lundi, août 29, 2022

Ce qui émancipe




S'identifier à ce que l'on possède en soi de plus vivant, 
cela seul émancipe


L'école a prorogé pendant des siècles la mise sous séquestre de l'enfant par la famille autoritaire et patriarcale. Maintenant que s'esquisse entre les parents et leur progéniture une compréhension mutuelle faite d'affection et d'autonomie progressive, il serait regrettable que l'école cessât de s'inspirer de la communauté familiale.

Paradoxalement, le système éducatif, qui accueille avec les jeunes ce qui change le plus, est aussi ce qui a le moins changé.

La famille traditionnelle préférait fabriquer des enfants à la chaîne plutôt que d'offrir la vie à deux ou trois petits êtres auxquels elle eût consacré sans réserve son amour et son attention. Ceux qui ne mouraient pas en bas âge gardaient le plus souvent une blessure secrète. La tyrannie, la culpabilité, le chantage affectif engendrèrent de la sorte des générations de matamores dissimulant sous la dureté du caractère un infantilisme qui leur enjoignait de chercher un substitut du père et de la mère dans ces familles d'emprunt que constituaient les églises, les partis, les sectes, le grégarisme national et les corps d'armée en tous genres. L'histoire n'a pas connu, pour son inhumanité, que des bravaches en mal d'assistance. Il fallait quelque cynisme pour évoquer la « sélection naturelle », propre à l'espèce animale, alors que la production de chair à usine et à canon impliquait sa correction statistique, et que l'économie familiale de procréation comportait un vice de forme où la mort trouvait son compte.

L'évolution des mœurs nous fait regarder aujourd'hui comme une monstruosité cette prolifération bestiale de vies irrémédiablement condamnées à se résorber sous les coups de machette de la guerre, du massacre, de la famine, de la maladie. Il n'empêche : stigmatiser la surpopulation des pays où l'obscurantisme religieux se nourrit de la misère qu'il entretient sciemment, et accepter en Europe qu'un même esprit archaïque et méprisant continue de traiter les étudiants comme du bétail relève d'une inconséquence certaine.

Car le surpeuplement des classes n'est pas seulement cause de comportements barbares, de vandalisme, de délinquance, d'ennui, de désespoir, il perpétue de surcroît l'ignoble critère de compétitivité, la lutte concurrentielle qui élimine quiconque ne se conforme pas aux exigences du marché. La brute arriviste l'emportant sur l'être sensible et généreux, voilà ce que les margoulins au pouvoir appellent eux aussi, comme les brillants penseurs de jadis, une sélection naturelle.
Il n'y a pas d'enfants stupides, il n'y a que des éducations imbéciles. Forcer l'écolier à se hisser au sommet du panier contribue au progrès laborieux de la rage et de la ruse animales mais sûrement pas au développement d'une intelligence créatrice et humaine.

Dites-vous que nul n'est comparable ni réductible à qui que ce soit, à quoi que ce soit. Chacun possède ses qualités propres, il lui incombe seulement de les affiner pour le seul plaisir de se sentir en accord avec ce qui vit. Que l'on cesse donc d'exclure du champ éducatif l'enfant qui s'intéresse plus aux rêves et aux hamsters qu'à l'histoire de l'Empire romain. Pour qui refuse de se laisser programmer par les logiciels de la vente promotionnelle, tous les chemins mènent vers soi et à la création.

Il fallait hier s'identifier au père, héros ou crétin aux sarcasmes si doux. Maintenant que les pères s'avisent que leur indépendance progresse avec l'indépendance de l'enfant, maintenant qu'ils éprouvent assez l'amour de soi et des autres pour aider l'adolescent à se défaire de leur image, qui supportera que l'école propose encore comme modèles d'accomplissement le financier efficace et véreux, l'homme politique énergique et gâteux, le mafieux régnant par le clientélisme et la corruption, l'affairiste tirant ses derniers profits du pillage de la planète ?

C'est se condamner à ne s'atteindre jamais que de rechercher son identité dans une religion, une idéologie, une nationalité, une race, une culture, une tradition, un mythe, une image.

S'identifier à ce que l'on possède en soi de plus vivant, cela seul émancipe. 

Raoul Vaneigem dans "Avertissement aux écoliers et lycéens". Dans son livre, "Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations", il écrit :

L’enfant acquiert une expérience subjective de la liberté, inconnue à toute espèce animale, mais il reste par ailleurs dans la dépendance objective de ses parents ; il a besoin de leurs soins, de leur sollicitude. Ce qui différencie l’enfant de l’animal tient à ce que l’enfant possède le sens de la transformation du monde, c’est-à-dire la poésie, à un degré illimité. En même temps, on lui interdit l’accès à des techniques que les adultes emploient la plupart du temps contre une telle poésie, et par exemple contre les enfants, en les conditionnant. Et quand les enfants accèdent enfin aux techniques, ils ont, sous le poids des contraintes, perdu dans leur maturité ce qui faisait la supériorité de leur enfance. L’univers des maîtres anciens tombe sous la même malédiction que l’univers des enfants : il n’a pas accès aux techniques de libération. Dès lors, il est condamné à rêver d’une transformation du monde et à vivre selon les lois de l’adaptation au monde. Dès l’instant où la bourgeoisie développe à un degré très élevé les techniques de transformation du monde, l’organisation hiérarchisée - que l’on est en droit de tenir pour le meilleur type de concentration d’énergie sociale dans un monde où l’énergie n’a pas le précieux appui des machines - apparaît comme un archaïsme, comme un frein au développement de la puissance humaine sur le monde. Le système hiérarchique, le pouvoir de l’homme sur l’homme, empêche de reconnaître les adversaires valables, il interdit la transformation réelle du milieu ambiant, pour l’emprisonner dans les nécessités d’adaptation à ce milieu et d’intégration à l’état de chose. 




Le Saint-Empire Euro-Germanique

"Sous Ursula von der Leyen, l'UE est en train de passer d'une démocratie à une tyrannie."  Cristian Terhes, député europée...