mercredi, octobre 31, 2012

Gouverner c'est paraître





Le pouvoir appartient aux « plus apparents ».

De tout temps les « plus apparents » ont occupé le devant de la scène politique, économique, mais aussi littéraire ou religieuse. Seuls les moyens pour devenir les « plus apparents » ont changé. La télévision notamment a bouleversé les règles du jeu traditionnel.

L'homme politique ne devient pas le « plus apparent» parce qu'il a accumulé des mandats électifs, il est élu parce que sa capacité à communiquer lui a permis d'être le « plus apparent ».

Dans le domaine politique, les sociétés fonctionnent depuis toujours sur le principe de l'autorité et de l'obéissance. Autorité des gouvernants, obéissance des gouvernés. Le mystère de l'obéissance si chère à Rousseau passe par la confiance accordée aux gouvernants, aux « plus apparents ».


De multiples théories ont tenté d'expliquer les raisons de ce transfert de confiance et de cette acceptation de l'obéissance. Les constituants ont tenté de rationaliser le processus, en décrivant soigneusement dans quelles conditions devrait s'exercer la relation autorité-obéissance. Il n'en demeure pas moins que la part d'irrationnel est encore très grande. Freud a tenté de décrire les éléments qui permettent à l'homme charismatique d'exercer son pouvoir. Dans nos sociétés dominées par l'audiovisuel l'homo cathodicus émerge d'une foule d'hommes sans qualités. La télévision lui a permis de mettre en valeur ses qualités les plus apparentes. La télévision lui permet d'exercer le pouvoir. Ce sont ces évolutions que nous souhaiterions retracer dans ce livre.

Dans notre société, des bouleversements importants s'opèrent dont il est difficile d'évaluer les conséquences sur la vie quotidienne de nos enfants et de nos petits-enfants. Après une période où les prophètes de la communication ont annoncé à la fois des révolutions bénéfiques et des désastres irréversibles, tout le monde s'est mis à la communication sans se poser de questions. Aujourd'hui, « communiquer » est devenu probablement un des mots les plus fréquemment utilisés de la langue française. Mais que signifie « communiquer » ? La multiplication de l'usage de ce terme en a dilué le sens et augmenté la polysémie. Quel rapport entre la communication de deux amoureux, des hommes politiques, du gouvernement et la communication paradoxale au sein de la famille ?

Deux sens peuvent être donnés à « communiquer » le plus traditionnel consiste dans l'échange d'un message entre un émetteur et un récepteur. C'est parfois la vision caricaturale de l'information. Cette dernière passe de l'émetteur au récepteur sans retour. C'est dans cette acception que l'on dit que le cuivre communique la chaleur. Ce sens demeure toujours mais a correspondu surtout à la période de la deuxième guerre mondiale et de l'après-guerre. C'est un sens souvent lié à la notion de propagande.

Dans la communication il y a aussi retour du récepteur à l'émetteur. D'où le deuxième sens : communiquer, c'est mettre en commun.

En communiquant je peux rechercher trois effets transmettre de l'information, modifier l'opinion, changer le comportement de mon interlocuteur. Ces trois effets sont soit distincts soit complémentaires. Cela posé, il est indispensable de savoir ce que je veux.

Transmettre de l'information consiste à donner des connaissances par exemple sur une institution : le Conseil régional est élu à la représentation proportionnelle. C'est le passage obligé et premier de la communication.

Modifier l'opinion permet soit de renforcer une opinion existante, soit de l'infirmer. En reprenant l'exemple précédent je peux affirmer que le Conseil régional est utile à la construction des lycées dans la région.

Changer le comportement de mon interlocuteur, en l'occurrence l'électeur, est plus délicat. Il doit comprendre :

1. qu'il existe un Conseil régional ;

2. que ce Conseil régional est utile pour l'éducation de ses enfants ;

3. qu'il n'a pas voté aux dernières élections, mais que cette fois il doit se rendre aux urnes.

Ce cheminement montre clairement qu'il est inutile de demander à un électeur d'aller voter au Conseil régional s'il ignore son existence, et qu'une fois cette dernière prouvée il doit comprendre son utilité.

Avec le changement de comportement on atteint le point crucial de la communication. Modifier le comportement, c'est agir sur l'axe autorité-obéissance. Communiquer participe du pouvoir. Et l'on saisit immédiatement l'importance de la communication pour le pouvoir politique. Dans l'expression la plus simple le pouvoir politique est un rapport autorité-obéissance entre gouvernants et gouvernés. Mais le citoyen obéit s'il reconnaît la légitimité de celui qui commande. Toute l'évolution de ces rapports s'est faite pour que celui qui obéit sache pour quelle raison il le fait.

Quel moyen plus idéal que la communication pour ce faire ? Dès lors on comprend pour quelles raisons la communication est devenue un tel enjeu pour ceux qui veulent exercer leur autorité. En effet le gouvernement doit être attentif aux attentes des citoyens comme il doit expliquer les raisons de sa décision.

La justification du rapport autorité-obéissance passe par la légitimation du pouvoir grâce aux élections et au système représentatif qui en découle. Cette procédure de légitimation est constitutionnalisée, les acteurs en connaissent les règles du jeu.

La légitimation du pouvoir aujourd'hui - autorité-obéissance - passe aussi par la capacité des gouvernements à communiquer. Ce processus de légitimation échappe le plus souvent aux règles écrites et soumet les gouvernements et les gouvernés à des rapports de force dont ni les uns ni les autres ne maîtrisent parfaitement le fonctionnement. [...]

Pour Rousseau, le régime représentatif est incompatible avec la souveraineté populaire. En effet, si la souveraineté réside dans le peuple, c'est-à-dire l'ensemble des citoyens, ces derniers l'exercent eux-mêmes sans recours aux représentants. La volonté générale ne saurait être ni aliénée ni représentée. Il n'y a donc pas d'élection. Mais Rousseau, qui n'en est pas à un paradoxe près, va apporter des correctifs à cette vision idéaliste. Constatant que l'expression directe de la volonté générale est impossible dès que la collectivité est de quelque dimension, il admet l'élection mais avec deux précisions.

D'abord, le député n'agit que sur les instructions impératives de ses électeurs, ensuite la loi votée par le Parlement n'est parfaite qu'une fois ratifiée par le peuple. Telle est, résumée en peu de mots, la pensée rousseauiste sur le sujet.

Jean-Marie Cotteret, Gouverner c'est paraître


Aujourd'hui, grâce au numérique, la volonté générale (d'une collectivité considérable) peut s'exercer directement sans parasites politiques :

Tous cyberparlementaires...





Jean-Marie Cotteret


Pour réussir en politique, faut-il faire partie de ceux qui sont les plus apparents ? L'élection n'est plus la seule source de la légitimité des hommes politiques au pouvoir. Ceux qui possèdent l'aptitude à communiquer, la maîtrise des moyens audiovisuels, bénéficient d'une autorité sans égale : Le pouvoir appartient aux plus apparents. Mais les règles du jeu cathodique échappent à toute norme. Ce livre permet de mieux comprendre pourquoi les discours politiques se vident de leur sens, pourquoi les hommes politiques se battent pour être en tête des sondages, pourquoi le pouvoir politique cherche à s'imposer à la télévision. Il plaide pour une remise en cause de la vie politique et propose des solutions concrètes comme une modification des fonctions du Parlement. 

Jean-Marie Cotteret, agrégé des Facultés de Droit, professeur émérite au Département de Science politique de la Sorbonne (Paris I), est ancien membre du Conseil supérieur de l'Audiovisuel.

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