Shenten
Dargye ling, Blou.
En France, les lamas Böns (on prononce
« beun » ; chez les britanniques les buns sont des
petits pains bourrés de gluten) mènent la vie de château à Blou
(49) où ils ont acheté la belle demeure seigneuriale de la
Modetais.
En cet an de grâce et de vaches maigres, les
lamas Böns ont décidé de révéler les secrets de la médecine
traditionnelle tibétaine aux Français appauvris ne possédant plus
de mutuelle ou ne pouvant payer les dessous de table exigés par des
médecins toujours plus avides.
Cet
été au
château de la Modetais,
un
Amchi (guérisseur) Bön du nom de Nyima Samphel
enseignera les techniques de santé des Tibétains.
« La
médecine tibétaine, précisent les lamas, se base sur l'équilibre
des trois humeurs du corps : bile, vent et flegme. Selon ce système,
la cause des maladies est à rechercher dans le déséquilibre de ces
trois humeurs et la guérison s'obtient par le rétablissement de cet
équilibre. Le traitement principal consiste en la prise de
médicaments à base de minéraux et végétaux, mais d'autres soins
peuvent également s'y ajouter tels que la moxibustion,
l'acupuncture, la saignée ou le massage. »
Un siècle avant l'invasion chinoise à
une époque où la vie du peuple tibétain était dirigée par le
saint Dharma lamaïste, la doctrine sacrée du toit du monde, le
prêtre chrétien Evariste Huc dépeint un tableau très différent
de la propagande des lamas.
Dans
son livre Souvenirs d’un voyage
dans la Tartarie et le Thibet, Evariste Huc écrit :
« La
crainte que les Thibétains ont de la petite vérole est
inimaginable. Ils n’en parlent jamais qu’avec stupeur, et comme
du plus grand fléau qui puisse désoler l’espèce humaine. Il
n’est presque pas d’année où cette maladie ne fasse à Lhassa
des ravages épouvantables ; les seuls remèdes préservatifs que le
gouvernement sache employer, pour soustraire les populations à cette
affreuse épidémie, c’est de proscrire les malheureuses familles
qui en sont atteintes. Aussitôt que la petite vérole s’est
déclarée dans une maison, tous les habitants doivent déloger et se
réfugier, bon gré mal gré, loin de la ville, sur le sommet des
montagnes ou dans les déserts. Personne ne peut avoir de
communication avec ces malheureux, qui meurent bientôt de faim et de
misère, ou deviennent la proie des bêtes sauvages. Nous ne
manquâmes pas de faire connaître au régent la méthode précieuse
usitée parmi les nations européennes pour se préserver de la
petite vérole. Un des motifs qui nous avaient valu la sympathie et
la protection du régent, c’était l’espérance que nous
pourrions un jour introduire la vaccine dans le Thibet.
Le missionnaire qui aurait le bonheur de doter les Thibétains d’un
bienfait si signalé, acquerrait certainement sur leur esprit une
influence capable de lutter avec celle du talé lama lui-même.
L’introduction de la vaccine dans le Thibet, par les missionnaires,
serait peut-être le signal de la ruine du lamaïsme,
et de l’établissement de la religion chrétienne parmi ces tribus
infidèles.
Les
galeux et les lépreux sont en assez grand nombre à Lhassa. Ces
maladies cutanées sont engendrées par la malpropreté, qui règne
surtout dans les basses classes de la population. Il n’est pas
rare, non plus, de rencontrer parmi les Thibétains des cas
d’hydrophobie. On est seulement étonné que cette maladie horrible
n’exerce pas de plus grands ravages, quand on songe à l’effrayante
multitude de chiens affamés qui rôde incessamment dans les rues de
Lhassa ; ces animaux sont tellement nombreux dans cette ville, que
les Chinois ont coutume de dire ironiquement que les trois grands
produits de la capitale du Thibet sont les lamas, les femmes et les
chiens, lama,
ya-téou, kéou.
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d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet :