mardi, mars 21, 2023

Monter au ciel en plein jour



Un thème de la littérature antique peu étudié jusqu'à présent : 
Le rapt vif et entier vers l'au-delà.

3 récits :

- 1 ) Monter au ciel en plein jour (Zhongchang Gongli, Chine)

"Il y avait, au sud du fleuve [Jaune], dans le district de Mi, un certain Shangcheng qui, après avoir longtemps étudié la Voie, fit ses adieux à sa famille et s'en alla. Il s'éleva d'un pas léger pour commencer, puis il entra dans les nuages, et on ne le revit jamais. C'est ce que l'on appelle élever son corps et s'envoler léger ; monter au ciel en plein jour, l'apogée des Immortels.» Chen Yuanfang et Han Yuanchan étaient tous deux des hommes éminents de Yingchuan, non loin du district de Mi. S'ils croyaient tous deux à l'existence des Immortels, c'est sans doute parce que le père de l'un et le grand-père de l'autre purent voir Shangcheng devenir Immortel et monter au ciel. Cela est une preuve de plus de l'existence des Immortels."

« Monter au ciel en plein jour » (Zhongchang Gongli, Chine), cité par Ge Hong, La voie des divins immortels, traduit, présenté et annoté par P. Che, Gallimard.

- 2) C'est ainsi qu'on nous enleva (Scribe inconnu, Mésopotamie)

« Plutôt que le Déluge,
Une disette eût mieux valu, pour dé(biliter) le pays !
Plutôt que le Déluge,
Une épidémie eût mieux valu
Pour fr[apper çà] et là les hommes !
Non! Je n'ai pas dévoilé le secret
Juré par les grands-dieux
J'ai seulement fait voir à Supersage un songe,
Et c'est ainsi qu'il a appris ce secret!
A présent, décidez de son sort ! »
Alors Enlil monta sur le bateau,
Me prit la main et me fit monter avec lui,
Et fit monter et s'agenouiller avec moi ma femme.
Il nous toucha le front,
Et, debout entre nous, nous bénit en ces termes:
« Uta-napishtî, jusqu'ici, n'était qu'un être humain:
Désormais, lui et sa femme
Seront semblables à nous, les dieux!
Mais ils demeureront au loin:
A l'Embouchure-des-fleuves !
C'est ainsi qu'on nous enleva,
Pour nous installer au loin,
A l'Embouchure-des-fleuves ! »
Bottéro J. et Kramer S.N., Lorsque les dieux faisaient l'homme, mythologie mésopotamienne, Gallimard

- 3) Élie monte jusqu'au ciel  (probablement d'un groupe de prophètes, royaume d'Israël-Samarie)

Ils continuent à marcher en parlant. Soudain un char et des chevaux de feu les séparent. Pris dans le tourbillon, Elie monte jusqu'au ciel. Voyant cela, Elisée se met à crier :
- Mon père! Mon père! Char d'Israël et ses cavaliers !
Mais il ne le voit plus. Alors il saisit ses vêtements, les déchire en deux, ramasse le manteau d'Elie qui est tombé puis revenant sur ses pas, il s'arrête devant la rive du Jourdain, saisit le manteau d'Elie qui était tombé et en frappe les eaux.
- Où est Yhwh, Dieu d'Élie ?
Il frappe encore l'eau, qui se divise de part et d'autre. Elisée traverse. L'apercevant d'en face, depuis Jéricho, les fils de prophètes s'exclament :
- Le souffle d'Elie s'est posé sur Elisée!
Puis ils viennent à sa rencontre et se prosternent contre terre devant lui :
- Voici avec tes serviteurs cinquante hommes fils de vigueur! Qu'ils aillent à la recherche de ton maître, de peur que le souffle de Yhwh ne l'enlève et ne le jette sur une des montagnes ou dans une des vallées.
- Non, n'envoyez personne.
Mais ils insistent tellement qu'il finit par céder. Ils envoient les cinquante hommes, qui recherchent Elie pendant trois jours, en vain. Enfin ils reviennent vers Elisée, resté à Jéricho.
Ne vous avais-je pas déconseillé d'y aller ? leur dit-il. (La Bible)


Commentaire

Ces trois récits développent un thème de la littérature antique peu étudié jusqu'à présent : le rapt vif et entier vers l'au-delà. La Bible qui fourmille de héros, de saints et de miracles ne mentionne que deux fois ce motif. Outre Elie, un patriarche antédiluvien bénéficia d'un enlèvement, échappant ainsi au déluge : « Hénoch accompagne Dieu et plus une trace de lui car Dieu l'a pris » (Gn 5,24). Ce bref verset biblique atteste un événement prodigieux. Un homme a reçu l'immortalité en récompense de son obéissance à la loi de son créateur. Il jouit désormais d'une vie sans fin. Le motif de l'enlèvement définitif d'entre les mortels se distingue des apothéoses post mortem ainsi que des voyages éphémères dans l'empyrée. Il signale un privilège que de rares humains ont obtenu : rejoindre l'au-delà, corps et âme, sans mourir. Les élus n'ont pas de tombe. Ils suivent une trajectoire verticale (ciel) ou horizontale (terre lointaine). Les cultures où la mort est redoutée ont imaginé cette possibilité, autre que la fin commune des créatures. L’Égypte où la mort est un passage obligé pour l'ascension n'a laissé aucune trace de ce type d'immortalité. Motivés par l'idéologie politique, la morale religieuse, la critique sociale, des récits d'assomption ont perduré en Eurasie. La plupart ont été canonisés dans des textes sacrés. Il est toujours difficile d'en déterminer l'origine mais encore plus hasardeux de les dater car ils sont pour la plupart véhiculés par une tradition orale insaisissable. Il semble cependant que depuis la nuit des temps de tels récits aient circulé en Extrême-Orient. De la Chine à la Méditerranée, suivons le vol de ces augustes ancêtres.

La Chine est une terre d'enlèvements. Depuis des temps immémoriaux mille élus bénéficieraient de l'immortalité. De la hiérarchie trine du taoïsme deux types répondent à notre définition : les immortels terrestres devenus invisibles, continuant de vivre parmi les hommes (Tch'e-song Tseu et la plus jeune fille de Yen-ti), apparaissant épisodiquement; les célestes « montés au ciel en plein jour », tels que décrits par le premier texte, séjournant avec les ancêtres dans les montagnes ou les îles légendaires, le corps métamorphosé (empereur jaune env. 2500 av. J. C., Schang-chen, Xu Xun). C'est selon le plus ancien traité d'étymologie (de Xu Shen, env. Ère chrétienne) le sens du caractère non simplifié qui les désigne : 10 + œil, suggérant en outre la présence de témoins visuels. Le texte a pour auteur un érudit miséreux, Ge Hong, qui vécut en Chine du côté de Nankin entre 283 et 343 ap. J.C. ; il est considéré comme le plus grand écrivain alchimiste de tous les temps. Le contexte décadent de l'époque des Six dynasties lui inspira de se détacher du monde pour écrire plusieurs ouvrages. Ce Traité ésotérique du maître qui porte la simplicité est l'un des plus complets sur l'immortalité ; dans ce texte, il cite Zhongchang Gongli (179-219 ap. J.C.) qui fut secrétaire impérial sous les Han et conseiller militaire sous les Cao Cao. Le taoïsme appelle la vie vertueuse « façon de monter au ciel » et mourir « s'entraîner à la vertu ». Celle-ci ne suffit pas : il faut être prédestiné, rencontrer un maître, maîtriser trois techniques: alchimique, sexuelle, gymnique et respiratoire. L'assomption n'est pas réservée aux hommes, mais au ciel seul le yang subsiste. Parmi de nombreux traités le plus ancien en notre possession est le Lie-sien Tchouan de Lieou Hiang (77-6 av. J.C.). Incorporé au canon taoïque en 1019, il relatait alors 72 biographies, nombre mystique. La vieille mythologie chinoise, métissée de chamanisme, évoque le pays des hommes qui ne meurent pas à l'est, région qui connut une grande effervescence mystique à la fin des Royaumes combattants et sous les Han (IVe siècle-220 av. J.C.). C'est le berceau du taoïsme magico-religieux : la transformation en oiseau serait inspirée des indigènes Yi mais le thème de l'ascension dans les flammes se rattache selon Wen Yi-touo aux pratiques funéraires des K'iang, tribus tibétaines des confins occidentaux. C'est une même expression qui désigne la « mort du souverain » et « l'apothéose des immortels ». Paradoxalement ce sujet intéresse aussi bien des empereurs que des sages qui fuient la société, le retrait du monde étant une condition pour acquérir la capacité de l'immortalité. Certains souverains favoriseront même les recherches alchimiques dans cette intention. Deux foyers apparaissent donc pour attester ce mythe: l'extrême est de la Chine et le Tibet. De celui-ci ont pu naître des récits oraux colportés vers l'Inde comme en témoigne l'existence de ce motif dans la tradition indienne.

Les mythes religieux plongent souvent leurs racines dans la préhistoire, ils donnent naissance à des contes merveilleux ou moraux, à des fables dont le caractère fluent échappe à la traçabilité historique. Stith Thompson, dans sa classification des motifs de la littérature populaire, répertorie des types d'ascension, la plupart dans la zone indienne : héros monté au ciel, enlèvement au ciel par Dieu, rapt par un chariot du ciel d'un couple qui vivra avec des sages dans la Grande Ourse au-dessus de laquelle est le paradis. Une tradition orale indienne et persane a produit la plus grande œuvre littéraire pendjabie au début du XVIe siècle. Mise en écrit par le poète hindou Damodar, Hir est la première attestation intégrale du textes. Cette variante est insérée dans le livre sacré des Sikhs. Elle se clôt sur l'enlèvement de Hir et de Rajah par un attelage de quatre chevaux noirs dans le ciel vers le pied d'une montagne à l'ouest. Leur amour impossible sur terre symbolise l'amour vrai, image de la quête mystique : l'amour est la seule morale sanctifiée par cinq saints. Leur histoire sera aussi interprétée comme une critique sociale du système des castes ; dans un souci de modernisation on assimilera leur combat à celui des masses indiennes contre l’État. La civilisation indienne a des affinités culturelles avec le monde indo-iranien.

La personnalité la plus connue de celui-ci est sans conteste Zarathoustra. Prophète de la préséance d'Ahura-Mazda, il lutte contre le polythéisme qui semble s'être répandu dans son milieu. En Mésopotamie comme en Syrie du Nord l'idéologie royale fonde sa légitimité sur un mythe qui rapproche le roi de la sphère du divin. Naram-Sin (env. 2225-2185 av. J.C.) inaugura de son vivant la divinisation, il sera imité par de nombreux rois. Pour cela il ajoute à son nom le déterminatif divin, ce qui signifie non qu'il soit Dieu, mais qu'il au un lien avec la divinité, se distinguant ainsi des autres hommes. Les rois appuient leur autorité sur une prétendue délégation divine du pouvoir, ils sont vicaires des dieux. Comment ? Par une parole révélée au seul souverain qui participe de cette façon à quelques secrets des dieux ou par une généalogie mythique qui le situe dans la descendance d'une divinité, ainsi de Gilgamesh auquel s'adresse le sage du deuxième texte. Le royaume d'Ougarit, au XIIIe siècle, laisse les plus anciens témoins des fondements de cette idéologie dans Baal et la Mort et Shachar et Shalim. Ces mythes expriment la conception idéale du pouvoir royal : le souverain doit pouvoir se réclamer d'une autorité céleste, être puissant mais moins qu'un dieu, la transmission de l'autorité pouvant s'effectuer par l'engendrement d'une lignée semi-divine suite à un enlèvement par un dieu d'une humaine qui concevra de lui. Ce motif sera productif et évolutif en Grèce (Europe, Ganymède). Parallèlement, lors des fêtes de nouvel an, sont rappelés les débuts de l'humanité où quelques gouvernants, pour leur sagesse, ont été sauvés par un dieu au moment du déluge. Le deuxième texte est extrait du récit ninivite de l’Épopée de Gilgamesh où le héros, à la recherche de l'immortalité, ayant atteint la terre où le sage poursuit une vie sans fin, écoute le récit de l'enlèvement divin. Ce document est attesté par des manuscrits du premier millénaire et fait écho au poème d'Atrahasîs et au récit sumérien du déluge du XVIIe siècle. Au début du dialogue, le dieu Ea qui a sauvé Uta-napishti explique son geste au dieu Enlil qui voulait exterminer l'humanité entière. La leçon de l'histoire est que seuls ceux qui peuvent dépasser la finitude de la condition humaine ont droit à l'immortalité.

Si la Bible démythisa l'imaginaire païen ce fut parfois au prix d'une nouvelle mythisation moralisée et spiritualisée. Si le patriarche Hénoch enlevé avant le déluge est comparable aux sages des épopées mésopotamiennes, Élie est la figure inverse des rois déifiés (2 R 1-2,18). Le troisième texte, probablement rédigé vers 800 av. J.C., appartient au cycle d'Élie contant ses faits et gestes dans un genre légendaire de tradition orale. Mais Elie est un personnage historique qui a vécu dans la première moitié du IXe siècle dans le royaume hébreu du Nord appelé Israël ou Samarie. Ce prophète solitaire dont le nom signifie « YHWH est mon Dieu » lutta toute sa vie contre le polythéisme introduit par l'épouse étrangère du roi Achab. Homme de Dieu renommé, il semble gouverner les forces naturelles, il combat l'injustice des souverains et se signale par des miracles. Son enlèvement est une critique de l'idéologie royale expliquée dans le paragraphe précédent : aucun roi n'est au-dessus de la loi morale révélée par Dieu, seul l'ajustement à la volonté divine permet d'échapper au sort commun. Alors que le successeur d'Achab monte dans sa chambre pour descendre dans la fosse, Élie descend vers le Jourdain pour monter au ciel. Fenêtres d'espérance en une après-vie glorieuse où d'autres aussi vivront sûrement (Si 48, 1-14), les élus sont parangons de conversion tel Hénoch dans la Septante, de ferveur inébranlable tel Élie qui brûle d'un zèle jaloux pour YHWH. Leur destin gémellaire abolit les limites du temps et de l'espace.

Plusieurs courants se dessinent, inspirés par ces récits. L'apocalyptique juive, en particulier dans les livres d'Hénoch, a trait aux secrets du ciel, au jugement dernier ; le patriarche, dépeint comme l'équivalent des héros mésopotamiens et grecs, parce qu'il est proche de Dieu, sait interpréter ses signes et prévoir l'avenir. Plus tard la mystique juive de la Merkabah, le «chariot », en empruntera quelques thèmes (Hénoch transformé en l'ange Métatron). Martyre et ascension sont associés dans les apocryphes pour montrer que la montée au ciel est une récompense de la sainteté, parfois sanctionnée par le martyre : le Martyre d'Isaïe, texte rabbinique, est inséré dans l'Ascension d'Isaïe, apocryphe chrétien. Des trépassés de l'Ancien Testament sont exaltés par une assomption tel Moise. Le Nouveau Testament fait mémoire d'Hénoch (He 11,5) en insistant sur la foi grâce à laquelle il ne vit pas la mort, thème que les Pères de l’Église utiliseront. Cependant la rationalisation du motif perceptible dès la Bible d'Alexandrie devient définitive dans les logia de Jésus : « Nul n'est monté au ciel » Un 3,13) ; « Le fils même de Dieu a connu la mort avant d'être enlevé au ciel » (Mc 16,19).

Une nouvelle lecture s'impose : aucun homme ne pouvant échapper à la mort, les Pères de l’Église devront élaborer une lecture spirituelle de l'enlèvement miraculeux. Cependant Irénée au IIe siècle insiste encore sur la matérialité du rapt d'Hénoch en son corps même et d'Elie dans la substance de sa chair modelée. Déjà, pourtant, ses écrits désignent Hénoch comme figure de la résurrection des justes et Elie, de l'enlèvement des hommes spirituels. Il préfigure Jésus. Eusèbe de Césarée, aux IIe et IIIe siècles, entreprend de réfuter la lecture de la « foule non philosophe ». Moise devient l'emblème de l'ascension mystique : sa mort sur la bouche de Dieu dans la Bible hébraïque et l'impossibilité de trouver sa tombe ont donné naissance à la légende de son enlèvement d'entre les mortels. Les Pères méditeront longuement sur chaque moment de sa vie en y voyant les étapes de la montée de l'âme vers Dieu. Philon d'Alexandrie (première moitié du Ier siècle) synthétisant des traditions grecques et juives allégorise les ascensions comme autant de paradigmes mystagogiques, c'est-à-dire d'éducation au mystère de la vie divine. L'âme qui cherche Dieu dans son essence grandit de comprendre que Dieu est incompréhensible. Ce thème initiatique est repris par Grégoire de Nysse et Denys l'Aréopagite. Le Nysséen, au IVe siècle, donne un sens spirituel à la vie de Moïse qui, selon lui, accède à la contemplation de la transcendance par la pureté, celle-ci résultant du détachement des choses terrestres. Dans l'éloge de Basile de Césarée, il propose Moïse comme modèle commun à tous ceux qui tendent à la vertu. Denys, aux Ve et VIe siècles, y ajoute un sens noétique : il dépeint le divin Moïse se hâtant vers le sommet des ascensions divines uni à l'Inconnaissable, mais connaissant au-delà de l'Intellect parce que ne connaissant rien. Cette ultime élévation atteinte par l'amour extatique est un don de l'Aimé : désormais le rapt est spiritualisé, l'Inconnaissable ravissant hors de lui l'amant qui ne peut seul sortir de lui-même ; pour obtenir ce don suprême l'amant doit appartenir totalement à l'Aimé. La voie est ouverte à l'expérience unitive que tenteront les aventuriers de Dieu (sainte Thérèse d'Avila, saint Jean de la Croix). S'adaptant à l'évolution des esprits le motif de l'enlèvement se montre riche en potentialités. S'il fait aujourd'hui sourire, il donne aussi à méditer: « L'éternité, c'est la victoire sur le temps quand il n'y a plus d 'écart entre l'homme et lui-même » (Maurice Zundel). Brigitte D'Arx, « Le livre des sagesses ».



Déjà coauteurs de la très remarquée Encyclopédie des religions, Frédéric Lenoir et Isé Tardan Masquelier taillent la route et nous donnent aujourd'hui ce Livre des sagesses, épais volume de près de 2 000 pages, bleu coffret magique où s'amassent toutes les expériences spirituelles vécues par les hommes depuis qu'a retenti en eux l'appel du sacré. Une grande parade spirituelle planétaire où défilent tous ceux qui ont fait "une expérience radicale de l'absolu", qu'ils soient sages taoïstes, philosophes grecs, mystiques chrétiens ou chamans indiens. La perspective qui prévaut ici est celle de l'expérience personnelle, de la quête subjective préférée à l'adhésion doctrinale ou à l'histoire ecclésiale. "La quête prend ici le pas sur l'adhésion à une doctrine constituée" nous déclare-t-on. Choix qui facilite le dialogue avec le lecteur convié là à un vrai face-à-face intérieur. Deux parties, l'une de type biographique, l'autre anthologique président à ces textes écrits et choisis par les meilleurs spécialistes. L'intérêt de la première partie est qu'elle offre une coupe synchronique de l'état de la spiritualité à un moment donné de l'histoire humaine. Les grandes figures de sagesse, souvent perçues en soi, sont ici rendues à l'histoire et réinsérées dans une vision globale : Antoine devient le contemporain de Mani et de Pantajali, Milarépa celui de Bernard de Clairvaux. Classés par notions (l'homme et le devin ; la voie), les textes de la seconde partie permettent à la fois de goûter au texte même (car l'essentiel n'est-il pas là : traduire savoureusement l'informulable) et de creuser l'approche du spirituel. À ce colossal grenier à grain drapé de bleu Klein, à l'achèvement extrême de ce travail, à son sérieux, nous apporterons néanmoins un bémol : un certain sentiment d'équidistance qui rend tout message égal à tout autre, une impression d'égalisation qui tend à faire de l'expérience intérieure une simple variante d'une approche globale (mais n'est-ce pas là le credo actuel). Il sera nécessaire au lecteur praticien de cette somme de choisir au sein de cette immense rocade religieuse une direction et de la développer ; sinon il errera sans fin comme dans les galeries d'un musée, à la fois gavé et frustré. Un livre idéal pour découvrir l'univers des spiritualités et… faire son choix. Francois Angelier


Chacun est un éveillé qui s’ignore

Le buffle représente notre nature propre, la nature de l’éveil,  la nature de Buddha, l’Ainsité (et la vacuité) Le Chemin de l’Eveil Le dres...