samedi, juillet 10, 2010

L’homosexuel et le Swami


« A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, l’Inde est une colonie anglaise aux pieds d’argile. Les mouvements d’indépendance se renforcent d’autant que l’Occident s’affaiblit et que sa supériorité est contestée. La guerre contraint Alain et Raymond (1) à rester en Inde. En 1940, Alain Daniélou (2) rencontre, un peu par hasard, Swami Karpâtrî, le jeune homme ne cherche pas de gourou – « Cette idée de chercher un gourou est une maladie des Occidentaux » -, il veut simplement approfondir sa connaissance de la civilisation indienne. Swami Karpâtrî est un ascète qui appartient à l’ordre des moines errants fondé au 9ème siècle par Shankarâchârya. Sa mission est de transmettre les conceptions philosophiques et les aspects ésotériques de la tradition hindoue. Considérée jusqu’à sa mort, en 1982, comme le représentant de la tradition religieuse orthodoxe de l’Inde du Nord, ce sannyasi vit dans la plus totale pauvreté, ne se déplace qu’à pied, refusant tout honneur. La première rencontre se passe à Bénarès durant la saison des pluies. Alain obtient l’autorisation d’assister au darshana, sorte de réception durant laquelle le yogi lettré permet à ses fidèles de venir en silence le contempler. Les disciples doivent rester immobiles et peuvent poser quelques questions. Sur la terrasse, Karpâtrî est assis en lotus sur une table basse en bois. Autour de lui, une centaine de personnes dans la position du maître, en quatre groupes « selon leur rang ». Alain se prosterne à plat ventre puis rejoint le groupe des humbles. Swami Karpâtrî ne semble pas le voir. Peu à peu, sans s’en apercevoir, Alain est adopté par ce témoin de la tradition. Sawami Karpâtrî prend un mala, chapelet de graines de rudrasha avec lequel il touche toutes les parties du corps d’Alain puis il le passe autour de son cou. Par ce « don de mala », le maître lui signifie qu’ils peut « traduire et utiliser comme il lui plaît ses enseignements, son œuvre, et même se l’approprier ». Sur l’ordre de Karpâtrî, Alain et Raymond se font initier par Brahmanand. Au jour indiqué par les astres, ils doivent se raser entièrement – cheveux, poils…- prendre ensuite un bain dans les eaux du Gange, pratiquer les exercices du yoga et certains rites (pujas). […]

L’initié doit être discret ; il est obligé de garder le silence sur certains enseignements. Alain cherchera toujours à banaliser cette initiation qu’il considère comme une manière de mieux s’insérer dans la société indienne, mais elle symbolise une sorte de mort et de renaissance, à la manière des premiers chrétiens revivifiés par le baptême dans les eaux du Jourdain : « On n’est plus tout à fait le même, la vie a d’autres bases, d’autres fins, d’autres buts, d’autres devoirs, on est en fait devenu celui qu’on était destiné à devenir. »

Alain et Raymond reprennent leur vie « partagée entre l’étude, les rites et l’amour et aussi de longs voyages à la recherche des temples oubliés ». En apparence seulement, car ils sont devenus shivaïtes. Ils sont les seuls Européens dont les noms figurent sur la liste du temple de Bhubanesvar, les seuls qui peuvent y vénérer l’image du dieu.

Alain revient régulièrement assister au darshana du yogi. Au cours de ces audiences, le jeune initié écoute l’enseignement du moine vêtu d’un seul morceau d’étoffe couleur safran, symbole de la pureté et de l’humilité. Il pose toutes sortes de questions sur la philosophie, la cosmologie… Si Swami Karpâtrî joue un rôle un rôle de leader politique, il a d’abord des responsabilités religieuses. Il désigne les Shankarâchâryas, les quatre chefs spirituels de l’indouisme, mais refuse tout honneur pour lui-même. Bien que védique, Swami Karpâtrî détient la connaissance ésotérique, la véritable tradition secrète du shivaïsme. La démarche d’Alain ne se veut pas mystique ; il cherche à acquérir des connaissances non liées à la pratique d’un pouvoir. Dans son conte, « Le Maître des loups », Kouttou « n’aimait pas cette idée de pratiques rituelles, accomplies dans un but utilitaire ». Les rapports d’Alain avec Karpâtrî sont uniquement intellectuels. Il se méfie de toute « bondieuserie » et se met au service du lettré parce que celui-ci le lui demande.

Emanuelle de Boysson, « Le cardinal et l’hindouiste ».

L’initiation d’Alain Daniélou par Swami Karpâtrî, sommité spirituelle de l’Inde du Nord, démontre clairement que l’homosexualité n’est pas considérée comme un obstacle aux enseignement les plus précieux de l’Orient.

Les religions

« Les religions monothéistes, écrit Alain Daniélou, ont toujours pour point de départ la pensée, l’enseignement d’un homme, qu’il se dise ou non le messager, l’interprète d’une puissance transcendante qu’il appelle dieu. Ces religions s’expriment en dogmes, en règles concernant la vie de l’homme. Elles deviennent inévitablement politiques et forment une base idéales pour les ambitions expansionnistes de la cité. Parmi elles, le Judaïsme, le Bouddhisme, le Christianisme et l’Islam sont théistes, le Jaïnisme et le Marxisme sont athées. » « Shiva et Dionysos », éditions Fayard.

Alain Daniélou n’a pas tort de fustiger les religions. Mais des religions peuvent être l’expression exotérique, partielle et imparfaite de la Tradition même si elles se sont éloignées des écoles ésotériques authentiques détentrices de la totalité du véritable enseignement spirituel. Toutefois, malgré beaucoup d’imperfections, de graves erreurs, de nombreux crimes aussi, les religions sont moins redoutables que la « contre-tradition », « l’abomination de la désolation ». Imposer au monde la « contre-tradition » est l’objectif des organisations occultes et des loges anglo-saxonnes. Objectif qui sera probablement atteint grâce à un nouveau spiritualisme préfiguré par la mouvance du nouvel âge et du néo-bouddhisme.

Le cardinal et l’hindouiste


Présentation de l'éditeur
Un jésuite devenu cardinal, un acteur de l'aggiornamento de Vatican II en lutte contre les excès de l'épiscopat post-conciliaire, un académicie mondain décédé en pêcheur d'âme sur le seul d'une prostituée. Tel fut le destin public de Jean Daniélou, eau-vive du catholicisme intellectuel. Un musicien autodidacte tombé amoureux de l'Inde et du corps des hommes, recherchant dans Shiva et le tantrisme la sublimation de sa sexualité. Tel fut l'itinéraire d'Alain Daniélou brûlant du feu de l'hindouisme. Entre le fils trop sage et trop aimé et son frère indocile et solitaire, Madeleine Daniélou, fondatrice de l'école Sainte-Marie de Neuilly, avait trop vite choisi. De ce trio déchiré entre foi et volonté de conquête sociale, Emmanuelle de Boysson - petite-nièce d'Alain et de Jean - restitue la vérité intime: la commune passion des deux frères pour l'origine des religions, leur respect des enseignements traditionnels, les passerelles maintenues coûte que coûte, à l'image de ces discrètes messes mensuelles que disait Jean Daniélou à la demande de Louis Massignon.

Shiva et Dionysos


Présentation de l'éditeur
Pour Alain Daniélou, l'Occident a perdu sa propre tradition et éloigné l'homme de la nature et du divin. Il nous y fait découvrir ici que les rites et les croyances du monde occidental ancien sont très proches du Shivaïsme et très aisément expliqués à l'aide des textes et des rites préservés dans l'Inde. Ce sont les religions relativement récentes du monde aryen et sémitique, Judaïsme, Christianisme, Islam et Communisme qui ont éloigné l'homme du reste de la création et de l'expérience religieuse et mystique multimillénaire dont la tradition s'est préservée dans l'Inde jusqu'à nos jours et que l'Occident, s'il veut survivre, devra retrouver.


(1) Alain Daniélou et son compagnon.
(2) Evoquant son homosexualité, Alain Daniélou, frère du cardinal Jean Daniélou, aura sur le sujet une position ferme et tranchée : « C’est une question de chimie hormonale liée à la procréation. »



Photo : Sannyasi

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