 144 ! dit Bossut en rendant l'âme (1814).

Napoléon : Mon fils... Tête... Armée... (1821).

L'écrivain et gastronome Brillat-Savarin mourant la veille du réveillon de Noël : Je vais avoir un Dies iræ aux truffes ! (1826).

Goethe : Ouvrez donc les volets – de la lumière... plus de lumière ! (1832).

Chopin : Maintenant, je suis à la source du bonheur ! (1849).

Balzac : Huit jours avec de la fièvre ! J'aurais encore eu le temps d'écrire un livre - et, dans son agonie : Bianchon, appelez Bianchon ! Lui seul me sauvera ! (Horace Bianchon était un des personnages de la Comédie humaine) (1850).

Alfred de Musset : Dormir, enfin ! Je vais dormir ! (1857).

Hector Berlioz, avec une infinie tristesse : Ah ! Quel talent je vais avoir demain ! - et puis : Enfin, on va maintenant jouer ma musique ! (1869).

Henri Monnier, le créateur du personnage de Monsieur PRUD'HOMME : Il va falloir être sérieux là-haut ! (1877).

Victor Hugo s'exprimant une dernière fois en alexandrin : C'est ici le combat du jour ou de la nuit ! et puis : Allons ! Il est bien temps que je désemplisse le monde ! (1885).

Villiers de L'Isle Adam, mourant à l'hôpital dans la plus grande misère : Et bien ! Je m’en souviendrai de cette planète ! (1889).

Oscar Wilde, recevant la note de son médecin : Je meurs vraiment au-dessus de mes moyens ! (1900).

Henri de Toulouse-Lautrec : Maman... Rien que toi ! (1901).

Jules Renard : Marinette, pour la première foie, je vais te faire une grosse, une très grosse peine ! (1910).

L'acteur Mounet-Sully : Mourir, c'est difficile quand il n'y a pas de public (1916).

Clemenceau, voyant arriver un prêtre : Enlevez-moi ça ! (l929).

L'écrivain Francis de Croisset : Je m'ennuie déjà ! (1937).

Georges Bernanos : A nous deux ! (1948).

Pour la fin - c'est le cas de le dire ! - nous avons gardé deux phrases particulièrement touchantes dans leur naïveté spontanée : La vicomtesse d'Houdetot, morte jeune de tuberculose : Je me regrette ! et le grand industriel Rizzoli : Mais je ne peux pas mourir ! Je suis l'homme le plus riche d'Europe.
Il n'y a rien à ajouter... sauf un mot peut-être :

F I N

Claude Gagnière

Dessin :

Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...