mercredi, avril 06, 2016

Zazen, santé et éveil




Si vous vous transformez en Bouddha assis,
Cela équivaut précisément à tuer le Bouddha.

Huai-jang, maître bouddhiste.





D
urant sa jeunesse, Bankei (1622-1693) désireux de comprendre le sens de l’expression "Brillante Vertu", lue dans un traité confucéen, s’était lancé avec beaucoup de détermination dans une difficile et douloureuse quête spirituelle.

"Je décidai finalement de trouver un maître du Zen. En ayant découvert un, j’allai le voir et je l’interrogeai sur la Brillante Vertu. Il me dit de pratiquer le zazen si je voulais savoir ce que c’était. Je me mis donc au zazen. M’étant rendu dans les montagnes, j’entrai dans une grotte, où je m’assis fesses nues, sans me soucier de la rugosité du rocher. Je maintins souvent mon zazen sept jours d’affilés sans manger. Une fois assis, je m’y consacrais entièrement sans me préoccuper de ce qui pourrait arriver, y risquant même ma vie. Je restais souvent assis, les jambes croisées, jusqu’à tomber du rocher, épuisé. Comme il n’y avait personne pour m’apporter de la nourriture, mon jeûne se poursuivait très longtemps, en vérité.

Après de telles austérités [qui n’amenèrent aucun résultat], je revins à mon village natal et je m’y fis construire une petite cabane, où je m’enfermai. Je passai de nombreux jours à réciter le Nembutsu (le nom de Bouddha) sans m’étendre. Des jours et des jours s’écoulèrent ainsi, et j’avais toujours l’esprit empli de tourments, sans jamais pouvoir découvrir ce qu’était la Brillante Vertu.

Tandis que le corps était ainsi traité jour et nuit sans aucun ménagement ni merci, mon postérieur s’ulcéra et la peau craqua, ce qui fut très douloureux. Mais, comme j’étais fort vigoureux en ce temps-là, je ne me couchai jamais, fût-ce pour un seul jour. Je me procurai quelques feuilles de papier doux que je plaçai sous mon séant, le saignement des parties ulcérées étant une gêne. Je devais changer fréquemment les feuilles souillées. J’usai parfois de tampon d’ouate au lieu de papier. Malgré tout cela, à aucun moment je ne me permis de repos au lit une seule journée ou une seule nuit. Je dus ainsi lutter durement pendant plusieurs années, avec pour résultat que je me trouvai soudain, un jour, tout à fait mal en point. Je devins malade, sans que le problème de la Brillante Vertu fût résolu pour autant. Oui, en vérité, je m’exerçai avec le plus grand acharnement, m’agrippant à la question, mais toujours sans succès. »

La maladie de Bankei empira. A l’orée de la mort, l’idée du Non-né surgit dans son esprit. Cette intuition le ravigota et permit à Bankei, une fois rétabli, de définir une approche métaphysique du Zen.

La pratique du zazen n’avait apporter au pauvre Bankei qu’un postérieur ulcéré et une grave maladie. Presque un millénaire avant la naissance Bankei, un sage chinois mettait en garde les adeptes de la méditation assise. Huai-jang disait :

« Vous entraîner à la méditation assise, tso-ch’an (zazen), équivaut à vous exercer à être un Bouddha assis, il vous faut savoir que le Ch’an (Zen) consiste ni à s’asseoir, ni à être couché. Si vous vous entraînez à être un Bouddha assis, il vous faut savoir que le Bouddha n’est pas une forme fixe. Puisque le Dharma n’a pas de demeure fixée, ce n’est pas une question de choix. Si vous vous transformez en Bouddha assis, cela équivaut précisément à tuer le Bouddha. Si vous restez fidèle à la position assise, vous n’atteindrez pas le principe du Ch’an. »

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