mercredi, avril 03, 2013

Christianisme & bouddhisme



Peu après la Seconde Guerre mondiale et la fin du colonialisme, certains religieux chrétiens prirent conscience de la nécessité d'un rapprochement et d'un échange réciproque entre l'Orient et l'Occident. Un des pionniers en la matière fut le bénédictin français Henri Le Saux (1910-1973) qui, en 1948, débarqua sur le sol indien, non en missionnaire, mais afin de mener la vie renoncée des sannyasin hindous, avec le père Monchamin qui l'avait précédé en Inde. Ils fondèrent un petit ashram, Shantivanam (« la forêt de la paix ») dans le sud de l'Inde. Le père Le Saux y mourut sans être jamais revenu en France.

C'est aussi en Inde que le cistercien américain Thomas Merton (1915-1968) se rendit en 1968, afin de participer à des rencontres inter-monastiques entre moines chrétiens et moines bouddhistes. Entré en 1941 à la Trappe de Gethsemani dans le Kentucky, Merton s'était depuis longtemps senti attiré par les spiritualités orientales. Aux États-Unis, il avait rencontré D. Suzuki, puis échangé avec lui une importance correspondance. En 1968, en Inde, Merton fut reçu par le quatorzième Dalaï-lama, il rencontra Chôgyam Trungpa, puis il étudia auprès d'un lama tibétain avant de se rendre à un grand rassemblement inter-religieux à Bangkok, où il mourut accidentellement. Auteur de nombreux ouvrages de spiritualité, dont le récit de sa conversion intitulé La Nuit privée d'étoiles (traduit en français en 1951), qui connut un très vif succès, Merton a écrit deux livres essentiels sur le Zen et le christianisme Zen, Tao et Nirvana (1970) et Mystique et Zen (1972).

Le jésuite allemand Hugo Lasalle (1898-1990) s'engagea plus directement encore. Arrivé en 1929 à Tokyo pour prendre en charge une petite paroisse catholique, il fut ensuite muté à Hiroshima, où il fut témoin de l'explosion de la bombe atomique en 1945. Il décida alors de se consacrer à la compréhension entre les peuples. Peu après, il rencontra le bouddhisme zen sous la forme de l'école Sambô Kyô dan dont il reçut la transmission. Naturalisé japonais sous le nom d'Enomiya Lasalle, il ouvrit un zendô à Tokyo, où il enseigna et fit pratiquer le zazen, déclarant : « Le catholicisme ouvre ses portes aux autres religions, c'est pourquoi j'ai fait construire un zendô qui sera ouvert à tous. » Depuis lors et jusqu'à sa mort, le père Lasalle a répandu le Zen, particulièrement en Allemagne où il eut de nombreux disciples, dont certains sont devenus des enseignants ; parmi eux, plusieurs religieux, jésuites, dominicains, franciscains ou prêtres séculiers.

Par ailleurs, au Japon, Koun Yamada (1907-1989), disciple laïc et successeur de Hakuun Yasutani à la tête de l'école Sambô Kyôdan, a enseigné le Zen au San' un zendô de Kamakura à de nombreux étrangers. Parmi eux, plusieurs prêtres catholiques furent ensuite autorisés à enseigner, tel le père Willigis Jäger, bénédictin allemand qui, en 1982, a ouvert la Maison Saint-Benoît (Haus St Benedikt) à Würzburg, où sont pratiqués conjointement le zazen et la liturgie chrétienne. À son tour, le père Jâger a donné l'autorisation d'enseigner à plusieurs de ses disciples, eux aussi religieux catholiques, comme le père Billot, bénédictin français. D'autres prêtres et moines, s'inspirant des enseignements du Zen et ayant souvent séjourné au Japon, ont ouvert des centres mixtes : en France, le père Rérolle, prêtre mariste (1926-2001) et le père Breton ; en Belgique, le père de Béthune. Tous les ans, se tiennent des colloques d'échanges entre moines chrétiens et moines bouddhistes. Il n'empêche que le catholicisme possède un dogme intangible qui fait que certains aspects de la doctrine bouddhique sont pour lui inacceptables : ainsi la notion de karma, ou celle de l'inexistence d'une âme immortelle (anâtman) ; réciproquement, pour un bouddhiste, l'idée d'un Dieu personnel et créateur ou celle de la résurrection des corps sont inconcevables. C'est pourquoi certains enseignants chrétiens ont tendance à détacher le Zen du bouddhisme, au risque de lui faire perdre sa véritable nature, et par là son efficacité.

Jacques Brosse


de Thomas Merton

L'intuition du Zen n'est pas la conscience de nous-même par nous-mêmes, comme si celle-ci était notre fait, mais c'est l'intuition par laquelle l'Être prend conscience de lui-même en nous. [...] Le propre de cette conscience est de n'être ni réflexive, ni consciente, ni philosophique, ni théologique. Elle est, en un sens, totalement au-delà de la portée de l'observation psychologique et de la réflexion métaphysique. Faute d'un meilleur terme, on peut dire qu'elle est "purement spirituelle". 

Thomas Merton, Mystique et Zen.


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