mercredi, septembre 16, 2015

Vivisection humaine pour soigner un roi bouddhiste


Une des épouses du roi Ashoka, « tombé gravement malade, n’hésita pas à ouvrir l’abdomen d’un malheureux présentant les mêmes symptômes que le roi pour découvrir la cause du mal ».

Un texte surprenant décrit « ce qui ressemble fort à un authentique essai clinique, au cours duquel une batterie de tests est pratiquée sur un cobaye. Voici une traduction du passage le plus intéressant.

« Un jour, une grave maladie se déclara chez le roi Ashoka. De sa bouche, de ses poils et de ses pores s’exhalait une odeur fécale et il n’était pas possible de le guérir. Alors le roi fit appeler Kunala (son fils) pour lui confier le gouvernement. Car à quoi bon continuer à vivre ?

Ayant entendu cela, Tisyaraksita (l’épouse d’Ashoka) pensa : ‘‘Si Kunala accède au trône, c’en est fait de ma vie.’’ Elle dit alors au roi : ‘‘Je te redonnerai la santé (svastha, littéralement le « bien-être »), mais ne laisse pas passer les médecins.’’

Tandis que le roi interdisait l’entrée aux médecins, Tisyaraksita leur demanda : ‘‘Si quelqu’un, homme ou femme, est atteint par la même maladie, qu’on me l’amène pour que je l’examine.’’ Un bouvier souffrant du même type d’affection fut amené à Patna. On fit appeler un médecin et un remède fut prescrit à ce malade souffrant de cette maladie. Le bouvier approcha, accompagné par le médecin qui le conduisit auprès de Tisyaraksita. Dans un endroit secret, elle le plongea dans l’inconscience. Après quoi elle lui ouvrit l’abdomen et constata la présence d’un grand ver. Quand celui-ci se déplaçait vers le haut, cela entraînait des vomissements. Quand il se déplaçait vers le bas, il produisait des coliques. On lui appliqua du poivre noir réduit en poudre sans parvenir à le tuer. De même avec le poivre long et le gingembre. Enfin l’application d’oignon le tua et il fut expulsé avec les excréments. Cela fut rapporté au roi, auquel il fut conseillé de consommer de l’oignon pour recouvrer la santé.

Le roi dit :

- ‘‘Je suis un kshatriya. Comment pourrais-je manger de l’oignon ? ’’

La reine répondit :

- ‘‘Tu dois le manger car c’est un remède pour te sauver la vie.’’

Le roi le mangea. Le ver fut tué et expulsé avec les excréments et le roi fut guéri. »

Ce texte est riche d’enseignements à plus d’un titre. Non seulement parce qu’il met en évidence l’existence des essais cliniques selon une procédure parfaitement rationnelle, mais surtout parce que cette légende est reprise dans le Divyavadana, texte canonique bouddhiste en sanskrit, sans que cela suscite la moindre objection doctrinale quant au sort du malheureux cobaye. Ce que le texte retient, c’est que ces essais permettent de découvrir le responsable du mal, un parasite intestinal, et son remède, l’oignon. Asoka, dont la double appartenance culturelle, hindouiste et bouddhiste, apparaît ici, objecte sa qualité de kshatriya. L’oignon est très impur. Il l’est tout autant pour les bouddhistes. Pourtant, ce légume lui est prescrit. Les nécessités médicales l’emportent, du point de vue hindouiste comme du point de vue bouddhiste, sur les principes éthiques. »

Sylvain Mazars, « Le bouddhisme et la médecine traditionnelle de l’Inde ».

Le bouddhisme et la médecine traditionnelle de l’Inde

Les spécialistes du bouddhisme et les historiens de la médecine indienne n'ont pas manqué de relever les étroites relations entre le bouddhisme et la médecine. Le Bouddha, comme le médecin, ne se propose-t-il pas de mettre fin à la douleur ? Le bouddhisme est-il pour autant une doctrine médicale, une « médecine de l'âme »? En tant que système philosophico-religieux quel impact a-t-il eu sur l'art de guérir ? La question des influences réciproques du bouddhisme et de la médecine n'a pas fait l'objet d'étude spécifique. Ainsi, la doctrine de la réincarnation, la non-violence, sont autant de croyances bouddhiques fondamentales qui, au contact de l'Occident, se sont trouvées réactivées avec l'euthanasie ou l'acharnement thérapeutique. Afin d'éclaircir la question, cet ouvrage se propose de retourner dans l'Inde ancienne, aux sources du bouddhisme. Il s'agit de comparer les corpus religieux du bouddhisme des origines avec les traités relatifs à l'Ayurveda, la médecine pratiquée en Inde à cette époque.


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