jeudi, mars 29, 2012

Les révolutionnaires du numérique






Révolution numérique & fin de l'oligarchie

Dans leur livre, « Les vrais révolutionnaires du numérique », Michel Berry et Christophe Deshayes proposent un voyage palpitant dans la société de demain. Toutefois, ils omettent de dire que le numérique permet de débarrasser la France, l'Europe et le monde des parasites du peuple, oligarques, politiciens professionnels, députés, sénateurs, conseillers, ploutocrates et tous les autres scélérats qui trahissent la démocratie pour satisfaire leurs intérêts personnels ?

Nous disposons des moyens techniques pour instituer la démocratie directe. Chaque citoyen pourrait s'exprimer sans intermédiaire dans une vaste assemblée numérique. Cette grande assemblée du peuple gouvernerait en étant la source de tous les pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire, comme dans la Grèce antique où tous les citoyens participaient dans l'Assemblée au gouvernement de l’État.

Les vrais révolutionnaires du numérique

On nous prédit depuis des décennies la révolution numérique, et nous y sommes. Se déroule sous nos yeux, sans que nous en ayons toujours une claire conscience, une transformation radicale qui touche tous les secteurs de la société : l'entreprise, l'école, l'hôpital, la ville, les loisirs, etc. On ne sait pas encore si cette révolution créera le monde nouveau et harmonieux que des prophètes nous ont fait miroiter, mais une certitude plutôt inattendue émerge de l'observation : nous y allons gaiement et dans une relative douceur.

Or, jusqu'ici dans l'histoire humaine, le terme de révolution évoquait la violence, le courage et la souffrance. Les barricades y étaient indispensables, tout comme les Gavroche et les têtes coupées. La révolution a une dimension tragique. Ici, point de Gavroche ni de barricades, ni même d'affrontements violents entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Les acteurs de cette révolution sont innombrables, s'impliquent souvent dans la joie et sont animés par la curiosité insatiable dont sont capables les hommes quand on leur en donne l'occasion. Les révolutionnaires ne sont pas les jeunes patrons de start-up tantôt portés aux nues tantôt décriés, mais une masse silencieuse et joyeuse d'hommes et de femmes ordinaires dont les passions, les motivations, les énergies convergent et s'agrègent, ne serait-ce qu'un court instant.

Que l'on pense à l'incroyable passion qui anime les bâtisseurs de Wikipédia. Certains se font même une spécialité de corriger les fautes d'orthographe, gratuitement, en se contentant de l'estime de quelques-uns, aux quatre coins de la planète, qui savent le travail formidable qu'ils accomplissent. Que l'on pense aussi aux débats passionnés qui se développent autour de n'importe quel sujet sur le web, accident, procès, événement politique, et qui mobilisent des points de vue variés, dont ceux d'experts affûtés qui disqualifient rapidement les propos officiels développés dans une langue de bois traditionnelle.

Des jeunes qu'on disait perdus pour l'école développent une technicité ou une inventivité inouïes pour nourrir leur passion : écouter de la musique, visionner des films, faire connaître leurs talents de créateurs ou d'artistes. Évidemment, quand cette ingéniosité tourne au piratage, cela menace des équilibres anciens et l'on comprend que les maisons de disques ou de films s'émeuvent. Mais on voit également apparaître des activités totalement nouvelles, comme les multiples conseils pour la vie quotidienne proposés par des sites tels que Videojug, qui n'enlèvent le pain de la bouche à aucun acteur ancien. Et puis, surtout, la dimension ludique de ces nouveaux outils, qui stimule la curiosité chez un nombre croissant de personnes, jeunes ou moins jeunes, leur redonne le goût de la connaissance ; or on sait que plus un esprit est stimulé, plus il a de l'appétence pour apprendre. On verra, par exemple, dans ce livre, que l'iPod peut redonner aux jeunes le goût de l'école, voire celui de la dictée.

À l'idée de révolution est aussi associée celle de grand soir : un jour, tout doit basculer pour que s'ouvre à nous un monde meilleur. Ce qui permet cette bascule, c'est une utopie, une nouvelle théorie du monde, peaufinée par des intellectuels et brandie par des meneurs politiques qui, une fois au pouvoir, peuvent organiser rapidement la société selon un nouveau cadre. La Révolution française préparée par les Lumières, la révolution russe engendrée par le marxisme, etc. Or ce qui est frappant ici, c'est que les acteurs de la révolution numérique ne sont pas guidés par l'idée d'un grand soir, au contraire : ils se défient des idéologies et ont souvent perdu confiance dans la politique. Plus encore, ils sont souvent rebelles à l'idée de contracter des engagements durables. Ce qui est frappant ici, c'est que chacun peut s'engager de manière réversible : je contribue à une définition de Wikipédia, mais je n'irai pas forcément plus loin ; je participe à un réseau, mais j'arrête quand je veux. Et d'engagement réversible en engagement réversible, on en vient à persévérer. Il se pourrait alors qu'on s'implique plus volontiers, plus joyeusement, parce qu'on se sent plus libre.

Il faut dire toutefois que cette transformation numérique excite aussi l'esprit rebelle qui est une des choses les plus largement partagées, et qui avait du mal à s'exprimer dans notre monde très organisé. Certains engagent des croisades, comme les fondateurs d'Apple qui voulaient créer de petits ordinateurs pour lutter contre la domination des grandes entreprises, ou les communautés open source pour faire pièce à l'hégémonie de Microsoft. Les nouveaux moyens de communication servent aussi à des manifestants anti-G8 pour tournebouler les forces de l'ordre. Ils peuvent servir à inventer des formes d'organisation non structurées particulièrement efficaces dans l'exercice du contre-pouvoir, comme nous le verrons avec le Réseau éducation sans frontières (RESF). On a aussi vu récemment que les nouveaux moyens de communication comme Twitter sont incontrôlables même par les régimes les plus autoritaires, et qu'ils permettent d'organiser une résistance et d'en informer le monde. On voit bien, à observer ces phénomènes, qu'on est plutôt dans le registre de la comédie, des tours qu'on aime volontiers jouer aux pouvoirs établis, que de la tragédie.

Voici donc une transformation sociale (la vraie dimension de cette révolution numérique) animée par la curiosité, la passion, un zeste d'esprit frondeur et dans laquelle chacun peut être alternativement moteur ou en situation de retrait. Comment l'empêcher d'avancer ? Comment même contrôler son cours ? Pour contenir une révolution classique, on peut essayer de repérer ses meneurs et ses penseurs. Mais ici, où sont les meneurs, qui sont les penseurs ? Et pourquoi arrêter ce mouvement qui s'appuie sur les outils dont nous sommes les plus fiers et qui incarnent le progrès ? Et même comment décrire, comment nommer cette révolution ? De quoi s'agit-il au juste ?

Michel Berry et Christophe Deshayes



Les vrais révolutionnaires du numérique





Dessin de Bavony, Rue89.


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