L'extrême
religiosité des Indiens d'Amérique — de la frontière canadienne
au Guatemala — les a conduits à sacraliser les plantes et, parmi
celles-ci, à déifier un cactus : le peyotl.
Par les
étranges manifestations visuelles, les successions d'images
fantastiques qui semblent « libérer » l'esprit de l'homme et le
conduire dans un monde que l'on pourrait confondre avec le ciel, le
peyotl s'identifia rapidement, pour les Indiens, à une entité
divine et bientôt s'associa au rite solaire. Rien d'étonnant quand
on connaît les étroites relations qui existent, malgré les
distances, entre les Indiens d'Amérique du Nord et ceux d'Amérique
centrale et leurs théogonies communes. Aux croyances qu'ils
partagent — comme les Tarahumaras, habitants des hautes terres
mexicaines, et, entre autres tribus, les Hopis. les Algonquins, les
Apaches, les Sioux, etc., d'Amérique du Nord —, s'ajoute chez eux,
confusément sans doute, cette perception d'une très lointaine
origine ethnique commune à eux tous :
« Des
quatre tribus mexicaines, écrit A. Rouhier, Huichols, Coras,
Tepehuanes et Tarahumaras — parlant la langue nahuatl ou
aztèque, ayant conservé du peyotl un souvenir vivace et célébrant
pour lui d'importantes cérémonies religieuses —, les trois
premières semblent avoir une commune origine. Elles paraissent avoir
été du nombre de celles qui, après avoir émigré d'une contrée
lointaine et fabuleuse, errèrent longtemps à travers les arides
steppes des tierras frias et vinrent, sous la conduite d'un
grand chef qui leur donna des lois, former l'immense et florissant
empire du Nayarit. »
Chez les
anciens Mexicains, selon le Père Barnadino de Sahagun, au XVe
siècle, les Chichimèques faisaient une importante consommation du
peyotl. En revanche, le Dr Cardenas, à la même époque, déclarait
que ce cactus privait de tout jugement le misérable qui en faisait
usage, et lui faisait connaître des démons, des fantômes, « toutes
choses qui étaient les marques de la ruse de Satan ». Mais le
peyotl était et est encore utilisé comme agent préservatif et
curatif de toutes les maladies. Infusé, il devient aussi une liqueur
reconstituante. Céleste ou démoniaque, curatif ou délirant, on
comprend que le peyotl soit entouré depuis toujours d'une aura de
scandale et de mystère.
Michel
Hérubel
*******
BONUS
"En Bolivie orientale, les chamans du Tanaca utilisent l'ayahuasca (yagé) pour atteindre la transe, et le tabac comme arme magique contre les mauvais esprits. Dans le nord du Pérou, le tabac liquéfié est encore un ingrédient essentiel de la médecine populaire, conjointement avec le cactus hallucinogène San Pedro. Même dans une société aussi totalement adonnée à une seule plante psychédélique comme l'est celle des Huicholes avec le peyotl, le tabac joue un rôle crucial, non seulement dans la guérison chamanique, mais encore dans les rites peyotiques. Dans les Codex, on reconnait les prêtres aztèques à ce qu'ils ont avec eux un petit sac à tabac. Aujourd'hui encore, la blague à tabac est l'insigne du chercheur de peyotl, et elle est traitée avec le plus grand respect durant toute la pérégrination."