mardi, janvier 08, 2013

Autiste, savant, homosexuel et chrétien


Daniel Tammet est un autiste savant aux capacités hors du commun, un génie des nombres. Il a ainsi mémorisé les 22 514 premières décimales de π, parle 10 langues et a appris l'islandais en quatre jours. Pour lui, les nombres sont des formes et des couleurs.

Beaucoup de gens sont surpris quand je leur dis que je suis chrétien. Ils imaginent que croire en Dieu ou explorer des chemins spirituels est incompatible ou très difficilement compatible avec le fait d'être autiste. Il est absolument vrai que mon Asperger rend l'empathie ou la pensée abstraite plus difficiles pour moi. Mais cela ne m'empêche pas de penser à des sujets profonds, qui concernent la vie et la mort, l'amour et les relations, par exemple. En fait, beaucoup d'autistes tirent de réels bénéfices de leurs croyances religieuses ou de la spiritualité. L'emphase religieuse du rituel, par exemple, est une aide pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique car la stabilité et la solidité qu'elle apporte leur sont précieuses. Dans un chapitre de son autobiographie intitulée Stairway to Heaven : Religion and Belief, Temple Grandin, une femme autiste, écrivain et professeur de zoologie, décrit sa vision de Dieu comme une force qui organise l'Univers. Ses convictions religieuses viennent de son expérience lorsqu'elle travaillait dans les abattoirs et de son sentiment qu'il doit y avoir quelque chose de sacré dans la mort.

Comme beaucoup d'autistes, mon activité religieuse est avant tout intellectuelle plutôt que sociale ou émotionnelle. Quand j'étais au collège, je n'avais aucun intérêt pour l'éducation religieuse et je ne croyais pas que la possibilité d'un Dieu ou d'une religion puisse être d'un quelconque soutien dans la vie quotidienne des gens. Parce que Dieu n'était pas quelque chose que je pouvais voir, entendre ou sentir, et parce que les arguments religieux que je lisais et que j'entendais n'avaient aucun sens pour moi. Mon revirement date de ma découverte des œuvres de G.K. Chesterton, un journaliste anglais qui écrivit beaucoup sur sa foi chrétienne au début du XXe siècle.

Chesterton était une personne remarquable. À l'école, ses professeurs disaient de lui que c'était un « rêveur » qui n'avait pas pris « le même avion que les autres ». Adolescent, il avait fondé un club de débats avec des amis où il discourait parfois pendant des heures. Avec son frère Cecil, il débattit un jour pendant dix-huit heures et trente minutes. Il pouvait citer de mémoire des chapitres entiers de Dickens, et d'autres auteurs, et se souvenait de l'intrigue de dix mille romans pour lesquels il avait fait des fiches de lecture dans une maison d'édition. Ses secrétaires rapportent qu'il leur dictait un essai pendant que, lui, était en train d'en écrire un autre sur un autre sujet. Oui, il était souvent perdu, tellement absorbé dans ses pensées qu'il devait parfois téléphoner à sa femme pour se rappeler comment rentrer chez lui. Il avait également une fascination pour les choses du quotidien, ainsi qu'il l'écrit dans une lettre à sa femme : « Je ne crois pas qu'il y ait personne qui prenne autant que moi un plaisir sincère aux choses telles qu'elles sont. L'humidité de l'eau m'excite et m'enivre. L'ardeur du feu, l'inflexibilité du fer, la saleté indicible de la boue. » Il n'est pas impossible que Chesterton ait été à la frontière du spectre autistique, à la frontière de son haut niveau. En tout cas, je me suis souvent senti proche de lui en le lisant.

Lire Chesterton adolescent m'aida à comprendre intellectuellement Dieu et le christianisme. Le concept de la Trinité, d'un Dieu qui est une relation vivante et aimante, était quelque chose que je pouvais me représenter mentalement et qui signifiait quelque chose pour moi. J'étais également fasciné par l'idée de l'Incarnation, de Dieu se révélant Lui-même dans le monde, tangible, humain, en Jésus-Christ. Pourtant ce n'est qu'a vingt-trois ans que je décidai de participer à des cours de catéchisme à l'église locale. Ces cours collectifs hebdomadaires avaient pour but de transmettre les bases du christianisme. Je n'étais pas intéressé par la prière pour me guider dans la vie, ni par les expériences des autres, je voulais des réponses à mes questions. Heureusement, par ses livres, Chesterton répondit à toutes mes questions. À Noël 2002, je devins chrétien.

Mon autisme ne me permet pas toujours de comprendre ce que les autres pensent ou ce qu'ils sentent dans certaines situations. Pour cette raison, mes valeurs morales sont plus fondées sur des idées logiques, qui font sens pour moi et auxquelles j'ai beaucoup réfléchi, que sur l'exemple des autres. Je sais qu'il me faut traiter chaque personne que je rencontre avec gentillesse et respect parce que je crois que chacun est unique et à l'image de Dieu.

Je ne me rends pas souvent dans les églises parce que je suis rapidement mal à l'aise s'il y a trop de monde. Pourtant, à l'occasion, lorsque j'y suis allé, j'ai toujours trouvé cette expérience intéressante et troublante. L'architecture est souvent complexe et belle, et j'aime vraiment ce sentiment d'espace au-dessus de moi, quand je lève les yeux au plafond. Enfant, j'adorais écouter les psaumes et les chants. La musique m'aidait de fait à faire l'expérience de sentiments décrits généralement comme religieux, telles la transcendance ou l'unité. Mon chant préféré était l'Ave Maria. Dès que je l'entendais, je me sentais complètement enveloppé par la musique.

Certaines de mes histoires préférées viennent de la Bible, comme l'histoire de David contre Goliath. Beaucoup d'entre elles utilisent un langage imagé et symbolique qui me permet de visualiser les scènes, et cela m'aide à comprendre le récit. Il y a beaucoup de très beaux passages dans la Bible, mais j'aime particulièrement l'épître aux Corinthiens : « La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n'est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l'injustice mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. [...] Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité. »

On dit que chacun connaît un moment parfait, de temps en temps, une expérience de paix complète et de lien avec le monde, comme quand on regarde la vue depuis la tour Eiffel ou qu'on contemple une étoile en train de mourir. Je n'ai pas vécu beaucoup de moments de cet ordre, mais comme dit Neil (le compagnon de Daniel), ce n'est pas grave car ce qui est rare est encore plus particulier. Le plus récent est survenu l'été dernier à la maison - ces moments surviennent souvent quand je suis à la maison - après un repas que j'avais fait et partagé avec Neil. Nous étions assis tous les deux dans le salon, rassasiés et heureux. Soudain, je fis l'expérience de m'oublier moi-même et, pendant ce moment bref et brillant, j'eus l'impression que toute mon anxiété et mon mal-être disparaissaient. Je me tournai vers Neil pour lui demander s'il avait ressenti la même chose. Cela avait été le cas.

J'imagine ces moments comme des fragments ou des éclats éparpillés sur une vie entière. Si quelqu'un pouvait les coller bout à bout, il obtiendrait une heure parfaite, voire une journée parfaite. Et je pense que cette heure ou cette journée le rapprocherait de ce qui fait le mystère d'être un humain. Ce serait comme un aperçu du paradis.

Daniel Tammet, Je suis né un jour bleu.



Cerveau & lecture

Sleon une édtue de l'Uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soient à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlblème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmée, mias le mot cmome un tuot.   


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