mardi, mai 28, 2013

Karpâtrî, l’État dharmique & la véritable spiritualité hindoue




Svâmî Karpâtrî lutta toute sa vie pour la fermeture des abattoirs et pour défendre la vache sacrée. Il exprima cette revendication par des slogans très inattendus dans l'univers politique : « Vive le dharma » (dharma ki jaya ho!) ; « Que soit détruit l'anti-dharma ! » (adharma ka nasha ho!) ; « Bienveillance pour tout ce qui respire ! » (praniyon men sadbhavana ho !) « Sauvegardons le monde ! » (vishva ka kalyana ho !) ; « Vive notre mère la vache ! » (gomata ki jaya ho !) ; « Stop à la boucherie des vaches ! » (gohatita band ho !). 

« Il y avait en Svâmî Karpâtrî (1907-1982), écrit Svarûpânanda Sarasvatî (un ancien compagnon de lutte de Karpâtrî) une remarquable combinaison de préoccupations sociales, de sainteté, de sagacité politique et de qualités dirigeantes très difficile à rencontrer ailleurs. Même en politique, son amour des principes demeurait intact. Nous pouvons nous en faire une idée à travers les avis intrépides qu'il a exprimés en des occasions comme la partition de l'Inde, l'invasion [chinoise] de Kailâsa Mânasarovara, le Hindu Code Bill , les luttes contre l'abattage des vaches, le contrôle gouvernemental sur la dot, l'agitation pour casser le cordon sacré, etc. Il était intransigeant face à toute attaque, même la plus légère, contre la tradition et rendait coup pour coup.

À son avis, politique et dharma devaient être aussi inséparables que des époux indiens. Séparés, la politique sans dharma ou le dharma sans politique perdent toute raison d'être ; c'est pourquoi il essaya d'établir un État politique basé sur le dharma qu'il appela le Royaume de Rama. Svâmiji défendit publiquement ses idées au forum panindien constitutif de l'Assemblée du Royaume de Râma, dont le but était de promouvoir le mode de vie indien et de mettre sur pied un gouvernement qui ne fût pas en contradiction avec les Écritures. Il me nomma premier président de ce parti.

Comme la lutte pour la liberté de l'Inde avait été menée à partir de la plate-forme du parti du Congrès (parti social-démocrate), celui-ci exerçait une très forte influence sur nos concitoyens. Mais les principes du parti [de Svâmi Karpâtrî] la Râma Râjya Parisad, ne correspondaient ni à ceux du Congrès, ni à ceux des autres partis de l'époque. L'appel éclatant à un pays gouverné par le dharma lancé par la Râma Râjya Parisad était différent et plus attractif que tous les airs chantés par les autres partis politiques. 

Mais un nouveau parti, l'Union du Peuple indien (Bhâratîya Jana Sangha), apparut peu de temps après la fondation de la Râma Râjya Parisad ; bien que très différent du premier dans ses principes, il donnait extérieurement l'illusion de lui ressembler. L'objectif de ce Bhâratîya Jana Sangha - autant que de la Hindû Mahâsabhâ -, était l'établissement d'une « nation hindoue » : ils différaient de la Râma Râjya Parisad autant par leurs méthodes d'action que par leurs idées.

Svâmî Karpâtrî croyait que le bien public ne pouvait advenir qu'a travers un État « dharmique ». Il soulignait que même si [le démon-roi de Lankâ] Râvana avait été hindou et brahmane, son règne n'avait apporté rien de bon. Donc, le bien public ne pouvait être garanti par la création d'une « nation hindoue ». En conséquence, Svâmîjî combattit les arguments [ultra-nationalistes et fondamentalistes] du RSS, de la Hindû Mahâsabhâ et du Jana Sangha, et il souligna les différences entre les visées religieuses et politiques de la Râma Râjya Parisad et l'idéologie de ces autres partis.

Dans ce but, son ouvrage Le Nectar de la pensée critiqua les thèses de La Crème de la pensée de Golvalkar (le chef suprême du RSS, successeur de Savarkar, se référait positivement à l'État nazi) et de Les Six pages d'or de l'histoire indienne de Savarkar (un nationaliste révolutionnaire), il réfuta spécialement les positions du RSS dans sa brochure Le RSS et le dharma hindou.

Svâmî Karpâtrî ouvrit les portes de la Rama Râjya Parisad à tout hindou, musulman, chrétien, sikh, jaïn, parsi, bouddhiste, etc., pratiquant sa religion avec honnêteté et rectitude. Dans son ouvrage L'Assemblée du Royaume de Râma et les autres groupes, il précise ainsi les différences entre la Râmarâjya Parisad et les autres partis politiques :

"Il est évident qu'aucun parti politique de ce pays n'est cohérent envers lui-même et le public ; les buts de ces partis sont une chose, leur conduite en est une autre. C'est pourquoi stabilité et confiance politique font défaut en Inde ; le seul objectif des politiciens est d'obtenir des voix à l'aide de fausses promesses. L'objectif de la Râmarâjya Parisad, au contraire, est de sortir de cette indignité et de mettre en pratique des idées politiques saines. La Râmarâjya Parisad est aussi cohérente dans ses buts que dans ses moyens. Il n'y a chez elle aucune sorte de duperie, aucune avidité vis-à-vis de quoi que ce soit. Son seul but est d'établir une politique fondée sur le dharma qui soit sans partialité [vis-à-vis de toutes les religions]."

Le vénérable Svâmî Karpâtrî parlait quelquefois d'un Français nommé Shiva Sharan (Alain Daniélou), qui avait suivi ses idées. Il croyait que Daniélou comprenait ses intentions et avait du respect pour lui. C'est pourquoi il aurait donné sa bénédiction aux traductions de ses articles par Shiva Sharan - dont nous pensions aussi qu'il diffusait les idées de Svâmîji en Occident, ce qui était tout à fait digne d'éloge.

Nous avons donc été heureux lorsqu'un associé de Shiva Sharan, Jean-Louis Gabin, décida de publier un recueil comprenant certains essais de Svâmîji traduits par son compatriote. Mais, à l'examen, on découvrit que Shiva Sharan-Alain Daniélou avait déformé les écrits de Svâmî Karâtrî et, en plusieurs endroits, les avait falsifiés. Cela devint encore plus évident lorsqu'on confronta les traductions aux articles originaux. Aucun de nous ne s'était attendu à une chose pareille. Si Svâmîjî était toujours vivant, sa confiance en Shiva Sharan aurait sûrement été blessée. » […]

Les falsifications d'Alain Daniélou

« En réalité, dit Jean-Louis Gabin, pour l'essentiel, mais sans jamais le dire, Daniélou a refusé les clarifications de Svâmî Karpâtrî et, sans prévenir ce dernier, les a sciemment défigurées dans ses publications. L'absolutisation du linga au détriment de la yoni, l'assimilation de son culte aux cultes phalliques et à un hédonisme plus ou moins maquillé en tantrisme, la scission entre Shiva et la Déesse, l'opposition entre Shiva et Vishnou, la dévalorisation de ce dernier et de la Déesse, la caractérisation de Shiva comme d'un dieu de tamas, l'opposition des aryens « puritains » aux dravidiens extatiques, la présentation de l'hindouisme comme fondamentalement polythéiste — toutes les idées, en somme, par lesquelles les ouvrages d'Alain Daniélou ont acquis leur célébrité — sont totalement opposées aux points de vue de l'hindouisme traditionnel exposés par Svâmî Karpâtrî. »

Jean-Louis Gabin ajoute à propos de Svâmî Karpâtrî :

« Ce penseur mérite d'être découvert et traduit pour ce qu'il peut apporter, du sein de l'hindouisme orthodoxe, et en Inde même, notamment à la recherche de l'entente entre les diverses religions, dans le respect des particularités de chacune. » […]

Très éloigné du polythéisme hindou exposé par Alain Daniélou, « l'Advaita Vedânta est l'un des six « points de vue » orthodoxes de l'hindouisme, et c'est celui où se place généralement Svâmî Karpâtrî, rappelle Jean-Louis Gabin qui cite René Guénon : « Tandis que l'Être est "un", le Principe suprême [désigné comme brahman ou parabrahman] peut seulement être dit "sans dualité" (advaita), parce que, étant au-delà de toute détermination, même de l'Être qui est la première de toutes, il ne peut être caractérisé par aucune attribution positive ».

Dans Svâmî Karpâtrî, symboles du monothéisme hindou, Jean-Louis Gabin et Gianni Pellegrini ont traduit de l'hindi et du sanskrit plusieurs textes de Svâmî Karpâtrî. Dans ces textes, « ce qui ne peut manquer de frapper le lecteur occidental c'est que les correspondances entre Vishnou et la Déesse — assorties de précisions métaphysiques sur le non-manifesté, l'obscurité primordiale, l'irruption de la lumière dans la substance, de la conscience dans l'énergie — sont données comme autant d'indications du processus individuel de réalisation initiatique, qui passe par la discrimination entre la connaissance ou gnose (jñâna) et l'ignorance (avidyâ). [...]

Partant du processus de la "manifestation" du monde pour aboutir à des applications doctrinales touchant directement au domaine de la réalisation spirituelle, ces textes abordent de nombreuses questions essentielles, depuis l'explication de la nature de l'univers jusqu'au sens de la vie humaine, de l'origine du déploiement cosmique jusqu'à ses correspondances dans le cœur humain. » (Gabin)

Svâmî Karpâtrî
symboles du monothéisme hindou
le linga et la déesse


Svâmî Karpâtrî (1907-1982) rétablit dans ces pages l'évidence du monothéisme hindou. Dans deux synthèses transcendantes sur le linga, icône aniconique, symbole du Principe au-delà de la forme, il met en pièces les idées fausses de « culte du phallus », de « polythéisme hindou » et de « shivaïsme pré-aryen » diffusées par le premier vulgarisateur de ces textes, Alain Daniélou. Puis, dans un vaste panorama consacré à la Déesse - tour à tour héroïne épique, principe féminin de grâce et de beauté, mais aussi symbole du Principe suprême -, il établit des ponts entre deux voies de réalisation spirituelle, l'Advaita Vedânta et Shrîvidyâ. La traduction entièrement nouvelle, établie sur les originaux publiés pour la première fois en Occident, met en lumière l'enseignement doctrinal en acte d'un maître spirituel contemporain qui combattit aussi bien le nationalisme néo-hindou que l'ingérence de l'État séculariste dans les affaires de la religion.

Svâmî Karpâtrî, renonçant (samnyâsin) de la lignée Sarasvati, artisan d'une restauration de l'hindouisme traditionnel et auteur d'une quarantaine d'ouvrages, fut le chef spirituel d'une grande partie de l'Inde du Nord dans les années qui ont précédé et suivi l'indépendance de l'Inde.

Svâmî Shrî Svarûpânanda Sarasvati, Jagadgourou Shankarcharya de Dvârakapîtha et Jyotispîtha, est l'une des plus hautes autorités de l'hindouisme contemporain. Il fut un proche compagnon de Svâmî Karpâtrî et le premier président de son parti politique, la Râma Râjya Parisad.

Jean-Louis Gabin, docteur ès lettres, a étudié et enseigné quinze ans en Inde, il a dirigé en 2009 à Bénarès l'ëdition bilingue de The Linga and the Great Goddess de Svâmî Karpâtrî et il est l'auteur de L'Hindouisme traditionnel et l'interprétation d'Alain Daniélou (Éd. du Cerf 2010.)

Gianni Pellegrini, maître de Vedânta de l'université sanskrite de Bénarès et docteur en indologie de l'université de Venise, enseigne la philosophie indienne à l'université de Turin. Il a obtenu le prix Sarasvati de sanskrit 2010 du Conseil indien pour les relations culturelles et de l'Institut d'Asie du Sud de Heidelberg.






La guerre contre l’Islam est-elle une phase de la guerre ultime : la Guerre contre le Christ ?

La doctrine de la « démocratie libérale et des droits de l’homme » est une crypto-religion, une forme extrême, hérétique de judaïsme christ...