jeudi, mars 28, 2013

Le renouveau viendra-t-il de Russie ?





L'ultralibéralisme provoquera-t-il la fin notre civilisation ? L'avidité, la frénésie de consommation, le gaspillage des ressources, la pollution... n'augurent rien de bon. Mais, selon des initiés, durant la prochaine ère, une grande impulsion civilisatrice viendra de l'Europe de l'Est et de Russie. « C'est pour cette raison, explique Jonathan Black (l'auteur de "L'histoire secrète du monde"), que les gouvernements influencés par la franc-maçonnerie d'Amérique du Nord et de Grande-Bretagne ont tenu à s'investir dans cette partie du monde. Il est déjà possible de voir les extrêmes se développer dans cette région, aussi bien dans la spiritualité que dans la malfaisance, comme l'atteste par exemple la mafia russe ».

Le mysticisme postcommuniste

"Quelques jours avant sa mort, Raspoutine confia ces paroles : « Je dois à la Russie d'être celui que je suis ; c'est d'elle intérieurement que je suis sorti, toutes mes sources profondes sont là-bas, là où se livre le combat final entre Dieu et le diable. » Il ajouta que le pays allait « revenir à Dieu, face à un esprit athée et embourgeoisé » et que le « miracle russe » tiendrait à la « mission spirituelle du pays ».

Comment définir cette quête de spiritualité si fortement ancrée dans l'âme des Russes ? Le Sibérien lui-même se référait à Dostoïevski pour la décrire : « C'est avant tout l'oubli de toute mesure... C'est le besoin de dépasser les bornes, le besoin de sentir son cœur défaillir au bord du précipice et de s'y pencher jusqu'à mi-corps. »

Soixante-dix années de dictature communiste n'ont pas réussi à effacer le mysticisme de l'âme slave. Mais, combien, dans cette recherche, ont emprunté des chemins détournés ! Au XXIe siècle, la croyance inaltérable dans le pouvoir de médiums déguisés en prophètes est devenue un phénomène de société.

Le chamanisme, particulièrement répandu en Sibérie, fut interdit par les autorités soviétiques dès la fin des années 1920. Néanmoins, nombre de chamans continuèrent à pratiquer les rituels et les soins en secret, car leur don est avant tout un devoir : si, selon les croyances ancestrales, chacun peut sentir la présence et subir la force des esprits au quotidien, seul le chaman sait communiquer et négocier avec eux. Seul il sait naviguer dans les mondes invisibles où ils résident et en revenir. Seul il peut retrouver l'âme égarée du malade et lui faire ainsi recouvrer la santé. Seul il peut accompagner l'âme du défunt dans l'au-delà et transmettre ses dernières volontés. Il est celui qui lit dans le passé et dans l'avenir. Ces « sorciers » furent souvent dénoncés et envoyés par les communistes dans des camps de travail, ou simplement exécutés. Mais, même en déportation, ils restaient respectés et craints, et leurs prophéties étaient rapportées de bouche à oreille par les détenus.

À la fin du communisme fut créée la première association de chamans. Autrefois, ces hommes vivaient dans les steppes, en communion avec la nature, et les malades les remerciaient par un don. Ils officiaient toujours en solitaire, deux chamans ne pouvant pas, traditionnellement, exercer sur un même territoire. Mais au début du XXIe siècle, une mutation s'est opérée. Les chamans fascinent de plus en plus. Désormais installés en ville, ils ont pignon sur rue. Conséquence inéluctable et perverse : les soins sont payants et les tarifs indiqués à la caisse remplacent l'offrande du malade. Les revenus des nouvelles « polycliniques chamanistes » sont même redevables de l'impôt. Leurs associations accueillent en stage des guérisseurs et des chercheurs, mais aussi, plus récemment, des « spiri-touristes » venus de l'Ouest, à la recherche de sensations mystiques. Certains, prônant un retour aux sources, souhaitent tout de même revenir à la nature, et, après avoir hiverné seuls six mois durant dans la taïga, décident de regagner un village isolé.

Les années de communisme n'ont pas non plus modifié fondamentalement l'existence des communautés que les autorités considéraient comme des sectes — baptistes et chrétiens évangéliques, adventistes du septième jour, molokanes, mennonites, doukhobors, entre autres — et qui vivaient depuis fort longtemps en marge de la société. Elles furent d'ailleurs persécutées moins pour leurs convictions religieuses que pour le soutien qu'elles recevaient de l'étranger. Le KGB considérait avant tout leurs membres comme des « adeptes des tendances mystico-religieuses de l'Occident ».

Après le communisme, l'intérêt accru pour le paranormal reflétait aussi une sorte de désarroi de l'opinion publique qui, encore de nos jours, croit à 42 % en l'existence du diable, comme elle croit aux ovnis, à la télépathie et à l'astrologie. Cette résurgence explique sans doute la prodigieuse ascension des sectes dans les grandes villes russes. Leur nouvel âge d'or commença sous Gorbatchev, à la fin des années 1980, notamment avec l'implantation des sectes Rare Krishna et Moon. Aujourd'hui, les sectes comptent quatre à cinq millions d'adeptes en Russie. Dispersées dans tout le pays, elles comblent le besoin de réconfort — une concurrence qui inquiète l'Église orthodoxe.

En Sibérie, les « buveurs de lait » s'appliquent à vivre comme dans les temps les plus reculés et les « errants » entreprennent des voyages sans fin à travers les steppes et les forêts pour échapper à l'Antéchrist. En Ukraine, la Grande Fraternité blanche, secte millénariste très en vogue au début du XXIe siècle, semble vouloir suivre les traces des « travestis en blanc » (comme les anges) qui, au XIXe siècle, se rendaient de village en village porter la bonne parole, un peu comme les fols en Christ.

Cette Grande Fraternité blanche trouve son origine dans un coup de foudre entre un jeune docteur ès sciences, un certain Krivonogov, spécialiste en cybernétique, et une belle journaliste, Maria Tsvygoun, ancienne responsable de komsomol, membre du PCUS et député du bloc démocratique (1989-1990). Quand cette dernière confia sur l'oreiller à son compagnon que Dieu l'avait mandatée pour annoncer l'Apocalypse, il ne douta pas un instant qu'elle était le septième messie et la demanda en mariage sur-le-champ ! Ils décidèrent ensuite de fonder une secte et se firent appeler Jean-Baptiste et Maria Devi Khristos. Unis par le génie des relations publiques, ils prêchèrent de ville en ville, puis créèrent une maison d'édition et d'autres sociétés.

La secte connut une véritable réussite financière. Les services secrets ukrainiens recensèrent plus de quatre cent mille adeptes, dont nombre de jeunes. Les pouvoirs publics réagirent alors en accusant le couple de mener une « entreprise de sabotage ». Devant ces attaques, celle que beaucoup considéraient comme une déesse vivante ordonna à ses fidèles de s'immoler. Le jour fatidique, quelques centaines d'entre eux forcèrent les portes de la cathédrale Sainte-Sophie, à Kiev, pour accomplir leur rite. Lorsque les forces de l'ordre firent à leur tour irruption dans l'édifice, elles se retrouvèrent face à un spectacle extraordinaire : des jeunes, tous vêtus de blanc, dansaient une ronde extatique autour d'une femme en voile blanc. La déesse et son dieu furent arrêtés sur-le-champ. Menant une vie plus tranquille derrière les barreaux de la prison, ils ne renoncèrent cependant pas à prédire la fin des temps... La Grande Fraternité blanche n'a pas disparu et de nouveaux adeptes continuent d'affluer.

Mais le mysticisme ne s'est pas cantonné aux sectes. Dès les années 1980-1990, la télévision de Moscou diffusa aux heures de grande écoute des séances d'hypnose qui devinrent très populaires. Derrière la résurgence de ces pratiques, on décelait certes un désir de fuir le désarroi du réel et une alternative à l'incertitude de l'époque. Mais on y voyait surtout une illustration des facettes inattendues de l'« histoire longue » de ce pays, selon l'expression de Fernand Braudel, faisant cohabiter la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle avec les traditions de la Russie éternelle de Raspoutine, profondément attachée à l'invisible.

Anatoli Kachpirovski, qui présentait ces émissions, fut d'ailleurs rebaptisé « le nouveau Raspoutine » par le public. Non que ce guérisseur ait joué un rôle similaire auprès des chefs du Kremlin, mais, aux yeux des gens, il apparaissait au moins aussi important que les hommes politiques de premier plan — il fut même élu député au parlement du pays. À l'heure du programme s'instaurait un drôle de couvre-feu vidant les rues de Moscou.

Des centaines de téléspectateurs déclarèrent avoir été guéris grâce à ses émissions. Parmi les maladies qu'il prétendait soigner en priorité figuraient le diabète, les insomnies, certaines formes de mélanome, le psoriasis. En direct, il anesthésiait sous hypnose ou rendait l'usage de ses jambes à un paralytique, il faisait disparaître des cicatrices postopératoires ou repousser des cheveux colorés dans des chevelures toutes blanches. Et tout cela en présence d'huissiers ! En outre, comme autrefois Raspoutine, il se flattait de faire éprouver aux dames d'un certain âge — par télévision interposée — une sensation intense, souvent quelque peu oubliée avec le temps !

La renommée de ce personnage énigmatique débuta dans sa ville natale, à Kiev, capitale de l'Ukraine, où il exerça son métier de médecin généraliste durant vingt-cinq ans. Mais le secret de son succès résidait dans son art de l'hypnose. Le front haut, le regard pénétrant, il était vêtu de noir, en souvenir de l'acteur américain Yul Brynner dans Les Sept Mercenaires, le film le plus populaire des années 1950 en Russie soviétique. Le personnage, qui frisait la mégalomanie, se considérait comme une des grandes figures du XXe siècle, au même titre que Freud ou Einstein, affirmant avoir découvert que chaque être humain possédait dans son esprit « un potentiel comparable à un logiciel, qui pouvait être activé par l'individu lui-même », et dont dépendait sa condition physique. Ce thaumaturge des temps modernes professait ainsi : « Nous vieillissons uniquement parce que nous croyons que devenir vieux est une nécessité. » Pour rester jeune, il suffisait de programmer le « logiciel », afin de conserver l'esprit dans un réflexe de jeunesse. Il était convaincu de pouvoir replacer l'être dans un courant énergétique positif et éliminer de la sorte les « ondes négatives » à l'origine des maladies et des insuffisances.

Comme Raspoutine autrefois, les séances de Kachpirovski réunissaient majoritairement des femmes. Dans la salle, l'ambiance était électrique tant les gens espéraient un miracle. Certains se levaient, en extase, et se mettaient à danser, mains levées vers le ciel. En ces temps de troubles, l'attente du prodige remplissait le vide laissé par la disparition du communisme que l'Église ne parvenait pas à combler. La hiérarchie orthodoxe se limitait à affirmer que pareil mage était guidé par une « force diabolique », alléguant notamment que, si tant de médiums ordonnaient à leurs patients d'enlever tout objet métallique pour réaliser leurs expériences, c'était pour faire disparaître les croix que beaucoup portaient sur eux, et non pour des questions de magnétisme.

Parallèlement à ces phénomènes, on croisait dans les rues de Moscou de vieilles retraitées traînant leur nostalgie et exhibant un portrait de Staline, alors même qu'elles consacraient — comble du paradoxe ! — une grande partie de leur temps à la dévotion rituelle dans les églises, multipliant les génuflexions, les signes de croix et les baisers sur les icônes protégées par des vitres. Mais la contradiction apparente ne semblait pas les gêner : que demandent les Russes à l'Église, si ce n'est de les rassurer, de leur offrir des certitudes, de les accompagner dans leur retour vers la Russie éternelle ? Ils attendent qu'elle soit un refuge où ils puissent retrouver la confiance et leurs rêves du vieil Empire où chacun et chaque chose restait à sa place."

Vladimir Fédorovski


Vladimir Fédorovski

Au tournant du XIXe et du XXe siècle, Raspoutine traversa la vaste scène de l'histoire russe en jouant simultanément les rôles de séducteur, de mystique, de gourou et d'homme d'Etat. Ainsi devint-il une légende, rejoignant le panthéon des "surhommes diaboliques" de l'histoire. Celui que l'on surnommait tantôt "le saint diable", tantôt "le plus grand coup du siècle" fit souffler le vent de sa Sibérie natale sur la cour impériale. Exubérant, il paraissait incarner l'âme russe, tout en  contrastes et en fantasmagories, au point que la Russie éternelle semble avoir sombré avec lui.

Richement documenté, cet ouvrage rouvre le sulfureux "dossier Raspoutine" à l'aide de témoignages inédits, notamment sur les rivalités des services secrets impliqués dans son assassinat et, parallèlement, dans l'arrivée au pouvoir des bolcheviks. 

Raspoutine a-t-il détruit l'empire des tsars, comme on l'a longtemps dit, ou a-t-il servi de prétexte aux erreurs d'autres personnages ? D'ailleurs, a-t-il vraiment disparu ? Son fantôme, telles les âmes égarées avec lesquelles il prétendait communiquer, semble toujours hanter le pouvoir et la société 
russes, avides de mysticisme et de miracles…




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