dimanche, mai 16, 2010

Le végétarisme et les Jaïns


Par Marie-Claude Mahias

Le Jaïnisme est une religion indienne non orthodoxe et athée, qui refuse l’autorité des Védas. La tradition jaïniste évoque 24 maîtres ou Tirthankara, également appelés Jaina (littéralement « les conquérants »). Le dernier maître de cette longue série fut Mahâvîra, contemporain du Bouddha. C’est lui qui fonda la religion jaïniste.

Les Jaina ne croient pas en Dieu. Leur religion leur enseigne l’existence d’un principe divin inhérent à l’âme individuelle et leur prescrit l’adoration des âmes parfaites qui sont l’esprit suprême. La délivrance s’obtient par la Croyance droite, la Connaissance droite et la Conduite droite. Cette religion insiste particulièrement sur le respect des êtres vivants.

L’attitude des Jaina vis-à-vis de leur alimentation se caractérise essentiellement par le végétarisme. Ils sont même, précisent-ils fièrement, de « purs végétariens » (suddh sakahari). Ce ne sont pourtant pas les seuls Indiens à l’être, loin de là ; cette affirmation semble même une banalité dans le contexte hindou. En effet, ainsi que le note L. Dumont :

« Le végétarisme s’est imposé à la population indienne tout entière comme forme supérieure de l’alimentation et constitue dans l’Inde contemporaine une des normes essentielles relatives à l’alimentation et au statut. »

Pourtant, si les Indiens reconnaissent le végétarisme comme régime alimentaire valorisé, comme signe d’une supériorité rituelle et sociale, on estime que seulement 25% d’entre eux ont effectivement adopté et pratiquent cette forme d’alimentation. Ce sont principalement des brahmanes, des castes ou segments de castes qui l’utilisent comme un moyen tactique pour s’élever dans la hiérarchie sociale en suivant un modèle brahmanique et en se dissociant de pratiques alimentaires dévalorisées, et enfin, des groupes liés au mouvement sectaire « vaisnava » qui ne rendent un culte qu’à des divinités végétariennes et les imitent dans leur comportement quotidien. Il n’est pas inutile de s’attarder sur cette notion de végétarisme pour en saisir la signification et les implications pour les Jaina.

Histoire du végétarisme

Je m’inspirerai de L. Dumont et de D.D. Kosambi pour esquisser quelques traits de cette histoire, nécessaires pour situer le jaïnisme dans un contexte global. Il n’est pas facile de retracer l’évolution du végétarisme et on est souvent réduit à des hypothèses vraisemblables, construites à partir de données de textes classiques, interprétés en fonction de valeurs sociologiques fondamentales et permanentes.

Les aryens védiques, peuples de pasteurs nomades, devaient accorder une importance considérable au bétail, encourageant la protection des troupeaux, et limitant l’abattage des bêtes et la consommation de viande à des circonstances exceptionnelles et d’ordre religieux. C’est dans des sociétés de ce type que les sacrifices se développèrent. Quand les animaux exigés par les grands sacrifices védiques s’ajoutèrent à ceux que requéraient les cultes aux dieux et aux ancêtres, la réquisition de bêtes en nombre toujours plus grand devint une charge insupportable à la population d’éleveurs et d’agriculteurs. Les brahmanes, seuls habilités à célébrer les rites, étaient seuls aussi à profiter grassement de la viande et des bêtes sacrifiées et des dons obligés. C’est en partie en réaction contre les abattages rituels excessifs et contre le pouvoir croissant des brahmanes que plusieurs mouvements dissidents, liés au renoncement, apparaissent vers le 6ème siècle avant J.-C. Le développement spéculatif le plus remarquable est le fait de deux sectes contemporaines qui deviendront le bouddhisme et le jaïnisme.

Parallèlement, s’élabore la notion d’ahimsa (non-violence), présente dans la spéculation indienne tout au long de son évolution. S’opposant aux sacrifices animaux et à la consommation de viande, elle n’entraîne pas immédiatement la suppression du régime carné, mais se développe dans les mouvements sectaires jusqu’à devenir incompatibles avec les pratiques sacrificielles. La contradiction est en partie résolue dans l’hindouisme par la dissociation des actes de sacrifier et de tuer.

Par ailleurs, la vache, symbole de prospérité économique, est élevée au rang de symbole cosmique, dès la période védique. D’animal sacrificiel par excellence, elle laisse progressivement la place à d’autres bêtes à cornes ; elle devient précieuse pour ses produits, à la suite d’un renversement de valeurs qui fait de toutes ses sécrétions des éléments bénéfiques et purificateurs, eux-mêmes offrandes sacrificielles. La notion de pureté justifie l’assimilation du meurtre de la vache, pourvoyeuse des moyens matériels de purification, au meurtre du brahmane, garant de la pureté rituelle et de la hiérarchie sociale fondée sur l’opposition du pur et de l’impur. La vénération de la vache semble donc, d’emblée, liée à la reconnaissance de la supériorité du brahmane et, indirectement, à celle du rôle du sacrifice dont le brahmane est le maître.

La non-nuisance, qui exige le respect du bétail, est active dans la transformation de l’attitude vis-à-vis de la vache. Ce sont toutefois deux notions distinctes qui aboutissent d’une part au végétarisme, d’autre part à la vénération de la vache et du brahmane. Si ces deux attitudes sont étroitement mêlées dans l’hindouisme, aucune n’est nécessaire au développement de l’autre. Dans l’hindouisme même, l’importance accordée à la vache semble avoir incarné presque toute la dimension de l’ahimsa, ou peut-être l’a-t-elle même éclipsée. A côté, le végétarisme fait figure de parent pauvre puisque seuls les brahmanes l’ont récupéré.

Diffusion du végétarisme : le rôle des renonçants

La prohibition de viande et d’alcool, idéal des renonçants, s’imposa à la société par leur intermédiaire. Cette application pratique de l’ahimsa est inégale selon les sectes. Alors que le bouddhisme s’essouffle rapidement dans cette voie puisqu’il n’interdit pas la consommation de viande – pas même aux moines, sous réserve que la bête n’ait pas été tuée à leur intention – le jaïnisme la poussera jusqu’à ses conséquences extrêmes. Cependant, les Jaina eux-mêmes auraient anciennement mangé de la viande et du poisson. La pénétration du végétarisme dans la société fut certainement assez lente. Quand Ashoka monte sur le trône impérial en 270 avant J.-C., « on vend encore de la viande de bœuf sur les marchés, aussi ouvertement que la chair de n’importe quel animal » (Kosambi). Sa conversion au bouddhisme, la protection qu’il accorde à toutes les religions ainsi que la transition nécessaire d’une économie pastorale à une société agraire, donnèrent une impulsion décisive au végétarisme. « C’est l’empereur qui, dans son propre palais, donne l’exemple du « végétarisme » ; il réduit à presque rien la consommation de viande de boucherie et de gibier. Le yajña est aboli par décret… » (Kosambi).

Mais le rôle des renonçants est certain et leur influence ne saurait être minimisée. D.D. Kosambi distingue, à partir des Upanishad, deux sortes de savants. D’une part, les successeurs des anciens brahmanes yajurvédiques continuent de pratiquer des sacrifices par lesquels ils s’enrichissent et reçoivent des dons dont ils se montrent toujours fort avides. D’autre part, apparaît dans les régions orientales, une nouvelle sorte de « docteurs » qui rejettent les rituels traditionnels et adoptent un mode de vie radicalement différent. Qui sont exactement ces docteurs sectaires ? Le portrait que l’auteur en donne est bien à l’image des renonçants actuels qui se placent eux aussi « au-dessus de toute espèce de rituel » :

« Les chefs des diverses sectes nouvelles et les moines, leurs adeptes, (…) vivaient principalement d’aumônes (…). Ils ne tuaient point, et prenaient aux végétaux toute la nourriture dont ils avaient besoin. Il n’y avaient que le sel que ces ascètes extrêmes se permissent de prendre de mains humaines. Voués au célibat, sans propriété, ces nouveaux docteurs étaient beaucoup plus économiques, dans une société d’accumulation, que les prêtres du feu, si avides ». (Kosambi)

Quelle que soit l’explication donnée de ce phénomène, il constitue alors une figure fondamentale de l’hindouisme postérieur, dont le contraste avec l’opulence des brahmanes ne pouvait manquer d’impressionner profondément la population indienne. Elle contraignit les brahmanes à se transformer en assimilant certaines pratiques de ces renonçants qui menaçaient leur autorité, et des notions comme celle de l’idéal ascétique ; celle-ci fut agrégée dans la théorie des âshrama de la littérature orthodoxe, comme le quatrième et ultime stade de la vie. Cette évolution est en accord avec l’analyse que L. Dumont fait du renoncement et rend compte du caractère artificiel de cette théorie :

« Il semble que l’ont ait voulu ici d’une part absorber le sannyâsa comme un moment de la vie du Brahmane en réservant plus ou moins le renoncement à cette classe, de l’autre reléguer le renoncement à un âge avancé de l’homme, après que ses obligations mondaines (perpétuer les ancêtres, etc.) ont été accomplies. On perçoit ici, outre l’agrégation habituelle, la prétention de limiter le renoncement par rapport aux états mondains et en fin de compte une opposition sourde au renoncement. »

Le jaïnisme est aussi, à l’origine, un mouvement de renonçants. Initialement, l’état laïc n’a droit à aucune considération. Les textes canoniques, qui régissent la conduite des religieux dans le détail de tous les actes et de tous les instants, ne s’en préoccupent guère. Ce n’est que tardivement, dans les textes de la période médiévale (6ème – 13ème siècle) qu’une doctrine est élaborée à l’intention des laïcs. Par transfert à la vie des hommes de règles originellement destinées aux renonçants et par incorporation de coutumes locales, se forge une sorte de code moral et rituel visant à encadrer les pratiques sociales. Les devoirs des laïcs – dont certains l’assimilent temporairement à l’ascète – apparaissent comme un compromis entre les règles extrêmes de l’ascète et les exigences de la vie en société. Ils constituent une préparation plus ou moins longue dont l’état religieux est l’accomplissement logique, puisqu’il est seul à permettre le respect intégral des règles de vie. En contrepartie, un mouvement inverse se dessine : la pression des laïcs dont il est à la fois le modèle, l’idéal et la justification, contraint le renonçant à une ascèse toujours plus rigoureuse.

L’ouverture du jaïnisme et son extension dans le monde à partir des renonçants est donc assez tardive. Si cela se fait au prix d’un assouplissement de certaines règles, il en est une sur laquelle les Jaina ne transigent pas : le régime végétarien est imposé à tous, moines et laïcs. L’ahimsa en est le principe fondamental que les règles multiples ne font que préciser, expliquer contraindre ou aider à respecter.

"Délivrance et convivialité: le système culinaire des Jaina", par Marie-Claude Mahias :

La grande ancienneté du jaïnisme (envoyé par Victor)

L’histoire ancienne de l’Inde rapporte qu’il y avait trois religions majeures dans le pays : le Brahmanisme, le Bouddhisme et le Jaïnisme (Nirgranthas). Des recherches récentes et des fouilles à Mohenjodaro et à Harappa ont montré que le Jaïnisme existait déjà il y a cinq mille ans. Toutefois, les Jaïns croient que leur religion est éternelle.

« Il y a du vrai, dans la pensée jaïne, que cette religion a une très lointaine existence. L’ancienneté en question, pré-aryenne, est appelée dravidienne et attestée par la découverte d’une série de cités remontant à l’âge de pierre, dans la vallée de l’Indus, datant du troisième peut-être même du quatrième millénaire avant J.C » (Professeur Zimmer, dans « Myths and symbols in Indian art and civilisation »).

Revendication d’éternité.

Naturellement, les adeptes de chaque religion prétendent qu’elle a sa source dans l’antiquité. Les Jaïns ne font pas exception à la règle. Leurs traditions et leurs récits légendaires disent que le Jaïnisme est éternel et que vingt-quatre Tirthankaras font sans cesse connaître le Jaïnisme, dans chaque période cyclique de l’univers. Ils divisent l’étendue du temps en deux cycles égaux, appelés : utsarpin et avasarpin. Durant l’utsarpin, la situation morale et physique de l’univers progresse graduellement, dans l’avasarpin, c’est tout le contraire, la situation décline graduellement. Chacun des deux cycles est subdivisé, à son tour, en six ères qui s’étendent, chacune, de vingt-deux mille ans à des crores d’années. Les demi-cycles se succèdent éternellement et des êtres humains, comme nous, apparaissent, à intervalles réguliers, pour être des Tirthankaras. Ils pratiquent, eux-mêmes, les principes éternels du Jaïnisme, atteignent l’omniscience (kevalajnna), prêchent et exposent la même doctrine.

Les racines pré-aryennes.

Presque tous les érudits sont d’accord pour reconnaître que, dans l’histoire culturelle de l’Inde, le Jaïnisme a des racines pré-aryennes. Comme le Dr A. N. Upadhye l’a fait remarquer « Les origines du Jaïnisme remontent aux temps pré-historiques. On les trouve dans la vallée fertile du Gange où ses adeptes se sont épanouis dans le passé, avant même l’arrivée des Aryens avec leur religion sacerdotale. C’était une société d’ermites qui mettaient l’accent sur l’effort individuel, sur la pratique d’un code moral et de diverses austérités, comme moyens de parvenir au Summum Bonum » (Dr A. N. Upadhye « A Cultural History of India », Clarendon Press, Oxford, p.100.)

Dans la même veine, Joseph Campbell a fait ce commentaire « Le Sankhya et le Yoga sont une sophistication psychologique postérieure des principes conservés dans le Jaïnisme. Tous deux sont la théorie et la pratique d’une même philosophie » (Prof. Zimmer « Philosophies of India », édité par Joseph Campbell, voir l’éditorial, p.60.)

D’autres savants, comme le Prof. Bulher, Hermann Jacobi, J.G.R. Forlong, le Dr Hoernle, le Pt Sukhalalji, le Prof. Vidyalankara, l’crya Tulsi, le Prof. G.C. Pandey, et d’autres, pensent que le Jaïnisme et un système religieux très ancien qui prévalait, en Inde, dans les populations non-aryennes de la civilisation de la vallée de l’Indus. (Prof. Buhler « Indian sect of Jainism »).

Dans l’écrit bouddhiste « Majjima Nikaya », Bouddha, lui-même, parle de sa vie ascétique et de ses prescriptions, qui sont en conformité avec le code de conduite du moine jaïn. Il dit : « Ainsi, Sari Putta, ma pénitence n’était-elle pas trop grande ? J’allais sans vêtements. Je léchais ma nourriture de mes mains. Je ne prenais pas la nourriture qui m’était apportée ou qui était spécialement préparée pour moi. Je n’acceptais pas d’invitation à un repas ».

Mme Rhys Davis a aussi observé que Bouddha a trouvé ses deux maîtres, Alara et Uddaka, à Vaisali et qu’il a débuté sa vie religieuse comme un Jaïn.

Dans le « Samanna Phal Sutta », les quatre vœux de Parshvanth (qui a vécu 250 ans avant la libération de Mahvira) sont mentionnés. Attakatha dans l’ « Anguttara Nikaya » fait référence à Boppa Sakya, un résident de Kapilvastu qui était l’oncle de Bouddha et qui suivait la religion des Nigganthas, c’est-à-dire des Jaïns.

Une étude critique comparée fait ressortir que plusieurs mots, comme « srava », « samvara » etc, employés par les Jaïns dans leur sens originel, sont mentionnés, dans la littérature bouddhiste, dans leur sens figuré. Sur la base de ces mots, le Dr Jacobi a conclu que le Jaïnisme était beaucoup plus ancien que la religion de Bouddha et que, par conséquent, il n’était pas exact de le considérer comme une branche du Bouddhisme. (Diwakar S. C. « Glimpse of Jainism »).

Certains historiens pensent que le Jaïnisme existait, sans aucun doute, bien avant le Bouddhisme, et que c’est une croyance protestante qui s’est révoltée contre les sacrifices du culte védique. Les recherches avancées montrent que cette affirmation n’est pas fondée. Les livres sacrés, respectables et sérieux, des Hindous eux-mêmes, affirment la nature bien antérieure de la pensée jaïne. Le « Rigveda », le livre sacré le plus ancien des Hindous, cite le Seigneur Rishabhadeva comme du fondateur du Jaïnisme. Il mentionne, aussi, l’incarnation de Vaman qui est la 15 ème sur 24. Le nom de Rishabha apparaît avant les incarnations de Vaman ou du nain Ram, de Krishna et de Bouddha. Par conséquent, il est très clair que Rishabha a dû vivre longtemps avant la composition du « Rigveda».

Le grand érudit, le Dr S Radhakrishnan, ex-Président de l’Union indienne, observe, dans son «India Philosophy », que « La tradition jaïne attribue l’origine du système à Rishabhadeva, le premier Tirthankara. Il ne fait aucun doute que le Jaïnisme existait avant Vardhaman ou Parsvanth.

Le « Yajurveda » cite les noms de trois Tirthankaras : Rishabha, Ajitnth et Arishtanemi. Le « Bhagvat Pkrana » adopte, aussi, l’idée que Rishabha a été le fondateur du Jaïnisme (Vol. II, p.286)

Les fouilles, faites à Mohenjodaro et à Harrapa, montrent que le Jaïnisme existait, il y a cinq mille ans, parce que les statues debout, sur les sceaux de l’Indus, ressemblent à celle de Rishabha, trouvée à Mathura. Le sentiment de détachement qui caractérise l’image debout, sur trois de ces cinq sceaux, avec un taureau en premier plan, peut être le prototype de Rishabha (Modern Review, août 1932, Sindha Five Thousand Years Ago).

Le poète Jinasena parle, dans son « Mahpkrana », de Rishabha comme d’un « Yogishwara ». Par conséquent, les matériaux extraits de la vallée de l’Indus établissent, de façon éclatante, que le fondateur du Jaïnisme vivait à la période pré-védique. La statue jaïne nue, de 320 avant J.C, au Musée de Patna, nous aide à défendre cette thèse (Diwakar S. C « Glimpse of Jainism »).

Les recherches du savant renommé, le Prof A. Chakravarty, ont mis à jour des éléments matériels inestimables qui prouvent la nature plus ancienne de la pensée jaïne. Lorsque les envahisseurs aryens sont arrivés en Inde, les Dravidiens, qui habitaient le pays, se sont opposés véhémentement, à eux. Les penseurs aryens du « Rigveda » parlent de ces Dravidiens, anti-Aryens, comme des ennemis et, par conséquent, ils les affublent de termes peu flatteurs. Ils sont qualifiés de « Dasyus ». Le dieu aryen Indra est appelé « Dasyusharya » (le massacreur des Dasyus). Ces ennemis sont nommés « Ayajvan » (qui ne font pas de sacrifices), « Akraman » (qui n’ont pas de rites), « Adevaya » (qui sont indifférents aux dieux), « Anyavrata » (qui suivent d’étranges pratiques) et « Devapya » (qui injurient les dieux ). Ils sont décrits comme étant noirs de peau et « anas » (le nez retroussé). L’autre épithète est « Mridhravas » (aux paroles inintelligibles). Des savants orientaux sont de l’avis, probablement exact, que ces Dasyus, opposés aux Aryens, étaient les Dravidens qui habitaient le pays, lorsque ceux-ci l’envahirent. Ils sont, aussi, appelés « Sisnadevas » parce qu’ils vénèrent l’image de l’homme nu.

L’étude critique de certains hymnes védiques, comme le « Nadsiya sukta », montre qu’il a du y avoir un courant de pensée particulier, durant la période pré-védique, qui a influencé les « Vedas ». Le Dr. Mangaldeva a estimé que « la philosophie jaïne pouvait être une branche du courant de pensée pré-védique. Certains termes jaïns, comme « pudgala» (matière) confortent ce point de vue » (Diwakar S.C. « Glimpse of Jainism).

Un coup d’œil, sur le glorieux passé du Jaïnisme, montre que les vies de Rishabhadeva, et des trente-trois Tirthankaras qui lui ont succédé, ont profondément marqué la culture du monde. Lorsque Alexandre a envahi l’Inde, il est tombé, à Taxila, sur une horde d’ascètes jaïns nus que les auteurs grecs appellent des «Gymnosophes ». Ce mot grec signifie : philosophes nus. Un groupe mystique d’Israël, celui des Esséniens, a été très influencé par ces « Gymnosophes » qui prêchaient le message d’Ahims, la vérité centrale du Jaïnisme, au peuple d’Alexandrie, en Egypte. Des vestiges historiques nous disent que les Grecs ont été très influencés par les idées jaïnes. Alexandre avait emmené dans son pays un ascète jaïn qui s’appelait Calanes (Diwalkar S.C « Glimpse of Jainisme »). Il faut noter, à ce sujet, que les Esséniens d’Israël étaient des ascètes qui suivaient les principes de non-violence. Ils avaient une grande emprise sur le peuple et une grande influence en Palestine. Jean-Baptiste était un maître ascète de cette école. Jésus-Christ, le fondateur du Christianisme, a été très influencé par ce groupe non-violent de Jean et par d’autres maîtres esséniens. En 600 avant J.C ce groupe avait progressé au-delà de la Syrie et de la Palestine.

Les enseignements jaïns ont aussi influencé Pythagore, le philosophe de la période pré-socratique, qui est né en 532 avant J.C et qui a mené une vie de non-violence. C’est durant cette période que vivait le Seigneur Mahvira, que les ignorants ont appelé le fondateur du Jaïnisme. Peut-être ses enseignements ont-ils eu une influence sur les peuples de pays lointains ? (Diwakar S.C. « Glimpse of Jainism »).

Dans son livre « The Magic of numbers » (La magie des nombres), p. 87, E.T. Bell raconte que Pytagore vit, un jour, un citoyen qui battait son chien avec un bâton. Sur ce, le philosophe miséricordieux cria « Arrêtez de battre ce chien! Dans ses hurlements de souffrance, j’ai reconnu la voix d’un ami. Par ce péché que vous commettez, il est maintenant le chien d’un méchant maître. Dans son prochain tour, la roue de la naissance peut faire de lui le maître et vous le chien. Puisse-t-il être plus miséricordieux envers vous que vous l’êtes pour lui ! C’est seulement ainsi qu’il pourra échapper à la roue. Au nom d’Apollon, mon père, arrêtez ou je serais obligé de dire sur vous les dix malédictions de Teteractyas ! ». Cela montre l’effet du Jaïnisme (Diwakar S. C. « Glimpse of Jainism »).

Processus de synthèse

Evidemment, avec l’émergence de la période des Upanishads (vers 800 avant J.C et plus tard) le processus de synthèse des cultures shramanes (non-aryennes) et védique (aryenne) a démarré. L’interaction sociale, économique et politique entre les colons aryens et leurs opposés non-aryens, plus avancés, a enrichi la connaissance des premiers. Ils ont commencé à interpréter leurs « Vedas » à la lumière de cette connaissance accrue.

A ce stade, une récapitulation de la division de l’histoire ancienne de l’Inde, en périodes, serait de quelque intérêt pour comprendre le long processus d’intégration des cultures non-aryennes et aryennes.

En gros, la période qui correspond de 3500 à 1500 avant J.C est considérée comme celle de la Civilisation de la Vallée de l’Indus des races non-aryennes. Elle coïncide avec les civilisations sumériennes et acadiennes du Moyen Orient, qui ont prospéré aux alentours de 2500 avant J.C. (elles aussi étaient des civilisations de vallées de rivières) et la civilisation minoenne de Crète. Ainsi, la période qui correspond à plus de deux mille ans peut être considérée comme la Civilisation des Vallées de Rivières qui couvrait les parties nord et ouest de l’Inde jusqu’au Saurastra au Gujarat. C’est une histoire d’il y a cinq à six mille ans (Mehta.T.U « The Path of Arhat . A religious democracy » édité par « Parsvanth Sodhapitha »).

L’invasion aryenne de l’Inde date approximativement de 1500 avant J.C, c’est-à-dire il y a trois à quatre mille ans, et coïncide pratiquement avec l’invasion hellénique de la Grèce. Elles semblent avoir apporté avec elles quelques parties du « Rigveda » et des autres « Vedas », de 1500 à 800 avant J.C- période qui, pendant de 700 ans environs, peut être appelée védique et ensuite brahmanique.

Les « Brahmanas » ont précisé les règles et les détails de l’emploi des mantras ou des hymnes dans les divers rites sacrificiels. Il en a résulté que la classe des prêtres, qui avait seule et exclusivement le droit de faire les rites, a pris une trop grande importance et a dominé pratiquement la société. Durant cette période, les Aryens s’étaient complètement installés et avaient totalement vaincu les races non-aryennes. Les non-Aryens avaient été absorbés dans leur structure sociale, principalement comme Dasyus (la classe des travailleurs), et traités comme des citoyens de seconde classe. Cependant, les Aryens avaient d’extraordinaires capacités d’absorber et d’assimiler toutes les nouvelles choses de la vie. Ils adoptèrent non seulement beaucoup de pensées culturelles et philosophiques de leurs opposants non-Aryens, mais ils les enrichirent, aussi, par leurs propres pensées originales. Ils comprirent qu’au-delà de cette existence terrestre, après la vie, il y avait quelque chose de distinct. Pour atteindre ce « quelque chose » la propitiation des dieux par les sacrifices et les offrandes d’êtres vivants n’était pas la voie qui convenait.

Lorsque les Aryens connurent les théories non-aryennes d’austérités, de non-violence, de karma et d’âme, ils comprirent ce « quelque chose » et que le but de leur recherche pouvait être satisfait en travaillant sur ces théories. Cela se manifeste dans le « Chhdogya Upanishad » quand le Rishi Aruni explique à son fils le nouveau secret qui a été trouvé de la vraie nature de soi, non enseigné au cours du long terme d’éducation dans les « Vedas » existants (réf. au dialogue entre Aruni et son fils Svetaketu, dans le chapitre sur l’ « Ontologie de l’Atman » dans ce livre). Nichiketa dans le « Kathopanishad » va chez Yama (le dieu de la mort) pour apprendre la science de l’Atman (de l’âme) en lui posant la question « Lorsqu’un homme meurt, existe-t-il encore ou non ? ».

Ainsi il y a eu un mouvement intellectuel fervent dans la période post-brahmanique quand les Risis des « Upanishads» ont commencé à mettre en question l’inutilité des rites sacrificiels et à appliquer leurs esprits objectivement aux enseignements des traditions shramanes de l’Inde ancienne. Cette tendance a commencé longtemps avant la période dite des « Upanishads », mais elle a progressé seulement durant la période du trente-troisième Tirthankara Parsvantha, reconnu, maintenant, comme un personnage historique, qui a vécu de 872 à 772 avant J.C, époque où les « Upanishads » battaient leur plein. Comme son successeur Mahvira, Parsva avait une grande capacité d’organisateur. Il organisa l’ordre shramanique et exposa le caturyama des quatre principes que sont la non-violence (himsa), la sincérité (satya), l’honnêteté (asteya) et la restriction des possessions (aparigraha). Ses enseignements shramanes ont eu une grande influence sur la pensée contemporaine et, avec l’arrivée de Mahvira (527 avant J. C.), le temps devint mûr pour l’assaut final et décisif contre la culture brahmanique des rites et des sacrifices violents.

Mahvira et son contemporain Bouddha (563 avant J. C.) ont mené, tous les deux, une croisade implacable contre les maux sociaux et culturels qui prévalaient à cette époque. Cette croisade a continué, avec vigueur, jusqu’au VIII ème siècle après J.C, mais, sans l’arrivée du grand Sankara, qui a assimilé les idées shramanes du Bouddhisme dans son brillant exposé du « Vedanta », la culture védique aurait été pratiquement balayée de toute l’Inde.

Maintenant, les idées shramanes de non-violence, de karma et d’âme sont devenues tellement identifiées avec la culture védique, qu’il n’y a absolument pas de différence entre l’attitude d’un Jaïn et d’un Hindou, envers les problèmes individuels et sociaux de la vie. Ces attitudes sont si semblables que, à moins que l’on vous dise que c’est un Jaïn, on ne peut pas, par sa conduite, se rendre compte qu’il est un non-Hindou, par sa religion. (Mehta T. U. « The Path of Arhat. A religious democracy” édité par « Parsvanth Sodhapitha »).


Photo :
Un moine Jaina dîgambara, « vêtu d’air », donc nu. Quand un ascète est totalement nu, les Indiens interprètent cette attitude comme un signe de sa complète libération de l’attachement au sexe.

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