lundi, avril 22, 2013

Homosexualité & bouddhisme japonais




Un autel du bouddhisme Singhon (bouddhisme tantrique japonais) expliqué en langue des signes (une langue d'actualité depuis que des opposants à la loi mariage pour tous font renaître le préjugé judéo-chrétien : l'homosexualité est une maladie et la masturbation rend sourd). 


Une tradition attribue l'introduction de l'homosexualité au Japon à Kûkai (alias Kôbô Daishi), le fondateur de la secte Shingon : "Depuis l'époque de l'empereur Kammu, lorsque Kôbô Daishi revint de Chine, l'amour des hommes a fleuri. Dans les monastères de Kyôto, les "Cinq Montagnes" de Kamakura, les quatre grands temples de Washû et Kôshû [Yamato et Edo], et dans tous les temples de la capitale, la Voie des éphèbes s'est répandue. Par la suite, non seulement les bouddhistes, mais aussi les nobles, les guerriers, et tous, sans distinction de rang ou de richesse, sont devenus intimes avec elle."

Selon une variante, l'homosexualité fut révélée par le Bodhisattva Mañjusrî en Inde et par Kûkai au Japon. Une autre tradition fait remonter ses origines jusqu'au temps mythologiques, avec la légende des deux divinités Otake no mikoto et Amano no mikoto, décrits comme des « amis très intimes » — si intimes qu'ils furent enterrés ensemble.

Il faut souligner l'importance de la légende de Kôbô Daishi, car c'est à travers elle que les missionnaires jésuites découvrirent l'homosexualité bouddhique japonaise. Dans une lettre datée du 20 février 1565, le père Louis Frois écrit : « Dans un lieu appelé Kôya, il y a de nombreux cloîtres de bonzes. On appelle leur fondateur Kôbô Daishi. A en juger par ce que celui-ci a fait, ce bonze n'était pas homme mais plutôt diable. » De même Villela, dans une lettre datée du 18 août 1561, note : « Les gens sont terriblement trompés par un bonze appelé Kôbô Daishi. Je trouve, d'après ce qu'on m'a appris, qu'il était tout à fait le diable incarné. Il a inventé, et enseigne au peuple, de nombreux péchés ». Comme le montre Schalow, cette légende fut utilisée au XVIIe siècle pour affirmer les relations homosexuelles entre hommes et garçons, tant dans les monastères que dans le monde séculier des guerriers et des marchands. Une des premières mentions de cette légende se trouve dans un poème du maître Zen Ikkyû : « Monju, le saint, fut le premier à ouvrir cette voie ; Kôbô du Kongô [buji] ensuite la fit revivre. Sans mâle et femelle, ses plaisirs sont comme un cercle sans fin ; les hommes crient de plaisir lorsqu'ils atteignent l'entrée. » 

Schalow décrit trois ouvrages du XVIIe siècle en relation avec cette légende : le Livre de Kôbô Daishi, apocryphe dont l'un des premiers manuscrits date de 1598 ; Les azalées de roche de Kitamura Kigin (1624-1705) ; et Le grand miroir de l'amour mâle de Saikaku. Le Livre de Kôbô Daishi est divisé en trois parties, dont la première élucide dix signes de la main qui permettent aux acolytes d'exprimer leurs sentiments aux prêtres ; la seconde fournit à ceux-ci les indices permettant de déchiffrer les émotions de leurs jeunes amants ; la troisième décrit les positions de l'acte homosexuel, en s'inspirant des postures de méditation tantrique. On apprend ainsi que, dans la première méthode dite de « l'envol de l'alouette », « le cul se soulève comme une alouette s'élevant dans le ciel », ce qui rend la pénétration aisée. Par contre, d'autres méthodes comme « insertion sèche » sont réputées douloureuses. Le reste est du même venant. En conclusion, l'auteur attribue ces enseignements à Kûkai lui-même, et donne quelques conseils de physiognomonie pour évaluer les qualités amoureuses des jeunes garçons.

Dans Les azalées de roche, Kitamura déclare : « Prendre plaisir dans une belle femme a été dans le cœur des hommes depuis l'âge des dieux mâles et femelles, mais prendre plaisir à la beauté d'un autre homme va contre la nature. Néanmoins, comme les rapports entre sexes avaient été interdits par le Bouddha, les prêtres de la Loi — n'étant ni de pierre ni de bois — ne trouvèrent d'autre exutoire à leurs sentiments que de pratiquer l'amour des garçons. Tout comme les eaux qui plongent et s'écoulent au-dessus de la passe de Tsukibane forment les bassins profonds de la rivière Mino, de même cette forme d'amour s'est avérée plus profonde que l'amour entre hommes et femmes ».

Pour Kitamura, l'homosexualité masculine n'est donc à l'origine qu'un pis-aller, une manière de tourner l'interdit bouddhique contre les rapports hétérosexuels. Néanmoins, ce « dangereux supplément » se révèle plus durable et profond que l'original.

Pour Saikaku, par contre, l'homosexualité masculine est la réalité fondamentale. Parmi les quarante histoires qui constituent son recueil et qui traitent le plus souvent des amours des guerriers et des marchands, certaines ont trait à des prêtres et moines bouddhiques — et l'on voit que ce sont leurs tendances homosexuelles qui poussèrent nombre d'entre eux à entrer dans les ordres — et non l'inverse. Si « Kôbô Daishi ne prêcha pas les profonds plaisirs de l'amour des garçons en dehors des monastères », suggère ironiquement Saikaku, « c'est parce qu'il craignait l'extinction de l'humanité » et qu'il « prévoyait sans doute la popularité de l'amour des garçons durant cette période finale de la Loi ».

En tout état de cause, il est indéniable que l'amour homosexuel était étroitement associé dans l'esprit des japonais de l'époque Edo avec le bouddhisme ésotérique et, dans une moindre mesure, avec le Zen. Il faudra un jour reconsidérer sous cet angle l'esthétisme Zen.

L'homosexualité était apparemment perçue comme une caractéristique du bouddhisme, si l'on en croit un texte intitulé Yakeiyu shamisen [1628] selon lequel « L'amour entre femmes est le mystère de la Voie des Kami, l'amour entre hommes, le mystère de la Loi du Bouddha.

Selon un autre dicton, le Bodhisattva Jizô préfère « amour des femmes (nyoshoku) », le Bouddha Yakushi l'« amour des hommes (nanshoku) ». Notons au passage que la terminologie reflète une vision typicalement mâle puisque nanshoku renvoie clairement à l'« amour entre hommes », tandis que nyoshoku semble indiquer l'attraction de l'homme pour la femme plutôt que le lesbianisme. Quoi qu'il en soit, le principal patron des homosexuels bouddhistes n'est pas le Bouddha de la médecine Yakushi, mais le Bodhisattva Mañjusrî (en raison apparemment d'un jeu de mots sur la prononciation japonaise de son nom, Mañjusrî, shiri signifiant « les fesses »). Dans un roman de Saikaku, l'héroïne dit à Mañjusrî : « Sans doute pouvez-vous, Seigneur Monju, comprendre l'amour entre les hommes, mais pour ce qui est de la passion féminine, vous n'en avez pas la moindre idée ».

Une autre histoire, rapportée dans le Konnan shigusa de Hiraga Gennai, explique comment le roi Yama, l'un des roi infernaux, avait décidé d'interdire l'homosexualité lorsqu'un autre roi, le « Roi Tournant la Roue », la défendit en déclarant qu'elle était moins néfaste que l'hétérosexualité.

La plupart des auteurs semblent s'accorder sur le fait que l'homosexualité mâle était relativement bien acceptée dans la société japonaise et constituait l'un des traits caractéristiques de la vie monastique. Elle était perçue comme une sorte de compensation pour la prohibition des femmes dans les monastères, prohibition particulièrement stricte sous les Tokugawa. Dans l'« Histoire de Gengobei », Saikaku fait dire à son héros : « Lorsque je me fis moine..., je fis le vœu au Bouddha de renoncer entièrement à l'amour des femmes ; mais, à cette occasion, je m'excusai auprès de tous les Bouddhas en les priant de me permettre ce qu'en mon cœur je ne pouvais abandonner, ma passion pour les beaux garçons qui portent les cheveux sur le devant de la tête. Si bien que personne ne peut aujourd'hui m'en faire grief ». Toutefois, lorsque le jeune novice auquel s'adressait Gengobei se révèle être son ancienne amante, il transcende bien vite la « différence entre l'envers et l'endroit », « la volupté avec les hommes et celle que donnent les femmes. » Et Saikaku de conclure : « Tout bien considéré, il était tombé dans un piège dont le trou n'avait rien de détestable. Le Maître Çakya [Shâkyamuni] lui-même y laisserait volontiers prendre l'un de ses pieds ».

Bernard Faure   

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