lundi, juillet 04, 2011

Mably, l'abbé de la communauté des biens




Gabriel Bonnot de Mably, pour qui la propriété privée est la source de tous nos maux et qui prône la mise en commun des biens, n'a rien d'un exalté. Ses conclusions découlent d'une recherche libre de tout préjugé.

Né dans une famille d'ecclésiastiques, d’abord chanoine, il s'oriente vers la diplomatie. En 1743, il négocie avec l'ambassadeur de Prusse un traité contre l'Autriche. Tirant les leçons de cette expérience, il rédigera et publiera, cinq ans plus tard, le Droit public de l'Europe fondé sur les traités conclus jusqu'en l'an 1740.

Homme de salon et critique lucide de la société

La diplomatie ne le passionne pas. Il abandonne la carrière qui s’ouvrait devant lui, en 1746, et il devient un habitué des salons parisiens. Il commence par s'intéresser à l’Antiquité (Parallèles entre les Romains et les Français, Observations sur les Romains, 1751.) Mais il se tourne bien vite vers la société de son temps.

Entretiens de Phocion sur la morale et la politique (1763), Doutes proposés aux philosophes économistes sur l'ordre naturel et essentiel des sociétés politiques (1768), De la législation ou Principes des lois (1776), etc., mais surtout ses Droits et devoirs du citoyen (écrit en 1758 mais publié seulement en 1788) : Mably se montre, dans ses ouvrages, un observateur lucide, averti, critique de la société de son temps. Il tire de ses observations une philosophie générale bien en avance sur son époque.

La propriété est la « principale source » de tous nos malheurs

Les passions sans frein ni raison génèrent, selon Mably, le goût de la propriété. Celle-ci devient alors un besoin impérieux, une drogue... Mably écrit que la propriété est « la principale source de tous les malheurs qui affligent l'humanité. »

La propriété partage les hommes en deux camps ennemis : les riches et les pauvres. Les premiers, ajoute Mably, inclinent vers la paresse ; les seconds sont infériorisés, humiliés. La solution ? Mably la trouve dans la communauté des biens. Mais, comme « aucune force humaine ne pourrait tenter aujourd’hui de rétablir l'égalité sans causer de plus grands désordres que ceux que l’on voudrait éviter », cette communauté ne reste qu’un concept opératoire. Il faut réformer la société, il faut limiter les injustices par la force de la loi et le sentiment moral.
André Nataf


Entretiens de Phocion sur le rapport de la morale et de la politique 

On ne peut comprendre l’œuvre de Mably « dans l’abstrait ». Frappé par la crise qui ébranle la monarchie française, Mably voua un véritable culte à la République parfaite de Platon et rêva du civisme à l’antique. Les Entretiens de Phocion, publiés en 1763, un an après Le Contrat social de Rousseau, se présentent comme un dialogue socratique : le vieux sage de Lacédémone y explique au jeune Aristias en quoi la politique et l’éthique sont solidaires : sagesse et vertu requièrent toujours, en effet, un amour de la patrie qui s’élargit en amour de l’humanité. Selon Mably, une politique sans éthique porte en elle les germes du malheur.



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Illustration :

Le plan dirigé contre l’Esprit

La lutte pour la supériorité et les spéculations continuelles dans le monde des affaires créera une société démoralisée, égoïste et sans cœu...