dimanche, juin 16, 2013

Les dangers du spiritisme et du channeling





Tout d’abord, notons qu’il y a des dangers purement physiques, « qui, dit René Guénon, s’ils ne sont pas les plus graves ni les plus habituels, ne sont cependant pas toujours négligeables ; nous en donnerons pour preuve ce fait qui a été rapporté par le Dr Gibier :

« Trois gentlemen, dans le but de s’assurer si certaines allégations spirites étaient exactes, s’enfermèrent un soir sans lumière dans la chambre d’une maison inhabitée, non sans s’être engagés par un serment solennel à être absolument sérieux et de bonne foi. La pièce était complètement nue et, avec intention, ils n’y avaient introduit que trois chaises et une table autour de laquelle ils prirent place en s’asseyant. Il fut convenu qu’aussitôt que quelque chose d’insolite se passerait, le premier prêterait de la lumière avec des allumettes-bougies dont chacun s’était muni. Ils étaient immobiles et silencieux depuis un certain temps, attentifs aux moindres bruits, aux plus légers frémissements de la table sur laquelle ils avaient posé leurs mains entrelacées. Aucun son ne se faisait entendre ; l’obscurité était profonde, et peut-être les trois évocateurs improvisés allaient-ils se lasser et perdre patience, lorsque soudain un cri strident de détresse éclata au milieu du silence de la nuit. Aussitôt un fracas épouvantable se produisit et une grêle de projectiles se mit à pleuvoir sur la table, le plancher et les opérateurs. Rempli de terreur, l'un des assistants alluma une bougie ainsi qu’il était convenu, et, quand la lumière eut dissipé les ténèbres, deux d’entre eux se trouvèrent seuls en présence et s’aperçurent avec effroi que leur compagnon manquait ; sa chaise était renversée à une extrémité de la pièce. Le premier moment de trouble passé, ils le retrouvèrent sous la table, inanimé et la tête ainsi que la face couvertes de sang. Que s’était-il donc passé ? On constata que le manteau de marbre de la cheminée avait été descellé d’abord et qu’il avait été projeté ensuite sur la tête du malheureux homme et brisé en mille pièces. La victime de cet accident resta près de dix jours sans connaissance, entre la vie et la mort, et ne se remit que lentement de la terrible commotion cérébrale qu’elle avait reçue ». Papus, qui reproduit ce récit, reconnaît que « la pratique spirite conduit les médiums à la neurasthénie en passant par l’hystérie », que « ces expériences sont d’autant plus dangereuses qu’on est plus inconscient et plus désarmé », et que « rien n’empêche les obsessions, les anémies nerveuses et les accidents plus graves encore » ; et il ajoute : « Personnellement, nous possédons une série de lettres très instructives, émanées de malheureux médiums qui se sont livrés de tout leur pouvoir à l’expérimentation et qui sont aujourd’hui obsédés dangereusement par les êtres qui se sont présentés à eux sous de faux noms et en accaparant les personnalités de parents décédés ».

Eliphas Lévi avait déjà signalé ces dangers et prévenu que ceux qui se livrent à ces études, même par simple curiosité, s’exposent à la folie ou à la mort ; et un occultiste de l’école papusienne, Marius Decrespe, a écrit également : « Le danger est certain ; plusieurs sont devenus fous, dans d’horribles conditions, pour avoir voulu pousser trop loin leurs expériences… Ce n’est pas seulement son bon sens qu’on risque, c’est sa raison tout entière, sa santé, sa vie, et quelquefois même son honneur… La pente est glissante : d’un phénomène on passe à un autre et, bientôt, l’on n’est plus maître de s’arrêter. Ce n’est pas sans motif que, jadis, l’Eglise défendait toutes ces diableries ».

De même, le spirite Barthe a dit : « N’oublions pas que nous nous mettons par ces communications sous l’influence directe d’êtres inconnus parmi lesquels il en est de si rusés, de si pervers, qu’on ne saurait trop s’en méfier… Nous avons eu plusieurs exemples de graves maladies, de dérangements du cerveau, de morts subites causés par des révélations mensongères qui ne devinrent vraies que par la faiblesse et la crédulité de ceux auxquels elles étaient faites ».

A propos de cette dernière citation, nous devons attirer l’attention sur le danger spécial des prédictions contenues dans certaines « communications », et qui agissent comme une véritable suggestion sur ceux qui en sont l’objet ; du reste, ce danger existe aussi pour ceux qui, en dehors du spiritisme, ont recours aux « arts divinatoires » ; mais ces pratiques, si peu recommandables qu’elles soient, ne peuvent être exercées d’une façon aussi constante que celles des spirites, et ainsi elles risquent moins de tourner à l’idée fixe et à l’obsession. Il est des malheureux, plus nombreux qu’on ne pourrait le croire, qui n’entreprendraient rien sans avoir consulté leur table, et cela même pour les choses les plus insignifiantes, pour savoir quel cheval gagnera aux courses, quel numéro sortira à la loterie, et ainsi de suite. Si les prédictions ne se réalisent pas, l’ « esprit » trouve toujours quelque excuse ; les choses devaient bien se passer comme il l’avait dit, mais il est survenu telle ou telle circonstance qu’il était impossible de prévoir, et qui a tout changé ; la confiance des pauvres gens n’en est point ébranlée, et ils recommencent jusqu’à ce qu’ils se trouvent finalement ruinés, réduits à la misère, ou acculés à des expédients malhonnêtes que l’ « esprit » ne se fait pas faute de leur suggérer ; et tout cela aboutit d’ordinaire à la folie complète ou au suicide. Parfois, il arrive encore que les choses se compliquent d’une autre façon, et que les victimes, au lieu de consulter elles-mêmes le prétendu « esprit » par lequel elles se laissent diriger aveuglément, s’adressent à un médium qui sera fortement tenté d’exploiter leur crédulité ; Dunglas Home lui-même en rapporte un remarquable exemple, qui s’est passé à Genève, et il raconte l’entretien qu’il eut, le 5 octobre 1876, avec une pauvre femme dont le mari était devenu fou à la suite de ces événements :

« C’est en 1853, dit-elle, qu’une nouvelle assez singulière vint nous distraire de nos occupations ordinaires. Il s’agissait de quelques jeunes filles qui, chez un ami commun, avaient développé la faculté étrange de médiums écrivains. Le père aussi, disait-on, avait le don de se mettre en rapport avec les esprits, par le moyen d’une table… J’allai à une séance, et, comme tout ce qui s’y faisait me parut de bon aloi, j’engageai mon mari à y venir avec moi… Donc, nous allâmes chez le médium, qui nous dit que l’esprit de Dieu parlait par sa table… La table finit pas nous donner à entendre que nous devions sans plus tarder installer chez nous le médium et sa famille, et partager avec eux la fortune qu’il avait plu à Dieu de nous donner. Les communications faites par la table étaient censées venir directement de Notre Sauveur Jésus-Christ. Je dis à mon mari : « Donnons-leur plutôt une somme d’argent ; leurs goûts et les nôtres sont différents, et je ne saurais vivre heureuse avec eux. » Mon mari alors me reprit, disant : « La vie de Celui que nous adorons fut une vie d’abnégation, et nous devons chercher à l’imiter en toutes choses. Surmonte tes préjugés, et ce sacrifice prouvera au Maître la bonne volonté que tu as à le servir. » Je consentis, et une famille de sept personnes s’ajouta à notre maison. Aussitôt commença pour nous une vie de dépenses et de prodigalités. On jetait l’argent par les fenêtres. La table nous commanda expressément d’acheter une autre voiture, quatre autres chevaux, ensuite un bateau à vapeur. Nous avions neuf domestiques. Des peintres vinrent décorer la maison du haut en bas. On changea plusieurs fois l’ameublement pour un mobilier chaque fois plus somptueux. Cela dans le but de recevoir le plus dignement possible Celui qui venait nous voir, et d’attirer l’attention des gens du dehors. Tout ce qu’on nous demandait, nous le faisions. C’était coûteux, nous tenions table ouverte. Peu à peu, des personnes convaincues arrivèrent en grand nombre, jeunes gens des deux sexes pour la plupart, auxquels la table prescrivait le mariage, qui se faisait alors à nos frais, et si le couple venait à avoir des enfants, on nous les confiait pour les élever. Nous avons eu jusqu’à onze enfants à la maison. Le médium à son tour se maria, et les membres de sa famille s’accrurent, si bien que nous ne tardâmes pas à compter trente personnes à table. Cela dura trois ou quatre ans. Nous étions déjà presque à bout de ressources. Alors la table nous dit d’aller à Paris, et que le Seigneur aurait soin de nous. Nous partîmes. Sitôt arrivé dans la grande capitale, mon mari reçut l’ordre de spéculer à la Bourse. Il y perdit le peu qui nous restait. C’était la misère cette fois, la misère noire, mais nous avions toujours la foi. Nous vivions je ne sais comment. Bien des jours, je me suis vue sans nourriture, sinon une croûte et un verre d’eau. J’oubliais de vous dire qu’à Genève nous avions été enjoints d’administrer le saint sacrement aux fidèles. Or il y avait parfois jusqu’à quatre cents communiants et communiantes. Un moine d’Argovie quitta son couvent, ou il était supérieur, et abjura le catholicisme pour se joindre à nous. Ainsi, nous n’étions pas seuls dans notre aveuglement. Enfin, nous pûmes quitter Paris et revenir à Genève. C’est alors que nous réalisâmes toute l’étendue de notre malheur. Ceux avec qui nous avions partagé notre fortune furent les premiers à nous tourner le dos. »

Et Home ajoute en manière de commentaire : « Voilà donc un homme qui, devant une table, débite une série de blasphèmes à l’appel lent et difficile de l’alphabet, et c’est assez pour jeter une famille pieuse et honnête dans un délire d’extravagance dont elle ne revient que lorsqu’elle est ruinée. Et alors même qu’ils sont ruinés, ces pauvres gens n’en restent pas moins aveugles. Quant à celui qui a causé leur ruine, il n’est pas le seul que j’aie rencontré. Ces êtres étranges, moitié fourbes, moitié convaincus, qu’on rencontre à toutes les époques, tout en illusionnant les autres hommes, finissent par prendre au sérieux leur rôle d’emprunt, et deviennent plus fanatiques que les personnes qu’ils abusent ».

On dira sans doute que de pareilles mésaventures ne peuvent arriver qu’à des esprits faibles, et que ceux que le spiritisme détraque devaient y être prédisposés ; cela peut être vrai jusqu’à un certain point, mais, dans des conditions plus normales, ces prédispositions auraient pu ne jamais se développer ; les gens qui deviennent fous à la suite d’un accident quelconque avaient aussi de telles prédispositions, et pourtant, si cet accident n’était pas survenu, ils n’auraient pas perdu la raison ; ce n’est donc pas une excuse valable. D’ailleurs, les personnes qui sont assez bien équilibrées pour être assurées de n’avoir rien à craindre en aucune circonstance ne sont peut-être pas très nombreuses ; nous dirions même volontiers que nul ne peut avoir une telle assurance, à moins d’être garanti contre certains dangers par une connaissance doctrinale qui rend impossible toute illusion et tout vertige mental ; et ce n’est pas chez les expérimentateurs qu’on rencontre d’ordinaire une telle connaissance. Nous avons parlé des savants que les expériences psychiques ont amenés à accepter plus ou moins complètement les théories spirites, ce qui, à nos yeux, est déjà chez eux l’indice d’un déséquilibre partiel ; l’un d’eux, Lombroso, déclara à des amis après une séance d’Eusapia Paladino : « Maintenant il faut que je m’en aille d’ici, parce que je sens que je deviendrais fou ; j’ai besoin de me reposer l’esprit ». Le Dr Lapponi, citant cette parole significative, fait remarquer avec raison que « des phénomènes prodigieux, lorsqu’ils sont observés par des esprits non préparés à certaines surprises, peuvent avoir pour résultat un dérangement du système nerveux, même chez des sujets suffisamment sains ».

Le même auteur écrit encore ceci : « Le spiritisme présente pour la société et pour l’individu tous les dangers, comme aussi toutes les conséquences funestes de l’hypnotisme ; il en présente mille autres plus déplorables encore… Chez les individus qui remplissent le rôle de médium, et chez ceux qui assistent à leurs opérations, le spiritisme produit ou bien l’obnubilation ou bien l’exaltation morbide des facultés mentales ; il provoque les névroses les plus graves, les plus graves névropathies organiques. C’est chose notoire que la plupart des médiums fameux, et bon nombre de ceux qui ont assidûment suivi les pratiques spirites, sont morts fous ou atteints de troubles nerveux profonds. Mais outre ces dangers et ces maux, qui sont communs à l’hypnotisme et au spiritisme, celui-ci en présente d’autres infiniment plus fâcheux… Et que l’on ne prétende point que le spiritisme puisse du moins présenter, en échange, quelques avantages, tels que celui d’aider à la reconnaissance et à la guérison de certaines maladies. La vérité est que, si parfois les indications ainsi obtenues se sont trouvées exactes et efficaces, presque toujours, au contraire, elles n’ont fait qu’aggraver l’état des malades. Les spirites nous disent bien que cela est dû à l’intervention d’esprits bouffons ou trompeurs ; mais comment pourrions-nous être prémunis contre l’intervention et l’action de ces esprits malfaisants ? Jamais donc le spiritisme, dans la pratique, ne saurait être justifié, sous quelque prétexte que ce fût ».

D’autre part, un ancien membre de la « Société des recherches psychiques » de Londres, M. J. Godfrey Raupert, après avoir expérimenté pendant de longues années, a déclaré que « l’impression qu’il a rapportée de ces études est celle du dégoût, et l’expérience lui a montré son devoir, qui est de

mettre en garde les spirites, particulièrement ceux qui demandent aux êtres de l’autre monde des consolations, des conseils, ou même des renseignements. Ces expériences, dit-il, aboutissent à envoyer des centaines de gens dans les sanatoria ou les asiles d’aliénés. Et cependant, malgré le terrible danger pour la nation, on ne fait rien pour arrêter la propagande des spirites. Ceux-ci sont peut-être inspirés par des motifs élevés, par des idéals scientifiques, mais, en définitive, ils mettent les hommes et les femmes dans un état de passivité qui ouvre les portes mystiques de l’âme à des esprits mauvais ; dès lors, ces esprits vivent aux dépens de ces hommes, de ces femmes à l’âme faible, les poussent au vice, à la folie, à la mort morale ». Au lieu de parler d’ « esprits » comme le fait M. Raupert (qui ne semble d’ailleurs pas croire qu’il s’agisse de « désincarnés »), nous parlerions simplement d’ « influences », sans en préciser l’origine, puisqu’il en est de fort diverses, et que, en tout cas, elles n’ont rien de « spirituel » ; mais cela ne change aucunement les terribles conséquences qu’il signale, et qui ne sont que trop réelles.

Nous avons cité ailleurs le témoignage de Mme Blavatsky et des autres chefs du théosophisme, qui dénoncent spécialement les dangers de la médiumnité (Le Théosophisme, histoire d'une pseudo religion) ; nous reproduirons cependant encore ici ce passage de Mme Blavatsky, que nous avions seulement résumé alors :

« Les meilleurs, les plus puissants médiums, ont tous souffert dans leur corps et dans leur âme. Rappelez-vous la fin déplorable de Charles Foster, qui-est mort de folie furieuse, dans un asile d’aliénés ; souvenez-vous de Slade, qui est épileptique, d’Eglinton, le premier médium d’Angleterre en ce moment, qui souffre du même mal. Voyez encore quelle a été la vie de Dunglas Home, un homme dont le cœur était rempli d’amertume, qui n’a jamais dit un mot en faveur de ceux qu’il croyait doués de pouvoirs psychiques, et qui a calomnié tous les autres médiums jusqu’à la fin. Ce Calvin du spiritisme a souffert, pendant des années, d’une terrible maladie de l’épine dorsale, qu’il avait prise dans ses rapports avec les « esprits », et il n’était plus qu’une ruine lorsqu’il mourut. Pensez ensuite au triste sort de ce pauvre Washington Irving Bishop. Je l’ai connu, à New-York, lorsqu’il n’avait que quatorze ans ; il n’y a pas le moindre doute qu’il était médium. il est vrai que le pauvre homme joua un tour à ses « esprits », qu’il baptisa du nom d’ « action musculaire inconsciente », à la grande joie de toutes les corporations de savants et érudits, et au grand bénéfice de sa bourse qu’il remplit de cette façon. Mais… de mortuis nil nisi bonum ! Sa fin fut bien malheureuse. Il avait réussi à cacher soigneusement ses attaques d’épilepsie (le premier et le plus sûr symptôme de la véritable médiumnité), et qui sait s’il était mort ou s’il était en « transe », lorsqu’eut lieu l’autopsie de son corps ? Ses parents disent qu’il vivait encore, à en croire les dépêches télégraphiques de Reuter. Voici enfin les sœurs Fox, les plus anciens médiums, les fondatrices du spiritisme moderne ; après plus de quarante ans de rapports avec les « Anges », elles sont devenues, grâce à ces derniers, des folles incurables, qui déclarent à présent, dans leurs conférences publiques, que l’œuvre et la philosophie de leur vie entière n’ont été qu’un mensonge ! Je vous demande quel est le genre d’esprits qui leur inspirent une conduite pareilles… Si les meilleurs élèves d’une école de chant en arrivaient tous à perdre la voix, par suite d’exercices forcés, ne seriez-vous pas obligé d’en conclure qu’ils suivent une mauvaise méthode ? Il me semble que l’on peut en conclure autant des informations que nous obtenons au sujet du spiritisme, du moment que ses meilleurs médiums sont victimes d’un même sort ».

Mais il y a mieux encore : des spirites éminents avouent eux-mêmes ces dangers, tout en cherchant à les atténuer, et en les expliquant naturellement à leur façon. Voici notamment ce que dit M. Léon Denis : « Les esprits inférieurs, incapables d’aspirations élevées, se complaisent dans notre atmosphère. Ils se mêlent à notre vie, et, uniquement préoccupés de ce qui captivait leur pensée durant l’existence corporelle, ils participent aux plaisirs ou aux travaux des hommes auxquels ils se sentent unis, par des analogies de caractère ou d’habitudes. Parfois même, ils dominent et subjuguent les personnes faibles qui ne savent résister à leur influence. Dans certains cas, leur empire devient tel, qu’ils peuvent pousser leurs victimes jusqu’au crime et à la folie. Ces cas d’obsession et de possession sont plus communs qu’on ne pense ».

Dans un autre ouvrage du même auteur, nous lisons ceci : « Le médium est un être nerveux, sensible, impressionnable ;… l’action fluidique prolongée des esprits inférieurs peut lui être funeste, ruiner sa santé, en provoquant les phénomènes d’obsession et de possession… Ces cas sont nombreux ; quelques-uns vont jusqu’à la folie… Le médium Philippe Randone, dit la Medianità, de Rome, est en butte aux mauvais procédés d’un esprit, désigné sous le nom d’uomo fui, qui s’est efforcé, plusieurs fois, de l’étouffer la nuit, sous une pyramide de meubles qu’il s’amuse à transporter sur son lit. En pleine séance, il s’empare violemment de Randone et le jette à terre, au risque de le tuer. Jusqu’ici, on n’a pu débarrasser le médium de cet hôte dangereux. En revanche, la revue Luz y Union, de Barcelone (décembre 1902), rapporte qu’une malheureuse mère de famille, poussée au crime sur son mari et ses enfants par une influence occulte, en proie à des accès de fureur contre lesquels les moyens ordinaires étaient restés impuissants, fut guérie en deux mois par suite de l’évocation et de la conversion de l’esprit obsesseur, au moyen de la persuasion et de la prière ». Cette interprétation de la guérison est plutôt amusante ; nous savons que les spirites aiment à tenir aux prétendus « esprits inférieurs » des discours « moralisateurs », mais c’est là véritablement « prêcher dans le désert », et nous ne croyons point que cela puisse avoir la moindre efficacité ; en fait, les obsessions cessent quelquefois d’elles-mêmes, mais il arrive que des impulsions criminelles comme celles dont il vient d’être question soient suivies d’effet. Parfois aussi, on prend pour une obsession véritable ce qui n’est qu’une autosuggestion ; dans ce cas, il est possible de la combattre par une suggestion contraire, et ce rôle peut être rempli par les exhortations
adressées à l’ « esprit », qui alors ne fait qu’un avec le « subconscient » de sa victime ; c’est probablement ce qui a dû se passer dans le dernier fait rapporté, à moins qu’il n’y ait eu simplement coïncidence, et non relation causale, entre le traitement et la guérison. Quoi qu’il en soit, il est incroyable que des gens qui reconnaissent la réalité et la gravité de ces dangers osent encore recommander les pratiques spirites, et il faut être vraiment inconscient pour prétendre que la « moralité » constitue une arme suffisante pour se préserver de tout accident de ce genre, ce qui est à peu près aussi sensé que de lui attribuer le pouvoir de protéger de la foudre ou d’assurer l’immunité contre les épidémies ; la vérité est que les spirites n’ont absolument aucun moyen de défense à leur disposition, et il ne saurait en être autrement, dès lors qu’ils ignorent tout de la nature des forces auxquelles ils ont affaire.

Il pourrait être, sinon très intéressant, du moins utile, de rassembler les cas de folie, d’obsession et d’accidents de toutes sortes qui ont été causés par les pratiques du spiritisme ; il ne serait sans doute pas bien difficile d’obtenir un bon nombre de témoignages sérieusement contrôlés, et, comme nous venons de le voir, les publications spirites elles-mêmes pourraient y fournir leur contingent ; un tel
recueil produirait sur beaucoup de gens une impression salutaire. Mais ce n’est pas là ce que nous nous sommes proposé : si nous avons cité quelques faits, c’est uniquement à titre d’exemples, et l’on remarquera que nous les avons pris de préférence, pour la plupart, chez des auteurs spirites ou ayant tout au moins des affinités avec le spiritisme, auteurs qu’on ne saurait donc accuser de partialité ou d’exagération dans un sens défavorable. A ces citations, nous aurions sans doute pu en ajouter bien d’autres du même genre ; mais ce serait assez monotone, car tout cela se ressemble, et celles que nous avons données nous paraissent suffisantes.

Pour résumer, nous dirons que les dangers du spiritisme sont de plusieurs ordres, et qu’on pourrait les classer en physiques, psychiques et intellectuels ; les dangers physiques, ce sont les accidents tels que celui que rapporte le Dr Gibier, et ce sont aussi, d’une façon plus fréquente et plus habituelle, les maladies provoquées ou développées chez les médiums surtout, et parfois chez certains assistants de leurs séances. Ces maladies, affectant principalement le système nerveux, sont le plus souvent accompagnées de troubles psychiques ; les femmes semblent y être plus particulièrement exposées, mais ce serait une erreur de croire que les hommes en soient exempts ; d’ailleurs, pour établir une proportion exacte, il faut tenir compte du fait que l’élément féminin est de beaucoup le plus nombreux dans la plupart des milieux spirites. Les dangers psychiques ne peuvent pas être entièrement séparés des dangers physiques, mais ils apparaissent comme bien plus constants et plus graves encore ; rappelons ici, une fois de plus, les obsessions de caractère varié, les idées fixes, les impulsions criminelles, les dissociations et altérations de la conscience ou de la mémoire, les manies, la folie à tous ses degrés ; si l’on voulait en dresser une liste complète, presque toutes les variétés connues des aliénistes y seraient représentées, sans compter plusieurs autres qu’ils ignorent, et qui sont les cas proprement dits d’obsession et de possession, c’est-à-dire ceux qui correspondent à ce qu’il y a de plus hideux dans les manifestations spirites.

En somme, tout cela tend purement et simplement à la désagrégation de l’individualité humaine, et y atteint parfois ; les différentes formes de déséquilibre mental elles-mêmes ne sont là-dedans que des étapes ou des phases préliminaires, et, si déplorables qu’elles soient déjà, on ne peut jamais être sûr que les choses n’iront pas plus loin ; ceci, d’ailleurs, échappe en grande partie, sinon totalement,
aux investigations des médecins et des psychologues. Enfin, les dangers intellectuels résultent de ce que les théories spirites constituent, sur tous les points auxquels elles se réfèrent, une erreur complète, et ils ne sont pas limités comme les autres aux seuls expérimentateurs ; nous avons signalé la diffusion de ces erreurs, par la propagande directe et indirecte, parmi des gens qui ne font point de spiritisme pratique, qui peuvent même se croire très éloignés du spiritisme ; ces dangers intellectuels sont donc ceux qui ont la portée la plus générale. Du reste, c’est sur ce côté de la question que nous avons le plus insisté dans tout le cours de notre étude ; ce que nous avons voulu montrer surtout et avant tout, c’est la fausseté de la doctrine spirite, et, à notre avis, c’est d’abord parce qu’elle est fausse qu’elle doit être combattue. En effet, il peut y avoir aussi des vérités qu’il serait dangereux de répandre, mais, si une telle chose venait à se produire, ce danger même ne pourrait nous empêcher de reconnaître que ce sont des vérités ; du reste, cela n’est guère à craindre, car les choses de ce genre sont de celles qui ne se prêtent guère à la vulgarisation. Il s’agit là, bien entendu, de vérités qui ont des conséquences pratiques, et non de l’ordre purement doctrinal, où l’on ne risque jamais, en somme, d’autres inconvénients que ceux qui résultent de l’incompréhension à laquelle on s’expose inévitablement dès lors qu’on exprime des idées qui dépassent le niveau de la mentalité commune, inconvénients dont on aurait tort de se préoccuper outre mesure. Mais, pour en revenir au spiritisme, nous dirons que ses dangers spéciaux, en s’ajoutant à son caractère d’erreur, rendent seulement plus pressante la nécessité de le combattre ; c’est là une considération secondaire et contingente en elle-même, mais ce n’en est pas moins une raison d’opportunité que, dans les circonstances actuelles, il n’est pas possible de tenir pour négligeable. »

René Guénon, L'erreur spirite.



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