jeudi, mai 12, 2011

Assistanat traditionnel




L'assistanat des sadhus.

Le mot sadhu est aussi ancien que la langue sanskrite elle-même. Dans le Rig Veda, le premier des quatre Vedas, textes sacrés anciens à la base des traditions religieuses hindoues, il y a plus de trois mille ans, le mot sadhu était utilisé pour désigner celui qui atteint son but sans se détourner de son chemin. Plus tard, le mot fut employé pour décrire l'homme érudit sur le plan spirituel, doué de grandes qualités religieuses et vertueux en pensée, en paroles et en actions. Le mot sadhu désigne aussi celui qui s'est engagé dans la poursuite de la Vérité, de la Beauté Éternelle et de la Vertu. Lors de son initiation dans l'une des sectes appartenant à un ordre, le sadhu entre dans la vie spirituelle. Il mène une vie exemplaire non pas comme une fin en soi mais comme un moyen de parvenir au but final, le salut (moksha), la libération de toute en entrave terrestre. […]

Selon la tradition védique, le sadhu doit vivre de la charité et des aumônes (bhiksha) des laïcs. Les sectes et sous-sectes de sadhus reçoivent aussi des dons de la part des rois, des rajahs et des riches dévots sous forme de terres et d'argent. Ces dons contribuent à augmenter les revenus des ordres monastiques au profit de la collectivité et permettent le financement de programmes de propagation de la foi. Toutefois, la plupart des communautés pratiquent la mendicité. Les sadhus errants prennent sur leurs activités religieuses le temps de frapper à la porte des gens ordinaires en ne leur demandant rien d'autre qu'un peu de nourriture. Les règles qui les guident sur la manière de mendier sont clairement établies pour leur éviter les tracas de l'existence. Ces lignes de conduite (ayachaka vritti) prévoient qu'un sadhu ne doit pas se présenter à la porte d'un maître de maison pour mendier sa nourriture avant que la fumée du feu de la cuisine ait fini de s'échapper de la cheminée, ce qui signifie que le sadhu ne récoltera que les restes que les membres de la famille auront laissés, leur repas terminé. Il est prévu également qu'un sadhu ne doit pas accepter plus d'une galette (roti, pain indien en forme de crêpe) par maison et qu'après avoir obtenu suffisamment de nourriture pour la journée, il doit regagner sa retraite. Lorsqu'un sadhu arrive devant une maison pour demander l'aumône, il doit rester à l'extérieur, sur le pas de la porte et prononcer les paroles suivantes : « Narayana Hari, bhikshama dehi, mata » (« Gloire à Dieu au nom duquel je demande l'aumône, mère »). La maitresse de maison sait alors qu'un sadhu est à sa porte. Après quoi il récite le Gayatri mantra, la première formule prononcée dans les prières hindoues. Si, après l'avoir récité onze fois, le sadhu ne reçoit aucune aumône, il doit se diriger vers une autre maison. Par ailleurs, le sadhu ne doit pas mendier dans certaines maisons : celle du consommateur d'alcool (madirapayi), du mangeur de viande (mansahari), d'un meurtrier ou d'un criminel, d'un couple sans enfant. Cette dernière restriction s'explique par le fait que, dans une société principalement agricole, un couple sans enfant ne disposera sans doute pas de moyens suffisants pour mettre de côté de la nourriture. N'importe quelle nourriture peut être donnée au sadhu comme aumône. Il n'est pas rare que des maîtresses de maison lui offrent de la farine de blé ou tout autre produit alimentaire de base à partir desquels il se prépare ensuite un repas simple près de sa retraite.

Avant d'entamer son repas, le sadhu fractionne sa nourriture en quatre parts. Il en met de côté une pour le règne animal, la pose à côté du récipient dans lequel il mange et l'y laisse une fois son repas terminé. Une seconde part est prévue pour quiconque viendrait le voir pendant qu'il mange. Il ne garde pour lui-même que deux parts. Ses habitudes alimentaires sont extrêmement frugales. Le souvenir d'un incident survenu il y a cinquante ans me reste particulièrement vif. Près de l'ashram de Kankhal, au bord du Gange sacré, non loin de Haridvvar, un sadhu avait l'habitude, après son maigre repas, de prononcer les paroles suivantes : « Ananda a gaya, kya accha bhojan tha » (« Quel bonheur suprême, quel délicieux repas ! »). Cette habitude attira l'attention de quelques-uns de ses semblables qui l'envièrent. Ils décidèrent de localiser les maisons ou le sadhu mendiait sa nourriture quotidienne. Une fois ces maisons repérées, ils sortirent un jour pour aller y demander l'aumône avant que leur semblable ait commencé sa tournée. Mais lorsqu'ils revinrent et s'installèrent pour manger, ils trouvèrent leur nourriture très ordinaire. Perplexes, ils se rendirent auprès du sadhu pour avoir une explication. Le saint homme se tourna vers eux et leur demanda : « Pourquoi parlez-vous du goût de la nourriture si vous êtes sadhus ? Le bonheur que je ressens après un repas est le bonheur de l'esprit. Il n'a rien à voir avec la nourriture. »

Les lignes de conduite du sadhu errant prévoient aussi qu'il ne doit pas séjourner plus de trois jours dans un village et pas plus d'une semaine dans une ville. Sur un lieu de pèlerinage (tirtha), il peut toutefois s'établir de un à six mois d'affilée. Il ne doit pas passer la nuit dans une maison mais dans un temple ou sur les lieux de crémation où règne la paix de la solitude (ekanta). Son emploi du temps journalier le contraint à huit heures de prières, à réciter le Pranava mantra (la première prière, c'est-à-dire le Gayatri mantra), à ne dormir et se reposer que cinq heures, à consacrer deux heures à son bain et à ses ablutions et les neuf heures restantes à la lecture des saintes écritures, à s'entretenir avec d'autres sadhus des questions religieuses, à rencontrer ses dévots et ceux qui viennent à lui pour recevoir une instruction religieuse. Un sadhu n'est pas autorisé à dormir dans le courant de la journée.

La démarche qui consiste à se retirer de la société et de la cellule familiale et à adopter le mode de vie du sadhu est désignée par les Hindous sous le nom de sannyasa. Dans la vision hindoue du monde, ce renoncement pour mener une vie d'ermite ou d'ascète errant est pour l'homme qui a rempli ses devoirs familiaux un véritable accomplissement.

Ce processus de retrait du monde matériel se réalise en quatre étapes : celle où le sadhu vit retiré dans une hutte et mène une existence sédentaire (kutichara) ; celle où il n'a pas de demeure fixe (parivarjaka) ; celle où il parvient à la prise de conscience de son union avec Dieu, Dieu qui est omniprésent et présent en chacun de nous (hamsa) ; celle enfin où, au terme de sa quête, il accède à la connaissance transcendante (parama hamsa). Une fois entré dans une secte, le sadhu doit se conformer à des règles de discipline personnelle (yama) et à certaines règles de vie (niyama). Les règles de discipline personnelle lui enjoignent de suivre la voie de la liberté, de la non-violence, de faire vœu de célibat, de renoncer au vol et à la possession de biens. Les règles de vie recommandent la pureté de la pensée et des actes (shaucha), le sens du contentement (santosha), le rigorisme, l'auto-abnégation (tapa), l'étude des écritures (swadhyaya) et l'adoration de Dieu, le Tout-Puissant (ishwara pranidhana). Dans sa vie de tous les jours et notamment au contact de la société, le sadhu est quelqu'un qui ne demande rien (ayachaka), qui pratique des actes de dévotion religieuse et des incantations (sadhana) dans le but de parvenir à un état de méditation plus satisfaisant. [...]

Les facteurs étiologiques qui conduisent un individu à devenir sadhu peuvent en gros être classés en facteurs de pression et facteurs d'attraction. Dans bien des cas, ces deux forces peuvent être complémentaires. Les érudits religieux et les sociologues s'accordent généralement pour dire que les facteurs d'attraction qui incitent l'individu à mener le mode de vie d'un sadhu peuvent être répertoriés de la manière suivante :

- Quête de l'enrichissement spirituel : pour la mener à bien, l'individu cherche à s'éloigner des plaisirs de la vie en famille et des plaisirs de ce monde, et à mener une vie qui lui permette de consacrer la majeure partie de son temps à méditer sur les mystères de la création et à chercher des réponses aux questions fondamentales de l'existence humaine.

- Choix d'une vie facile : la vie du sadhu, bien qu'elle soit remplie d'épreuves, de privations et d'austérités, peut être sans souci matériel. Le sadhu ne possède rien si ce n'est sa foi; il n'a donc rien à perdre.

- Amélioration de l'image de marque : après son entrée dans une communauté de sadhus, l'individu bénéficie d'un respect qu'il n'eût jamais obtenu des hommes dans la vie courante sans tenir compte de sa situation matérielle. La marque frontale et les robes caractéristiques de la secte, les longs cheveux enroulés sur le sommet de sa tête, la barbe et les autres symboles du sadhu sont considérés chez les Hindous comme des emblèmes de la réussite personnelle.

- Garantie des moyens de subsistance : une fois entré dans un ordre d'ascètes, le sadhu est pris en charge par la communauté monastique qui lui assure la nourriture et l'entretien. Il existe, il vrai, quelques sadhus qui vivent dans l'opulence mais leur nombre est réellement insignifiant.

- Amour de l'aide sociale : certaines personnes éprouvent le désir de rendre service à la société sur une grande échelle au lieu de se limiter au bien-être de leur seule famille. Ils quittent alors la cellule familiale afin de rendre service à l'humanité.

L'ouverture d'esprit traditionnelle du sadhu védique envers ceux qui viennent à lui pour être bénis, conseillés, trouver un refuge spirituel et le libéralisme avec lequel les ordres monastiques considèrent la venue de l'individu aux pieds de Dieu expliquent l'influence considérable qu'exercent les facteurs de pression. Nous pouvons classer les plus importants de ces facteurs comme suit :

- Don par les parents de leurs enfants mis au service de Dieu : des parents font parfois «don» de leurs jeunes enfants à un ordre monastique pour qu'ils y soient élevés, ultérieurement initiés et qu'ils puissent entrer dans l'une des congrégations de moines. Dans la plupart des cas, les parents offrent leur enfant à Dieu en signe de gratitude.

- Problèmes familiaux : le concept de sannnyasa, ou renonciation au monde matériel et retrait pour se consacrer à Dieu, est tenu en grande estime par les indiens. Lorsqu'un individu est confronté à des problèmes familiaux apparemment insupportables, il peut psychologiquement être poussé à renoncé à la vie de maître de maison (grihastha jivana) qui dans la vision hindoue du monde est l'une des phases importantes de la vie.

- Incapacité à gagner sa vie de nombreuses personnes, en raison de leur âge avancé, d'une invalidité physique ou de leur situation de retraités au terme d'une vie de travail, sont confrontées à de sérieuses difficultés matérielles et, en l'absence d'aide financière ou de soutien moral de la part des membres de leur famille, peuvent décider de se retirer du monde pour devenir sadhus.

- Perte de l'image de marque : la perte de l'image de marque ou d'une position sociale due à une raison précise persuade certains de se faire sannyasis, pour se repentir de leurs erreurs.

- Crises psychologiques : le renoncement aux attaches socio-familiales en raison d'une position sociale fragile permet à l'individu d'échapper à l'extrême fatigue ou à l'humiliation et d'évoluer dans un milieu social moins hostile.

- Difficultés financières : dans de nombreux cas, on se décide à devenir sadhu à la suite d'échecs dans les affaires, de la perte brutale de biens et de richesses ou d'autres coups durs matériels auxquels on n'est pas en mesure de faire face.

Ramesh Bedi, « L'Inde sacrée des sadhus »


L'Inde sacrée des sadhus



Photo :
« Bien que les villageois obéissent à un code moral très strict qui leur prescrit la pudeur, les femmes n'hésitent pas à se prosterner devant les sannyasis nagas nus, fières d'être bénies par ces hommes saints. La ferveur des Hindous à l'égard des sannyasis et des sadhus est telle qu'ils tiennent même en haute estime le novice qui n'est encore qu'un enfant. »
Ramesh Bedi

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