jeudi, octobre 28, 2010

Qui est aliéné ?

J’ai demandé à un ami de la rigueur intellectuelle et de la réalité quotidienne, excellent philosophe certes, mais excellent journaliste aussi, de me donner une définition, ou à tout le moins un exemple significatif de l’aliénation humaine dans la société de consommation d’aujourd’hui, comme si je n’en savais rien – mieux, comme si je doutais qu’elle existât – et le priais de m’en convaincre en quelques secondes. Je fis demande à brûle-pourpoint et exigeai qu’il me répondît sans réfléchir.

« C’est tout de même assez simple, me dit-il. L’aliéné, c’est celui qui se croit libre dans ses désirs, ses besoins, ses achats, ses opinions, ses pensées intimes, sa culture ; et qui ne l’est pas, car les conditionnement psychiques – techniquement produits, consciemment ou inconsciemment sécrétés par le capital pour le maintien de sa puissance et l'expansion de ses débouchés – le déterminent tout entier, à son insu. On se croit libre entre telle ou telle opinion morale, et on ne l’est pas plus – ou ni plus ni moins – qu’entre telles ou telles marques concurrentes de lessive que le même trust fabrique, vous suggérant ainsi, par le pire des conditionnements, le sentiment de la liberté lui-même. »

Maurice Clavel

Le plan dirigé contre l’Esprit

La lutte pour la supériorité et les spéculations continuelles dans le monde des affaires créera une société démoralisée, égoïste et sans cœu...