jeudi, avril 11, 2013

La hiérarchie invisible



Des initiés d'une société secrète sont parvenus au sommet de l'Etat. François Hollande est entouré de francs-maçons, dont le plus médiatisé est incontestablement le ministre voyou Jérôme Cahuzac.

Réseaux d'influence, prédateurs financiers, politiciens corrompus... qui contrôle la France ?

En fait c’est une hiérarchie invisible et ultra-codée qui structure désormais la classe dirigeante française. Du producteur Luc Besson au président de la SNCF Guillaume Pepy, une cohabitation baroque s’est installée entre des entrepreneurs – très – audacieux et de hauts fonctionnaires – très – prudents. La grande famille oligarchique s’est désormais enrichie d’aimables requins de la finance, comme les patrons des fonds d’investissement. Walter Butler, à la tête d’un fonds prospère – et inspecteur des Finances – ou Sébastien Bazin, de Colony Capital – titulaire d’une maîtrise de gestion, autant dire, pour les arrogants surdiplômés de l’élite, un « autodidacte » –, sont désormais entourés d’égards. Ces gens peuvent se joindre, dans les mêmes dîners, aux représentants des plus grandes dynasties. Celles-ci ont connu des revers de fortune mais se sont souvent rétablies. « Le nec plus ultra, aujourd’hui, c’est David de Rothschild, assure un arbitre des élégances parisiennes. Il y a vingt-cinq ans, ce profil de banquier d’affaires, avec un nom aussi emblématique, aurait suscité quelques réserves. Désormais, elles sont pulvérisées. »

Des hauts fonctionnaires, quelques grands patrons, des banquiers, quelques avatars des grandes familles, une dizaine d’avocats d’affaires, tels Jean-Michel Darrois, Georges Kiejman ou Hervé Temime, complètent le tableau.

Au cœur de cette famille, il y a bien sûr cette institution qu’est l’ENA (l’École nationale d’administration). Dès son élection, en 2007, le président de la République veut la mettre au pas.

Dans le gouvernement Fillon, les énarques, au début, ne tiennent pas le haut de l’affiche. Alain Juppé, inspecteur des Finances, est ministre d’État chargé de l’Écologie, mais les autres portefeuilles importants reviennent à des « autodidactes », puisque c’est ainsi que les anciens de l’ENA considèrent tous ceux qui ne sont pas passés dans le moule : Jean-Louis Borloo à l’Économie, Michèle Alliot-Marie à l’Intérieur, Bernard Kouchner aux Affaires étrangères, Hervé Morin à la Défense, Rachida Dati à la Justice.

Après le premier remaniement, l’ENA est en perdition dans les hautes sphères gouvernementales : exit Juppé, remplacé par Borloo, qui laisse les clés de Bercy à l’avocate internationale Christine Lagarde.

Mais en novembre 2010, l’énarchie revient en force avec, par ordre protocolaire : Alain Juppé, de retour comme successeur de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, Gérard Longuet dans le fauteuil d’Hervé Morin à la Défense, Nathalie Kosciusko-Morizet à la place de Jean-Louis Borloo, Claude Guéant au ministère de l’Intérieur, jusqu’alors occupé par Brice Hortefeux. Seul le garde des Sceaux, Michel Mercier, cinquième dans la hiérarchie gouvernementale, peut servir de – pâle – alibi. Et c’est Valérie Pécresse, membre du Conseil d’État, qui chipe le micro de porte-parole au SDP – sans diplôme prestigieux – François Baroin.

Un tout petit monde

Daniel Lebègue, l’ancien directeur du Trésor qui connaît parfaitement le système de l’intérieur, dirige la section française de Transparence internationale, une ONG qui lutte contre la corruption à travers le monde : « Il y a certes des élites dans tous les pays du monde. Mais pas comme en France, où il s’agit d’un tout petit monde très fermé, et dont l’assise résiste à toutes les mutations. La “pointe du pouvoir” y est beaucoup plus aiguë que partout ailleurs : mêmes écoles, même origine sociale, même vie, mêmes clubs, dont le Siècle est l’exemple le plus caricatural, mêmes lieux de vacances, avec Marrakech en tête de liste. Seule nouveauté : les meilleurs sont beaucoup plus attirés par l’argent qu’avant. Alors, ils désertent la haute administration et la politique. »

Ce « tout petit monde » prend parfois des allures de cour du Roi-Soleil qui peuvent surprendre un étranger : « Je suis allé au mariage de Cécilia et de Richard Attias à New York. Je suis un de leurs voisins, raconte un financier américain. C’était rigolo, il y avait plein de femmes seules. J’ai demandé pourquoi à l’une de mes voisines, qui m’a répondu : “Ben, en fait, beaucoup d’hommes se sont défilés. Ils font tous des affaires en France, alors c’est compliqué pour eux : si Nicolas apprend qu’ils ont assisté au mariage…” »

Behdad Alizadeh est l’un des responsables du fonds américain Pardus Capital, qui a investi, en France, dans Valeo et dans Atos. Ses débuts dans l’Hexagone n’ont pas été faciles : « Il faut se battre avec les dents pour se faire accepter dans un univers aussi fermé. Je me suis fait aider par Alain Minc et par le communicant Stéphane Fouks. Et j’ai vite compris que lorsque vous êtes admis dans le club, c’est pour la vie. Aux États-Unis, c’est l’inverse : chacun est le bienvenu, mais s’il commet une faute, il est chassé. »

Révolution culturelle

Tous ces bouleversements dans la hiérarchie invisible résultent d’un changement profond : l’argent en quelques années est devenu dans ce milieu la valeur suprême. Salaires raisonnables, mode de vie sans ostentation, sujets de conversation à éviter, les règles étaient jusque-là limpides. Et puis tout a changé. Au fur et à mesure que l’oligarchie révélait son incapacité à s’occuper des affaires du pays, elle a manifesté sans complexes sa fascination pour l’argent.

De quand date cette mutation qui pèse aujourd’hui sur toute la société ? De la fin du règne de Giscard ? Des premiers pas de Mitterrand ? De la première cohabitation avec l’équipe Chirac-Balladur ? Difficile à dire précisément. Quoi qu’il en soit, cette ruée vers l’or a transformé le système de gouvernement en profondeur. Au fur et à mesure que l’État s’affaiblissait, des réseaux d’influence se sont imposés, des bandes se sont emparées de territoires entiers.

Le culte du veau d’or n’est pas, bien sûr, spécifique à la France. Dans un petit ouvrage savant, Charles-Henri Filippi, autre inspecteur des Finances, ancien patron d’HSBC France, considère que l’argent s’est hissé au rang de puissance totale : « Il a explosé quantitativement ; il est devenu un signe absolu rivalisant avec le langage ; il est passé du statut de moyen à celui d’objectif essentiel de la vie des hommes ; il domine le monde réel et en formate les valeurs. »

En France, le Tout-État n’a pas pris la peine de résister, ou d’instaurer un rapport de force. Il s’est laissé coloniser, acceptant de voir ses hauts fonctionnaires tenter l’aventure du privé, parfois revenir, et repartir presque toujours. Avec, éventuellement, un passage qui se révèle un échec. Mais l’indulgence règne dans ce milieu. Les inspecteurs des Finances Stéphane Richard et François Pérol incarnent cet art de la navigation. Le premier, qui fut conseiller de Dominique Strauss-Kahn au ministère du Commerce extérieur, puis directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo et de Christine Lagarde à Bercy, a, entre-temps, fait fortune dans l’immobilier. En 2009, il retourne dans le secteur privé, comme patron de France Télécom. Des élus socialistes influents comme Manuel Valls, Tony Dreyfus, ou Claude Bartolone comptent parmi ses intimes. Ils étaient présents lorsque le futur président de la République lui a remis la Légion d’honneur en 2006, en présence notamment de… Dominique Strauss-Kahn. Car les notions de droite et de gauche, parmi les hauts gradés de l’oligarchie hexagonale, n’ont bien entendu aucun sens.

Cette génération de hauts fonctionnaires n’est pas encombrée par les problèmes déontologiques que posent de tels pantouflages, comme on appelle, entre initiés, ces passages du public au privé.

François Pérol (HEC, ENA, inspection des Finances) en est une autre illustration. Directeur adjoint de cabinet de Francis Mer puis de Nicolas Sarkozy à Bercy, il part en 2005 chez Rothschild & Cie, dont il devient associé-gérant. Il conseille notamment le PDG des Banques populaires dans la création de la banque d’investissement Natixis, à parité avec les Caisses d’épargne. En 2007, c’est le grand retour aux affaires publiques, puisque Nicolas Sarkozy l’appelle à l’Élysée comme secrétaire général adjoint, en charge des affaires économiques. Il s’occupe notamment, sur fond de crise financière, du douloureux mariage de raison entre les Banques populaires et les Caisses d’épargne. Et, début 2009, qui est choisi pour prendre la tête du nouvel ensemble issu de cette
fusion ? François Pérol en personne. Comme dit souvent le Président : pourquoi se gêner ?

C’est cette évolution du système qui a transformé une nomenklatura un peu frileuse en oligarchie conquérante que la confusion des genres n’empêche pas de dormir.

L’État fait bonne figure, mais en coulisse, il est colonisé par des intérêts particuliers. Véolia veut gagner plus d’argent ? Un petit décret sur les prix de rachat de l’électricité et tout s’arrange. Coût pour l’abonné à EDF : un milliard d’euros par an. La nomination de François Pérol contrevient aux textes sur le pantouflage ? On tord le bras du président de la commission de déontologie, un conseiller d’État blanchi sous le harnais, qui courbe l’échine. Quelques amis du régime ont besoin d’une petite rallonge pour réaliser leurs projets entrepreneuriaux ? La Caisse des dépôts, chargée d’investir l’épargne des Français dans les projets d’intérêt général, est là pour les aider. Bien obligée.

Les poissons volants

Certes, il existe encore des hauts fonctionnaires guidés par le sens du service public. Comme disait Jean Gabin incarnant Clemenceau dans le film Le Président, « il y a aussi des poissons volants, mais qui ne constituent pas la majorité du genre ». Cette poignée d’irréductibles est un peu la mauvaise conscience de toute une classe perfusée aux privilèges. Martin Hirsch, lorsqu’il a écrit son livre sur les conflits d’intérêts, s’est fait beaucoup d’ennemis. Son collègue du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, quand il a rédigé un rapport sur le même sujet, après avoir occupé de hautes fonctions dans l’administration, a agacé en haut lieu. Dans la même maison, Didier Tabuteau fait figure de précurseur dans la moralisation de l’évaluation des médicaments. Dès le milieu des années quatre-vingt-dix, lorsqu’il dirigeait l’Agence du médicament, il a exigé que tous les experts dévoilent leurs liens, directs ou indirects, avec l’industrie pharmaceutique. Mieux – ou pire, selon le point de vue ! –, il a rendu ces déclarations publiques. Jean-Paul Faugère, autre conseiller d’État, directeur de cabinet de François Fillon, a une réputation de haut fonctionnaire assez rigide, attaché à l’excès pour certains – au service de l’intérêt général. Jean Bassères, à la tête de la comptabilité nationale puis de l’inspection des Finances audite, lui, l’impact financier des décisions du gouvernement depuis 15 ans. Xavier Musca, un inspecteur des Finances devenu secrétaire général de l’Élysée, a refusé tous les postes rémunérateurs qui lui étaient proposés. Daniel Lebègue, mais aussi son collègue Augustin de Romanet, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Chirac, aujourd’hui directeur général de la Caisse des dépôts, font également partie de ces fonctionnaires qui s’obligent à croire toujours à la grandeur du service de l’État.

Certains ont même poussé le zèle jusqu’à proposer de baisser leur rémunération pour tenir compte de la crise. Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), a renoncé à une partie non négligeable de son salaire. Quant à Louis Gallois, président d’EADS, il a choisi de faire une croix sur le pont d’or qu’on lui offrait pour prendre ses fonctions. Ils ne sont pas les seuls, bien entendu, même si les autres occupent souvent des postes moins exposés…

La vitrine

Pour rester au pouvoir, c’est l’ensemble de l’élite – ou proclamée telle ! – qui devrait inspirer un minimum de confiance. Et au moins sauver les apparences. Pour faire accepter les rémunérations délirantes en vogue dans le Cac 40, elle s’est bruyamment réclamée des règles de gouvernance venues des pays anglo-saxons, qui n’ont pourtant aucun rapport avec la France. « Que l’esprit
d’entreprise soit guidé par le désir d’enrichissement est bien naturel, explique Jean Peyrelevade, l’homme qui a sauvé le Crédit lyonnais de la faillite, et qui préside aujourd’hui la banque d’affaires Leonardo. Mais à une condition : que cet enrichissement soit partagé avec la collectivité. Comme un petit groupe de gens a confisqué cette manne à son profit exclusif, il a bien fallu trouver un habillage. C’est la corporate governance, qui institue des comités de rémunération au sein des conseils d’administration pour fixer les émoluments des dirigeants. Il s’agit d’une vaste farce, puisque tout le monde tient tout le monde. Ces comités porteraient mieux leur nom si on les appelait “comités de corruption”. Mais que voulez-vous ? La nomenklatura française a bradé la reconnaissance publique, qu’elle n’a jamais obtenue, contre l’argent facile et abondant. »

Le pire de ce système pervers ? Il traite de la même façon les responsables compétents et les vrais incapables. Pourquoi ? Parce que c’est le meilleur moyen, pour tous, de ne pas avoir un jour à se remettre en cause.

Sophie Coignard et Romain Gubert, L'oligarchie des incapables.


L'oligarchie des incapables


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