lundi, septembre 05, 2011

L'Atlantide




C’est dans le Critias, deuxième partie d’une œuvre composée au alentours de 355 av. J. C. par Platon, qu’il est fait pour la première fois référence à l’Atlantide, une cité fabuleuse qui aurait été engloutie par la mer 9 000 ans auparavant.

Ce mythe a, chez Platon, une dimension avant tout politique. A l'époque où il écrit ce texte, Athènes s’ouvre sur la mer et le commerce. Or le philosophe est un farouche défenseur d'une société terrestre, défensive et sans extension vers l’extérieur. En racontant la chute d’un empire maritime et conquérant, Platon prend parti.

Mais au-delà de la dimension idéologique, Critias constitue bien le premier roman historique : il décrit une affabulation dont le fondement est peut-être réel.

Quelle civilisation a pu inspirer Platon ?

Les historiens, archéologues et philosophes qui se sont penchés sur le problème ont proposé, pour situer l’Atlantide, plusieurs lieux hypothétiques. Ainsi, la civilisation atlante, dont parle Platon, serait en fait inspirée par la civilisation minoenne, originaire de Crète. En effet, à l’est d’Athènes, une île volcanique appelée Santorin, dans l'archipel des Cyclades, fut dévastée par une éruption gigantesque au XVe siècle av. J.C. La population prit alors la fuite vers la Crète dès les premiers soubresauts du volcan, mais les raz-de-marée qui suivirent mirent toute la flotte crétoise en déroute et provoquèrent la disparition de cette civilisation. La comparaison avec l’Atlantide est bien tentante, surtout depuis la découverte en 1970 des vestiges d’Akrotirir, une cité minoenne située sur le versant nord de l’ancien cratère. 

Mais deux objections essentielles viennent contredire cette hypothèse : selon Platon, la disparition de l’Atlantide se serait produite 7 500 ans avant la catastrophe de Santorin, De plus, elle se situait « au-delà des colonnes d’Hercule » (le détroit de Gibraltar), bien plus à l’ouest d’Athènes. Son nom est tiré de l’Atlas, la chaîne de montagnes du nord-ouest de l’Afrique, dans une région où la mythologie situe également le jardin des Hespérides, le domaine des morts.

Des recherches ont donc été menées aux Açores et tout le long de la dorsale médio-atlantique. En vain. Car le socle continental qui existe dans cette partie du globe n’a subi aucune modification au cours du dernier million d’années.

En 1982, une nouvelle piste a été ouverte plus au sud, en Tunisie. Les traces d’un astéroïde, dont la chute est datée précisément du 5 juin 8489 av. J.C., ont été mises au jour. Cette découverte s'accompagnerait, selon Barbara Pischel, un chercheur allemand, des vestiges d'une civilisation exceptionnelle, subitement disparue. Est-ce l'histoire de ce peuple, les Ifes, dont l'influence se serait fait sentir en Afrique de l’Ouest et jusqu’aux îles Canaries, que Platon raconte dans le Critias ? Personne ne peut l’affirmer.

Plus qu'un rappel historique, l'annonce d'une catastrophe

La clé de l'énigme réside peut-être dans l'aspect prophétique du texte de Platon. Il ne faut pas oublier qu’à l'époque du philosophe, beaucoup d’Athéniens étaient persuadés qu’une catastrophe, comme celle qui a provoqué la disparition du peuple atlante, suivait un cycle de 10 000 ans. Les dates coïncident.

L’Atlantide et Athènes seraient alors les deux faces d’une même pièce de monnaie.

Luc Brisson, philosophe, traducteur de Platon et directeur de recherche au CNRS, Villejuif.


L’Atlantide retrouvée ? 
Enquête scientifique autour d’un mythe 

" Mais c'est l'Atlantide ! ", s'exclame un brin provocateur Jacques Collina-Girard à la vue d'un relief sous-marin sur une carte marine du détroit de Gibraltar. Ainsi débute une enquête extraordinaire qui l'amènera à retracer l'histoire d'un monde disparu. Celle d'un archipel ayant sombré il y a 12000 ans sous la montée des eaux provoquée par la fonte des glaces. Un séisme et un tsunami d'une ampleur exceptionnelle auraient parachevé sa submersion. Simple coïncidence ? Le récit de Platon sur l'Atlantide, pourtant réputé imaginaire, situe le scénario de cette disparition au même endroit et à la même date, constate l'auteur. Tradition orale venue d'Égypte, couchée par écrit pour la première fois par le philosophe grec, le mythe de l'île brutalement engloutie par l'océan recèlerait-il un fond de vérité ? Est-il alors possible que la mémoire d'événements catastrophiques survenus 12 000 ans avant nous ait pu se transmettre pendant des millénaires ? Un récit passionnant entre archéologie, géologie et ethnologie„ qui raconte comment, au-delà de la mythique Atlantide, la région méditerranéenne a subi les effets du dernier réchauffement climatique.


S’il est possible de démystifier, peut-on démythifier ? C’est à cet exercice très difficile que s’est prêté Jacques Collina-Girard et il nous livre en un ouvrage très intéressant le fruit de ses investigations et de ses réflexions de plusieurs années. Aussi faut-il déjà le complimenter d’avoir osé aborder un sujet inhabituel pour les Quaternaristes, en alliant avec bonheur les commentaires de textes anciens, l’histoire, la philosophie, la psychologie, l’ethnologie, et en les confrontant aux dures réalités de la géologie et des paléo-environnements tardiglaciaires et holocènes.

Partant d’une intuition inspirée de sa grande expérience de terrain et de la plongée sous-marine, Jacques Collina-Girard démontre qu’un archipel situé à l’entrée occidentale du détroit de Gibraltar a été submergé vers 12 000 ans BP et qu’il s’agit bien là des faits qui ont donné naissance au mythe de l’Atlantide.

A la lumière des connaissances actuelles, le premier point n’est pas discutable : la submersion est le résultat de la conjonction d’une part de la remontée marine post-glaciaire accélérée par deux débâcles glaciaires vers 14 000 et 11 500 BP, et d’autre part d’un séisme ayant engendré un gigantesque tsunami dont les turbidites sont datées à 12050 BP (pages 79-102). La démonstration s’appuie sur la cartographie détaillée des fonds marins du détroit, empruntée essentiellement aux travaux de l’Institut espagnol d’Océanographie, en particulier du Mémoire 43 de 1983 sur le détroit de Gibraltar. Les hauts fonds situés aujourd’hui à – 55 m ont été submergés vers 11 500 BP. À propos de cette cartographie et de l’illustration en général, si l’on peut en louer la précision, il est dommage que l’auteur ait dû se résoudre à un lettrage manuscrit : les figures en conservent un caractère d’amateurisme, ou un style de bande dessinée, qui sied certes à la vulgarisation et plaira peut-être au grand public, mais qui nuit à leur crédibilité scientifique. Or ceci est d’autant plus important que l’on aborde un sujet mythique, où les arguments scientifiques doivent être absolument irréprochables face « aux délires de l’archéologie fantastique et aux parasciences…, enracinées dans le catastrophisme et la négation de l’évolutionnisme » (p. 22).

Car le second point est de prouver que cet archipel disparu est bien à l’origine du mythe de l’Atlantide. Jacques Collina-Girard s’appuie pour cela sur trois concordances principales entre les faits géologiques et le discours de Timée dans l’œuvre de Platon : la concordance géographique puisque Platon parle d’une île devant les colonnes d’Héraclès, la concordance dans les faits d’une disparition cataclysmique, la concordance chronologique, puisque Platon situe cette disparition 9000 ans avant lui. Les principaux désaccords portent sur l’importance de l’Atlantide, de la taille d’un continent selon Platon, et surtout sur sa supposée brillante civilisation maritime, en contradiction complète avec ce que l’on sait de la vie des occupants de la région du détroit vers 12000 ans BP. À cet égard, l’explosion de Santorin et le tsunami qui s’ensuivit, jugés par certains responsables de la disparition de la civilisation minoenne au nord de la Crète vers 3 500 BP, seraient plus en accord avec la parabole platonicienne, et plus proches de son temps. Le mythe ne pourrait-il pas être le résultat de la symbiose de plusieurs faits marquants ? Jacques Collina-Girard ne l’exclut probablement pas, mais reste très attaché à sa localisation de l’Atlantide. Pour lui, l’ancienneté des faits par rapport au Timée de Platon – environ 9 000 ans – n’est pas un handicap, parce que les traditions orales peuvent en effet perdurer aussi longtemps : dans un chapitre ethno-géographique et sociologique fort documenté (pages 103-125), Jacques Collina-Girard dresse un inventaire spectaculaire de cataclysmes avérés et de leur impact dans les traditions orales qui dépasse très largement le cas du détroit de Gibraltar.

Ce livre présente au total bien des mérites : celui de montrer que la science est une et qu’il ne faut pas cloisonner les savoirs à l’excès, tout en atteignant pour chaque discipline le niveau le plus élevé. À cet égard, on louera l’érudition de l’auteur, appuyée sur une bibliographie très abondante et son grand souci de pédagogie, puisque les 78 premières pages pourraient constituer une excellente « remise à niveau » sur la géologie et la préhistoire actuelles. Ceci doublé d’un style agréable et direct, qui oblige à la réflexion sans jamais devenir pédant ou ennuyeux, puisque l’auteur ne se départit jamais d’une certaine humilité.

André Weisrock, fiche de lecture.



L'auteur :

Jacques Collina-Girard, géologue et préhistorien, est maître de conférences à l'Université de Provence (Aix-Marseille 1). Spécialiste de géologie sous-marine, il a reçu la médaille de bronze du CNRS pour ses travaux sur la grotte Cosquer au large de Marseille.


Illustration :

Près de 700 lectures d'Edgar Cayce évoquent l'Atlantide. En mars 1927, il explique que "les terres qui jouxtent le sud et l'ouest des îles Bimini sont une partie de l'Atlantide qui va réapparaître en 1968-1969." En 1968,  rien n'émerge, mais on trouve quelque chose par 6 m de fond au large de Bimini.  

Un choc des cultures au cœur de l'Amérique

En 1987, le professeur de journalisme Stephen Bloom, un libéral typique, a voulu explorer ses racines juives en rejoignant la communauté Hab...