Daniel
Tammet est un autiste savant aux capacités hors du commun, un génie
des nombres. Il a ainsi mémorisé les 22 514 premières décimales de
π, parle 10 langues et a appris l'islandais en quatre jours. Pour
lui, les nombres sont des formes et des couleurs.
Beaucoup
de gens sont surpris quand je leur dis que je suis chrétien. Ils
imaginent que croire en Dieu ou explorer des chemins spirituels est
incompatible ou très difficilement compatible avec le fait d'être
autiste. Il est absolument vrai que mon Asperger rend l'empathie ou
la pensée abstraite plus difficiles pour moi. Mais cela ne m'empêche
pas de penser à des sujets profonds, qui concernent la vie et la
mort, l'amour et les relations, par exemple. En fait, beaucoup
d'autistes tirent de réels bénéfices de leurs croyances
religieuses ou de la spiritualité. L'emphase religieuse du rituel,
par exemple, est une aide pour les personnes atteintes de troubles du
spectre autistique car la stabilité et la solidité qu'elle apporte
leur sont précieuses. Dans un chapitre de son autobiographie
intitulée Stairway to
Heaven : Religion and Belief,
Temple Grandin, une femme autiste, écrivain et professeur de
zoologie, décrit sa vision de Dieu comme une force qui organise
l'Univers. Ses convictions religieuses viennent de son expérience
lorsqu'elle travaillait dans les abattoirs et de son sentiment qu'il
doit y avoir quelque chose de sacré dans la mort.
Comme beaucoup d'autistes,
mon activité religieuse est avant tout intellectuelle plutôt que
sociale ou émotionnelle. Quand j'étais au collège, je n'avais
aucun intérêt pour l'éducation religieuse et je ne croyais pas que
la possibilité d'un Dieu ou d'une religion puisse être d'un
quelconque soutien dans la vie quotidienne des gens. Parce que Dieu
n'était pas quelque chose que je pouvais voir, entendre ou sentir,
et parce que les arguments religieux que je lisais et que j'entendais
n'avaient aucun sens pour moi. Mon revirement date de ma découverte
des œuvres de G.K. Chesterton, un journaliste anglais qui écrivit
beaucoup sur sa foi chrétienne au début du XXe siècle.
Chesterton était une
personne remarquable. À l'école, ses professeurs disaient de lui
que c'était un « rêveur » qui n'avait pas pris « le même avion
que les autres ». Adolescent, il avait fondé un club de débats
avec des amis où il discourait parfois pendant des heures. Avec son
frère Cecil, il débattit un jour pendant dix-huit heures et trente
minutes. Il pouvait citer de mémoire des chapitres entiers de
Dickens, et d'autres auteurs, et se souvenait de l'intrigue de dix
mille romans pour lesquels il avait fait des fiches de lecture dans
une maison d'édition. Ses secrétaires rapportent qu'il leur dictait
un essai pendant que, lui, était en train d'en écrire un autre sur
un autre sujet. Oui, il était souvent perdu, tellement absorbé dans
ses pensées qu'il devait parfois téléphoner à sa femme pour se
rappeler comment rentrer chez lui. Il avait également une
fascination pour les choses du quotidien, ainsi qu'il l'écrit dans
une lettre à sa femme : « Je ne crois pas qu'il y ait personne qui
prenne autant que moi un plaisir sincère aux choses telles qu'elles
sont. L'humidité de l'eau m'excite et m'enivre. L'ardeur du feu,
l'inflexibilité du fer, la saleté indicible de la boue. » Il n'est
pas impossible que Chesterton ait été à la frontière du spectre
autistique, à la frontière de son haut niveau. En tout cas, je me
suis souvent senti proche de lui en le lisant.
Lire Chesterton adolescent
m'aida à comprendre intellectuellement Dieu et le christianisme. Le
concept de la Trinité, d'un Dieu qui est une relation vivante et
aimante, était quelque chose que je pouvais me représenter
mentalement et qui signifiait quelque chose pour moi. J'étais
également fasciné par l'idée de l'Incarnation, de Dieu se révélant
Lui-même dans le monde, tangible, humain, en Jésus-Christ. Pourtant
ce n'est qu'a vingt-trois ans que je décidai de participer à des
cours de catéchisme à l'église locale. Ces cours collectifs
hebdomadaires avaient pour but de transmettre les bases du
christianisme. Je n'étais pas intéressé par la prière pour me
guider dans la vie, ni par les expériences des autres, je voulais
des réponses à mes questions. Heureusement, par ses livres,
Chesterton répondit à toutes mes questions. À Noël 2002, je
devins chrétien.
Mon autisme ne me permet pas
toujours de comprendre ce que les autres pensent ou ce qu'ils sentent
dans certaines situations. Pour cette raison, mes valeurs morales
sont plus fondées sur des idées logiques, qui font sens pour moi et
auxquelles j'ai beaucoup réfléchi, que sur l'exemple des autres. Je
sais qu'il me faut traiter chaque personne que je rencontre avec
gentillesse et respect parce que je crois que chacun est unique et à
l'image de Dieu.
Je ne me rends pas souvent
dans les églises parce que je suis rapidement mal à l'aise s'il y a
trop de monde. Pourtant, à l'occasion, lorsque j'y suis allé, j'ai
toujours trouvé cette expérience intéressante et troublante.
L'architecture est souvent complexe et belle, et j'aime vraiment ce
sentiment d'espace au-dessus de moi, quand je lève les yeux au
plafond. Enfant, j'adorais écouter les psaumes et les chants. La
musique m'aidait de fait à faire l'expérience de sentiments décrits
généralement comme religieux, telles la transcendance ou l'unité.
Mon chant préféré était l'Ave Maria. Dès que je l'entendais, je
me sentais complètement enveloppé par la musique.
Certaines de mes histoires
préférées viennent de la Bible, comme l'histoire de David contre
Goliath. Beaucoup d'entre elles utilisent un langage imagé et
symbolique qui me permet de visualiser les scènes, et cela m'aide à
comprendre le récit. Il y a beaucoup de très beaux passages dans la
Bible, mais j'aime particulièrement l'épître aux Corinthiens : «
La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n'est
pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle
ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s'irrite
pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de
l'injustice mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout,
croit tout, espère tout, supporte tout. [...] Maintenant donc
demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus
grande d'entre elles, c'est la charité. »
On dit que chacun connaît
un moment parfait, de temps en temps, une expérience de paix
complète et de lien avec le monde, comme quand on regarde la vue
depuis la tour Eiffel ou qu'on contemple une étoile en train de
mourir. Je n'ai pas vécu beaucoup de moments de cet ordre, mais
comme dit Neil (le compagnon de Daniel), ce n'est pas grave car ce
qui est rare est encore plus particulier. Le plus récent est survenu
l'été dernier à la maison - ces moments surviennent souvent quand
je suis à la maison - après un repas que j'avais fait et partagé
avec Neil. Nous étions assis tous les deux dans le salon, rassasiés
et heureux. Soudain, je fis l'expérience de m'oublier moi-même et,
pendant ce moment bref et brillant, j'eus l'impression que toute mon
anxiété et mon mal-être disparaissaient. Je me tournai vers Neil
pour lui demander s'il avait ressenti la même chose. Cela avait été
le cas.
J'imagine ces moments comme
des fragments ou des éclats éparpillés sur une vie entière. Si
quelqu'un pouvait les coller bout à bout, il obtiendrait une heure
parfaite, voire une journée parfaite. Et je pense que cette heure
ou cette journée le rapprocherait de ce qui fait le mystère d'être
un humain. Ce serait comme un aperçu du paradis.
Cerveau & lecture
Sleon une édtue de
l'Uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas
d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la
drenèire soient à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un
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prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmée, mias
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