Quelques mois après l'élection de
François Hollande, les Français savent que l'idéal socialiste
n'est plus porté par les politiciens professionnels de gauche.
Le seul objectif de la classe
dominante, de droite et de gauche, est d'accroître son pouvoir. Pour
ce faire, les puissants s'acoquinent et complotent contre le peuple
dans des sociétés secrètes ou des clubs très fermés comme Le
Siècle (voir la vidéo ci-dessus et lire le livre d'Emmanuel Ratier,
Au cœur du pouvoir. Enquête sur le club le plus puissant de
France, réédité l'année
dernière).
André Frossard se souvient du
socialisme de son enfance, durant les années 1920 :
« Lorsque l'on eut coupé mes
anglaises pour m'apprendre à lire, le premier livre que m'offrirent
mes parents après le Roman de Renart fut un ouvrage à
couverture rouge, de l'épaisseur d'un dictionnaire et intitulé
Petit-Pierre sera socialiste.
Pour autant qu'il m'en souvienne,
c'était une variante idéologique du Tour de France de deux
enfants, rédigée de manière à rendre familières aux petits,
dans le langage approprié, les données principales de la pensée
marxiste. Petit-Pierre, cheminant et questionnant, prenait
connaissance des réalités sociales, des servitudes de la condition
prolétarienne et des injustices d'une société fondée sur
l'exploitation des humbles par une classe favorisée, détentrice des
moyens de production et d'échange que sont la terre, les outils, les
machines ou l'argent, et qui aspirait tout le profit du travail
d'autrui. Ce profit lui fournissant de nouveaux moyens d'acquérir,
elle s'enrichissait sans cesse tandis que se multipliaient les
pauvres, qui s'appauvrissaient encore.
Il en résultait entre la classe des
possédants et celle des démunis un état de tension permanente ou
de « lutte de classes » aboutissant périodiquement à des révoltes
que les lois n'avaient d'autre fin que d'empêcher, d'interdire ou de
réprimer. De tout temps les institutions avaient été conçues par
les privilégiés pour perpétuer leurs privilèges ; la morale
était chargée de lier les consciences à l'ordre établi contre la
justice, méprisée par le capitalisme et ajournée par la religion
elle-même.
Mais Petit-Pierre apprenait bientôt
qu'il existait un remède à ce mal immense et vieux comme
l'histoire. La socialisation des moyens de production et d'échange
modifierait radicalement les rapports humains en les purifiant de
tout ce qu'il y avait en eux d'inique et de pernicieux. Ils ne
s'établiraient plus de maître à esclave, d'oppresseur à opprimé,
mais d'homme à homme dans l'égalité parfaite d'une
désappropriation générale prononcée par la loi au bénéfice de
la collectivité. Sur les biens produits par les travailleurs, la
communauté prélèverait de quoi donner « à chacun selon son
travail », en attendant d'être assez riche pour pouvoir donner « à
chacun selon ses besoins ». L'avidité, la volonté d'accaparement
et de domination, ne trouvant plus de soutien et encore moins
d'encouragement dans la société nouvelle, périraient d'inanition;
les antagonismes économiques et sociaux ayant disparu avec ce qui
les rendait inévitables, la guerre deviendrait sans objet et
disparaîtrait de la surface de la terre. Les anciens possédants
réduits en quelque sorte à l'équité s'humaniseraient d'autant,
cependant que les travailleurs recouvreraient leur dignité avec la
pleine possession de leur propre personne. La morale ne serait
plus ce code diversement pénal de la résignation qu'elle était
jusqu'alors, et les derniers pans de la construction religieuse,
privée de ses points d'appui, s'effondreraient d'eux-mêmes. Les
hommes sauraient enfin le goût de la justice et de la paix. La
science se chargerait du reste.
Je ne prétends pas résumer le
marxisme en une page, et il est probable que je viens de mêler le
souvenir de ses premières leçons à celui de mon gros livre rouge.
Quoi qu'il en soit, Petit-Pierre devenait socialiste. Comme il était
sérieux et gentil, je le devins aussi. »
André Frossard, Dieu
existe, je l'ai rencontré.
Histoire de Petit Pierre
sera socialiste (1913)
Le
Siècle est la matrice de la pensée unique
« Il
y a une idéologie, dit Emmanuel Ratier, c’est celle du libéralisme
mondialisé. Comme l’a expliqué Laurent Joffrin, directeur du
Nouvel
Observateur,
qui a démissionné avec fracas du Siècle il y a environ un mois, Le
Siècle est véritablement la section française de l’hyper-classe
ou de la super-classe mondialisée. Il correspond à cette expression
de Samuel Huntington : « la
super-classe née de la mondialisation ».
De même Jacques Julliard, ancien membre de la Commission
trilatérale, écrit assez courageusement : « Le
Siècle, le club de cette superclasse dirigeante (…) Dans ce milieu
fermé où les socialistes ont leur place à côté des gros
bataillons de la droite française, fermente l’idéologie de la
classe dominante : modernisme économique, bien-pensance sociale
et culturelles, conformisme économique, respect absolu de la
puissance de l’argent. »
Hormis qu’il y a largement autant d’oligarques de gauche que de
droite au Siècle, cette description est parfaitement exacte :
il y a bien une idéologie… mais qui ne se revendique pas en tant
que telle. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tous les
membres du Siècle ne sont pas égaux et que le pouvoir est passé
d’un groupe à un autre à mesure que le capital se restructurait
en France, en Europe et dans le monde. On est donc passé, en 60 ans,
du primat des politiques (IVe République) à celui des industriels
(Pompidou), puis aux technocrates (Giscard d’Estaing et les débuts
de François Mitterrand), puis aux banques (Bérégovoy) et enfin à
la finance mondialisée (Chirac, Sarkozy). Aujourd’hui, ce sont les
financiers qui contrôlent le Siècle et dictent leurs règles aux
politiques. Comme le dit Julliard, « il
existe, derrière les apparences successives des combinaisons
ministérielles, un gouvernement de facto, un gouvernement invisible
des élites financières et institutionnelles qui, à défaut de
dicter sa loi, fournit la pensée et inspire l’action des élites
dirigeantes françaises. »
Je ne veux pas être trop long, mais Le Siècle est un endroit, un laboratoire, où se décident beaucoup de choses. On en a des éléments dans les mémoires d’anciens membres, au détour d’articles, etc. Les conversations étant secrètes, il est toujours difficile d’apporter la preuve de ce pur affairisme mais plusieurs membres me l’ont confirmé tout comme diverses fuites, le système de recrutement, etc. La plupart des membres ne sont pas recrutés pour leurs qualités propres mais pour les fonctions qu’ils occupent. C’est le libéralisme antisocial pur et dur qui ne rêve que d’une chose : que les classes populaires françaises travaillent pour 2 euros par jour comme les Chinois aujourd’hui et que l’oligarchie, qui les exploite, engrange ses bénéfices colossaux dans des paradis fiscaux. »