samedi, janvier 19, 2013

André Breton & l'intuition poétique



Dessin de Maurice Henry (1907-1984), poète et ami d'André Breton.

L'attitude du surréalisme à l'égard de la nature est commandée avant tout par la conception initiale qu'il s'est faite de l' « image » poétique. On sait qu'il y a vu le moyen d'obtenir, dans des conditions d'extrême détente bien mieux que d'extrême concentration de l'esprit, certains traits de feu reliant deux éléments de la réalité de catégories si éloignées l'une de l'autre que la raison se refuserait à les mettre en rapport et qu'il faut s'être défait momentanément de tout esprit critique pour leur permettre de se confronter. Cet extraordinaire gréement d'étincelles, dès l'instant où l'on en a surpris le mode de génération et où l'on a pris conscience de ses inépuisables ressources, mène l'esprit à se faire du monde et de lui-même une représentation moins opaque. Il vérifie alors, fragmentairement il est vrai, du moins par lui-même, que « tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » et tout ce qui est en dedans comme ce qui est en dehors. Le monde, à partir de là, s'offre à lui comme un cryptogramme qui ne demeure indéchiffrable qu'autant que l'on n'est pas rompu à la gymnastique acrobatique permettant à volonté de passer d'un agrès à l'autre. On n'insistera jamais trop sur le fait que la métaphore, bénéficiant de toute licence dans le surréalisme, laisse loin derrière elle l'analogie (préfabriquée) qu'ont tenté de promouvoir en France Charles Fourier et son disciple Alphonse Toussenel. Bien que toutes deux tombent d'accord pour honorer le système des « correspondances », il y a de l'une à l'autre la distance qui sépare le haut vol du terre-à-terre. On comprendra qu'il ne s'agit point, dans un vain esprit de progrès technique, d'accroître la vitesse et l'aisance de déplacement mais bien, pour faire que les rapports qu'on veut établit tirent véritablement à conséquence, de se rendre maître de la seule électricité conductrice.

Sur le fond du problème, qui est des rapports de l'esprit humain avec le monde sensoriel, le surréalisme se rencontre ici avec des penseurs aussi différents que Louis-Claude de Saint-Martin et Schopenhauer en ce sens qu'il estime comme eux que nous devons « chercher à comprendre la nature d'après nous-mêmes et non pas nous-mêmes d'après la nature ». Toutefois ceci ne l'entraîne aucunement à partager l'opinion que l'homme jouit d'une supériorité absolue sur tous les autres êtres, autrement dit que le monde trouve en lui son achèvement — qui est bien le postulat le plus injustifiable et le plus insigne abus à mettre au compte de l'anthropomorphisme. Bien plutôt à cet égard sa position rejoindrait celle de Gérard de Nerval telle qu'elle s'exprime dans le fameux sonnet « Vers dorés ». Par apport aux autres êtres dont, au fur et à mesure qu'il descend l'échelle qu'il s'est construite, il est de moins en moins à même d'apprécier les vœux et les souffrances, c'est seulement en toute humilité que l'homme peut faire servir le peu qu'il sait de lui-même à la reconnaissance de ce qui l'entoure. Pour cela, le grand moyen dont il dispose est l'intuition poétique. Celle-ci, enfin débridée dans le surréalisme, se veut non seulement assimilatrice de toutes les formes connues mais hardiment créatrice de nouvelles formes — soit en posture d'embrasser toutes les structures du monde, manifesté ou non. Elle seule nous pourvoit du fil qui remet sur le chemin de la Gnose, en tant que connaissance de la Réalité suprasensible, « invisiblement visible dans un éternel mystère ».

André Breton « Manifestes du surréalisme ».




A propos de l'état humain, Breton précise : « On n'a rien dit de mieux ni de plus définitif que René Guénon, dans son ouvrage « Les États multiples de l'être » : il est absurde de croire « que l'état humain occupe un rang privilégié dans l'ensemble de l'Existence universelle, ou qu'il soit métaphysiquement distingué par rapport aux autres états, par la possession d'une prérogative quelconque. En réalité, cet état humain n'est qu'un état de manifestation comme tous les autres, et parmi une indéfinité d'autres ; il se situe, dans la hiérarchie des degrés de l'Existence, à la place qui lui est assignée par sa nature même, c'est-à-dire par le caractère limitatif des conditions qui le définissent, et cette place ne lui confère ni supériorité ni infériorité absolue. Si nous devons parfois envisager particulièrement cet état, c'est donc uniquement parce que, étant celui dans lequel nous nous trouvons en fait, il acquiert par là, pour nous, mais pour nous seulement, une importance spéciale ; ce n'est là qu'un point de vue tout relatif et contingent, celui des individus que nous sommes dans notre présent mode de manifestation ». Par nous une telle opinion n'est, d'ailleurs, nullement empruntée à Guénon, du fait qu'elle nous a toujours paru ressortir au bon sens élémentaire (quand il serait sur ce point la chose du monde la plus mal partagée). »





La guerre contre l’Islam est-elle une phase de la guerre ultime : la Guerre contre le Christ ?

La doctrine de la « démocratie libérale et des droits de l’homme » est une crypto-religion, une forme extrême, hérétique de judaïsme christ...