jeudi, février 09, 2023

Fuir et se cacher




Dans les années 1980, en Sibérie, là où les monts de l’Altaï rejoignent ceux du Saïan, des géologues russes ont découvert des vieux-croyants qui avaient fuit le monde depuis plus de quarante ans.

Les vieux-croyants, les raskoloniki, s’opposèrent aux réformes religieuses de Nikon le patriarche de Moscou. Ils tenaient à conserver dans son intégrité l’ancienne foi, de là le nom de vieux-croyants.

Cette crise fit émerger des profondeurs populaires, une mystique libertaire. Les vieux-croyants rejetaient l’autorité du tsar. Ils abhorraient toutes les lois impériales et cléricales, les papiers d’identité, l’argent, les jeux… Ils décrétaient : « L’amitié avec le siècle est une hostilité contre Dieu. Il faut fuir et se cacher ! »

« 
Fuir et se cacher » était la devise de cet érémitisme radical qui durant plus de trois siècles avait poussé les vieux-croyants dans les régions les plus sauvages de l’empire russe. Après une longue errance, un groupe de cette secte s’installa sur l’Abakan, dans une région impénétrable du Saïan.

Durant les années 1930, une famille, les Lykov, rompit avec la communauté pour vivre en anachorète au cœur de la taïga.

Les Lykov étaient redevenus les enfants libres de la nature. Les ermites trouvaient une grande partie de leur nourriture dans la Taïga. « Sans ses fruits, écrit Vassili Peskov, l’homme ne pourrait pas y vivre longtemps dans l’isolement total. Dès avril les bouleaux donnaient leur sève. On la recueillait dans des seaux d’écorce. S’ils n’avaient pas manqué de vaisselle, les Lykov en auraient sûrement fabriqué du sirop, par réchauffement. Mais allez poser un seau d’écorce sur le feu… On plaçait le seau dans le torrent, réfrigérateur naturel où la sève se gardait longtemps.

Après la sève de bouleau, on allait cueillir l’oignon sauvage et l’ortie. De l’ortie on faisait une soupe et l’on séchait des bottes pour l’hiver, utiles à la " robustesse du corps ". L’été venu, on ramassait les champignons (que l’on mangeait cuits au four et bouillis à l’eau), la framboise, la myrtille, l’airelle rouge, le cassis. (…)

Fin août arrivait le temps des récoltes, reléguant à l’arrière-plan tous les autres soucis. On allait à la cueillette des pommes de cèdre dont les graines faisaient office de " pommes de terre de la taïga ". Les cônes de cèdre les plus bas étaient décrochés à l’aide d’une longue perche de sapin. Mais il fallait toujours grimper à l’arbre pour secouer les plus hauts. Tous les Lykov – les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes – grimpaient aux cèdres avec aisance. Ils jetaient les pommes dans des cuves creusées, puis les décortiquaient sur des râpes en bois. Ensuite les graines séchaient à l’air. Une fois propres et sélectionnées, elles se conservaient dans les récipients d’écorce, à l’intérieur de l’isba et des garde-manger, protégées contre l’humidité, les ours et les rongeurs. » (Vasili Peskov, Ermites dans la Taïga, Babel, 1995)


Livre : Ermites dans la Taïga. PDF gratuit ICI.


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