lundi, janvier 07, 2013

Le secret de Superman




Le secret de Superman ou comment léviter grâce à la supraconductivité.

Qu'est-ce que la supraconductivité ?

« Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ? Non, c'est Superman ! » L'identité cachée de Clark Kent, révélée dans les années 1920, doit beaucoup au concept d'Obermensch de Nietzche, mettant en jeu un surhomme protecteur qui dominerait des êtres inférieurs. Cependant, le super-héros n'a pas toujours été le défenseur de la veuve et de l'orphelin qu'on connaît, avec des débuts moralement moins irréprochables qu'il n'y paraît. Quoi qu'il en soit, Superman a été créé à une époque où le préfixe « super » était utilisé pour renforcer toutes sortes de concepts. Auparavant, « super » apparaissait surtout dans des termes techniques : superposition, superviser, ou encore superintendant... La période qui a donné naissance à notre héros à la cape rouge a apporté de nouveaux mots, banalisant l'utilisation de ce préfixe supermarché, supertanker ou encore superstar Puis sont venus superordinateur, superglue, superpuissance. Plus récemment encore, le staphylocoque doré est devenu la première superbactérie.

En 1911, dans son laboratoire de Leiden, aux Pays-Bas, Kamerlingh Onnes découvrit un phénomène surprenant, qui transformait radicalement les propriétés du mercure à. basse température. Il devenait un superconducteur, caractéristique qui lui valut le nom de suprageleider, « supraconducteur » en français. Cette découverte a été faite plus d'une décennie avant la naissance de Superman, mais le rapprochement peut facilement être effectué : tout comme le héros de BD pouvait défier la gravité comme aucun autre homme, un supraconducteur défiait les lois usuelles de l'électricité comme aucun autre matériau connu avant lui. Un supraconducteur n'est pas juste un SUPER conducteur, mais est d'une tout autre nature, aussi étrange que peut l'être un visiteur de la planète Krypton qui porte ses sous-vêtements au-dessus de son pantalon.

Un matériau peut être classé en fonction de sa capacité à conduire l'électricité. Les métaux, or et cuivre en tête, sont des matériaux conducteurs. Les électrons peuvent y circuler librement, et ainsi conduire l'électricité. On s'en sert notamment pour fabriquer des fils électriques. De nombreux plastiques et caoutchoucs sont des isolants : ils ne conduisent pas l'électricité. Les électrons y sont liés aux atomes les constituant et ne peuvent donc pas circuler librement. Les isolants servent notamment à envelopper les fils électriques, afin de permettre leur manipulation sans risque d'électrocution. Entre ces deux extrêmes, on trouve les matériaux semi-conducteurs (expression inventée au XIXe siècle, décrivant la nature « ni tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre » de ces matériaux), comme le silicium ou le germanium. Matériaux de base des transistors et des puces électroniques, les semi-conducteurs ont un comportement très proche des isolants. Mais il est possible de leur imposer de devenir conducteur en y ajoutant des impuretés. Toutefois, les propriétés découvertes par Onnes ne correspondaient à aucune de ces trois catégories.

Pour bien se rendre compte de l'étrangeté du phénomène de supraconductivité, il suffit d'imaginer une bobine fermée constituée de fils supraconducteurs qu'on soumettrait à un courant électrique. Nous reviendrons plus tard sur la mise en place d'un tel dispositif, mais le résultat est spectaculaire. Un courant électrique commence alors à circuler dans la bobine, sans qu'aucune alimentation ne soit plus nécessaire. Quelle vision extraordinaire se présente alors à nous : un circuit fermé dans lequel circule un courant qui ne s'atténue pas, sans aucune source d'énergie présente. Tout cela fait fortement penser au mouvement perpétuel, concept considéré depuis toujours comme une utopie, ou, lorsqu'on présentait un dispositif semblant fonctionner, comme une supercherie. Mais là, aucun trucage en vue. Des scientifiques sont effectivement parvenus à créer, au sein d'un matériau supraconducteur, un courant électrique qui circulait encore des décennies plus tard. Même en l'absence de source d'alimentation en énergie, le courant circule tant que personne ne décide d'interrompre l'expérience.

La supraconductivité était un phénomène qui n'existait tout simplement pas avant le XXe siècle. Aucun indice ne laissait supposer son existence, et rien ne permettait même de l'envisager. Et pourtant, comme nous le verrons plus loin, les premiers pas y menant avaient déjà été effectués au XIXe siècle. Une fois la supraconductivité découverte, il aura fallu 50 ans pour développer une première théorie satisfaisante expliquant le phénomène, et le demi-siècle qui suivit aura apporté des résultats expérimentaux étonnants, montrant à quel point notre compréhension de ses effets est encore loin d'être entière. Malgré cela, les bobines supraconductrices sont utilisées tous les jours dans les hôpitaux, lors d'une IRM (Imagerie à Résonance Magnétique), ainsi que dans le MAGLEV, train à haute vitesse japonais. La supraconductivité, ça fonctionne, et on en a la preuve jour après jour.

Pour voir à quel point la supraconductivité est fondamentalement différente du comportement classique d'un matériau, considérons la situation suivante : lorsqu'un fil est traversé par un courant électrique, il chauffe. Ce phénomène est connu sous le nom d'effet Joule, en l'honneur du scientifique et brasseur James Prescott Joule, qui le caractérisa au XIXe siècle. Cet échauffement est généralement faible, même si l'existence de courants trop importants dans un fusible le fait fondre, ce qui coupe le circuit. La rupture d'un fusible est un élément de sécurité d'un circuit électrique, mais tout fil électrique trop fin est également susceptible de fondre de la même façon. Il doit donc être suffisamment épais pour supporter l'échauffement dû au courant qui le traverse. D'où vient cet échauffement ? Pour le comprendre, on peut comparer l'ensemble d'électrons libres, porteurs de charges électriques au sein du métal constituant le fil, à un essaim d'abeilles. Le mouvement de chaque individu pris séparément y semble désordonné. Faire passer un courant électrique à travers un fil est comme essayer de canaliser le mouvement de l'essaim dans une direction particulière, le tout à l'aide d'une légère brise. L'essaim dans son ensemble se déplace dans la direction voulue, mais chacune des abeilles continue de se déplacer dans tous les sens, rebondissant sur les obstacles se trouvant sur son chemin. Chacun de ces chocs entraîne une dissipation d'énergie, même légère, provoquant un échauffement de l'objet avec lequel l'abeille est entrée en collision. Il suffit alors de remplacer les abeilles par des électrons pour comprendre l'effet Joule. Ces collisions sont à l'origine d'applications utiles. Elles permettent à une bouilloire de chauffer de l'eau ou à un toaster de griller nos tartines. Mais ce transfert de chaleur du nuage d'électrons vers les atomes des fils électriques représente aussi la perte d'une part non négligeable de la précieuse énergie produite dans les centrales et qui voyage à travers nos réseaux électriques. Dans un fil électrique, l'effet Joule est synonyme d'énergie gaspillée.

Dans un supraconducteur, en revanche, l'effet Joule est inexistant. C'est comme si tous les frottements avaient été supprimés, et que les abeilles se contentaient de gentiment suivre le mouvement de l'essaim, sans entrer en collision avec quoi que ce soit. Une bobine supraconductrice peut donc conduire le courant en ne présentant aucune résistance électrique. Le courant circulera alors encore et encore, malgré l'absence d'apport d'énergie nécessaire pour compenser d'éventuelles pertes. Si on parvenait à rendre un matériau supraconducteur à température ambiante, cela révolutionnerait le mode de transport de l'énergie électrique, et les conséquences sur notre technologie seraient nombreuses. Kamerlingh Onnes a rapidement mesuré l'impact de sa découverte, et a imaginé la fabrication de bobines supraconductrices. Celles-ci pourraient agir comme de puissants électroaimants, et produire des champs magnétiques intenses sans aucune source d'énergie pour les alimenter. Ses rêves sont aujourd'hui devenus réalité. Ainsi, lors d'une IRM, les champs magnétiques nécessaires à l'obtention d'une image sont produits par des bobines supraconductrices.

Malheureusement, il reste un inconvénient pour l'instant rédhibitoire. Pour qu'un matériau puisse avoir des propriétés supraconductrices, il doit être placé à très basse température. C'est pourquoi, la découverte de la supraconductivité n'a pu avoir lieu que suite au développement de techniques de refroidissement à très basse température. Et si nous avons l'intime conviction qu'il sera un jour possible d'obtenir de la supraconductivité à température ambiante, nous n'avons encore aucune idée sur le moyen d'y parvenir.

Stephen Blundell, « La supraconductivité ».


La supraconductivité 
100 ans après

La supraconductivité est l'un des domaines de recherche les plus fascinants de la physique : à très basse température, certains matériaux se mettent à conduire le courant électrique sans pertes, et font léviter les aimants ! Découverte il y a exactement 100 ans, elle a défrayé la chronique à la fin des années 1980 quand de nouvelles classes de matériaux « à haute température critique » ont vu le jour. Ces températures relatives « chaudes » ( 130 °C tout de même) laissaient entrevoir des applications inédites, tout en fragilisant l'explication théorique admise jusque-là. La recherche a rebondi encore tout récemment, quand d'étranges composés à base de fer se sont révélés supraconducteurs.

Cet ouvrage propose la première introduction à cette énigme de la physique moderne. Il détaille la découverte de la supraconductivité, et l'incroyable frénésie créatrice qui s'est emparée des chercheurs pour en percer théoriquement les mécanismes, sans oublier les multiples applications, de l'IRM aux trains à sustentation magnétique.



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