vendredi, juillet 01, 2011

Qui nous asservit ?




Le bouddhisme dit que c’est nous qui nous asservissons nous-mêmes dans le filet de nos idées, de nos paroles, de nos actes, individuels et collectifs. Ceci s’applique à tous les aspects allant des névroses individuelles aux oppressions des masses, des souffrances que l’on s’inflige à soi-même à celles que l’on inflige à ses voisins. De plus, on a remarqué que ces idées, ces paroles, ces actes, surgissent d’attitudes subtiles ou de postures mentales, qui inconsciemment les renforcent et assurent leur répétition.

Du fait que ces attitudes sont rarement passées au crible de l'examen critique conscient, masquées par leur propre subjectivité, la source de l’asservissement, à partir du développement des inclinations caractéristiques que ces attitudes internes favorisent et encouragent leur renforcement, cela est appelé en terminologie zen : « sans corde, s’attacher soi-même. »

Du point de vue du Zen, le problème sous-jacent aux diverses manifestations d’asservissement est constitué par un état de confusion fondamentale. En terminologie classique zen, on désigne cet état par « prendre le serviteur pour le maître ou prendre l’invité pour l’hôte. » Même des formes d'asservissement évident, comme celles que l’on constate dans les formes d’esclavage politique ou économique, commencent et se développent dans des cycles de répétition provenant de la domination de l’esprit par des idées, des mots ou des actes. La pensée bouddhique reconnaît la susceptibilité de l’esprit à la suggestion et au conditionnement, d’où le proverbe : « Soyez maître de votre esprit, ne le laissez pas devenir votre maître. »

Alors que l’on comprend que l’on ne peut rien dire sur l’absolue objectivité qui, dans sa totalité, se situe au-delà de l’esprit qui la suppose, le bouddhisme, libre des penchants et des préjugés qui dégradent les relations humaines et empêchent l’humanité de se voir telle qu’elle est, s’efforce à la plus grande objectivité possible dans la compréhension de l’humanité. Dans cet objectif, le bouddhisme examine, sous tous les angles possibles, la relation qu’entretiennent la subjectivité et l'objectivité afin d’atteindre les limites de ce qui peut être distingué entre vrai et faux.

Tant que l’on n’a pas atteint le point où se fait ce discernement critique, la réalisation zen n’est pas réellement possible. Certains peuvent se sentir libérés alors que tout ce qu’ils ont connu n’est rien d’autre qu’un changement de leurs intérêts. Certains peuvent se croire légitimés alors qu’ils n’ont fait qu’acquérir la conviction qu’ils ont raison, et il est possible que cela leur suffise. D’autres encore peuvent se sentir dispensés d’avoir des choses à faire, à penser, à discuter, sans que cela les satisfasse réellement ou les nourrisse intérieurement. En terminologie zen, ils sont remplis mais non accomplis. D’aucuns peuvent être incités par leur conscience à agir d’une manière qui ne répond pas à ce qu’ils envisageaient parce qu’ils ne peuvent pas maîtriser la volonté et le savoir dont leurs impulsions sont l’écho. Tous les problèmes de non-authenticité psychologique ou spirituelle sont placés sous l’œil scrutateur du zen. Le Zen conduit à la réelle liberté et non à l’image de la liberté.

Une ancienne observation zen a révélé que tout ce qui stimule ou motive quelqu’un, sur les plans économique, politique, social, psychologique ou religieux, risque en réalité de l'empêcher de combler les véritables besoins et désirs qui ont été à l’origine de la stimulation ou de la motivation. En termes zen, cela ne signifie pas que l’objet en lui-même vient contrecarrer la personne mais que la conception individuelle de l’objet et l’attitude a qu’il inspire sont incapables de combler l’être.

C’est là le point crucial du Zen dans son approche de la libération.

Les chaînes de la pauvreté et de l’oppression sont visibles au regard ordinaire et il n’est pas difficile d’éprouver de la sympathie pour les affligés. Mais souvent, les individus et les peuples, sont pris dans des chaînes qu’en fait ils chérissent comme un trésor. Comme le disait un maître zen : « Il est difficile de voir ce qui ne va pas dans ce que l’on aime et de voir ce qui va bien dans ce que l’on n’aime pas ».

Un autre maître zen a fait remarquer qu’il y a chez les êtres humains une tendance à aimer ce qui est familier. Ce qui signifie que les goûts et les habitudes avec lesquels les gens se sentent à l’aise dans un premier temps, peuvent en fait les priver d’une plus grande capacité de progrès et d’accomplissement.

A l’instar du taoïsme, son prédécesseur, le Zen a depuis longtemps remarqué que le désir pour des résultats visibles et rapides est une attitude de prédilection qui est contraire à un progrès véritable du développement tant social qu’individuel. Des études sans nombre ont montré que les résultats de la précipitation ont les mêmes effets, dans les affaires sociales et politiques que dans les situations psychologiques : dépression, ressentiment, regret et nostalgie, qui risquent de consumer tous les progrès qui avaient pu être faits.

Ce qui reste après tout ce processus, une fois que les émotions sont épuisées, c’est une collection de rationalisations aussi inefficaces en elles-mêmes que les émotions.

On se demande parfois pourquoi, en dépit des excédents économiques et des législations complexes établies par les gouvernements, persistent tant de famine et d’oppression dans notre monde. Pour trouver la réponse à cette énigme, un penseur politique pourrait souligner l’interaction conflictuelle des intérêts matériels des différents pays et l'influence de la corruption. Un sociologue pourrait présenter des théories selon lesquelles les particularités culturelles et historiques expliquent la persistance de schémas de récession. Un observateur zen devra, lui, considérer de manière impartiale, l’ensemble de l’interrelation des conditions, sans isoler un seul élément qui pourrait avoir avec lui une résonance émotionnelle.

En vue de comprendre dans la plus claire vérité ce qui est réellement possible dans une situation donnée, celui qui se veut illuminé doit se maintenir à l’écart des idéaux reçus et sacrifier toute compassion sentimentale. C’est un aspect de la « grande mort » par laquelle doivent passer les disciples du Zen, afin de rendre clairs leurs esprits pour être en mesure de voir ce qui est en face d’eux, de manière impersonnelle et impartiale. C’est ainsi qu’ils peuvent mener une vie fraîche, sans porter le fardeau des illusions passées.

Croire que l’on peut acquérir la liberté et la sécurité par le seul fait de systèmes d'organisation gouvernementaux est un mythe populaire et une des illusions les plus entretenues à notre époque.

Alors qu’un système peut, en certaines conditions, se révéler plus efficace qu’un autre, il reste le fait que certains continuent à créer et à faire fonctionner les systèmes, faisant le développement individuel humain critique à tout processus de progrès social. La pensée politique bouddhique admet cela.

L’accent, mis par le bouddhisme sur la libération individuelle, même au sein d’écoles dont le but affirmé est la libération collective, a donné lieu à un contresens selon lequel le bouddhisme serait une religion passive qui encourage l’évasion du monde. Il est un fait que cet encouragement à la fuite et à la passivité sont des aspects bien connus d’une forme de corruption de certaines pratiques. Ces attitudes sont très éloignées de l’esprit du bouddhisme qui considère le bien de tous comme le fait le plus important, même dans les écoles qui soulignent en premier lieu la nécessité de la libération individuelle. La libération de chaque individu fait partie intégrale du bien-être social dans la mesure où elle réduit les sources de conflit et permet à des gens dépouillés d’ambition personnelle de travailler pour le bien des autres.

Selon l'enseignement du bouddhisme, même un acte de générosité n’est pas réellement authentique dans la mesure où il est teinté de sentiments personnels que sont le désir ou la satisfaction de donner.

Cela ne veut pas dire que le bouddhisme n’autorise pas l’action sociale avant d’avoir atteint l’ultime objectivité, mais les bouddhistes ne se servent pas de l’action sociale pour apaiser leurs sentiments humains.

Le bouddhisme se sert plutôt de l’action comme moyen de connaissance et se sert de la connaissance pour guider l’action. Selon Le Livre des Dix Étapes, que l’on trouve dans le soutra de L’Ornementation fleurie, un des textes les plus riches du bouddhisme universel, quand les pratiquants atteignent le stade du perfectionnement de la méditation, ils « pratiquent tout ce qui dans le monde pourrait faire du bien aux êtres vivants ». Parmi les activités mentionnées dans les Écritures, on trouve : écriture, enseignement, mathématiques, sciences naturelles, médecine, pratique des arts, ingénieur, horticulture et psychologie.

L’Histoire montre, en Asie, des traces d’activité bouddhique dans un large éventail d’activités qu’elles soient culturelles, sociales, économiques ou politiques. Les contributions bouddhiques aux beaux-arts et aux arts appliqués, à la littérature, à la philosophie, à la médecine et à l’éducation sont bien reconnues. Les bouddhistes ont aussi joué un rôle dans la revendication et la conservation de la terre, de l’eau, de ressources humaines, tout autant que dans le développement d’activités bancaires, du commerce, de l’artisanat, de l’hôtellerie, des communications, de l’imprimerie et de l’édition. À tous les niveaux, les bouddhistes ont participé aux gouvernements, et particulièrement dans les administrations locales, mais ils sont aussi intervenus de l'extérieur, quelquefois en défendant, avec des groupes d’amnistie, des prisonniers politiques et même en fomentant des rébellions armées contre des régimes oppressifs. Le bouddhisme a également mis au point des moyens acceptables socialement afin que les femmes puissent demander le divorce, ainsi que les premières mesures favorables aux orphelins issus de la politique de clans de l'Asie ancienne.



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