vendredi, octobre 14, 2011

Aghoris, cannibales & coprophages





Les sadhus Aghoris sont le plus souvent nomades et ne restent pas plus de six mois dans le même lieu de crémation. Ils tiennent dans la main gauche leur crâne humain comme le bol du mendiant, et dans la main droite une clochette qu'ils agitent lorsqu'ils chantent « Om Shambhu Bhairo » (Shambhu et Bhairo sont deux des deux mille noms de Shiva). Le sadhu aghori consomme même des corps décomposés, et lorsqu'il mange des matières fécales et boit de l'urine, il mélange souvent les excréments à de l'eau qu'il filtre a l'aide d'un tissu, pour ensuite la boire ; il croit qu'une telle libération des asservissements humains l'aidera à atteindre la grandeur spirituelle. [...]

Diplômé et fils de journaliste, Ram Nath est devenu sadhu aghori après avoir rempli de nombreux emplois. Titulaire d'une licence en sciences économiques, il a débuté sa vie d'adulte comme enseignant dans une école religieuse (où les salaires ne sont jamais payés en temps voulu) dans le Bihar, son État d'origine ; puis il a travaillé comme employé de bureau dans une sucrerie, comme coursier dans un commissariat de police et plus tard dans un tribunal. Las de cette situation professionnelle instable, il a émigré au Jammu où il a trouvé, avec l'aide d'un ami, un emploi de représentant de commerce. Ce travail l'a souvent conduit dans la pittoresque vallée du Cachemire et au Ladakh, berceau des bouddhistes de l'lnde et du culte tantrique, mais comme le climat politique du Cachemire se détériorait, il a ensuite décidé de partir a Ludhiana, la capitale industrielle du Punjab. ll y était employé à des tâches serviles dans un dhaba, une gargote de passage, ou il était payé pour toute sa journée de travail sous forme de trois repas copieux ; mais il pouvait s'acheter sa ration d'herbe (hachisch) grâce aux pourboires de la clientèle. De Ludhiana, il s'est rendu à Haridwar, siège de nombreuses sous-sectes religieuses, et un des hauts lieux de pèlerinage pour les hindous. C'est dans le temple Chandi (dédié à la déesse Chandika), situé sur une petite colline, à l'opposé du Gange, qu'il a rencontré l'homme qui, il l'a su au premier coup d’œil, allait devenir son guru, et qui l'a initié en août 1984 à l'ascétisme éprouvant de l'Aghori

Ram Nath admet que les austérités et sacrifices (tapasya) de l'ascète aghori sont très éprouvants, mais que c'est grâce à cette discipline sévère et grâce aussi à la bénédiction de Dieu qu'il arrive à maîtriser toutes ses facultés sensorielles. Il nous a expliqué que depuis sa longue période de méditation de quatre-vingt-seize jours qui a pris fin le 13 février 1991, il ressentait une grande paix intérieure (shanti), et qu'il avait l'impression d'avoir reçu un grand amour spirituel. Depuis six ans qu'il se soumet à la discipline aghori, il sent de plus en plus qu'une force éclaire son esprit. Il est toujours en quête de l'Absolu, mais son caractère semble avoir beaucoup changé : « J'étais grossier et me mettais facilement en colère. Maintenant je suis calme et posé. » Amusé, il a ajouté : « Je suis devenu un sâdhu gentleman. » Il nous a révélé ce jour-là, en présence de son guru, quelques phénomènes bizarres auxquels il avait été confronté sous l'effet d'une profonde agitation intérieure. Une fois, il lui est arrivé de ne trouver le calme qu'après avoir uriné dans son crâne-bol et en avoir bu le contenu. Un autre jour, alors qu'il était dans un état dépressif, pris par un accès de folie et tenaillé par la faim, il a arraché le pied grillé d'un corps humain qui brûlait sur un bûcher funéraire, et en a mordu trois bouchées avant de retrouver la raison. Une autre fois encore, il s'est révélé encore plus diabolique : il a arraché d'un corps humain une cuisse à demi-cuite dont il a mangé quelques morceaux et dont il a caché les restes dans sa hutte.

Ramesh Bedi




Photo Rajesh Bedi, le sadhu Ram Nath.


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