dimanche, octobre 10, 2010

Le chamanisme


Chamanisme : doctrines et recettes des chamans du nord planétaire et de l’Amérique. René Guénon y voyait les reste très évolués d’une haute religion polaire qui aurait été celle de l’énigmatique civilisation de Thulé – le pays de Tiu ou Tiuth, dieu de l’étoile polaire. Le chamanisme concerne aujourd’hui les Lapons, Esquimaux, Aïnos et Indiens des plaines ; toutefois, à l’époque aurignacienne (apogée de la dernière ère glaciaire en hémisphère nord), il rayonnait sur toute l’Europe par l’homme de Brunn, apparenté aux modernes Esquimaux : petite taille, forte pommettes, teint blanc ou jaune. Robert de Largerie tient les Esquimaux pour blancs, aux origines, comme les Aïnos du nord du Japon. Religion sans essence cosmique (spirituelle), le chamanisme n’en présente pas moins divers aspects originaux :

I) Le pacte avec les enfers : un spiritisme poussé.

Le chaman vit à la fois dans le monde réel et dans le monde surréel ; celui-ci comporte deux univers parallèles – l’un, lumineux, relativement, est le monde des fées ; l’autre, obscur, angoissant, est celui des ombres mortes. En général, le chaman s’intéresse plutôt à ce dernier, donc aux enfers, parce qu’il tire une part de sa force des ombres en décomposition (l’ombre n’est pas l’âme du mort) et parce que la crainte de l’au-delà lui permet un chantage sur le clan. Aspirée par le tellurisme, les ombres des morts doivent normalement s’y anéantir. Certaines luttent contre ce processus naturel, s’accrochant aux vivants en fantômes, et cherchant à se fixer à leur système cérébro-spinal, en vue du vampirisme ; elles vont même jusqu’à exploiter les zones dormantes du cerveau de leurs victimes, provoquant ainsi des phénomènes malsains de bilocation (1). Le chaman chassera l’ombre parasitaire – par le rite, la danse et le rythme lancinant du tambourin. La danse enserre l’ombre dans un invisible filet, et le rythme qui ira s’accélérant, la mènera à l’éclatement. Les lamas du Tibet et du Népal possèdent un répertoire de danses d’exorcisme, au cours desquelles un danseur a revêtu un masque de démon : cela signifie qu’il incorpore l’ombre démoniaque et subira, sur lui-même son éclatement !

Ambigu par nature le chaman aura donc tendance à exploiter les ombres errantes à des fins de chantage. Il attirera une ombre sur une victime, par l’envoûtement, plongeant celle-ci dans un état névrotique ; puis il traitera le cas… Les meilleurs chamans dépassent ce stade spirite de nécromancie et pratiquent la sorcellerie. Captant organiquement la force tellurique, fluide infernal, cela par des danses appropriées au cours desquelles le fluide montera en eux (par les chakram des pieds), ils en tireront une puissance guérisseuse ou maléfiante, selon le cas. Le tellurisme peut dissoudre les démons et névroses qui gangrènent un individu ; il peut aussi paralyser un organisme qui n’est pas apte à le supporter. Le chaman « chargera » des objets de la force tellurique – comme on charge un accumulateur – et ces objets irradieront. Les poupées d’envoûtement, généralement en bois ou en argile, sont des applications de ce processus – l’envoûtement étant alors collectif : la poupée protégera le clan contre l’emprise des démons et des ombres mortes. En cire ou en terre, la poupée d’envoûtement aimantera aussi vers elle les fluides humains d’un être particulier ou d’une famille. Les petites vierges noires qui se multiplièrent en Occident, dès l’époque aurignacienne, procèdent du chamanisme. Aujourd’hui, c’est le fétichisme des Noirs d’Afrique qui prolonge cette tradition immémoriale.

II) Le pacte ou mariage avec la fée : l’aspect riant du chamanisme.

Ce rite semble avoir été introduit dans l’orbe celtique par des marins vénètes – des Finnois.

III) Le totémisme animal.

A ces pratiques essentielles, il faut ajouter celle de la guérison (par les plantes, les passes magnétiques, le rythme et la récitation de formules), celles du dédoublement à volonté (par le chaman) et l’oracle par nécromancie…

Jean-Louis Bernard


1) Bilocation, ce terme commun à la psychiatrie et à la magie a deux sens :
I - Le dédoublement en projection du double à distance, avec une semi-matérialisation par ectoplasme de celui-ci.
II – Le dédoublement intérieur de la personnalité, dans le corps même et à l’état de veille. Deux entités, le moi et un faux moi, se succèdent alors dans le champs du conscient - comme deux rôles de théâtre qui seraient joués successivement par le même acteur. Cette rare anomalie n’est maladive que si le moi se désagrège sous l’influence de la crise de bilocation, s’acheminant vers la schizophrénie. En principe, le moi ne scinde pas ; il s’efface comme durant le sommeil, mais cède la place à l’ombre qui, dès lors, s’épanouit et se défoule de façon spectaculaire, comme en certains cas d’hypnose. Entre les deux présences alternées, n’existe pas de solution apparente de continuité, encore qu’il s’agisse fondamentalement du même être – sauf en cas de possession. Au « retour », le moi qui dormait n’a aucun souvenir des divagations de l’ombre, son « frère » obscur ; et celle-ci, quand elle parle du moi, en parle comme d’une personne étrangère, revendiquant le corps pour sien ! Deux mémoires séparées coexistent donc. Un cas extraordinaire : celui d’une dame italienne (début du 20ème siècle), fine, élégante, cultivée ; elle subissait la bilocation sans préavis, en lune noire, cette phase exaltant parfois en nous l’ombre. La dame s’oubliait instantanément, devenait son ombre, en somme une fausse étrangère, femme vulgaire, au langage cru. Elle entrait dans un autre contexte et rejoignait en ville basse son amant, un capitaine de truands. Au retour à la normale, après une courte transe, la dame oubliait l’amant et reprenait sa vie quotidienne sans mauvaise conscience, ne se souvenant pas de son excursion, qu’elle reprendrait pourtant. […] En spiritisme, l’effacement du moi, chez le médium, s’opère au profit d’une ombre morte. Il n’y a donc pas bilocation.


Illustration : « Shaman » de Rita Ackermann

Le plan dirigé contre l’Esprit

La lutte pour la supériorité et les spéculations continuelles dans le monde des affaires créera une société démoralisée, égoïste et sans cœu...