jeudi, décembre 13, 2012

Rébellion numérique



Facebook et petites culottes roses contre l'extrémisme hindou.

Lorsque les partisans de l'organisation nationaliste hindoue Sri Ram Sena (SRS) s'attaquèrent à un groupe de femmes dont le crime avait été de se rendre dans un pub, à Mangalore, au sud de l'Inde, ils se heurtèrent à une réaction qu'ils n'auraient jamais pu prévoir. Un véritable mouvement de protestation à l'encontre des nationalistes se mobilisa via Facebook. Son arme : des milliers de petites culottes roses.

L'agression dont furent victimes les femmes s'inscrivait dans le cadre d'une campagne de « protection » de la culture indienne menée en 2009 par les nationalistes. Le SRS avait décidé de combattre les dangereuses influences étrangères, symbolisées aussi bien par les pubs que par la Saint-Valentin. L'organisation déclara qu'elle obligerait à se marier tout couple s'affichant en public le 14 février.

Les propos du SRS auraient pu sembler absurdes. Pourtant, la menace de violences était bien réelle, et elle ne concernait pas uniquement celles et ceux qui souhaitaient fêter la Saint-Valentin, mais toutes les femmes qui désiraient être maîtresses de leurs choix.

La journaliste Nisha Susan décida d'agir contre les extrémistes et leurs tentatives de dicter aux femmes ce qu'elles pouvaient ou ne pouvaient pas faire. Elle créa un groupe Facebook appelé « Consortium of Pubgoing Loose and Forward Women », « La Fédération des femmes effrontées, débauchées et aimant aller au pub ». La Fédération appela les femmes de tout le pays à célébrer la Saint-Valentin par une petite provocation « Rendez-vous au pub le plus proche, commandez à boire et levez votre verre à la santé du Sri Ram Sena. » Après une semaine, le groupe comptait déjà trente mille supportrices.

Comme le fit remarquer Nisha Susan, « aux yeux de la plupart des femmes ayant rejoint le groupe, fêter la Saint-Valentin ou fréquenter les pubs n'avait aucune importance. Ce qui [les] rassemblait, c'était la conviction qu'il fallait mettre un terme à la violence perpétrée au nom d'une certaine idée de la culture indienne. »

Des milliers de personnes répondirent à l'appel lancé sur Facebook par la Fédération, et firent parvenir des « chaddis (petites culottes) roses » au leader du SRS, Pramod Muthalik. La campagne exaspéra profondément Muthalik et ses amis fanatiques, et donna à tous et à toutes l'occasion d'exprimer leur solidarité ainsi que leur refus de la violence.

Une fois l'action accomplie, voici ce que l'on pouvait lire sur la page Facebook de la Fédération : « La Saint-Valentin est bel et bien terminée. Les petites culottes ont été envoyées et brûlées. Les affreux se sont déchaînés. Nous sommes toujours là. Nous continuerons à faire la nique aux tyrans qui se mettent en tête de contrôler les mœurs. »

Steve Crawshaw et John Jackson, Petits actes de rébellion.


Petits actes de rébellion

Grâce aux cris de révolte de quelques anonymes, à ces gestes désespérés provenant des quatre coins du monde, grâce à la résistance d'une poignée d'individus, des abus ont été reconnus, des lois ont changé, des mentalités ont évolué. En 90 histoires de la Birmanie à l'Iran, de l'Afghanistan au Zimbabwe, en passant par l'Europe, ce texte encense le courage, la persévérance et l'énergie de l'homme. Il nous rappelle que l'esprit peut briser les chaînes.


Steve Crawshaw est directeur international de plaidoyer à Amnesty International. De 2002 à 2010, il a travaillé pour Human Rights Watch. Journaliste, il a collaboré à The Independent pour lequel il a couvert les révolutions en Europe de l'Est, les conflits dans les Balkans, et a interviewé Aung San Suu Kyi, figure emblématique de l'opposition birmane. Il est l'auteur de Goodbye to the USSR (Bloomsbury, 1992), et Easier Fatherland : Germany and the Twenty-First Century (Continuum, 2004).

John Jackson a été vice-président de la responsabilité sociétale de MTV Networks International. Il est fondateur et directeur de la Burma Campaign UK, directeur d'associations humanitaires et a mené des campagnes sur les droits de l'homme, les mines anti-personnelles, le sida, et le changement climatique.


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